Méditation - Saint Etienne, protomartyr (26 décembre 2016)

« Saint Étienne est le premier qui ait souffert la mort pour Jésus-Christ ; c'est-à-dire qu'il a été le premier témoin de la divinité de Jésus-Christ ; le premier confesseur de son nom, le premier martyr de son Évangile, le premier combattant des armées de Dieu, en un mot, le premier héros du christianisme et de la loi de grâce. Ainsi l’Église le reconnaît-elle dans la solennité de ce jour. Et afin que vous ne pensiez pas que cette primauté soit un vain titre qui n'ajoute rien au mérite du sujet, souvenez-vous de ce qui arriva en figure au peuple juif, lorsque, poursuivi par Pharaon, il se trouva réduit à la nécessité inévitable de traverser la mer Rouge, pour se délivrer de l'oppression et de la servitude des Égyptiens. C'est saint Chrysostome qui fait cette remarque. Moïse, par une vertu divine, ayant étendu sa main sur les eaux, les avait déjà divisées, et montrait aux Israélites, dans la profondeur de cet abîme qui venait de s'ouvrir à leurs yeux, le chemin qu'ils devaient prendre, et qui les devait sauver. Toutes les tribus étaient rangées en ordre de milice ; mais, quelque confiance qu'ils eussent tous dans la protection de leur Dieu, chacun frémissait à la vue de ce passage ; les flots élevés et suspendus de part et d'autre faisaient trembler les plus hardis. Que fait Moïse ? Pour les rassurer et les fortifier, il marche le premier, il entre dans ce gouffre affreux, le franchit, arrive heureusement à l'autre bord, et détermine, par son exemple et par son intrépidité, tout le reste du peuple à le suivre : figure dont voici l'accomplissement dans saint Étienne. Le Sauveur du monde, qui fut souverainement et par excellence le conducteur du peuple de Dieu, mourant sur la croix, avait ouvert à ses élus, pour arriver au terme du parfait bonheur, une voie aussi difficile que nouvelle ; savoir, la voie du martyre, qui, selon la pensée des Pères, devait faire, par l'effusion du sang, comme une espèce de mer Rouge dans l’Église. Un nombre infini de Chrétiens étaient destinés à essayer, si je puis parler de la sorte, le passage de cette mer ; mais parce qu'ils étaient faibles, il fallait les encourager et les soutenir. Qu'a fait Dieu, ou plutôt qu'a fait saint Étienne, suscité de Dieu pour être leur chef après Jésus-Christ ? Comme un autre Moïse, il s'expose le premier, il marche à leur tête, il les attire par son exemple, en leur faisant voir que la mort endurée pour Dieu, que la voie du sang répandu pour le nom de Jésus-Christ, est un chemin sûr qui conduit à la gloire et à la vie : et voilà ce qui lui acquit la qualité de prince des martyrs. Après lui, tous les autres sont devenus inébranlables, et les plus sanglantes persécutions ne les ont point étonnés, mais ils marchaient sur les pas de saint Étienne ; c'était saint Étienne qui les animait tous ; et, s'il m'est permis de le dire, ils participaient tous à la plénitude de sa force : Plenus fortitudine.
[...]
Or, pour nous appliquer ceci, Chrétiens, savez-vous ce qui m'afflige ? C'est la comparaison que je fais de notre lâcheté avec cette force héroïque de saint Étienne. Je dis de notre lâcheté, soit dans les maux de la vie que nous avons à supporter, soit dans les biens dont nous avons à user, puisque dans l'un et dans l'autre état, nous la faisons également paraître : car voilà, mes chers auditeurs, ce que nous devons aujourd'hui nous reprocher devant Dieu. Saint Étienne, avec un courage invincible, a soutenu le plus rigoureux martyre, et nous, dans les moindres épreuves, nous témoignons des faiblesses honteuses ; une légère disgrâce, une contradiction, une humiliation, nous fait perdre cœur ; et de là viennent ces abattements, ces chagrins, ces impatiences et ces désespoirs où notre vie se passe. De là ces troubles qui nous agitent, qui nous désolent, qui nous ôtent toute attention à nos devoirs les plus essentiels, qui nous causent de mortels dégoûts pour les plus saints exercices de la piété, qui nous mettent dans une espèce d'impuissance de nous élever à Dieu, qui ébranlent jusqu'aux fondements de notre foi, et qui nous font non seulement croire que Dieu nous abandonne, mais souvent douter s'il y a un Dieu et une Providence ; ne considérant pas, aveugles et insensés que nous sommes, et ne voyant pas que c'est par là même que nous devons être convaincus qu'il y a un Dieu qui nous gouverne, et une Providence qui veille sur nous, puisqu'il est vrai qu'à notre égard, comme à l'égard de saint Étienne, les persécutions et les croix sont la précieuse matière dont notre couronne doit être formée, que sans cela le royaume de Dieu ne serait plus cette place de conquête qui ne peut être emportée que par violence ; que c'est pour cela que nous sommes les enfants des saints, et que nous n'avons pas encore résisté, comme eux, jusqu'à verser du sang. »

Louis Bourdaloue (1632-1704), Sermon pour la fête de Saint Étienne, Deuxième Partie. In Œuvres complètes, Vol. III, Publiées par les Prêtres de L'Immaculée Conception de Saint-Dizier (Haute-Marne), Tours, Cattier, Libraire-Editeur, 1864.
Texte intégral de ce Sermon à l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais (Suisse).

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