Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pères de l'Eglise - Page 5

  • Méditation avec St Jérôme : les tentations

    « Oh ! combien de fois moi-même, retenu dans le désert, et dans cette vaste solitude qui, dévorée des feux du soleil, n'offre aux moines qu'une demeure affreuse, je croyais assister aux délices de Rome ! Je m'asseyais seul, parce que mon âme était pleine d'amertume. Mes membres étaient couverts d'un sac hideux, et mes traits brûlés avaient la teinte noire d'un Éthiopien. Je pleurais, je gémissais chaque jour, et si le sommeil m'accablait malgré ma résistance, mon corps décharné heurtait contre une terre nue. Je ne dis rien de ma nourriture ni de ma boisson, car, au désert, les malades eux-mêmes boivent de l'eau froide, et regardent comme une sensualité de prendre quelque chose de cuit. Eh bien ! moi qui, par terreur de l'enfer, m'étais condamné à cette prison, habitée par les scorpions et les bêtes farouches, je me voyais en imagination transporté parmi les danses des vierges romaines. Mon visage était pâle de jeûnes, et mon corps brûlait de désirs ; dans ce corps glacé, dans cette chair morte d'avance, l'incendie seul des passions se rallumait encore. Alors privé de tout secours, je me jetais aux pieds de Jésus-Christ, je les arrosais de larmes, je les essuyais de mes cheveux, et je domptais ma chair indocile par des jeûnes de plusieurs semaines. Je ne rougis pas de mon malheur ; au contraire, je regrette de n'être plus ce que j'ai été (*). Je me souviens que plus d'une fois je passai le jour et la nuit entière à pousser des cris, et à frapper ma poitrine, jusqu'au moment où Dieu renvoyait la paix dans mon âme (cf. Lc 8,24). Je redoutais l'asile même de ma cellule ; il me semblait complice de mes pensées. Irrité contre moi-même, seul je m'enfonçais dans le désert. Si je découvrais quelque vallée plus profonde, quelque cime plus escarpée, j'en faisais un lieu de prière et une sorte de prison pour ma chair misérable. Souvent, le Seigneur m'en est témoin, après des larmes abondantes, après des regards longtemps élancés vers le ciel, je me voyais transporté parmi les chœurs des anges, et triomphant d'allégresse, je chantais : "Nous courrons après vous, attirés par l'odeur de vos parfums". »

    (*) : C’est-à-dire : de n’être plus aussi fervent qu’au début de ma profession monacale.

    St Jérôme (fêté ce jour), Lettre XVIII à Eustochium, in "Lettres de St Jérôme" traduites par J.-F. Grégoire et F.-B. Collombet (Tome I), Librairie catholique de Perisse Frères, Lyon - Paris, 1837.
    Source : Bibliothèque Saint Libère.

    Saint_Jerome_Bastiani_Lazzaro-a.jpg

    Saint Jérôme au désert - Tableau de Lazzaro Bastiani (v.1430-1512)

  • Lundi 30 septembre 2013

    St Jérôme, confesseur, père et docteur de l’Église

    Calendrier liturgique

  • Méditation : le martyre de la Vierge Marie

    « Le martyre de la Vierge Marie nous est connu tant par la prophétie de Siméon que par le récit même de la passion du Seigneur. De l’enfant Jésus, ce vieillard disait : Il sera un signe division ; et toi, disait-il à Marie, une épée transpercera ton âme.

    Oui, Mère bénie, un glaive a transpercé ton âme : il n’aurait pu, sans transpercer celle-ci, pénétrer dans la chair du Fils. C’est vrai, ce Jésus qui est le tien, qui est à tous, certes, mais à toi tout particulièrement, après avoir remis son esprit, ne fut pas atteint dans son âme par la lance meurtrière ; sans épargner un mort, auquel elle ne pouvait pourtant plus faire de mal, elle lui ouvrit le côté ; mais c’est ton âme qu’elle transperça. La sienne, assurément n’était plus là, mais la tienne ne pouvait s’enfuir. Ton âme, c’est la force de la douleur qui l’a transpercée, aussi pouvons-nous très justement te proclamer plus que martyre, puisque ta souffrance de compassion aura certainement dépassé la souffrance qu’on peut ressentir physiquement.

    N'a-t-elle pas été plus qu'une épée pour toi, n'a-t-elle pas percé ton âme et atteint jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, cette parole : "Femme, voici ton fils" ? Ô quel échange ! Jean t'est donné en lieu et place de Jésus, le serviteur à la place du Seigneur, le disciple au lieu du Maître, le fils de Zébédée à la place du Fils de Dieu, un simple homme à la place du vrai Dieu. Comment l'écoute de cette parole ne transpercerait-elle pas ton âme pleine d'affection, quand le seul souvenir de cette parole brise déjà nos cœurs, qui sont pourtant de roc et de fer ?

    Ne vous étonnez pas, frères, qu'on puisse dire de Marie qu'elle a été martyre dans son âme. S'en étonnerait celui qui aurait oublié comment Paul mentionne, parmi les fautes les plus graves des païens, le fait qu'ils ont été "sans affection". Un tel péché était bien loin du Cœur de Marie ; qu'il le soit aussi de ses modestes serviteurs. »

    St Bernard, Homélie pour le dimanche dans l'octave de l'Assomption (14-15).
    (Cf. Abbaye Saint Benoît)

    Notre-Dame_des_Sept-Douleurs_Durer.jpg

    Vierge des Sept Douleurs - Albrecht Dürer (Source)

  • Méditation : rendre grâces en toutes circonstances

    « Il faut, en toute circonstance et quoi qu'il arrive, rendre grâces à Dieu. Voilà la véritable reconnaissance. Lui rendre grâces dans la prospérité n'a rien de bien méritoire, car c'est chose toute naturelle. Mais lui rendre grâces quand nous sommes dans la détresse, voilà ce qu'il y a d'admirable. Lui rendre grâces de ce qui pousse les autres au blasphème, de ce qui les jette dans l'impatience, voilà la philosophie ! Agir ainsi c'est réjouir le Cœur de Dieu, c'est humilier le démon, c'est déclarer que le malheur n'est rien. C'est à la fois rendre grâces à Dieu, emprunter la main de Dieu pour extirper le mal et terrasser le démon. Si vous vous montrez impatient, le démon, parvenu au comble de ses vœux, est là ; Dieu, blessé de vos blasphèmes et de vos outrages vous abandonne, en étendant, en augmentant votre plaie. Mais si vous rendez grâces à Dieu, le démon, voyant qu'il n'a rien à faire là, se retire, et Dieu, que vous honorez, vous honore davantage. L'homme qui rend grâces à Dieu de ses maux ne peut plus les ressentir. L'âme est heureuse de sa vertu ; la conscience est heureuse parce qu'elle chante ses propres louanges et sa victoire ; or la conscience, étant heureuse, ne peut être affligée. L'homme qui murmure sent peser sur lui le double fardeau de son malheur qui l'accable et de sa conscience qui le flagelle ; l'homme qui rend grâces à Dieu est couronné par sa conscience qui proclame son triomphe. »

    St Jean Chrysostome (fêté ce jour), Homélie VIII (5) sur l’Épitre aux Colossiens, in "Œuvres complètes" Tome XI, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1864.

    Source : Abbaye St Benoît.

    ange-pleurs-a.jpg

  • Méditation : prier longuement...

    « Lorsque l'apôtre Paul dit : "Faites connaître vos demandes auprès de Dieu" (Ph 4,6), cela ne veut pas dire qu'on les fait connaître à Dieu, car il les connaissait avant même qu'elles existent, mais que c'est par la patience et la persévérance devant Dieu, et non le bavardage devant les hommes, que nous connaîtrons si nos prières sont bonnes... Il n'est donc pas défendu et inutile de prier longtemps, lorsque c'est possible, c'est-à-dire lorsque cela n'empêche pas d'autres occupations bonnes et nécessaires ; d'ailleurs, en accomplissant celles-ci, on doit toujours prier par le désir, comme je l'ai dit. Car si l'on prie longtemps, ce n'est pas, comme certains le pensent, une prière de rabâchage (Mt 6,7). Parler abondamment est une chose, aimer longuement en est une autre. Car il est écrit que le Seigneur lui-même "passa la nuit en prière" et qu'il "priait avec plus d'insistance" (Lc 22,44). N'a-t-il pas voulu nous donner l'exemple en priant pour nous dans le temps, lui qui avec son Père exauce nos prières dans l'éternité ? On dit que les moines d’Égypte font des prières fréquentes, mais très courtes, lancées comme des flèches, pour éviter que, en se prolongeant trop, l'attention vigilante nécessaire à ceux qui prient ne se détende et se dissipe... La prière ne doit pas comporter beaucoup de paroles, mais beaucoup de supplications ; ainsi elle peut se prolonger dans une attention fervente... »

    Saint Augustin (345-430), Lettre à Proba (9-10), trad. rev. Bréviaire.

    Jesus_priere_2.jpg

  • Méditation : Dieu nous a choisis afin que nous fussions saints et immaculés

    « Dieu nous a choisis en Jésus-Christ avant la formation du monde, nous prédestinant à devenir ses enfants adoptifs ; non pas en ce sens que nous devions par nous-mêmes nous rendre saints et immaculés, mais en ce sens que nous avons été choisis et prédestinés pour devenir saints et immaculés.

    D'un autre côté, comme cette élection et cette prédestination sont de la part de Dieu l'œuvre parfaitement libre de sa volonté, si l'homme a le droit de se glorifier, ce n'est point dans sa volonté, mais uniquement dans la volonté de Dieu. En effet, le Seigneur, pour nous combler de ses dons, n'a consulté que les richesses de sa grâce et sa bienveillance infinie, personnifiée dans son Fils bien-aimé, en qui nous sommes élus et prédestinés selon le décret éternel de celui qui opère en nous toutes choses, et même le vouloir (Ph II, 13). Or, s'il agit ainsi à notre égard, c'est selon le décret de sa volonté, afin que nous devenions les témoins et les instruments de sa gloire. De là, ce cri sans cesse répété : "Que personne ne se glorifie dans l'homme (I Co III, 21)", ni par conséquent en lui-même ; mais "que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur (Id. I, 31)", afin que nous soyons les témoins et les instruments de sa gloire. Dieu, dès lors, opère en nous selon son décret, afin que nous soyons les témoins et les instruments de sa gloire, c'est-à-dire saints et immaculés, car c'est dans ce but qu'il nous a appelés et prédestinés avant la formation du monde. Par suite de ce décret, nous devons regarder comme son œuvre propre la vocation des élus, au bien desquels il fait tourner toutes choses ; car c'est selon son décret qu'ils ont été appelés (Rm VII, 28), et les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. »

    Saint Augustin, De la prédestination des saints, Ch. XVIII (37), Trad. de M. l'Abbé Burleraux, in "Oeuvres complètes de Saint Augustin", sous la direction de M. Raulx, Tome XVIème, Bar-le-Duc, 1871.
    Source : Abbaye Saint Benoît.

    Sainte_Trinite_Fecamp.jpg

    (Vitrail de l'église de Fécamp)

  • Méditation : Unité de Dieu - unité de l'Eglise

    « Frères, qui donc serait assez perfide et assez forcené dans sa passion de discorde, pour s'imaginer qu'on puisse mettre en cause, et pour oser lui-même déchirer l'unité de Dieu, le vêtement du Seigneur, l'Eglise du Christ ? (cf. Jn 19,24) Dans son évangile, Dieu ne fait-il pas entendre cet avertissement : "Il n'y aura qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur" ? (Jn 10,16) Quelqu'un pense-t-il après cela que dans un même lieu, il puisse y avoir normalement plusieurs pasteurs et plusieurs troupeaux ? Voyez comment l'Apôtre Paul nous recommande pareillement cette unité : "Mes frères, je vous en conjure au Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, ayez tous le même langage, ne souffrez pas parmi vous les divisions. Soyez tous unis dans le même esprit et dans les mêmes sentiments... vous supportant mutuellement avec charité, vous efforçant de conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix" (1 Co 1,10 et Ep 4,2-3). Vous donc, pensez-vous rester debout et vivre encore, si vous abandonnez l'Eglise, pour établir ailleurs votre demeure, pour éloigner d'elle votre foyer ? A propos de la Pâque n'est-il pas dit dans l'Exode que l'agneau dont l'immolation signifie celle du Christ doit être mangé dans une même maison ? (Ex 12,46) La chair du Christ, la chose sainte du Seigneur, pas plus que la chair de l'agneau, on ne peut la jeter dehors. Pour les croyants, il n'y a donc pas d'autre demeure que l'Eglise... »

    Saint Cyprien (IIIe siècle), De l'unité de l'Eglise catholique, Trad. Pierre de Labriolle, Paris, Ed. du Cerf, 1942.

    bon_pasteur_icone.jpg

  • Méditation : la Transfiguration

    « "Seigneur, il nous est bon d'être ici !" Las de vivre au milieu de la foule, Pierre avait trouvé la solitude sur la montagne, où son âme se nourrissait du Christ. Pourquoi quitter ce lieu pour aller vers les fatigues et les peines, puisqu'il brûlait pour Dieu d'un saint amour et, par le fait même, sanctifiait sa vie ? Il voulait ce bonheur pour lui, si bien qu'il ajouta : "Si tu le veux, faisons ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie". Pierre désirait trois tentes : la réponse venue du ciel a montré que nous n'en avons qu'une : le Verbe de Dieu est le Christ, le Verbe de Dieu est dans la Loi, le Verbe de Dieu est dans les prophètes... Au moment où la nuée les enveloppa tous, et forma pour ainsi dire une seule tente au-dessus d'eux, une voix en sortit. Celui que la voix révélait est celui dont la Loi et les prophètes se glorifiaient : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le". Car vous l'avez écouté dans les prophètes, vous l'avez écouté dans la Loi, et où ne l'avez-vous pas entendu ? A ces mots, les disciples tombèrent à terre. En tombant à terre, les apôtres symbolisent notre mort, mais en les relevant, le Seigneur symbolise la résurrection. Et, après la résurrection, à quoi sert la Loi ? A quoi sert la prophétie ? Dès lors Elie disparaît, et Moïse disparaît. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon 78, 2-6 (PL 38, 490-493), Trad. Delhougne, "Les Pères commentent", Brepols, 1991.

    St Augustin,transfiguration,Jésus,Christ,Moise,Elie,Loi,prophètes,Pierre,Jacques,Jean,apôtres,

    Gravure Gustave Doré

  • Méditation : Fête des Sts Pierre et Paul apôtres

    « 1. Le puissant et le faible, le plus grand et le plus petit, le chef et le dernier, Pierre et Paul, ont, par l'égalité de leurs mérites, partagé le même sort et l'honneur de l'apostolat ; en prêchant l'Evangile, ils ont engendré le peuple chrétien, ils sont devenus les pasteurs du troupeau du Seigneur, et d'accord dans leur foi et leur prédication, semblables l'un à l'autre par la vertu, ils ont cueilli dans le champ de la mort les palmes du triomphe. Je n'en veux d'autre preuve que celle-ci, c'est qu'ayant souffert persécution en des années différentes (1), ils se trouvent néanmoins réunis pour recevoir les honneurs d'un même jour de fête. En effet, le même jour qui a conduit l'un à la couronne éternelle, a conduit l'autre au combat, afin de lui procurer là victoire ; ainsi, après s'être tous deux couronnés de gloire, ils se sont dédié un jour commun, celui où ils ont vaincu le monde et marché sur les traces de Jésus-Christ, leur roi.

    2. Admirable puissance, grâce ineffable du Sauveur ! Aurait-on jamais pu croire que le persécuteur Saul deviendrait un martyr ? Aurait-on jamais supposé qu'un homme sorti des rangs de la populace, un pêcheur, deviendrait le chef du collège apostolique, qu'il résisterait aux rois, sanctifierait les princes, gouvernerait tous les empires, guérirait le monde par ses lois, foulerait aux pieds les démons, dominerait les vertus, ouvrirait le ciel aux hommes quand il le voudrait, le leur fermerait quand il lui semblerait bon, accorderait aux convertis le royaume éternel, le refuserait aux méchants, jugerait des mérites du monde et pardonnerait à ses semblables leurs fautes et leurs crimes ? O puissance sans prix et sans bornes ! Un homme placé sur la terre, tenir le ciel entre ses mains ! Voilà que maintenant s'ouvrent, à un signe de Pierre, les portes du royaume de Dieu ! Il a, en effet, reçu du Christ les clefs du royaume des cieux, afin de l'ouvrir aux croyants, après avoir brisé les chaînes de leurs péchés. Quels mystérieux remèdes nous sont offerts, et comme ils sont à notre portée ! Le monde a tout près de lui le royaume de Dieu, s'il veut avoir recours à Pierre ; pas n'est besoin de machines pour monter vers les nues ; la foi seule suffit à nous élever si haut ; inutile à ceux qui prient de fournir une longue course pour se faire entendre de Dieu, parce que le Christ est devenu la voie des croyants. Pour tenir sa place sur la terre et porter les clefs du royaume des cieux, il a établi l'apôtre Pierre, afin que personne ne se crût incapable d'y parvenir.

    3. Paul a été renversé à terre par une voix d'en haut, quand il s'élançait avec fureur contre la bergerie, et quand, pareil à un loup enragé, il poursuivait le nom de l'innocent agneau, qu'il ne pouvait supporter ; il cherchait à tourmenter et à disperser le troupeau, et à ce moment-là même, il a été frappé ; puis, comme il se relevait, il a été aveuglé et ensuite éclairé par le Dieu qui "relève ceux qui tombent et éclaire les aveugles" (Ps CXLIV, 14). De loup qu'il était, il est tout à coup devenu un agneau, de persécuteur un apôtre, de brigand un prisonnier. Il a commencé à prêcher le Christ, auquel il résistait précédemment, à souffrir pour celui qu'il combattait jadis, à être frappé de verges, cruellement lapidé, exposé aux bêtes, jeté dans les flammes, chargé de chaînes, emprisonné, et, enfin mis à mort pour celui à cause de qui il faisait autrefois mourir les autres ; au moment où il cherchait à diminuer le nombre des chrétiens, il est venu lui-même se placer dans les rangs des confesseurs ; à l'heure même où il pénétrait dans l'étable d'un tranquille troupeau pour y porter le ravage, il est subitement devenu une brebis.

    4. La bassesse de son origine et la grandeur de ses crimes peut-elle être maintenant, pour n'importe quel homme, un sujet de désespoir ? Ne voit-il pas devant lui une source si pure de grâces célestes, que, pour s'y être plongé, un pêcheur est devenu supérieur aux monarques, et qu'un persécuteur est devenu égal aux Apôtres ? Tout en cherchant un soulagement à sa misère, tout en demandant chaque jour à la mer de quoi se sustenter, Pierre a trouvé un trésor de richesses dans Jésus-Christ, puisqu'en ce monde les rois et les nations lui obéissent. Quant à Paul, tandis qu'il poursuivait à la pointe de l'épée les membres de l'assemblée des Saints, il s'est soumis à porter le joug de la foi, il est devenu le docteur des nations, le modèle des martyrs, la terreur des démons, un pardonneur de crimes et une source de vertus. Pierre et Paul ont donc mérité ici-bas la palme du triomphe, et, dans le ciel, la couronne de la gloire. »

    (1) : On croit généralement qu'ils ont souffert la même année.

    Saint Augustin, Neuvième Sermon pour la Fête des Saints Apôtres Pierre et Paul (II), in Oeuvres complètes de Saint Augustin (Suite du Tome XI : sixième série, sermons inédits, troisième Supplément), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît de Port-Valais (Suisse).

    fête,pierre,paul,apôtres,évangélistes,evangile,grâce,seigneur,sauveur

  • La Très Sainte Trinité par les Pères de l'Eglise

    « L'âme qui aime Dieu n'en est jamais rassasiée, mais parler de Dieu est audacieux : notre esprit est bien loin d'une si grande affaire... Plus on est avancé dans la connaissance de Dieu, plus on ressent profondément son impuissance. Tel était Abraham, tel aussi était Moïse : alors qu'ils pouvaient voir Dieu, autant du moins qu'il est possible à l'homme, l'un comme l'autre se faisait le plus petit de tous ; Abraham se nommait "terre et cendre", et Moïse se disait de parole malhabile et lente (Gn 18,27 ; Ex 4,11). Il constatait en effet, la faiblesse de sa langue à traduire la grandeur de Celui que son esprit saisissait. Nous parlons de Dieu non pas tel qu'il est, mais tel que nous pouvons le saisir.

    Quant à toi, si tu veux dire ou entendre quelque chose de Dieu, laisse ta nature corporelle, laisse tes sens corporels... Élève ton esprit au-dessus de tout ce qui a été créé, contemple la nature divine : elle est là, immuable, indivise, lumière inaccessible, gloire éclatante, bonté désirable, beauté inégalable dont l'âme est blessée, mais qu'elle ne peut pas traduire en paroles adéquates.

    Là est le Père, le Fils et le Saint Esprit... Le Père est le principe de tout, la cause de l'être de ce qui est, la racine des vivants. Il est celui dont coulent la Source de la vie, la Sagesse, la Puissance, l'Image parfaitement semblable du Dieu invisible : le Fils engendré du Père, Verbe vivant, qui est Dieu, et tourné vers le Père (1Co 1,24 ; He 1,3 ; Jn 1,1). Par ce nom de Fils, nous apprenons qu'il partage la même nature : il n'est pas créé par un ordre, mais il brille sans cesse à partir de sa substance, uni au Père de toute éternité, égal à lui en bonté, égal en puissance, partageant sa gloire... Et quand notre intelligence aura été purifiée des passions terrestres et qu'elle laisse de côté toute créature sensible, tel un poisson qui émerge des profondeurs à la surface, rendue à la pureté de sa création, elle verra alors l'Esprit Saint là où est le Fils et où est le Père. Cet Esprit, étant de même essence selon sa nature, possède lui aussi tous les biens : bonté, droiture, sainteté, vie... De même que brûler est lié au feu et resplendir à la lumière, ainsi on ne peut ôter à l'Esprit Saint le fait de sanctifier ou de faire vivre, pas plus que la bonté et la droiture. »

    Saint Basile de Césarée (v.330-379), Homélie sur la foi, 1-3 (Trad. F. Luc Brésard, 2000 ans d'homélie Année C, Socéval, Perpignan, 2000 - rev.)

  • Méditation : "comme je vous ai aimés"

    « Le Seigneur Jésus assure qu’il donne à ses disciples un commandement nouveau, lorsqu’il leur dit de s’aimer les uns les autres. "Je vous donne", dit-il, "un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres"... Ce commandement est-il nouveau, parce qu’il nous dépouille du vieil homme pour nous revêtir de l’homme nouveau ? Car il renouvelle celui qui l’écoute, ou plutôt celui qui l’observe. Mais il ne s’agit pas ici de toute espèce d’amour, il y est question de celui que Notre-Seigneur distingue de l’amour charnel, quand il ajoute : "Comme je vous ai aimés"... C’est ce même amour [...] qui, de tout le genre humain répandu par tout l’univers, ne forme qu’un seul peuple, qui est le corps de cette nouvelle Epouse du Fils unique... Les membres dont elle se compose sont pleins de sollicitude les uns pour les autres ; et si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui ; et si, au contraire, un membre est glorifié, tous les membres s’en réjouissent avec lui (I Co XII, 25-26). Car ils écoutent et observent ces paroles : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres" ; non pas de la manière dont s’aiment ceux qui se corrompent, non pas de la manière dont s’aiment les hommes, parce qu’ils sont hommes; mais de cet amour qu’ils doivent avoir parce qu’ils sont tous des dieux et les fils du Très-Haut, et qu’ils veulent être les frères de son Fils unique : car ils doivent s’aimer entre eux, comme les a aimés Celui qui les conduira à la seule fin capable de leur suffire et de satisfaire leurs désirs dans le bien (Ps CII, 5). Alors, en effet, rien ne manquera à nos désirs, puisque Dieu sera toutes choses en tous (I Co XV, 28)...

    Ne pensez pas, mes frères, qu’en disant à ses disciples : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres", le Christ ait omis le commandement le plus important, qui est d’aimer le Seigneur notre Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Il semblerait, en effet, qu’il l’a passé sous silence, puisqu’il leur a dit "de s’aimer les uns les autres". On croirait aussi que ce commandement n’a aucun rapport avec celui qui nous dit : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Car ces deux commandements", nous dit Notre-Seigneur, "renferment toute la loi et les Prophètes (Mt XII, 37-40)". Mais pour qui les entend comme il faut, ces deux préceptes sont renfermés l'un dans l’autre. En effet, celui qui aime Dieu ne peut mépriser le commandement qu’il nous fait d’aimer le prochain ; et celui qui aime le prochain saintement et selon le Saint-Esprit, qu’aime-t-il en lui si ce n’est Dieu ? »

    Saint Augustin, Traité LXV sur St Jean (1-2), in Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

    commandement,amour,Jésus,prochain,Dieu

     

  • Méditation : "Prière du vieillard"

    Prière du vieillard

    « Seigneur Jésus-Christ, roi des rois, qui as puissance sur la vie et sur la mort ; tu connais ce qui est secret et caché, ni nos pensées ni nos sentiments ne sont voilés pour toi. Guéris mes menées, j'ai fait le mal en ta présence.
    Voici que ma vie décline de jour en jour, et mes péchés ne font que croître. Ô Seigneur, Dieu des esprits et des corps, tu connais l'extrême fragilité de mon âme et de ma chair. Accorde-moi, Seigneur, la force dans ma faiblesse, et soutiens-moi dans ma misère.

    Tu sais que j'ai été pour beaucoup un sujet d'étonnement, tu es mon puissant soutien. Donne-moi une âme reconnaissante ; que sans cesse je me souvienne de tes bienfaits, Seigneur plein de bonté. Ne garde pas la mémoire de mes nombreux péchés, mais pardonne toutes mes forfaitures.

    Seigneur, ne dédaigne pas ma prière - une prière de misérable - conserve-moi ta grâce jusqu'à la fin ; qu'elle me garde comme par le passé. C'est elle qui m'a enseigné la sagesse : bienheureux ceux qui empruntent ses chemins, car ils recevront la couronne de gloire.

    Seigneur, je te loue et te glorifie, malgré mon indignité, parce que ta miséricorde à mon égard n'a pas eu de borne. Tu as été pour moi aide et protection. Que le nom de ta majesté soit loué à jamais !
    A toi, ô notre Dieu, la gloire ! »

    Saint Ephrem, in Prières des premiers chrétiens par A. Hamman O.F.M., Librairie Arthème Fayard, Paris, 1951.

    priere-age-3.jpg

  • 7 avril : Ecrits des Pères de l'Eglise

    « "De ta miséricorde, Seigneur, la terre est remplie ; enseigne-moi tes volontés" (Ps 118,64). Comment la terre est-elle remplie de cette miséricorde du Seigneur sinon par la Passion de notre Seigneur Jésus Christ dont le psalmiste, qui la voyait de loin, célèbre en quelque sorte la promesse ?... Elle en est remplie, car la rémission des péchés a été donnée à tous. Le soleil a ordre de se lever sur tous, et c'est ce qui arrive chaque jour. C'est pour tous en effet que s'est levé au sens mystique le Soleil de Justice (Ml 3,20) ; il est venu pour tous, il a souffert pour tous, pour tous il est ressuscité. Et s'il a souffert, c'est bien pour "enlever le péché du monde" (Jn 1,29)...

    Mais si quelqu'un n'a pas foi dans le Christ, il se prive lui-même de ce bienfait universel. Si quelqu'un, en fermant ses fenêtres, empêche les rayons du soleil d'entrer, on ne peut pas dire que le soleil s'est levé pour tous, car cette personne s'est dérobée à sa chaleur. Pour ce qui est du soleil, il n'en est pas atteint ; pour celui qui manque de sagesse, il se prive de la grâce d'une lumière proposée à tous.

    Dieu se fait pédagogue ; il illumine l'esprit de chacun, y répandant la clarté de sa connaissance, à condition toutefois que tu ouvres la porte de ton coeur et que tu accueilles la clarté de la grâce céleste. Quand tu doutes, hâte-toi de chercher, car "celui qui cherche trouve et à celui qui frappe, on ouvrira" (Mt 7,8). »

    Saint Ambroise, Sermon 8 sur le Psaume 118 (trad. Ed. Soleil levant, p. 100s ; cf AELF).

  • 1er avril : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Ce blog a ouvert il y a tout juste un an aujourd'hui, le 1er avril 2012.
    Durant cette année écoulée, plus de 1000 partages - méditations, textes patristiques, chants et musiques ... - ont été insérés ici.
    En particulier pour les "Pères de l'Eglise", 365 textes se trouvent désormais archivés dans cette rubrique.
    Je ne suis plus en mesure d'en assurer l'insertion quotidienne : celle-ci sera désormais plus épisodique, mais toujours en lien soit avec l'Evangile du jour, soit avec le temps de l'année liturgique.
    Je vous remercie pour votre compréhension.
    Bonne lecture, et demeurons unis dans la prière.
    Jean-Claude

  • 31 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Pâques : le lion et l'agneau

    « Selon cette vérité qu'ont fait retentir les Apôtres, et dont l'éclat s'est répandu sur toute "la terre, et les paroles jusqu'aux derniers rivages du monde (Ps XVIII, 5), le Christ, notre Pâque, a été immolé (Rm X, 18)". C'est de lui que le Prophète avait dit : "Il a été conduit à la mort comme une brebis, et comme l'agneau est sans voix devant celui qui le tond, ainsi il n'a point ouvert la bouche (Is LIII, 7)". Quel est cet homme ? Assurément celui dont il est dit ensuite : "Son jugement a été précipité au milieu de ses humiliations. Qui racontera sa génération (Ibid. 8) ?" C'est dans un Roi si puissant que je vois un tel exemple d'humilité. Car, celui qui n'ouvre la bouche, non plus que l'agneau devant celui qui le tond, est aussi "le lion de la tribu de Juda (Ap V, 5)". Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Agneau, il a subi la mort ; lion, il l'a donnée. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Il est doux et fort, aimable et terrible, innocent et puissant, muet quand on le juge, frémissant quand il jugera. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Agneau dans sa passion, lion dans sa résurrection ? Ou plutôt, ne serait-il point agneau et lion dans sa passion, agneau et lion dans sa résurrection ? Voyons l'agneau dans la passion. Nous l'avons dit tout à l'heure : "Il n'a pas ouvert sa bouche, non plus que l'agneau qui est sans voix devant celui qui le tond". Voyons le lion dans cette même passion. Jacob a dit : "Tu t'es élancé dans ton repos, tu as dormi comme le lion (Geti. XLIX, 9)". Voyons l'agneau dans la résurrection. Nous lisons dans l'Apocalypse, à propos de la gloire éternelle des vierges : "Elles suivent l'agneau partout où il va (Ap XXV, 4)". Voyons le lion dans la résurrection. L'Apocalypse nous dit encore cette parole déjà citée plus haut : "Voici que le lion de la tribu de Juda a vaincu et peut ouvrir le livre (Id. 5)". Comment agneau dans la passion ? Parce qu'il a reçu la mort, sans avoir d'iniquité. Comment lion dans la passion ? Parce qu'en mourant il a tué la mort. Comment agneau dans la résurrection ? Parce qu'il possède l'innocence éternelle. Comment lion dans la résurrection ? Parce qu'il a la puissance éternelle. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Comment demander qui est-il ? Mais si je demande ce qu'il était ? "Au commencement, il était le Verbe". Où était-il ? "Et le Verbe était en Dieu". Quel était-il ? "Et le Verbe était Dieu". Quelle était sa puissance ? "Tout a été fait par lui". Et lui, qu'a-t-il été fait ? "Et le Verbe a été fait chair (Jn X, 1, 2, 14)". Comment est-il né d'un père et non d'une mère, d'une mère et non d'un père ? "Qui racontera sa génération ?" Engendré par l'un, il est coéternel à celui qui l'engendre. Il devient chair en demeurant Verbe. Il a créé tous les temps, a été créé au temps convenable ; proie de la mort, et faisant de la mort sa proie, exposé sans beauté, aux yeux des fils des hommes, sachant supporter l'infirmité, faisant ce qui est humble, dans sa grandeur, et ce qui est grand dans son humilité ; Dieu homme, et homme Dieu ; premier-né, et Créateur des premiers-nés ; unique, et auteur de toutes choses ; né de la substance du Père, et participant à la nature des fils adoptifs, Dieu de tous et serviteur d'un grand nombre. Tel est l'agneau "qui efface les péchés du monde (Id. I, 29)". Le lion qui triomphe des potentats du monde. Je demandais quel est-il ; cherchons plutôt quels sont ceux pour qui il est mort. Serait-ce pour les justes et les saints ? Ce n'est point ce que dit l'Apôtre ; mais bien : "Le Christ est mort pour les impies (Rm V, 6)". Non point assurément pour qu'ils demeurent dans leur impiété, mais afin que, par la mort du juste, le pécheur fût justifié et que la cédule du péché fût effacée par l'effusion d'un sang exempt de péché. »

    Saint Augustin, Quatrième Sermon - Sur la Pâques, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, (Suppl. II, Sec. I, Sermons édités par Michel Deny), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

  • 30 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Samedi Saint

    « Pour nous, bien-aimés, qui ne trouvons pas en notre Seigneur Jésus-Christ crucifié un motif de scandale ni une folie, mais la force de Dieu et la sagesse de Dieu ; pour nous, dis-je, race spirituelle d'Abraham, non pas engendrés dans une descendance esclave, mais régénérés dans une famille libre ; nous pour qui a été immolé l'agneau véritable et immaculé, le Christ, après que nous eussions été retirés de l'oppression et de la tyrannie de l'Egypte par une main puissante et un bras étendu ; étreignons cet admirable sacrement de la Pâque salutaire, et réformons-nous à l'image de celui qui s'est rendu conforme à notre difformité. Elevons-nous jusqu'à celui qui, de la poussière de notre abjection, a fait un corps à sa gloire ; et, afin de mériter d'avoir part à sa résurrection, mettons-nous en tout en accord avec son humilité et avec sa patience. Grand est le nom au service duquel nous nous sommes enrôlés, grand l'état dont nous avons assumé la règle. Ceux qui suivent le Christ n'ont pas le droit de s'écarter de la voie royale ; mais il est juste que, tendus vers les réalités éternelles, ils ne soient pas absorbés par les temporelles. Et, puisque nous sommes rachetés par le sang précieux du Christ, glorifions et portons Dieu dans notre corps ; ainsi mériterons-nous de parvenir aux biens qui ont été préparés pour les fidèles ; par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. »

    Saint Léon le Grand, Sermon III sur la Passion (40, 3), in Sermons tome III, SC 74, Editions du Cerf, Paris, 1961.

  • 29 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La Sainte Passion du Christ

    « Qu’Avril de ses bourgeons Lui fasse une couronne !
    Pour les foules il a fait un tapis d’herbe : elles ont mangé tout leur saoul.
    Merveille que cette bombance sur une autre bombance étendue !
    L’Avril visible à l’invisible a fait un beau décor !
    Les victoires aux fleurs se mêlent,
    Et les lis des champs, dans toute leur splendeur,
    Aux signes éclatants que fait Notre-Seigneur.

    Refrain :   
    En Avril ils ont tué
    L’Agneau et L’ont mangé,
    L’Agneau de Dieu qui vit
    Et qui donne la Vie !

    Avril avait commencé : il a conclu, il a fini ;
    De ses fleurs il a couronné le Peuple indigne
    Qui mangeait et prisait plus que tout un agneau transitoire ;
    Au lieu d’herbes amères, ce sont épines qu’ils ont glanés, ces égarés,
    Pour tourner en dérision l’Agneau véritable,
    Pour couronner le Roi dans une comédie
    Et pour tuer le Juste ; oh ! quelle vilenie !

    Que Moïse des justes T’offre la couronne,
    Lui qui tressa aussi les ossements des justes, rassemblés ;
    Au tonnerre de Ta voix, les fleurs s’ouvrirent, s’épanouirent !
    Au mois d’Avril, ce fut un vrai printemps en Enfer !
    Le visage des morts s’est éclairé,
    Leurs os tout desséchés, les voilà mis en liesse,
    Et leur grâce fanée, la voilà qui rayonne !

    Le soleil en pleines ténèbres T’a fait belle couronne !
    En se retirant il l’a tressée, en trois heures il l’a achevée,
    Pour couronner les trois jours de Sa mort ;
    Il a proclamé qu’avec la Mort Il avait maille à partir ;
    Parce que sur la croix tout homme à la Mort succombe,
    Il a saisi la croix et par elle a vaincu la Mort,
    Comme périt Goliath, tué par sa propre épée.

    De Lui le soleil proclame qu’Il est invisible et visible,
    Que Son corps s’est habillé de souffrance, Sa Nature étant impassible ;
    Selon Son corps Il a pâti, selon Sa Force Il a relui.
    Ô soleil visible, de l’Invisible endeuillé !
    Ô luminaire, de la Lumière tout marri !
    Consolé, il s’est levé, nous a consolés,
    Car du tombeau Lui s’est levé pour Son Église.

    Le soleil s’est caché là-haut, la lune tout en bas,
    Et les justes ont fui de tous côtés vers un refuge, un abri ;
    Le soleil correspond aux anges, la lune aux ensevelis ;
    Au milieu, les imposteurs déboussolés, meurtriers de leur Seigneur.
    Le soleil a paru, comme les anges envoyés ;
    La lune s’est levée avec les morts réveillés :
    Au piège, au beau milieu, les crucifieurs sont pris !

    Que l’Orient de sa droite Lui offre une couronne
    Tressée avec les symboles et les figures de l’Arche,
    Des fleurs que sur les Monts Qardu il a cueillies !
    Car c’est de là que viennent Noé, Sem et le Chef du monde,
    De là Abraham au grand nom,
    Et les Mages bénis, et puis l’Étoile encore,
    Et puis son glorieux voisin, le Paradis !

    Que l’Occident Lui offre deux couronnes magnifiques
    Dont le parfum s’en va en tout point cardinal,
    L’Occident où les deux Luminaires ont sombré !
    Les deux Apôtres ensevelis là-bas continuent de darder
    Leurs rayons qui jamais n’ont connu de couchant :
    Le soleil ? Voilà que Simon le surpasse,
    Tandis que par l’Apôtre la lune est éclipsée !

    Que du Parân le Sud Lui offre une couronne !
    Il a bourgeonné, il a fleuri de fleurs hébraïques !
    La redoutable Loi jamais accomplie par quiconque
    Est la couronne de Notre-Seigneur : Il l’a accomplie, Lui, bouclée.
    En prenant de l’âge, elle s’est calmée, assoupie,
    Et c’est en témoignage seulement qu’on la cite,
    Cette aïeule fourbue entrée en son repos.

    Le Nord était trop dur et sa terre sans fleurs…
    Rien que neiges et glaces, rien que violentes bises ;
    (les aquilons figurent le paganisme grec.)
    Mais voilà que de fleurs nouvelles il offre une couronne
    Au Soleil de l’Amour qui l’a rendu fécond !
    Voilà qu’exultent chez lui les ossements des martyrs,
    Que les vierges en fleur, radieuses, s’épanouissent !

    L’En Haut, l’En Bas, Seigneur, Te couronnent eux aussi :
    Voilà les six Côtés qui T’offrent leurs guirlandes,
    Puisque le sixième jour on T’a tressé une couronne d’épines.
    Qu’ils Te couronnent, et Ton Père par Toi !
    Le corps d’Adam par Toi triomphait :
    Grande humiliation lorsqu’il fut vaincu !
    Sa dette, sous les fleurs Tu l’as ensevelie.

    Au Né du Sixième Âge, merci de tous côtés !
    Parfait, le nombre Six : il n’est rien qui lui manque ;
    Couronne en la main droite : tel est le nombre Cent.
    En guise de couronne, notre droite offre des hymnes !
    De sénestre, par son symbole, sauve-nous,
    Et par ce qu’il représente conduis-nous à la Dextre,
    Là où le nombre Cent en guirlande est tressé ! »

    Saint Ephrem, Hymne VII sur la Passion, SC 459, Cerf, 2011.

  • 28 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La Sainte Passion de Notre-Seigneur

    « Dans tout le déroulement de la Passion du Seigneur, gardons-nous de considrer l'infirmité humaine comme si nous jugions que la puissance divine ait pu y faire défaut : n'imaginons pas davantage cette condition du Fils unique qui le rend coéternel et égal au Père, comme si nous pensions que se n'est pas vraiment passé tout ce qui paraît indigne de Dieu. L'une et l'autre nature absolument sont un seul Christ ; le Verbe ici n'est pas plus séparé de l'homme que l'homme n'est dissociable du Verbe. L'abaissement ne répugne pas parce que la majesté n'en est pas diminuée. Rien n'a été dommageable à la nature inviolable de ce qu'il fallait que souffrit la nature passible : toute cette action sacrée que consommèrent ensemble et l'humanité et la divinité, fut une dispensation de miséricorde et une oeuvre de compassion. Tels étaient, en effet, les liens qui nous tenaient attachés que, sans ce secours, nous ne pouvions être délivrés. L'abaissement de la divinité est donc notre relèvement. C'est à un prix aussi élevé que nous sommes rachetés, c'est à de si grands frais que nous sommes guéris. Quel moyen, en effet, serait donné à l'impiété pour revenir à la justice, à la misère pour retrouver le bonheur, si le juste lui-même ne se penchait vers les impies et le bienheureux vers les misérables ? »

    Saint Léon le Grand, Sermon I sur la Passion (38, 2), in Sermons tome III, SC 74, Editions du Cerf, Paris, 1961.

  • 27 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Trahison de Judas (Mt 26, 14-25)

    « "Jésus, ayant dit ces paroles, fut troublé en son esprit, et il protesta, en disant : En vérité, en vérité, je vous le dis : l'un de vous me trahira (Jn XIII,21)". Il proteste, c'est-à-dire il fait connaître d'avance un crime encore caché, afin que le traître, se voyant découvert, déteste sa faute. Toutefois, il ne le désigne pas nominativement; car si celui-ci était accusé en face, il pourrait devenir plus effronté. Le Sauveur parle d'un scélérat en général, afin que le coupable fasse pénitence. Le Dieu tout-puissant se trouble et personnifie ainsi en lui-même les impressions diverses dont notre faiblesse se trouve affectée. Aussi, quand nous éprouvons du trouble, ne devons-nous pas nous désoler outre mesure. Arrière les philosophes qui argumentent pour démontrer que l'âme du sage est à l'abri du trouble ! Que l'esprit du chrétien se trouble donc, non sous l'effort du malheur, mais sous l'influence de la charité, Cette agitation intérieure qu'éprouve Jésus-Christ signifie que la charité doit les jeter dans le trouble, lorsqu'une cause urgente force le Seigneur à séparer la zizanie du bon grain avant le temps de la moisson.

    "Et ils furent contristés, et chacun d'eux commença à lui dire : Est-ce moi, Seigneur (Mt XXVI,22) ?" Les onze Apôtres savaient bien qu'ils n'avaient jamais pensé à quelque chose de pareil ; mais ils aiment mieux en croire à leur Maître qu'à eux-mêmes, et, sous l'impression de la crainte que leur inspire leur fragilité, ils deviennent tristes, et ils le questionnent sur une faute dont ils n'ont pas conscience. Il leur dit : "Un de vous, qui trempe sa main dans le plat avec moi, me livrera (Mc XIV,20)". Pendant que tous les autres, dans le sentiment de la consternation , retirent leurs mains et cessent de manger, Judas, lui, porte la main dans le bassin avec l'impudence qu'il doit mettre à livrer son Maître son but était, par son audace, de faire croire à la pureté de sa conscience. Il faut noter ici que les douze Apôtres puisaient tous, à la ronde, dans le même vase avec le Seigneur; car la salle à manger, où ils se trouvaient, était couverte de tapis, et ils mangeaient à la mode antique, presque couchés. S'il en eût été différemment, si aucun des autres n'avait tendu la main pour toucher aux aliments du Sauveur, il est sûr que, en trempant sa main, le traître se serait formellement déclaré. Ce que Matthieu désigne sous le nom de bassin (Mt XXVI,26), Marc l'appelle plat (Mc XIV,20). L'un indique ainsi la forme quadrangulaire du vase, et l'autre sa fragilité. "Or, le Fils de l'homme s'en va selon ce qui est écrit de lui, mais malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme sera trahi ! (Mt XXVI,26)" Le Christ prédit le châtiment du coupable, afin de le corriger par la crainte, puisqu'il reste insensible à la honte. Aujourd'hui encore , malheur au méchant qui s'approche de nos saints autels, et dont le coeur est souillé d'un crime ! "Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût jamais né" (Ibid.). S'il était mort dans le sein de sa mère, s'il n'était pas né vivant, cela aurait mieux valu pour lui, en comparaison du châtiment qu'il s'est ensuite attiré. »

    Saint Augustin, Sermon XVI sur l'Evangile selon Saint Jean (5-6), in Oeuvres complètes de Saint Augustin, (Suite du Tome XI : Sixième série, Sermons inédits), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Traduction de MM. les abbés Bardot et Aubert, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 26 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Amen, amen, je vous le dis : l'un de vous me livrera." (Jn 13, 21-38)

    « Jésus, sûr de sa résolution et intrépide dans l'accomplissement du plan de son Père, mettait un terme à l'ancienne alliance et fondait la nouvelle Pâque. En effet, ses disciples assis à table avec lui pour manger le repas mystique, et tandis que, dans la cour de Caïphe, on délibérait de la manière de le faire périr, le Christ, lui, posait les règles du sacrement de son corps et de son sang et enseignait quelle victime il faudrait offrir à Dieu, n'écartant même pas le traître de ce mystère ; il montrait ainsi que ce n'est pas sous l'exaspération d'une injustice qu'agit celui dont l'impiété volontaire était connue d'avance. Car il trouva en lui-même la matière de sa ruine et la cause de sa perfidie, en prenant le diable comme chef et en refusant d'être conduit par le Christ. Aussi lorsque le Seigneur dit : "En vérité, je vous le dis, l'un de vous me livrera", il montra que la conscience du traître lui était connue ; il ne confondit pas l'impie par une réprimande sévère et publique, mais chercha à l'atteindre par un avertissement doux et muet, afin que le repentir pût le corriger plus facilement, alors qu'aucune exclusive ne l'aurait aigri. Pourquoi, ô malheureux Judas, n'uses-tu pas d'une telle mansuétude ? Voici que le Seigneur pardonne tes entreprises, et que le Christ ne te révèle à personne, sinon à toi-même : ni ton nom ni ta personne n'est découvert, mais la parole de vérité et de miséricorde atteint seulement les replis de ton coeur. On ne te refuse ni l'honneur dû au titre d'apôtre, ni la communion aux sacrements. Retourne en arrière, laisse-là ta fureur et vient à résipiscence. La clémence t'invite, le salut te presse, la vie te rapelle à la vie. Vois, les autres disciples, purs et innocents, s'épouvantent à l'annonce du crime et craignent tous pour eux-mêmes, puisque l'auteur de cette impiété n'a pas été révélé. [...] Mais toi, Judas, au milieu de cette inquiétude des saints, tu abuses de la patience du Seigneur, et tu crois que ton audace te cache. Tu ajoutes l'impudence au crime, et un signe plus évident ne t'effraye pas. Alors que les autres n'osent pas toucher à l'aliment dont le Seigneur fait un indice (cf. Mt XXVI,23), toi tu ne retires pas ta main du plat, parce que tu ne détournes pas ton âme du crime ! »

    Saint Léon le Grand, Sermon VII sur la Passion (45, 4), in Sermons tome III, SC 74, Editions du Cerf, Paris, 1961.