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Méditation : Sainte Agnès

Il est certain qu'il y eut à Rome vers cette date, une fillette de treize ans qui mourut volontairement pour la foi en Jésus-Christ. La nouvelle s'en répandit très vite chez les chrétiens de l'Empire. On s'indigna de la cruauté des bourreaux, on s'apitoya sur la jeune victime, dont le nom se perdit au fur et mesure que la distance était lointaine de Rome. Et comme on ne savait pas exactement son nom, on lui donna ce nom symbolique d'Agnès, nom qui peut venir du grec (Hagne = la pure), ou du latin (agna = agnelle).

L'interprétation latine a prévalu dans la primitive Église (Agnès apparut huit jours après sa mort à ses parents, environnée d’une troupe de vierges, avec un agneau blanc auprès d’elle). Saint Augustin connaissait les deux interprétations. « Agnès signifie en latin une agnelle et en grec la pure. » C’est de l’interprétation latine que vient l’usage de bénir, tous les ans à pareil jour, dans l’église Sainte-Agnès, à Rome, des agneaux dont la laine sert ensuite à faire le pallium des archevêques.

Elle devint un personnage légendaire, chacun imaginant le comment de sa mort. En Occident, on transmit la tradition qu'elle eut la tête coupée ; en Orient, on dit qu'elle aurait été enfermée dans un lupanar où personne n'osa la toucher avant d'être brûlée vive. Quoi qu'il en soit des détails de son martyre, gardons présent à notre mémoire comme un exemple, ce fait historique qu'une jeune romaine de treize ans n'hésita pas à sacrifier la vie terrestre qui s'ouvrait à elle, pour se donner à la vie du Dieu qu'elle adorait.

Saint Ambroise, évêque de Milan, dira d'elle qu'elle sût donner au Christ un double témoignage : celui de sa chasteté et celui de sa foi. (De virginitate, II, 5 à 9) :

« C’est aujourd’hui la fête d’une Vierge : embrassons la chasteté. C’est aujourd’hui la fête d’une Martyre : immolons des victimes. C’est aujourd’hui la fête de sainte Agnès : que les hommes soient dans l’étonnement, que les enfants ne perdent pas courage. Que les femmes mariées admirent une si haute vertu ; que celles qui ne le sont pas, l'imitent. Mais que pouvons-nous dire qui soit digne d'elle, puisque son nom même renferme un brillant éloge ? Elle a eu un zèle qui a surpassé son âge, une vertu qui est allée au-delà des forces de la nature ; de sorte qu'elle ne me semble pas avoir porté un nom ordinaire, mais un nom qui présageait son martyre, et qui montrait par avance ce qu'elle devait être un jour.

[...] En l'appelant Vierge, je fais connaître sa pudeur et sa modestie ; en l'appelant Martyre, je publie sa foi et son courage. Ces deux mots renferment tout son éloge : éloge très vaste et très étendu, que je n'ai point recherché, puisqu'il est tiré de deux qualités qui lui sont essentielles. Prononcer son nom, est faire son panégyrique. Que les vieillards, que les jeunes gens, que les enfants même le célèbrent par leurs cantiques. Et en effet, qui mérite plus d'être louée que celle qui peut être louée de tout le monde : autant d'hommes qui parlent d'elle, sont autant de panégyriques qui publient son martyre.

On dit qu'à douze ans elle fut martyrisée. Quelle étrange cruauté d'un tyran, de n'avoir pas épargné un âge si tendre ! Mais quelle est la force et la grandeur de la foi, qui à cet âge a porté une fille à lui rendre témoignage ! Vit-on jamais un pareil prodige ! Elle triomphe de l'épée dans un corps si petit et si faible, qu'à peine l'épée trouve-t-elle une place où faire une blessure. Les jeunes filles tremblent en voyant leur mère en colère, et ne peuvent soutenir ses regards menaçants ; et s'il leur arrive de se faire la moindre piqûre, elles versent des larmes, et se plaignent comme si elles étaient dangereusement blessées. Celle-ci intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, tranquille sous le poids énorme des chaînes dont elle était chargée, elle présentait tout son corps au fer acéré d'un soldat furieux, toute prête à mourir, quoiqu'elle connût à peine ce que c'est que de vivre. La traînait-on malgré elle à l'autel des idoles, elle tendait les bras à Jésus-Christ ; et parmi les feux profanes et sacrilèges qui étaient allumés, elle faisait le signe de la croix à la gloire du Sauveur, qui y a vaincu la mort. Tantôt elle paraissait les deux mains et le cou serré de chaînes de fer, quoi qu'à peine en trouvât-on qui pussent serrer des membres si petits.

Quel nouveau genre de martyre ! Trop faible pour souffrir les tourments, elle a assez de force pour gagner la victoire : elle n'est pas encore propre au combat, elle a déjà mérité la couronne. Ainsi malgré tant d'obstacles que l'âge opposait à la vertu, elle en est devenue une grande maîtresse, et en a donné les plus importantes leçons. Une épouse n'irait pas avec plus de joie et d'un pas plus empressé à la chambre nuptiale, que cette Vierge qui marchait au lieu de son supplice. Une épouse a soin au jour de ses noces de friser ses cheveux et de couronner sa tête de fleurs : Agnès n'a pris au jour de son triomphe d'autre ornement que Jésus-Christ, et n'a été couronnée que de son innocence ; elle a marché à la mort avec des yeux secs, pendant que tous les spectateurs fondaient en larmes. On était surpris qu'elle quittât sans peine la vie qu'elle de faisait que de goûter, et qu'elle la sacrifiât aussi facilement que si elle en eut joui longtemps. Tout le monde était dans l'admiration, de voir qu'elle fut le témoin du véritable Dieu dans un âge où elle ne pouvait disposer d'elle-même, et que la grandeur de son courage rendit croyable le témoignage qu'elle lui rendait, lorsqu'on n'aurait pas cru celui qu'elle aurait rendu pour un homme mortel. D'où pouvaient lui venir des sentiments si élevés au-dessus de la nature, sinon de l'Auteur même de la nature ? »

St Ambroise (340-397), Traité "De la Virginité" (5-8), in "Les Œuvres de St Ambroise sur la Virginité", Traduites en français par le R.P. De Bonrecueil, Prêtre de l'Oratoire, A Paris, Chez Barthelemy Alix, Libraire, 1729 (Google Books).

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