Méditation sur la Chaire de Saint Pierre (22 février 2017)

« Le Bienheureux Pierre, premier entre les Apôtres, et qui aima le Christ véhémentement, eut le bonheur de s'entendre dire : « Et moi je te dis : Tu es Pierre. Car l'apôtre avait déclaré : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Et le Christ répond : « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre j'édifierai mon Église » (1) : sur cette pierre, j'édifierai la foi que tu confesses. Sur cette parole que tu as dite, « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », j'édifierai mon Église. Car toi, tu es Pierre.

Pierre tient son nom de la pierre, et ce n'est pas de Pierre que la pierre tire son nom. Pierre vient de la pierre, se réfère à la pierre, comme le chrétien vient du Christ et se réfère au Christ. Écoute Paul : « Car, frères, je ne veux pas que vous l'ignoriez : nos pères furent tous sous la nuée, tous ils traversèrent la mer, et tous, au temps de Moïse, ils furent baptisés dans la nuée et dans la mer ; et tous ils mangèrent la même nourriture spirituelle, et tous ils burent le même breuvage spirituel : car ils buvaient de la pierre spirituelle qui les accompagnait, et la pierre était le Christ. » (2) Voilà d'où est Pierre.

Avant sa Passion, le Seigneur Jésus, comme vous le savez, choisit et appela ses disciples, ses Apôtres. Parmi eux, presque partout, Pierre reçoit cette grâce de représenter à lui seul la personne de toute l’Église. A cause de cette personne de toute l’Église, qu'il représentait à lui seul, il eut ce bonheur d'entendre : « A toi je donnerai les clés du royaume des cieux. » (3) Car ces clés, ce n'est pas un seul homme, mais c'est l'unité de l’Église, qui les a reçues. Et nous célébrons la Primauté de Pierre précisément parce qu'il représentait toute l'universalité et l'unité de l’Église quand le Seigneur lui dit : « A toi, je donnerai » ce pouvoir que, de fait, il donna à tous. Et écoutez ce que le Seigneur dit à tous les Apôtres dans un autre passage de l’Évangile : « Recevez l'Esprit-Saint. Si vous remettez les péchés à quelqu'un, ils lui seront remis ; si vous les retenez, ils seront retenus. » (4) Ceci relève du pouvoir des clés, dont il a été dit : « Ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel, et ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel. » (5) Mais pour que tous sachent que Pierre représentait la personne de toute l’Église, comparons ce qui est dit à lui seul et ce qui est dit à tous les fidèles : « Si ton frère a péché contre toi, corrige-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu as gagné ton frère, S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute l'affaire soit établie sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas non plus, dis-le à l’Église ; et s'il n'écoute pas même l’Église, qu'il te soit comme un païen et un publicain. Amen je vous le dis : ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » (6) C'est « la colombe » (= l’Église) qui lie, et c'est la colombe qui délie : l’Édifice fondé sur la pierre lie et délie. [...]

C'est d'abord la force de l’Église qui est célébrée en Pierre, parce qu'il suivit le Seigneur allant à sa Passion ; mais une certaine infirmité de l’Église est aussi mentionnée, car, interrogé par une servante, il renia le Seigneur. Cet Apôtre qui aimait tant le Seigneur, le renia soudain : il se retrouva lui-même, parce qu'il avait trop présumé de lui-même. Il avait déclaré, en effet : « Seigneur, j'irai avec toi jusqu'à la mort ; et s'il faut que je meure, je donne ma vie pour toi. » et le Seigneur répondit à ce présomptueux : « Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité je te le dis : avant le chant du coq, tu m'auras renié trois fois. » (7) Ce que le médecin avait prédit, arriva ; ce que le malade avait présumé, ne pouvait arriver. Mais ensuite ? Voici ce qui est écrit, voici ce que dit l’Évangile : « Le Seigneur le regarda ; et Pierre sortit dehors, et pleura amèrement. » (8) Sortir dehors, cela veut dire ici : confesser sa faute publiquement. Il pleura amèrement, parce qu'il savait aimer. La douceur de l'amour suivit, parce que l'amertume de la douleur avait précédé.

C'est pour la même et bonne raison qu'après sa Résurrection, le Seigneur a confié ses brebis à Pierre nommément ; car Pierre ne fut pas le seul à paître les brebis du Seigneur : mais quand le Christ parle à un seul, c'est l'unité qui est recommandée, et confiée d'abord à Pierre parce que Pierre a la primauté parmi les Apôtres. « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Il répond : « J'aime. » Interrogé une seconde fois, il répond la même chose. Interrogé une troisième fois, il s'attriste : n'a-t-on pas confiance en lui ? Mais comment n'aurait-il pas eu confiance en lui, celui qui voyait son cœur ! Après cet instant de tristesse, Pierre répond : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t'aime. » Sachant tout, tu ne peux pas ignorer cela.

[...] Ne sois pas triste, ô Apôtre ! Réponds une fois, réponds deux fois, réponds trois fois. Que ta confession soit trois fois victorieuse dans l'amour puisque te présomption a été trois fois vaincue dans la peur. Ce que tu avais lié trois fois doit être délié trois fois. Délie par amour ce que tu avais lié par peur. Et le Seigneur confie ses brebis à Pierre une fois, deux fois, trois fois. »

1. Mt XVI, 16-18. - 2. I Co X, 1-4. - 3. Mt XVI, 19. - 4. Jn XX, 32, 23. - 5. Mt XVIII, 18. - 6. Mt XVIII, 18. - 7. Mt XXVI, 33-35 et Jn XIII, 37-38. - 8. Lc XXII, 61-62.

Saint Augustin, Sermon CCXCV, 1-4 (PL 38, 1348 s).
(Texte intégral)

St Augustin,sermon,Chaire de Saint Pierre

(Crédit photo)

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