7 juillet : Méditation (07 juillet 2012)

« "Que dis-tu de toi-même ?" (Jn 1, 22). Cette question, comment le Baptiste pouvait-il y répondre ? Comment un être peut-il dire : voilà ce que je suis. De toutes les questions en effet qui puissent nous être posées, c'est de toutes la plus difficile, et aucun de nous n'est capable d'y répondre. Si l'on nous demande "Que dis-tu de toi-même ?", si nous tentons de donner à cette question une réponse, nous verrons immédiatement l'impossibilité de le faire. Nous ne savons pas qui nous sommes. Et quand nous cherchons à le définir, nous trouvons un être préfabriqué, qui peut bien entrer dans certaines catégories psychologiques, mais jamais nous ne pourrons trouver ce secret et ce mystère que nous sommes. Ce secret qu'une mère cherche dans son petit enfant : elle le regarde, il lui sourit... Qu'est-ce qu'elle cherche à travers ce sourire, sinon la révélation de ce qu'il est ?
Cette question, qui paraît simple, est donc l'une des questions les plus profondes et les plus insolubles, tout au moins quand on la pose directement et qu'on demande à un être : "Mais toi, que dis-tu de toi-même ?" Il y a cependant une manière latérale en quelque manière d'arriver à la connaissance de nous-même, et nous n'avons qu'à songer à tout ce que pouvait évoquer en nous - à tout ce que peut évoquer encore, heureusement - le jeu de Clara Haskil. Qu'est-ce qui a attaché tant d'êtres à cette incomparable musicienne, sinon justement que, chacun en l'écoutant, sentait jaillir et sourdre en lui une mélodie où le mystère de lui-même s'exprimait. Parce que le jeu de Clara était si intérieur, si silencieux, qu'il nous appelait tous et chacun dans sa musique, qu'il nous invitait tous et chacun à devenir cette musique. Et lorsqu'on devient la musique, lorsque tout l'être jaillit comme un chant, c'est qu'on s'est perdu de vue, c'est que déjà on s'est fixé dans un Autre, c'est qu'on est dans ce monde de l'émerveillement où luit le Visage adorable, toujours inconnu et toujours reconnu, qui est le Visage du Dieu vivant.
Nous saisissons ainsi dans cette expérience de la musique, nous saisissons la possibilité pour ce secret que nous sommes, de s'exprimer et de se communiquer. Nous exprimer en effet et nous communiquer, c'est nous exprimer dans un Autre et pour Lui. Aussi bien Clara à son piano comme tant d'autres artistes, comme tous les vrais artistes, lorsqu'ils sont à leur piano, ils deviennent entièrement musique pour que nous la devenions à notre tour. Ils ne s'écoutent pas, ils ne se regardent pas. Ils laissent passer à travers elle tout ce monde silencieux qui est le berceau de toutes les mélodies. »

Maurice Zundel (1897-1975), extraits d'une Homélie donnée à Lausanne en 1962.
Citation d'Elizabeth Sombart, au cours de l'entretien accordé à KTO en 2011, proposé ci-dessus.

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