Message pour la 102e Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2016 (01 octobre 2015)

17 janvier 2016
“Migrants et réfugiés nous interpellent. La réponse de l'Évangile de la miséricorde”

Près la Salle de Presse ce matin, le Cardinal Antonio Maria Veglió, Président du Conseil Pontifical pour la pastorale des migrations, accompagné de Mgr Joseph Kalathiparambil, Secrétaire de ce dicastère, a présenté le Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié. Le Cardinal a d'abord expliqué que la Journée 2016 s'inscrit dans le cadre de l'Année de la miséricorde, point de repère pour toute l'Eglise dans les prochains mois. Mais aussi que la dimension et les drames causés par l'accroissement du phénomène migratoire exige une réponse... Par conséquent la prochaine Journée devra partout être...le Jubilé de migrants et des réfugiés, une réelle opportunité pour toute la communauté chrétienne de réfléchir, prier et agir. La migration affecte particulièrement les Eglises locales, car elles sont les points de référence pour les migrants et les réfugiés. Nous rencontrer face à face peut prendre une dimension particulière... Nous ne pouvons pas rester indifférents ou silencieux face à une telle tragédie...devant les souffrances de tant de personnes, souvent pauvres, affamées, persécutées, blessés physiquement comme spirituellement, exploitées ou victimes de la guerre et à la recherche d'une vie meilleure." Dans le document choisi par le Saint-Père, il est tout d'abord question d'une crise humanitaire qui, dans le contexte des migrations, affecte non seulement l'Europe... Ceci, comme l'écrit le Saint-Père, nécessite une profondeur afin de mieux comprendre les causes qui déclenchent la migration ainsi que les conséquences qui en découlent, non seulement dans les lieux d'arrivée, mais aussi un aperçu complet pour répondre le phénomène sauvegarder la justice et la dignité humaine."

Deuxièmement, le message met en évidence la question de l'identité. "L'arrivée d'immigrants dans un nouveau contexte social exige un processus d'adaptation mutuelle... Leur inclusion dans la nouvelle société requiert aussi...un certain nombre de modifications de leur identité afin de s'adapter à leur nouveau contexte socio-culturel. L'arrivée de migrants remet sérieusement en cause les sociétés d'accueil. C'est pourquoi le processus d'insertion et l'intégration doit respecter les valeurs qui rendent l'homme plus homme en relation avec Dieu, avec les autres et avec la création. Parallèlement les migrants peuvent contribuer à la croissance de la société d'accueil. Le Saint-Père nous invite à trouver un équilibre entre les deux extrêmes, en évitant la création d'un ghetto culturel comme les dérives nationalistes extrême et la xénophobie... L'Eglise a une parole prophétique à exprimer pour sensibiliser la société d'accueil... Face à ces problèmes et à ces questions, le Pape affirme que la réponse est la miséricorde qui conduit à la solidarité avec autrui.... Il faut être prêt non seulement à donner, mais aussi à recevoir des autres, à construire la communion et l'unité... La complexité de la migration rend difficile de séparer les aspects, politiques, législatifs, humanitaires ou sécuritaires... Mais la culture de la rencontre envisage la personne du migrant dans son ensemble... Donc, sa présence ne peut devenir une simple juxtaposition de cultures différentes dans le même territoire, mais dans une réunion de villages où l'Evangile inspire et encourage les itinéraires de renouvellement et de transformation de toute l'humanité."

"Le troisième élément du message est la défense du droit de chacun à vivre dans la dignité, en restant dans le pays d'origine... Si tout le monde a le droit d'émigrer..., il est nécessaire de réaffirmer le droit à ne pas émigrer, le droit à rester dans son pays... Cela implique la nécessité d'aider les pays de départ... Les réponses à la guerre non seulement contre la limite de trafiquants ou de restriction des règles d'immigration, mais de mettre à la disposition des pauvres, personnes comme pays, les moyens de satisfaire leurs besoins et de se développer grâce à une répartition équitable des ressources la planète... Enfin, le Saint-Père rappelle la responsabilité des médias et l'importance de démasquer les idées préconçues sur la migration".

Source : Vatican Information Service (Publié VIS Archive 01 - 1.10.15).

Texte intégral du Message en français ci-dessous.

Chers frères et sœurs !

Dans la bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, j’ai rappelé qu’« il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père » (Misericordiae Vultus, n. 3). L’amour de Dieu, en effet, entend atteindre tous et chacun, en transformant ceux qui accueillent l’étreinte du Père en autant de bras qui s’ouvrent et qui étreignent afin que quiconque sache qu’il est aimé comme fils et se sente « chez lui » dans l’unique famille humaine. De la sorte, l’attention paternelle de Dieu est bienveillante envers tous, comme celle du pasteur avec ses brebis, mais elle est particulièrement sensible aux besoins de la brebis blessée, fatiguée ou malade. Jésus-Christ nous a parlé ainsi du Père, pour nous dire qu’il se penche sur l’homme blessé par la misère physique ou morale et, plus ses conditions s’aggravent, plus se révèle l’efficacité de la miséricorde divine.

À notre époque, les flux migratoires sont en constante augmentation en tout lieu de la planète : les réfugiés et les personnes qui fuient leur patrie interpellent les individus et les collectivités, défiant leur mode de vie traditionnel et bouleversant parfois l’horizon culturel et social auquel ils sont confrontés. Toujours plus souvent, les victimes de la violence et de la pauvreté, abandonnant leurs terres d’origine, subissent l’outrage des trafiquants de personnes humaines au cours du voyage vers leur rêve d’un avenir meilleur. Si elles survivent aux abus et aux adversités, elles doivent ensuite se heurter à des réalités où se nichent suspicions et peurs. Très souvent, enfin, elles doivent faire face à l’absence de normes claires et pratiques pour réglementer leur accueil et pour prévoir des itinéraires d’intégration à court et à long terme, avec une attention aux droits et aux devoirs de tous. Plus que par le passé, l’Évangile de la miséricorde secoue aujourd’hui les consciences, empêche que l’on s’habitue à la souffrance de l’autre et indique des chemins de réponse qui s’enracinent dans les vertus théologales de la foi, de l’espérance et de la charité, en se déclinant en œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle.

À partir de ces constatations, j’ai voulu que la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de 2016 soit consacrée au thème suivant : « Les migrants et les réfugiés nous interpellent. La réponse de l’Évangile de la miséricorde ». Les flux migratoires sont désormais une réalité structurelle et la première question qui s’impose concerne la façon de dépasser la phase d’urgence pour faire place à des programmes qui tiennent compte des causes des migrations, des changements qui se produisent et des conséquences qu’impriment de nouveaux visages aux sociétés et aux peuples. Chaque jour, cependant, les histoires dramatiques de millions d’hommes et de femmes interpellent la Communauté internationale face à l’apparition d’inacceptables crises humanitaires dans de nombreuses régions du monde. L’indifférence et le silence ouvrent la voie à la complicité quand nous assistons en spectateurs aux morts par étouffement, par privations, par violences et par naufrages. De grandes ou de petites dimensions, il s’agit toujours de tragédies quand bien même une seule vie humaine est perdue.

Les migrants sont nos frères et sœurs qui cherchent une vie meilleure loin de la pauvreté, de la faim, de l’exploitation et de la répartition injuste des ressources de la planète qui devraient être divisées équitablement entre tous. N’est-ce pas le désir de chacun d’améliorer ses conditions de vie et d’obtenir un bien-être honnête et légitime, à partager avec les êtres qui lui sont chers ?

En ce moment de l’histoire de l’humanité, fortement caractérisé par les migrations, la question de l’identité n’est pas une question d’une importance secondaire. Celui qui migre, en effet, est contraint de modifier certains aspects qui définissent sa personne et, même s’il ne le veut pas, force celui qui l’accueille à changer. Comment vivre ces mutations, afin qu’elles ne deviennent pas un obstacle au développement authentique, mais soient une opportunité pour une authentique croissance humaine, sociale et spirituelle, en respectant et en favorisant les valeurs qui rendent l’homme toujours plus homme, dans un juste rapport avec Dieu, avec les autres et avec la création ?

De fait, la présence des migrants et des réfugiés interpelle sérieusement les diverses sociétés qui les accueillent. Elles doivent faire face à des faits nouveaux qui peuvent se révéler délétères s’ils ne sont pas correctement motivés, gérés et régulés. Comment faire pour que l’intégration se transforme en un enrichissement réciproque, ouvre des parcours positifs aux communautés et prévienne le risque de la discrimination, du racisme, du nationalisme extrême ou de la xénophobie ?

La révélation biblique encourage l’accueil de l’étranger, en le motivant par la certitude qu’en agissant ainsi on ouvre les portes à Dieu lui-même et que sur le visage de l’autre se manifestent les traits de Jésus-Christ. De nombreuses institutions, associations, mouvements, groupes engagés, organismes diocésains, nationaux et internationaux font l’expérience de l’émerveillement et de la joie de la fête de la rencontre, de l’échange et de la solidarité. Ils ont reconnu la voix de Jésus-Christ : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3, 20). Pourtant, les débats sur les conditions et sur les limites à poser à l’accueil ne cessent de se multiplier, non seulement au niveau des politiques des Etats, mais aussi au sein de certaines communautés paroissiales qui voient leur tranquillité traditionnelle menacée.

Face à ces questions, comment l’Église peut-elle agir, sinon en s’inspirant de l’exemple et des paroles de Jésus-Christ ? La réponse de l’Évangile est la miséricorde.

En premier lieu, celle-ci est un don de Dieu le Père révélé dans le Fils : la miséricorde reçue de Dieu suscite, en effet, des sentiments de joyeuse gratitude pour l’espérance que nous a offerte le mystère de la rédemption dans le sang du Christ. Par ailleurs, elle alimente et renforce la solidarité envers le prochain, comme exigence pour répondre à l’amour gratuit de  Dieu, « qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint » (Rm 5, 5). Du reste, chacun de nous est responsable de son voisin : nous somme les gardiens de nos frères et sœurs, où qu’ils vivent. Entretenir de bons contacts personnels et savoir surmonter les préjugés et les peurs sont des ingrédients essentiels pour faire fructifier la culture de la rencontre, où l’on est disposé non seulement à donner, mais aussi à recevoir des autres. En effet, l’hospitalité vit à la fois de ce qui est donné et reçu.

Dans cette perspective, il est important de considérer les migrants non seulement en fonction de la régularité ou de l’irrégularité de leur condition, mais surtout comme des personnes qui, une fois leur dignité assurée, peuvent contribuer au bien-être et au progrès de tous, en particulier lorsqu’ils assument la responsabilité de leurs devoirs envers ceux qui les accueillent, en respectant de façon reconnaissante le patrimoine matériel et spirituel du pays hôte, en obéissant à ses lois et en contribuant à ses charges. En tout cas, on ne peut pas réduire les migrations à une dimension politique et normative, à des effets économiques, ni à une simple coexistence de cultures différentes sur un même territoire. Ces aspects viennent compléter la défense et la promotion de la personne humaine, la culture de la rencontre des peuples et de l’unité, là où l’Évangile de la miséricorde inspire et encourage des itinéraires qui renouvellent et transforment l’humanité tout entière.

L’Église est aux côtés de tous ceux qui s’emploient à défendre le droit de chacun à vivre avec dignité, avant tout en exerçant leur droit à ne pas émigrer pour contribuer au développement du pays d’origine. Ce processus devrait inclure, à un premier niveau, la nécessité d’aider les pays d’où partent migrants et réfugiés. Cela confirme que la solidarité, la coopération, l’interdépendance internationale et la répartition équitable des biens de la terre sont des éléments fondamentaux pour œuvrer en profondeur et de manière incisive dans les zones de départ des flux migratoires, afin que cessent ces déséquilibres qui poussent des personnes, individuellement ou collectivement, à quitter leur milieu naturel et culturel. En tout cas, il est nécessaire de conjurer, si possible dès le début, les fuites de réfugiés et les exodes dictés par la pauvreté, par la violence et par les persécutions.

Il est indispensable que l’opinion publique soit informée de tout cela et correctement, notamment pour prévenir des peurs injustifiées et des spéculations sur la peau des migrants.

Personne ne peut faire semblant de ne pas se sentir interpellé par les nouvelles formes d’esclavage gérées par des organisations criminelles, qui vendent et achètent des hommes, des femmes et des enfants, comme travailleurs forcés à travailler dans différents secteurs  du marché, comme le bâtiment, l’agriculture, la pêche ou d’autres. Combien de mineurs sont contraints, aujourd’hui encore, de s’enrôler dans les milices qui les transforment en enfants soldats ! Combien de personnes sont victimes du trafic d’organes, de la mendicité forcée et de l’exploitation sexuelle ! Les réfugiés de notre époque fuient ces crimes aberrants ; ils interpellent l’Église et la communauté humaine afin qu’eux aussi, dans la main tendue qui les accueille, puissent apercevoir le visage du Seigneur, « le Père miséricordieux, le Dieu de qui vient tout réconfort » (2 Co 1, 3).

Chers frères et sœurs migrants et réfugiés ! À la racine de l’Évangile de la miséricorde, la rencontre et l’accueil de l’autre se relient à la rencontre et à l’accueil de Dieu : accueillir l’autre, c’est accueillir Dieu en personne ! Ne vous laissez pas voler l’espérance et la joie de vivre qui jaillissent de l’expérience de la miséricorde de Dieu, qui se manifeste dans les personnes que vous rencontrez au long de vos chemins ! Je vous confie à la Vierge Marie, Mère des migrants et des réfugiés, et à saint Joseph, qui ont vécu l’amertume de l’émigration en Égypte. Je confie aussi à leur intercession ceux qui consacrent leurs énergies, leur temps et leurs ressources à la pastorale et à l’aide sociale des migrations. À tous et de tout cœur, j’accorde la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 12 septembre 2015, mémoire du Saint Nom de Marie.

Source : site internet du Vatican.

 

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