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St Augustin - Page 2

  • Méditation : la Transfiguration

    « "Seigneur, il nous est bon d'être ici !" Las de vivre au milieu de la foule, Pierre avait trouvé la solitude sur la montagne, où son âme se nourrissait du Christ. Pourquoi quitter ce lieu pour aller vers les fatigues et les peines, puisqu'il brûlait pour Dieu d'un saint amour et, par le fait même, sanctifiait sa vie ? Il voulait ce bonheur pour lui, si bien qu'il ajouta : "Si tu le veux, faisons ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie". Pierre désirait trois tentes : la réponse venue du ciel a montré que nous n'en avons qu'une : le Verbe de Dieu est le Christ, le Verbe de Dieu est dans la Loi, le Verbe de Dieu est dans les prophètes... Au moment où la nuée les enveloppa tous, et forma pour ainsi dire une seule tente au-dessus d'eux, une voix en sortit. Celui que la voix révélait est celui dont la Loi et les prophètes se glorifiaient : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le". Car vous l'avez écouté dans les prophètes, vous l'avez écouté dans la Loi, et où ne l'avez-vous pas entendu ? A ces mots, les disciples tombèrent à terre. En tombant à terre, les apôtres symbolisent notre mort, mais en les relevant, le Seigneur symbolise la résurrection. Et, après la résurrection, à quoi sert la Loi ? A quoi sert la prophétie ? Dès lors Elie disparaît, et Moïse disparaît. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon 78, 2-6 (PL 38, 490-493), Trad. Delhougne, "Les Pères commentent", Brepols, 1991.

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    Gravure Gustave Doré

  • Méditation : Fête des Sts Pierre et Paul apôtres

    « 1. Le puissant et le faible, le plus grand et le plus petit, le chef et le dernier, Pierre et Paul, ont, par l'égalité de leurs mérites, partagé le même sort et l'honneur de l'apostolat ; en prêchant l'Evangile, ils ont engendré le peuple chrétien, ils sont devenus les pasteurs du troupeau du Seigneur, et d'accord dans leur foi et leur prédication, semblables l'un à l'autre par la vertu, ils ont cueilli dans le champ de la mort les palmes du triomphe. Je n'en veux d'autre preuve que celle-ci, c'est qu'ayant souffert persécution en des années différentes (1), ils se trouvent néanmoins réunis pour recevoir les honneurs d'un même jour de fête. En effet, le même jour qui a conduit l'un à la couronne éternelle, a conduit l'autre au combat, afin de lui procurer là victoire ; ainsi, après s'être tous deux couronnés de gloire, ils se sont dédié un jour commun, celui où ils ont vaincu le monde et marché sur les traces de Jésus-Christ, leur roi.

    2. Admirable puissance, grâce ineffable du Sauveur ! Aurait-on jamais pu croire que le persécuteur Saul deviendrait un martyr ? Aurait-on jamais supposé qu'un homme sorti des rangs de la populace, un pêcheur, deviendrait le chef du collège apostolique, qu'il résisterait aux rois, sanctifierait les princes, gouvernerait tous les empires, guérirait le monde par ses lois, foulerait aux pieds les démons, dominerait les vertus, ouvrirait le ciel aux hommes quand il le voudrait, le leur fermerait quand il lui semblerait bon, accorderait aux convertis le royaume éternel, le refuserait aux méchants, jugerait des mérites du monde et pardonnerait à ses semblables leurs fautes et leurs crimes ? O puissance sans prix et sans bornes ! Un homme placé sur la terre, tenir le ciel entre ses mains ! Voilà que maintenant s'ouvrent, à un signe de Pierre, les portes du royaume de Dieu ! Il a, en effet, reçu du Christ les clefs du royaume des cieux, afin de l'ouvrir aux croyants, après avoir brisé les chaînes de leurs péchés. Quels mystérieux remèdes nous sont offerts, et comme ils sont à notre portée ! Le monde a tout près de lui le royaume de Dieu, s'il veut avoir recours à Pierre ; pas n'est besoin de machines pour monter vers les nues ; la foi seule suffit à nous élever si haut ; inutile à ceux qui prient de fournir une longue course pour se faire entendre de Dieu, parce que le Christ est devenu la voie des croyants. Pour tenir sa place sur la terre et porter les clefs du royaume des cieux, il a établi l'apôtre Pierre, afin que personne ne se crût incapable d'y parvenir.

    3. Paul a été renversé à terre par une voix d'en haut, quand il s'élançait avec fureur contre la bergerie, et quand, pareil à un loup enragé, il poursuivait le nom de l'innocent agneau, qu'il ne pouvait supporter ; il cherchait à tourmenter et à disperser le troupeau, et à ce moment-là même, il a été frappé ; puis, comme il se relevait, il a été aveuglé et ensuite éclairé par le Dieu qui "relève ceux qui tombent et éclaire les aveugles" (Ps CXLIV, 14). De loup qu'il était, il est tout à coup devenu un agneau, de persécuteur un apôtre, de brigand un prisonnier. Il a commencé à prêcher le Christ, auquel il résistait précédemment, à souffrir pour celui qu'il combattait jadis, à être frappé de verges, cruellement lapidé, exposé aux bêtes, jeté dans les flammes, chargé de chaînes, emprisonné, et, enfin mis à mort pour celui à cause de qui il faisait autrefois mourir les autres ; au moment où il cherchait à diminuer le nombre des chrétiens, il est venu lui-même se placer dans les rangs des confesseurs ; à l'heure même où il pénétrait dans l'étable d'un tranquille troupeau pour y porter le ravage, il est subitement devenu une brebis.

    4. La bassesse de son origine et la grandeur de ses crimes peut-elle être maintenant, pour n'importe quel homme, un sujet de désespoir ? Ne voit-il pas devant lui une source si pure de grâces célestes, que, pour s'y être plongé, un pêcheur est devenu supérieur aux monarques, et qu'un persécuteur est devenu égal aux Apôtres ? Tout en cherchant un soulagement à sa misère, tout en demandant chaque jour à la mer de quoi se sustenter, Pierre a trouvé un trésor de richesses dans Jésus-Christ, puisqu'en ce monde les rois et les nations lui obéissent. Quant à Paul, tandis qu'il poursuivait à la pointe de l'épée les membres de l'assemblée des Saints, il s'est soumis à porter le joug de la foi, il est devenu le docteur des nations, le modèle des martyrs, la terreur des démons, un pardonneur de crimes et une source de vertus. Pierre et Paul ont donc mérité ici-bas la palme du triomphe, et, dans le ciel, la couronne de la gloire. »

    (1) : On croit généralement qu'ils ont souffert la même année.

    Saint Augustin, Neuvième Sermon pour la Fête des Saints Apôtres Pierre et Paul (II), in Oeuvres complètes de Saint Augustin (Suite du Tome XI : sixième série, sermons inédits, troisième Supplément), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît de Port-Valais (Suisse).

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  • Méditation : "comme je vous ai aimés"

    « Le Seigneur Jésus assure qu’il donne à ses disciples un commandement nouveau, lorsqu’il leur dit de s’aimer les uns les autres. "Je vous donne", dit-il, "un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres"... Ce commandement est-il nouveau, parce qu’il nous dépouille du vieil homme pour nous revêtir de l’homme nouveau ? Car il renouvelle celui qui l’écoute, ou plutôt celui qui l’observe. Mais il ne s’agit pas ici de toute espèce d’amour, il y est question de celui que Notre-Seigneur distingue de l’amour charnel, quand il ajoute : "Comme je vous ai aimés"... C’est ce même amour [...] qui, de tout le genre humain répandu par tout l’univers, ne forme qu’un seul peuple, qui est le corps de cette nouvelle Epouse du Fils unique... Les membres dont elle se compose sont pleins de sollicitude les uns pour les autres ; et si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui ; et si, au contraire, un membre est glorifié, tous les membres s’en réjouissent avec lui (I Co XII, 25-26). Car ils écoutent et observent ces paroles : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres" ; non pas de la manière dont s’aiment ceux qui se corrompent, non pas de la manière dont s’aiment les hommes, parce qu’ils sont hommes; mais de cet amour qu’ils doivent avoir parce qu’ils sont tous des dieux et les fils du Très-Haut, et qu’ils veulent être les frères de son Fils unique : car ils doivent s’aimer entre eux, comme les a aimés Celui qui les conduira à la seule fin capable de leur suffire et de satisfaire leurs désirs dans le bien (Ps CII, 5). Alors, en effet, rien ne manquera à nos désirs, puisque Dieu sera toutes choses en tous (I Co XV, 28)...

    Ne pensez pas, mes frères, qu’en disant à ses disciples : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres", le Christ ait omis le commandement le plus important, qui est d’aimer le Seigneur notre Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Il semblerait, en effet, qu’il l’a passé sous silence, puisqu’il leur a dit "de s’aimer les uns les autres". On croirait aussi que ce commandement n’a aucun rapport avec celui qui nous dit : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Car ces deux commandements", nous dit Notre-Seigneur, "renferment toute la loi et les Prophètes (Mt XII, 37-40)". Mais pour qui les entend comme il faut, ces deux préceptes sont renfermés l'un dans l’autre. En effet, celui qui aime Dieu ne peut mépriser le commandement qu’il nous fait d’aimer le prochain ; et celui qui aime le prochain saintement et selon le Saint-Esprit, qu’aime-t-il en lui si ce n’est Dieu ? »

    Saint Augustin, Traité LXV sur St Jean (1-2), in Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

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  • 31 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Pâques : le lion et l'agneau

    « Selon cette vérité qu'ont fait retentir les Apôtres, et dont l'éclat s'est répandu sur toute "la terre, et les paroles jusqu'aux derniers rivages du monde (Ps XVIII, 5), le Christ, notre Pâque, a été immolé (Rm X, 18)". C'est de lui que le Prophète avait dit : "Il a été conduit à la mort comme une brebis, et comme l'agneau est sans voix devant celui qui le tond, ainsi il n'a point ouvert la bouche (Is LIII, 7)". Quel est cet homme ? Assurément celui dont il est dit ensuite : "Son jugement a été précipité au milieu de ses humiliations. Qui racontera sa génération (Ibid. 8) ?" C'est dans un Roi si puissant que je vois un tel exemple d'humilité. Car, celui qui n'ouvre la bouche, non plus que l'agneau devant celui qui le tond, est aussi "le lion de la tribu de Juda (Ap V, 5)". Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Agneau, il a subi la mort ; lion, il l'a donnée. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Il est doux et fort, aimable et terrible, innocent et puissant, muet quand on le juge, frémissant quand il jugera. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Agneau dans sa passion, lion dans sa résurrection ? Ou plutôt, ne serait-il point agneau et lion dans sa passion, agneau et lion dans sa résurrection ? Voyons l'agneau dans la passion. Nous l'avons dit tout à l'heure : "Il n'a pas ouvert sa bouche, non plus que l'agneau qui est sans voix devant celui qui le tond". Voyons le lion dans cette même passion. Jacob a dit : "Tu t'es élancé dans ton repos, tu as dormi comme le lion (Geti. XLIX, 9)". Voyons l'agneau dans la résurrection. Nous lisons dans l'Apocalypse, à propos de la gloire éternelle des vierges : "Elles suivent l'agneau partout où il va (Ap XXV, 4)". Voyons le lion dans la résurrection. L'Apocalypse nous dit encore cette parole déjà citée plus haut : "Voici que le lion de la tribu de Juda a vaincu et peut ouvrir le livre (Id. 5)". Comment agneau dans la passion ? Parce qu'il a reçu la mort, sans avoir d'iniquité. Comment lion dans la passion ? Parce qu'en mourant il a tué la mort. Comment agneau dans la résurrection ? Parce qu'il possède l'innocence éternelle. Comment lion dans la résurrection ? Parce qu'il a la puissance éternelle. Quel est cet agneau et ce lion tout ensemble ? Comment demander qui est-il ? Mais si je demande ce qu'il était ? "Au commencement, il était le Verbe". Où était-il ? "Et le Verbe était en Dieu". Quel était-il ? "Et le Verbe était Dieu". Quelle était sa puissance ? "Tout a été fait par lui". Et lui, qu'a-t-il été fait ? "Et le Verbe a été fait chair (Jn X, 1, 2, 14)". Comment est-il né d'un père et non d'une mère, d'une mère et non d'un père ? "Qui racontera sa génération ?" Engendré par l'un, il est coéternel à celui qui l'engendre. Il devient chair en demeurant Verbe. Il a créé tous les temps, a été créé au temps convenable ; proie de la mort, et faisant de la mort sa proie, exposé sans beauté, aux yeux des fils des hommes, sachant supporter l'infirmité, faisant ce qui est humble, dans sa grandeur, et ce qui est grand dans son humilité ; Dieu homme, et homme Dieu ; premier-né, et Créateur des premiers-nés ; unique, et auteur de toutes choses ; né de la substance du Père, et participant à la nature des fils adoptifs, Dieu de tous et serviteur d'un grand nombre. Tel est l'agneau "qui efface les péchés du monde (Id. I, 29)". Le lion qui triomphe des potentats du monde. Je demandais quel est-il ; cherchons plutôt quels sont ceux pour qui il est mort. Serait-ce pour les justes et les saints ? Ce n'est point ce que dit l'Apôtre ; mais bien : "Le Christ est mort pour les impies (Rm V, 6)". Non point assurément pour qu'ils demeurent dans leur impiété, mais afin que, par la mort du juste, le pécheur fût justifié et que la cédule du péché fût effacée par l'effusion d'un sang exempt de péché. »

    Saint Augustin, Quatrième Sermon - Sur la Pâques, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, (Suppl. II, Sec. I, Sermons édités par Michel Deny), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

  • 27 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Trahison de Judas (Mt 26, 14-25)

    « "Jésus, ayant dit ces paroles, fut troublé en son esprit, et il protesta, en disant : En vérité, en vérité, je vous le dis : l'un de vous me trahira (Jn XIII,21)". Il proteste, c'est-à-dire il fait connaître d'avance un crime encore caché, afin que le traître, se voyant découvert, déteste sa faute. Toutefois, il ne le désigne pas nominativement; car si celui-ci était accusé en face, il pourrait devenir plus effronté. Le Sauveur parle d'un scélérat en général, afin que le coupable fasse pénitence. Le Dieu tout-puissant se trouble et personnifie ainsi en lui-même les impressions diverses dont notre faiblesse se trouve affectée. Aussi, quand nous éprouvons du trouble, ne devons-nous pas nous désoler outre mesure. Arrière les philosophes qui argumentent pour démontrer que l'âme du sage est à l'abri du trouble ! Que l'esprit du chrétien se trouble donc, non sous l'effort du malheur, mais sous l'influence de la charité, Cette agitation intérieure qu'éprouve Jésus-Christ signifie que la charité doit les jeter dans le trouble, lorsqu'une cause urgente force le Seigneur à séparer la zizanie du bon grain avant le temps de la moisson.

    "Et ils furent contristés, et chacun d'eux commença à lui dire : Est-ce moi, Seigneur (Mt XXVI,22) ?" Les onze Apôtres savaient bien qu'ils n'avaient jamais pensé à quelque chose de pareil ; mais ils aiment mieux en croire à leur Maître qu'à eux-mêmes, et, sous l'impression de la crainte que leur inspire leur fragilité, ils deviennent tristes, et ils le questionnent sur une faute dont ils n'ont pas conscience. Il leur dit : "Un de vous, qui trempe sa main dans le plat avec moi, me livrera (Mc XIV,20)". Pendant que tous les autres, dans le sentiment de la consternation , retirent leurs mains et cessent de manger, Judas, lui, porte la main dans le bassin avec l'impudence qu'il doit mettre à livrer son Maître son but était, par son audace, de faire croire à la pureté de sa conscience. Il faut noter ici que les douze Apôtres puisaient tous, à la ronde, dans le même vase avec le Seigneur; car la salle à manger, où ils se trouvaient, était couverte de tapis, et ils mangeaient à la mode antique, presque couchés. S'il en eût été différemment, si aucun des autres n'avait tendu la main pour toucher aux aliments du Sauveur, il est sûr que, en trempant sa main, le traître se serait formellement déclaré. Ce que Matthieu désigne sous le nom de bassin (Mt XXVI,26), Marc l'appelle plat (Mc XIV,20). L'un indique ainsi la forme quadrangulaire du vase, et l'autre sa fragilité. "Or, le Fils de l'homme s'en va selon ce qui est écrit de lui, mais malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme sera trahi ! (Mt XXVI,26)" Le Christ prédit le châtiment du coupable, afin de le corriger par la crainte, puisqu'il reste insensible à la honte. Aujourd'hui encore , malheur au méchant qui s'approche de nos saints autels, et dont le coeur est souillé d'un crime ! "Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût jamais né" (Ibid.). S'il était mort dans le sein de sa mère, s'il n'était pas né vivant, cela aurait mieux valu pour lui, en comparaison du châtiment qu'il s'est ensuite attiré. »

    Saint Augustin, Sermon XVI sur l'Evangile selon Saint Jean (5-6), in Oeuvres complètes de Saint Augustin, (Suite du Tome XI : Sixième série, Sermons inédits), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Traduction de MM. les abbés Bardot et Aubert, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 24 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Entrée à Jérusalem (Lc 19, 28-40)
    -
    Evangile de la Passion selon St Luc
    -
    & Ph 2, 6-11

    « Cherchons donc, si nous le pouvons, non pas ce qui pourrait monter dans notre coeur, mais où notre coeur doit mériter de s'élever. Il méritera d'être glorifié avec Jésus-Christ dans son royaume, s'il a appris à se glorifier avec lui sur sa croix. Aussi, bien plus heureux que ceux qui voient où il faut monter, sans savoir par où, et qui aiment le pays de la grandeur, sans savoir le chemin de l'humilité, l'Apôtre sachant tout à la fois et le terme et la route, s'écrie avec un accent profondément convaincu. "A Dieu ne plaise que je me glorifie, sinon dans la croix de Jésus-Christ Notre-Seigneur !" Il aurait pu dire : Sinon dans la sagesse de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et il aurait dit vrai ; sinon dans sa majesté, il aurait dit vrai encore ; sinon dans sa puissance, il aurait dit également vrai. Il dit plutôt : "Dans la croix". Ce qui fait rougir le philosophe du siècle, est pour l'Apôtre un trésor ; il ne dédaigne point l'enveloppe grossière, et il découvre l'or caché. "A Dieu ne plaise que je me glorifie, sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ !" De quel heureux fardeau vous vous chargez, ô Apôtre, il renferme tout ce que vous ambitionnez, vous avez même montré ce qu'il contient de riche. Mais de quel secours vous est-il ? Par lui, répond-il, le monde m'est crucifié, et je le suis au monde (Ga VI, 14)." Comment en effet le monde vous serait-il crucifié, si pour vous ne l'avait été d'abord l'Auteur même du monde ? Ainsi "que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur". Dans quel Seigneur ? Dans le Christ crucifié. Il y a en lui de l'humilité, mais aussi la majesté même ; de la faiblesse, mais aussi la puissance ; la mort, mais aussi la vie. Pour parvenir à ce qui te flatte, ne méprise point ce qui t'effraie. »

    Saint Augustin, Sermon CLX (Sermons détachés sur divers passages de l'Ecriture Sainte — Deuxième série : Solennités et Panégyriques), in Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Tome VII, Bar-Le-Duc 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 22 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Le Père est en moi, et moi dans le Père" (Jn 10, 31-42)

    « Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, qui est né de Dieu le Père sans le concours d'aucune mère, et de la Vierge sa mère sans le concours d'aucun père mortel, Jésus-Christ a dit, vous venez de l'entendre : "Mon Père et moi nous sommes un." (Jn X, 0) Accueillez, croyez cette assertion de manière à mériter de la comprendre ; car la foi doit précéder l'intelligence et l'intelligence doit être la récompense de la foi, comme l'enseigne expressément un Prophète : "Si vous ne croyez, dit-il, vous ne comprendrez point." (Is VII,9). Ainsi donc c'est à la foi que s'adresse la prédication en exposant simplement les mystères, et c'est l'intelligence que veut éclairer la discussion en les approfondissant. Aussi, afin de commencer par répandre la foi dans vos âmes, nous vous prêchons Jésus-Christ, Fils unique de Dieu.

    Pourquoi dire unique ? Parce que le Père de ce Fils unique s'est fait par sa grâce beaucoup d'autres enfants. Tous les saints en effet sont fils de Dieu par grâce, Jésus-Christ seul l'est par nature. Etre fils de Dieu par grâce, c'est n'avoir pas la nature du Père ; voilà pourquoi aucun saint n'a osé dire jamais, comme le Fils unique : "Mon Père et moi nous sommes un." Le Père toutefois n'est-il pas aussi notre Père ? S'il ne l'est pas, comment lui disons-nous en priant : "Notre Père qui êtes aux cieux" (Mt VI,9) ? Il est vrai, nous sommes ses enfants ; mais il nous a rendus tels par sa volonté, sans nous avoir engendrés de sa substance ; et s'il est dit qu'il nous a engendrés, c'est pour exprimer qu'il nous a adoptés en nous communiquant ses bienfaits et non point en nous transmettant sa nature. Aussi portons-nous ce titre d'enfants pour avoir été appelés par lui à l'adoption de ses fils (Eph I,6). Nous sommes des hommes adoptés par Dieu. Si Jésus-Christ est appelé Fils unique, c'est qu'il a la même nature que son Père ; nous au contraire nous ne sommes que des hommes et notre Père est Dieu. Or c'est parce que Jésus a la même nature que son Père qu'il a dit et qu'il a dit avec vérité : "Mon Père et moi nous sommes un." Que signifie "nous sommes un" ? Nous sommes d'une seule et même nature, d'une seule et même substance. »

    Saint Augustin, Traité sur saint Jean CXXXIX : Consubstantialité du Fils avec le Père (1), in Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Tome X, Bar-Le-Duc 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 20 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres."
    (Jn 8, 31-42)

    « "Si vous demeurez dans ma parole, dit-il, vous êtes véritablement mes disciples." Il ne suffit pas pour un disciple d'entendre la parole du maître, il doit s'y attacher. Aussi le Sauveur ne dit-il pas Si vous entendez ma parole, si vous cherchez à la recueillir, si vous y applaudissez ; mais, remarquez bien ; "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes véritablement mes disciples ; et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous délivrera."

    Quelle observation faire ici, mes frères ? Il y a peine ou il n'y a pas peine à demeurer dans la parole de Dieu. Si c'est une peine, considère la grandeur de la récompense ; et si ce n'en est pas une, la récompense t'est accordée gratuitement. Ah ! demeurons dans Celui qui demeure en nous. Ne pas demeurer en lui, pour nous c'est tomber ; et pour lui, s'il ne demeure pas en nous, il n'en a pas moins une demeure ; car il sait demeurer en lui-même, puisqu'il n'en sort jamais. L'homme au contraire, après s'être perdu, doit se garder de demeurer en soi ; et si le besoin nous porte à demeurer en lui, c'est la compassion qui le détermine à demeurer en nous. [...]
    Qu'est-ce donc que demeurer dans la parole de Dieu, sinon ne céder devant aucune tentation ?

    "Vous connaîtrez la vérité" : quelle récompense ! On pourrait dire : Que me sert de connaître la vérité? "Et la vérité vous délivrera." Si tu n'aimes pas la vérité, aime la liberté. Le mot délivrer, dans notre langue, peut s'entendre de deux manières : on le prend le plus ordinairement pour exprimer que l'on sauve d'un danger, que l'on tire d'embarras. Mais dans le sens propre délivrer signifie rendre libre. Qu'est-ce que sauver, sinon assurer le salut ? Qu'est-ce que guérir, sinon rendre la santé ? Ainsi délivrer signifie rendre libre, et voilà pourquoi je disais : Si tu n'aimes pas la vérité, aime la liberté. Le mot grec exprime ce sens plus clairement encore, et on ne peut l'entendre autrement. Ce qui le prouve, c'est que les Juifs répondirent au Seigneur. "Nous n'avons été jamais esclaves de « personne ; comment dites-vous : La vérité vous délivrera ?" Comment nous dites-vous cela puisque nous n'avons jamais été esclaves de personne ? Vous savez que nous ne sommes assujettis à aucun esclavage ; comment donc nous promettez-vous la liberté ?

    Ils comprenaient bien, mais ils agirent mal. Comment comprirent-ils ? — "La vérité vous délivrera", ai-je dit ; et considérant que vous n'êtes esclaves d'aucun homme, vous vous êtes écriés : "Jamais nous n'avons été esclaves." Mais "quiconque" Juif ou Gentil, riche ou pauvre, homme privé ou homme public, empereur ou mendiant, "quiconque faitle péché, est esclave du péché." Oui, "quiconque fait le péché, est esclave du péché", et si on reconnaît cet esclavage, on saura à qui demander la liberté.

    Un homme libre est saisi parles barbares, de libre qu'il était il devient esclave. Un riche compatissant l'apprend ; il considère qu'il a de la fortune et il veut le racheter. II va trouver les barbares, leur donne de l'argent et rachète l'esclave. Mais l'affranchir complètement, ce serait le délivrer du péché. Qui en délivre ? Est-ce un homme qui en affranchit l'homme ? Cet homme que nous venons de voir sous le joug des barbares a été racheté par son bienfaiteur, et il y a de l'un à l'autre une grande différence : il est possible pourtant que tous deux soient également esclaves de l'iniquité. Je demande à l'esclave racheté : As-tu quelque péché ? — J'en ai, répond-il. — Et toi, rédempteur, en as-tu ? — J'en ai aussi, reprend-il. — Donc ne vous vantez ni l'un ni l'autre, ni toi d'être racheté, ni toi d'avoir racheté ; mais courez tous deux au Libérateur véritable. »

    Saint Augustin, Traité CXXXIV (1-3) sur saint Jean, in Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Tome X, Bar-Le-Duc 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 18 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Je suis la lumière du monde" (Jn 8, 12-20)

    « Ces paroles du Sauveur : "Je suis la lumière du monde", me semblent assez claires pour ceux qui ont des yeux à l’aide desquels on peut contempler cette lumière ; ceux, au contraire, qui n’ont d’autres yeux que les yeux de leur corps, s’étonnent d’entendre ces paroles : "Je suis la lumière du monde", sortir de la bouche de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il en est, sans doute, plus d’un pour se dire à lui-même "Le Seigneur Jésus serait-il ce soleil, dont le lever et le coucher forment la mesure de nos jours ?" [...] N’allons point voir Jésus-Christ dans ce soleil qui se lève à nos yeux, en Orient, pour aller se coucher en Occident, à l’éclat duquel succèdent les ombres de la nuit, dont les rayons sont interceptés par les nuages, et qui passe avec une admirable régularité de mouvements, d’un lieu dans un autre ; non, le Sauveur Jésus n’est pas ce soleil ; non, il n’est pas cet astre sorti du néant : il en est le Créateur ; "car, par lui toutes choses ont été faites, et rien n’a été fait sans lui".
    Il est donc la lumière qui a créé les rayons du soleil. Puissions-nous l’aimer, désirer la comprendre et en éprouver comme une soif ardente ! Ainsi elle nous conduira un jour jusqu’à elle-même, et nous vivrons en elle de manière à ne jamais mourir complètement. [...]
    Vous voyez, mes frères, si vous avez des yeux intérieurs, vous voyez à quelle lumière le Seigneur fait allusion quand il dit : "Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres". Suis l’astre du jour, et voyons si tu ne marcheras pas dans les ténèbres. Voilà qu’il se lève et s’avance vers toi ; il dirige sa course vers l’Occident... Ton Dieu est partout tout entier, et si tu ne te sépares point de lui, jamais ce soleil éternel ne se couchera pour toi. »

    Saint Augustin, XXXIVe Traité sur saint Jean (2-3-6), In Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Tome X, Bar-Le-Duc 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 17 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La femme adultère : "Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre."
    (Jn 8, 1-11)

    « 1. Frères bien-aimés, nous devons faire de la présente leçon du saint Evangile une étude d'autant plus approfondie, nous devons en conserver un souvenir d'autant plus durable, qu'elle nous donne une plus haute idée de la miséricordieuse bonté de notre Créateur. Vous l'avez entendu, des accusateurs méchants avaient amené devant lui une femme adultère ; au lieu de la condamner à être lapidée, comme le voulait la loi de Moïse, le Sauveur força les accusateurs de cette femme à reporter leur attention sur eux-mêmes et à se prononcer sur le compte de la pécheresse avec l'indulgence qu'eût réclamée pour eux-mêmes leur propre faiblesse bien constatée. Remarquons, toutefois, que l'Ecriture emprunte d'ordinaire aux circonstances de temps et de lieu, et quelquefois de l'un et de l'autre, l'occasion d'indiquer d'avance les événements dont elle doit faire ensuite le récit ; aussi, avant de raconter avec quelle miséricorde le Rédempteur a tempéré et interprété la loi, l'Evangéliste dit-il d'abord que « Jésus vint sur la montagne des Oliviers, et qu'au commencement du jour, il parut de nouveau dans le temple (Jn VIII, 1, 2) ». En effet, le mont des Oliviers représente l'infinie bonté, la grande miséricorde du Seigneur ; car le mot grec oleos signifie, en latin, miséricorde ; une onction d'huile apporte d'habitude du soulagement à des membres fatigués et malades ; enfin, l'huile est si légère et si pure, que si tu veux la mélanger avec n'importe quel autre liquide, elle remonte aussi vite au-dessus de ce liquide et se tient à la surface : image assez fidèle de la grâce et de la miséricorde du Seigneur. Au sujet de celle-ci, il est écrit : « Le Seigneur est bon pour tous, et sa commisération repose sur toutes ses oeuvres (Ps CXLIV, 12) ». Le commencement du jour représente aussi l'aurore de la grâce qui, après avoir dissipé les ombres de la loi, devait amener à sa suite le soleil brillant de la vérité évangélique. « Jésus vient donc en la montagne des Oliviers » pour montrer qu'en lui se trouve la forteresse de la miséricorde ; et « au commencement du jour il paraît de nouveau dans le temple », pour nous faire entendre qu'avec la lumière naissante du Nouveau Testament, les trésors de cette même miséricorde devaient s'ouvrir et se répandre sur les fidèles, qui sont vraiment son temple.

    2. Et, dit l'Evangéliste, « tout le peuple vint vers lui, et, s'étant assis, il les instruisait (Jn VIII, 2) ». Le Christ s'assied ; par là, il nous fait voir combien il s'est humilié en se faisant homme, pour apporter à nos maux le remède de son infinie miséricorde. Voilà aussi la raison de ce précepte du Psalmiste : « Levez-vous, après que vous vous serez assis ». Ou, en d'autres termes plus nets : Levez-vous, non pas avant, mais après que vous vous serez assis ; car lorsque vous vous serez vraiment humiliés, vous aurez tout lieu d'espérer que les joies célestes deviendront votre récompense. L'Evangéliste nous rapporte avec un véritable à propos que Jésus s'étant assis pour enseigner, tout le peuple vint vers lui en effet, lorsque, par l'humilité de son incarnation, il nous a eu manifesté sa miséricorde en se rapprochant de nous, ses leçons ont été reçues plus volontiers et par un grand nombre d'hommes ; car la plupart, entraînés par l'orgueil et l'impiété, en avaient précédemment fait mépris. « Ceux qui ont le coeur doux ont entendu et se sont réjouis (Ps XXXIII, 2) ». Ils ont loué le Seigneur avec le Psalmiste, et ils ont ensemble exalté son saint nom. Les envieux ont entendu : « Ils ont été brisés et ne se sont point repentis (Id. XXXIV, 16) ». Ils l'ont tenté, se sont moqués de lui, ont grincé des dents contre lui. Enfin, pour l'éprouver, ils lui amenèrent une femme surprise en adultère, et lui demandèrent ce qu'il fallait faire de cette malheureuse que la loi de Moïse condamnait à être lapidée. S'il déclarait qu'elle devait être lapidée, ils le tourneraient en ridicule pour avoir oublié les leçons de miséricorde qu'il leur avait toujours adressées ; si, au contraire, il s'opposait à sa lapidation, ils grinceraient des dents contre lui et trouveraient un motif, réel pour le condamner lui-même comme autorisant le vice et enfreignant les prescriptions de la loi. Mais à Dieu ne plaise que l'imbécillité terrestre ait trouvé de quoi dire et que la sagesse d'en haut n'ait pas trouvé de quoi répondre ! A Dieu ne plaise que l'impiété aveugle ait pu empêcher le soleil de justice d'éclairer le monde ! « Jésus donc, se baissant, écrivait avec son doigt sur la terre (Jn VIII, 6) ». L'inclinaison de Jésus était l'emblème de l'humilité ; le doigt, facile à plier à cause des articulations dont il se compose, symbolisait la subtilité du discernement. Enfin, la terre était la figure du coeur humain, qui peut être indifféremment le principe de bonnes ou de mauvaises actions. On demande donc au Sauveur de porter son jugement sur le compte de la pécheresse : il ne se prononce pas immédiatement, mais, avant de le faire, « il se baisse et il écrit avec son doigt sur la terre », puis il acquiesce à l'instante demande des accusateurs, et dit ce qu'il pense. Par là il nous donne un modèle de conduite, pour le cas où nous verrions le prochain faire quelques écarts : avant de le juger et de porter contre lui une sentence de condamnation, descendons humblement dans notre propre conscience, puis, avec le doigt du discernement, débrouillons l'écheveau de nos oeuvres, et par un examen attentif faisons la part de ce qui plaît à Dieu et la part de ce qui lui déplaît : c'est le conseil que nous donne l'Apôtre : « Mes frères », dit-il, « si quelqu'un est tombé par surprise en quelque péché, vous autres, qui êtes spirituels, ayez soin de le relever dans un esprit de douceur, chacun de vous réfléchissant sur soi-même et craignant d'être tenté comme lui (Ga VI, 1) ».

    2. « Et comme ils continuaient à l'interroger, il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette contre elle la première pierre (Jn VIII, 7) ». De ci et de là les scribes et les pharisiens tendaient au Sauveur des lacets et des piéges, supposant que, dans ses décisions, il se montrerait dur ou infidèle à la loi ; mais il voyait leurs malices, déchirait leurs filets aussi facilement qu'une toile d'araignée, et ne cessait de se montrer aussi juste que bon et miséricordieux dans ses jugements ; aussi cette parole du Psalmiste, que nous avons citée, trouvait-elle en lui son parfait accomplissement : « Ils ont été brisés et ne se sont point repentis (Ps XXXIV, 16) ». Ils ont été brisés, afin qu'ils ne pussent enserrer le Sauveur dans les mailles de leurs fils, et ils ne se sont point convertis, pour pratiquer, à son exemple, les oeuvres de miséricorde. Veux-tu apprendre comment la bonté du Christ a tempéré la rigueur de la loi ? Le voici : « Que celui de vous qui est sans péché ». Veux-tu aussi connaître l'équité de son jugement ? « Jette contre elle la première pierre ». Si, dit-il, Moïse nous a commandé de lapider la femme adultère, ce n'est pas à des pécheurs, mais à des justes, qu'il appartient d'exécuter ses ordres. Commencez d'abord vous-mêmes par accomplir la loi : alors, hâtez-vous de lapider la coupable, parce que vos mains sont innocentes et que votre coeur est pur. Accomplissez d'abord les prescriptions spirituelles de la loi ; ayez la foi, pratiquez la miséricorde, respectez la vérité ; alors vous aurez le droit de juger des choses charnelles. Après avoir prononcé son jugement, le Sauveur « se baissa de nouveau, et il écrivit sur la terre (Jn VIII, 8) ». Ne pourrait-on pas expliquer ce mouvement d'après ce qui a lieu d'ordinaire dans le monde ? En présence de ces tentateurs de mauvaise foi, ne s'est-il point baissé, n'a-t-il pas voulu écrire sur la terre et regarder d'un autre côté, pour laisser libres de partir des hommes que sa réponse écrasante disposait plutôt à s'éloigner bien vite qu'à le questionner davantage ?

    4. Enfin, « en entendant ces paroles, ils s'en allèrent l'un après l'autre, les vieillards les premiers (Ibid. 9) ». Avant de porter son jugement, et après l'avoir porté, le Sauveur s'est baissé et il a écrit sur la terre ; c'était là-nous avertir, en figure, de commencer par reprendre notre prochain, quand il manque à ses devoirs, puis, après avoir exercé envers lui le ministère de correction fraternelle, de nous examiner nous-mêmes humblement et avec soin ; car il pourrait se faire que nous soyons personnellement coupables des fautes que nous reprochons à eux ou à tous autres. Voici, en effet, ce qui arrive souvent : on condamne, par exemple, un meurtrier public, et l'on ne remarque pas qu'on a soi-même le coeur gâté par les sentiments d'une haine plus coupable. Ceux qui accusent les fornicateurs ne font pas attention à la peste de l'orgueil hautain que leur suggère l'idée de leur chasteté. On blâme les ivrognes, et l'on n'ouvre pas les yeux sur l'envie dont on se trouve rongé. En des circonstances si dangereuses, quel remède employer, comment nous préserver du mal ? Le voici : Quand nous en voyons un autre tomber dans le péché, baissons-nous aussitôt, c'est-à-dire jetons humblement les yeux sur les fautes que la fragilité de notre nature ne nous permettrait pas d'éviter, si la bonté divine ne venait nous soutenir. Ecrivons sur la terre ; en d'autres termes, discutons avec soin l'état de notre âme et demandons-nous si nous pouvons dire avec le bienheureux Job : « Notre coeur ne nous reproche rien pour tout le cours de notre vie (Job, XXVII, 6) » ; et, s'il nous reproche quelque chose, rappelons-nous, et ne l'oublions pas, que Dieu est supérieur à notre coeur, et qu'il sait tout.

    5. Nous pouvons donner encore une autre interprétation de la conduite de Notre-Seigneur au moment où il allait accorder à la femme adultère son pardon : il a voulu écrire avec son doigt sur la terre, pour montrer qu'il a lui-même autrefois écrit le décalogue de la loi avec son doigt, c'est-à-dire par l'opération du Saint-Esprit. Il était juste que la loi fût écrite sur la pierre, puisque Dieu la donnait pour dompter le coeur si dur et si rebelle de son peuple. Il n'était pas moins convenable que le Christ écrivît sur la terre, puisqu'il devait donner la grâce du pardon aux hommes contrits et humbles de coeur, afin de leur faire porter des fruits de salut. C'est à juste titre que nous voyons se baisser et écrire avec son doigt sur la terre Celui qui s'était autrefois montré sur le sommet de la montagne et avait écrit de sa main sur des tables de pierre ; de fait, en s'humiliant jusqu'à se revêtir de notre humanité, il a répandu dans le coeur fécond des fidèles l'esprit de grâce, après avoir, du haut de la montagne où il apparaissait aux yeux de tous, donné précédemment de durs préceptes à une nation endurcie. C'est chose bien à propos, qu'après s'être baissé et avoir écrit sur la terre, le Christ se soit redressé et qu'il ait alors laissé tomber de ses lèvres des paroles de pardon ; car ce qu'il nous a fait espérer en venant partager notre faiblesse humaine, il nous l'a miséricordieusement accordé en vertu de sa puissance divine. « Jésus, s'étant relevé, lui dit : « Femme, où sont ceux qui t'accusaient ? Personne ne t'a condamnée ? Elle lui répondit : Non , Seigneur (Jn VIII, 10) ». Personne n'avait osé condamner cette pécheresse, parce que chacun des accusateurs avait déjà reconnu en lui-même des sujets bien autrement graves de condamnation. Mais voyons comment, après avoir écrasé les accusateurs sous le poids de la justice, le Sauveur ranime le courage de d'accusée ; voyons de quelle ineffable bonté il lui donne le gage : « Et moi, je ne te condamnerai pas non plus ; va, et ne pèche plus à l'avenir (Jn VIII, 11) ». Alors s'accomplit la parole que le psalmographe avait prononcée en chantant les louanges du Seigneur : « Regardez, et, dans votre majesté, marchez et régnez, à cause de la vérité, de la clémence et de la justice, et votre droite se signalera par des merveilles (Ps XLIV, 6) ». Le Christ règne à cause de la vérité, parce qu'en enseignant au monde le chemin de la vérité, il ouvre à la multitude des croyants les portes de son glorieux royaume. Il règne à cause de la clémence et de la justice, car plusieurs se soumettent à son empire en le voyant si bon à délivrer de leurs péchés ceux qui se repentent, et si juste à condamner à cause de leurs fautes ceux qui y persévèrent ; si clément à accorder le bienfait de la foi et des vertus célestes, si juste à récompenser éternellement les mérites de la foi et les luttes des vertus célestes. « Votre droite l'a signalé par des merveilles ». Car Dieu, habitant dans l'homme, a montré qu'il était admirable dans tout ce qu'il faisait et enseignait : et, au surplus, qu'il évitait toujours, avec une merveilleuse prudence, tous les piéges que l'astuce raffinée de ses ennemis pouvait imaginer de lui tendre. « Ni moi non plus, je ne te condamnerai pas ; va, et ne pèche plus à l'avenir ». Qu'il est bon et miséricordieux ! Il pardonne les péchés passés. Qu'il est juste, et comme il aime la justice ! Il défend de pécher davantage. »

    Saint Augustin, Sermon XV (1-5), Sermons sur des sujets tirés de l'Ecriture, in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Traduction de MM. les abbés Bardot et Aubert, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.

  • 15 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Le Seigneur entend ceux qui l'appellent :
    de toutes leurs angoisses, il les délivre."
    (Ps 33)

    « Le titre de ce psaume est : A David. Le double sens, attaché au nom de David, désigne deux qualités du Christ, et montre, comme le texte, que ce psaume s’applique au Christ, considéré en lui-même et dans ses membres. Sous ce double rapport, il souffre et cherche son secours en Dieu. Nous, qui souffrons, mettons aussi en Dieu notre confiance : 1° parce qu’il est notre salut. Pour venir à notre aide, il se sert de nous-mêmes, et des vertus qu’il nous inspire, comme d’une armure : notre âme, voilà son épée, son casque, sa cuirasse ; nos vices, nos semblables, le démon, voilà nos ennemis ; pour leur résister, il faut être juste, et c’est Dieu qui donne la justice. Quoi qu’en disent nos ennemis, quel que soit notre sort ici-bas, Dieu seul est notre salut et ce qu’il a fait dans tous les temps, et surtout à l’égard de Job, en est la preuve. Il triomphe de nos ennemis en les convertissant ou en les condamnant ; il punit les méchants par leur propre méchanceté Quant aux justes, il est leur unique souverain bien ; ils doivent donc chercher en lui le sujet de joies et de leurs espérances. 2° Parce que le Christ est notre Chef, que nous sommes ses membres, et que comme il a été glorifié après avoir souffert, nous le serons nous-mêmes, si nous l’imitons. Environné d’ennemis acharnés à sa perte, il vécut dans l’innocence, la mortification, le jeûne, la prière et l’union avec Dieu, et triompha ainsi de leur malice. Imitons ce parfait modèle, et, puisque nous sommes condamnés à souffrir, souffrons, comme lui, pour la justice, Dieu nous sauvera, et, alors, la tranquillité et la joie seront notre partage. »

    Saint Augustain, Discours sur le Psaume XXXIV, in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 13 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Le Seigneur est tendresse et pitié,
    lent à la colère et plein d'amour"
    (Ps 144)

    « Ici-bas notre âme s’efforce de s’élever à Dieu qui est descendu jusqu’à elle. — Bénis le Seigneur, ô mon âme. La joie est proposée ainsi à l’âme dans le trouble ; et l’interlocuteur n’est pas le corps, qui ne saurait donner un conseil, et qui est corruptible et inférieur à l’âme, celle-ci fût-elle souillée, comme le plomb le plus net est inférieur à l’or le plus maculé. C’est donc la partie supérieure, qui s’adresse à la partie inférieure, troublée par son attachement aux créatures, tandis que l’âme a besoin de s’attacher à Dieu afin qu’il la dirige, comme elle-même dirige le corps.

    Je bénirai le Seigneur pendant ma vie, ou dans la terre des vivants, alors que le Seigneur sera notre héritage. Ici-bas nous passons, allant à une destination bien différente, comme le riche et Lazare ; mais dans la maison du Seigneur, nous le bénirons éternellement. Dieu seul doit être notre appui, et non les hommes qui ne sauraient sauver, encore moins les hérétiques se vantant de donner le salut. L’esprit s’en ira, et ils retourneront dans la terre avec leurs pensées. Bienheureux celui qui a pour appui le Dieu de Jacob, qui le fait Israël ; il est à nous par le culte que nous lui rendons et par le soin qu’il prend de nous, sans l’un ou sans l’autre l’homme est stérile. Mais Dieu prend-il soin des hommes ? Oui, parce qu’il est le créateur de tout, et même du moindre insecte, et de plus qu’il sauvera les hommes et les animaux.

    [...]

    C’est Dieu qui garde la vérité, qui rend justice à ceux que l’on opprime, c’est-à-dire à ceux qui souffrent pour la justice, et non à cause du mal qu’ils ont fait. Ainsi les hérétiques se plaignent des lois portées contre eux ; qu’ils considèrent leurs oeuvres, qu’ils voient si elles sont justes. L’Evangile n’assigne pas le bonheur à ceux qui souffrent, mais à ceux qui souffrent pour la justice. Or, l’Eglise souffre pour la justice, elle qui doit vivre parmi ces scandales ; mais il n’en est pas ainsi des hérétiques persuadant aux hommes de nier qu’ils soient chrétiens, les conduisant à l’apostasie, et se prétendant justes.

    Dans les ministres de l’Eglise, ne nous inquiétons pas de la sainteté de l’homme ; c’est Dieu qui donne la nourriture, et à tous ceux qui ont faim et soif de la justice. C’est lui qui délie les captifs et non les hérétiques, lui qui donne la sagesse aux aveugles. Cette captivité est celle du corps, dont Dieu nous délivrera en le rendant immortel. C’est pour ceux que le péché fait tomber que le Christ est descendu, lui qui aime les justes, les étrangers qui viennent dans le giron de l’Eglise ; il soutient la veuve ou l’Eglise sans époux en cette vie, et l’orphelin on le chrétien détaché de tout ce qui est ici-bas ; il confond la voie des impies, ou la voie large de ceux qui ne connaissent que les jouissances terrestres, et donne aux justes le royaume éternel. »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume CXLV, in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 11 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Parole du Seigneur : Oui, je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle..."
    (Is 65, 17-21)

    « Deux parents nous ont engendrés pour la mort ; deux parents nous ont engendrés pour la vie. Adam et Ève sont les parents qui nous ont engendrés pour la mort ; le Christ et l'Église sont les parents qui nous ont engendrés pour la vie. Dans le père qui m'a engendré pour la mort, je vois Adam ; Ève dans ma mère. Nous sommes issus d'une race charnelle. C'est à la vérité par un bienfait de Dieu, car nous ne devons ce bienfait qu'à Dieu. Cependant comment sommes-nous venus au jour ? Sans aucun doute, c'est pour mourir. Ceux qui nous ont précédés nous ont engendrés pour leur succéder : était-ce pour qu'éternellement nous vécussions sur la terre avec eux ? Ils devaient s'en aller, et ils ont voulu être remplacés.

    Ce n'est pas pour cela que nous engendrent Dieu notre père et l'Église notre mère ; c'est pour la vie éternelle, car eux-mêmes sont éternels ; et cette éternelle vie est l'héritage qui nous est promis par le Christ. Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous (Jn I,14), il a été nourri, il a grandi, il a souffert, il est mort, il est ressuscité, il a reçu pour héritage le royaume des cieux. C'est comme homme qu'il est ressuscité et qu'il a reçu l'éternelle vie ; c'est comme homme et non comme Verbe ; comme Verbe il demeure immuable d'une éternité à l'autre éternité. Or comme cette sainte humanité est ressuscitée pour la vie éternelle, il nous a été promis de ressusciter également et de monter au ciel pleins de vie. Nous attendons le même héritage, la vie immortelle. Tout le corps n'est pas encore monté ; le chef est au ciel, les membres sur la terre ; le chef n'abandonnera pas le corps, seul il ne prendra point possession de l'héritage. Le Christ entier y sera admis, le Christ entier dans l'humanité, c'est-à-dire le chef et les membres. Nous sommes les membres du Christ ; donc espérons l'héritage ; quand tout sera passé nous aurons en partage un bonheur qui ne passera point et nous échapperons à un malheur qui ne passera point non plus : le bonheur et le malheur sont également éternels. Si Dieu a fait aux siens des promesses éternelles, il n'a pas fait aux impies de temporelles menaces. Il a promis aux saints une vie, un bonheur, un royaume un héritage sans fin : ainsi il a menacé les impies d'un feu qui ne s'éteindra point. Si nous n'aimons point encore ses promesses, redoutons au moins ses menaces. »

    Saint Augustin, Sermon XXII (10) des Sermons détachés sur l'Ancien Testament, in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 6 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir" (Mt 5, 17-19)

    « La grâce, autrefois comme voilée dans l'Ancienne Alliance, a été révélée pleinement dans l'Evangile du Christ par une disposition harmonieuse des temps, comme Dieu a coutume de disposer harmonieusement toute chose...  Mais à l'intérieur de cette admirable harmonie, , on constate une grande différence entre deux époques. Au Sinaï, le peuple n'osait pas s'approcher du lieu où le Seigneur donnait sa loi ; au Cénacle, le Saint Esprit descend sur ceux qui se sont rassemblés en attendant l'accomplissement de la promesse (Ex 19,3 ; Ac 2,1). D'abord, le doigt de Dieu a gravé ses lois sur des tables de pierre ; maintenant c'est dans le coeur des hommes qu'il écrit (Ex 31,18 : 2Co 3,3). Autrefois la Loi était écrite au-dehors et inspirait la peur aux pécheurs ; maintenant, c'est intérieurement qu'elle leur est donnée pour les rendre justes... En effet, comme le dit l'apôtre Paul, tout ce qui est écrit sur les tables de pierre, "tu ne commettras pas d'adultère, tu ne tueras pas, tu ne convoiteras pas et d'autres choses semblables, se résume dans ce seul commandement : tu aimeras ton prochain comme toi-même. L'amour du prochain n'accomplit aucun mal. La plénitude de la Loi, c'est la charité" (Rm 13,9s ; Lv 19,18)... Cette charité a été "répandue dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné" (Rm 5,5). »

    Saint Augustin, De l'esprit et de la lettre, 28-30 ; PL 44, 217s.

  • 4 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Comme un cerf altéré
    cherche l'eau vive,
    ainsi mon âme te cherche
    toi, mon Dieu."
    (Ps 41)

    « Ce cerf altéré désigne les membres de l’Eglise, qui sont les fils de Coré ou du Calvaire. Le désir de la vie éternelle a de l’analogie avec les moeurs des cerfs qui sont agiles, qui tuent les serpents, ce qui leur occasionne une grande soif, qui se soulagent mutuellement du fardeau de leur tête. Le cerf du psaume se nourrit de ses larmes, quand on lui dit : Où est ton Dieu ? Il le trouve dans les régions spirituelles de la méditation,  en s’élevant jusqu’aux saintes harmonies qui lui font désirer le ciel. Il s’afflige d’être encore ici-bas, il s’effraie des abîmes. Il veut aller au ciel par l’espérance, par l’humilité et surtout par la prière, qui est le meilleur des sacrifices. »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume XLI, in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 3 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Bénis le Seigneur, ô mon âme,
    bénis son nom très saint, tout mon être !"
    Ps 102

    « En nous appelant à bénir le Seigneur, le Prophète s’adresse à ce qu’il y a d’intérieur en nous, ou à notre âme, qui a toujours quelqu’un qui l’écoute et qui doit chanter intérieurement, au souvenir de nos péchés pour les désavouer, au souvenir des bienfaits de Dieu, lequel stimulait dans les martyrs l’espérance de retrouver dans le ciel la vie qu’ils donnaient pour Dieu. Ils ne lui reportaient que ses dons, il est vrai, et ne pas oublier ses dons, c’est lui en rendre grâce ; s’il nous demande un culte, c’est pour nous attirer à lui. De nous-mêmes nous n’avons que le péché ; de lui nous vient le calice du salut, ou la douleur qu’il faut subir en invoquant son nom. N’oublions, donc jamais : — Qu’il nous remet nos fautes, mais en nous imposant des peines qui nous ramènent à lui ; — Qu’il guérit nos langueurs, pourvu que nous soyons patients dans nos peines dont il nous guérira certainement, comme le malade se laisse opérer par le médecin qui n’est pas sûr de le guérir ; — Qu’il nous délivrera ainsi de la corruption en nous donnant le Christ par qui nous sommes incorruptibles ; — Qu’il nous couronnera dans sa miséricorde, car la lutte qui nous donnera la couronne viendra de la grâce ; — Qu’il nous rassasiera de bonheur, en nous donnant Dieu lui-même, dont nous ne sentons point ici-bas l’ineffable douceur, parce que notre corps est appesanti ; — Qu’il renouvellera ce corps quand l’aigle sent son bec trop allongé par les années, pour laisser passage à la nourriture, il l’use sur la pierre et reprend par la nourriture de nouvelles forces ; ainsi Dieu usera notre corps sur la pierre qui est le Christ et le revêtira de. jeunesse en le rassasiant des trois pains de l’Evangile ou de Dieu en trois personnes ; — Qu’il fait miséricorde à ceux qui sont miséricordieux, et quand on lui amène la femme adultère, il écrit la loi sur la terre, pour marquer les vertus chrétiennes, et nous apprendre à chercher si nous ne sommes point coupables. Pour le juste nous n’avons que la miséricorde corporelle ; à l’injuste pourtant nous devons faire aussi miséricorde, non parce qu’il est injuste, mais parce qu’il est homme, comme au juste, parce qu’il est juste. La vengeance n’est permise que quand elle est une juste correction infligée à ceux qui nous sont soumis ; s’agit-il des puissants, endurons persécution. Dieu a montré à Moïse qu’il donnait la loi, afin que l’homme vit le nombre de ses fautes, et eût recours à l’aveu et à la grâce. Toutefois Dieu est lent à punir, parce qu’il nous invite à la pénitence, et pourtant nous remettons cette pénitence indéfiniment ; et Dieu ne nous traite point selon nos offenses ; chaque jour il nous protège comme le ciel protége la terre. Il met nos péchés au couchant pour n’y plus revenir, et sa grâce à un orient sans occident, Il sait que nous sommes faibles, que nos jours sont courts, que tout passe vite ici-bas, qu’il récompensera non ceux qui connaissent la loi, mais ceux qui en font les oeuvres, non point, seulement à l’extérieur, mais aussi de coeur. »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume CII, in Oeuvres complètes de saint Augustin , traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La parabole du fils prodigue (Lc 15, 1-32)

    « Voici que le Père s'avance à ta rencontre ; il inclinera sa tête sur ton épaule, il te donnera un baiser, gage d'amour et de tendresse ; il te fera remettre un vêtement, un anneau et des chaussures. Tu crains encore une réprimande : il te rend ta dignité ; tu crains un châtiment : il te donne un baiser ; tu as peur d'un mot de reproche : il prépare un festin à ton intention. »

    Saint Ambroise, Expositio Ev. S. Lc, 7.

    « Est-ce nous, en effet, qui avons cherché Jésus Christ les premiers ? N'est-ce pas lui au contraire qui nous a cherchés le premier ? Est-ce nous, pauvres malades, qui sommes venus au-devant du médecin ? N'est-ce pas plutôt le médecin qui est venu trouver les malades ? Est-ce que la brebis ne s'était pas égarée avant que le pasteur, laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres, se soit mis à sa recherche, l'ait trouvée et rapportée plein de joie sur ses épaules ? (Lc 15,4). La pièce d’argent n’était-elle pas perdue avant que la femme allume une lampe et la cherche dans toute sa maison jusqu'à ce qu'elle l'ait trouvée ? (Lc 15,8)… Notre pasteur a retrouvé sa brebis, mais il a commencé par la chercher ; comme cette femme, il a retrouvé sa pièce d’argent, mais seulement après l'avoir cherchée. Nous avons donc été cherchés, et c'est seulement après avoir été trouvés que nous pouvons parler ; loin de nous donc tout sentiment d'orgueil. Nous étions perdus sans retour, si Dieu ne nous avait pas cherchés pour nous retrouver. »

    Saint Augustin, Sermons sur St Jean, n° 7.

  • 28 février : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Le séjour des morts (Lc 16, 19-31)

    « Le pauvre couvert d'ulcères devant la porte du riche fut porté par les anges au sein d'Abraham, voilà ce que nous lisons, ce que nous croyons. Quant à ce riche, qui était revêtu de pourpre et de fin lin, qui faisait chaque jour bonne chère, il fut jeté dans les flammes de l'enfer. Est-ce bien par le seul mérite de sa pauvreté que l'un fut reçu par les anges, et pour le crime d'être riche que l'autre fut jeté dans les tourments ? Dans ce pauvre, c'est l'humilité qui est glorifiée, et dans ce riche l'orgueil qui est châtié. Et je prouve en un mot que ce n'est point la richesse, mais bien l'orgueil que Dieu a condamné dans ce riche. Assurément ce pauvre fut porté au sein d'Abraham ; mais cet Abraham, au dire de l'Ecriture, était un riche de la terre, il avait de l'or, de l'argent (Gn 13, 2). Si le riche est jeté dans les tourments, comment Abraham était-il plus élevé en gloire que le pauvre qu'il recevait en son sein ? Mais Abraham était humble au milieu de ses richesses ; il tremblait devant les préceptes de Dieu, il s'y soumettait.
    Apprenez donc à être pauvres, à être indigents, soit que vous possédiez des biens ici-bas, soit que vous n'en possédiez point. Vous trouvez en effet des gens orgueilleux dans leur pauvreté, et des hommes riches qui confessent leurs péchés. Dieu regarde l'intérieur ; voilà ce qu'il pèse et ce qu'il juge. »

    Saint Augustin, Discours sur les Psaumes, 85 (3), Le Cerf, Paris,2007.

    Texte intégral sur le site internet de l'Abbaye Saint-Benoît.

  • 24 février : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La Transfiguration

    « Il nous faut contempler, mes bien-aimés, et expliquer le spectacle saint due le Seigneur présenta sur la sainte montagne. C'est de cet évènement qu'il avait dit : "Je vous le déclare en vérité, il y en a quelques-uns ici présents qui ne goûteront pas la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme dans son royaume" (Mt XVII,1-8).

    Voici le commencement de la lecture qui vient de nous être faite. "Six jours après avoir prononcé ces paroles, il prit avec lui trois disciples, Pierre, Jean et Jacques, et alla sur la montagne." Ces disciples étaient ceux dont il avait dit : "Il y en a ici quelques-uns qui ne goûteront point la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme dans son royaume." Qu'est-ce que ce royaume ? Question assez importante. Car l'occupation de cette montagne n'était pas la prise de possession de ce royaume. Qu'est-ce en effet qu'une montagne pour qui possède le ciel ? Non seulement les Ecritures nous enseignent cette différence, mais nous la voyons en quelque sorte des yeux de notre coeur.

    Or Jésus appelle son royaume ce que souvent il nomme le royaume des cieux. Mais le royaume des cieux est le royaume des saints ; car il est dit : "Les cieux racontent la gloire de  Dieu" ; et aussitôt après : "Il n'y a point de langues ni d'idiomes qui n'entendent leurs voix" ; les voix de ces mêmes cieux. "L'éclat s'en est répandu sur toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu'aux extrémités de l’univers" (Ps XVIII, 4,5). N'est-ce donc pas des Apôtres et de tous les prédicateurs fidèles de la parole de Dieu qu'il est fait ici mention ? Ces mêmes cieux régneront avec le Créateur du ciel, et voici ce qui s'est fait pour le démontrer.

    Le Seigneur Jésus en personne devint resplendissant comme le soleil, ses vêtements blancs comme la neige, et avec lui s'entretenaient Moïse et Elie. Jésus lui-même, Jésus en personne parut resplendissant comme le soleil, marquant ainsi qu'il était la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (Jn I,9). Ce qu'est ce soleil pour les yeux de la chair, Jésus l'est pour les yeux du coeur ; l'un est pour les âmes ce que l'autre est pour les corps.

    Ses vêtements représentent ici son Eglise ; car ils tombent s'ils ne sont portés et maintenus. Paul était dans ces vêtements comme l'extrémité de la frange ; aussi dit-il. "Je suis le moindre des Apôtres" (I Cor. XV, 9) ; et ailleurs : "Je suis le dernier des Apôtres" (Ibid. IV,19). Or la frange est ce qu'il y a de moindre et d'extrême dans le vêtement. Aussi, comme cette femme qui souffrait d'une perte de sang fut guérie en touchant la frange de la robe du Seigneur (Lc VII,44) ; ainsi l'Eglise des gentils se convertit à la prédication de Paul. Eh ! qu'y a-t-il d'étonnant que l'Eglise soit figurée par de blancs vêtements, puisque nous entendons le prophète Isaïe s'écrier : "Vos péchés fussent-ils rouges comme l'écarlate, je vous blanchirai comme la neige" (Is I,18) ?

    Que peuvent Moïse et Elie, la loi et les prophètes, s'ils ne communiquent avec le Seigneur ? Qui lira la loi ? qui lira les prophètes, s'ils ne rendent témoignage au Fils de Dieu ? C'est ce que l'Apôtre exprime en peu de mots. "La loi dit-il, fait seulement connaître le péché, tandis qu'aujourd’hui, dans la loi, la justice de Dieu a été manifestée" : voilà le soleil ; "annoncée par la loi et les prophètes" : voilà l'aurore.

    Pierre est témoin de ce spectacle, et goûtant les choses humaines à la manière des hommes : "Seigneur, dit-il, il nous est bon d'être ici." Il s'ennuyait de vivre au milieu de la foule, il avait trouvé la solitude sur une montagne où le Christ servait d'aliment à son âme. Pourquoi en descendre afin de courir aux travaux et aux douleurs, puisqu'il se sentait envers Dieu un saint amour et conséquemment des moeurs saintes ? Il cherchait son propre bien ; aussi ajouta-t-il. "Si vous voulez, dressons ici trois tentes : une pour vous, une pour Moïse et  une autre pour Elie." Le Seigneur ne répondit rien à cette demande, et toutefois il y fut répondu. En effet, comme il parlait encore, une nuée lumineuse descendit et les couvrit de son ombre. Pierre demandait trois tentes ; et la réponse du ciel témoigna que nous n'en avons qu'une, celle que le sens humain voulait partager. Le Christ est la parole de Dieu, la Parole de Dieu dans la loi, la Parole de Dieu dans les prophètes. Pourquoi, Pierre, chercher à la diviser ? Cherche plutôt à t'unir à elle. Tu demandes trois tentes, comprends qu'il n'y en a qu'une.

    Pendant que la nuée les couvrait et formait comme une seule tente au dessus d'eux, une voix sortit de son sein et fit entendre ces paroles "Celui-ci est mon Fils bien-aimé." Là se trouvaient Moïse et Elie. La voix ne dit pas : Ceux-ci sont mes Fils bien-aimés. Autre chose est d'être le Fils unique, et autre chose, des enfants adoptifs. Celui qui se trouve aujourd'hui signalé est Celui dont se glorifient la loi et les prophètes : "Voici, est-il dit, mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes douces complaisances ; écoutez-le" ; car c'est lui que vous avez entendu dans les prophètes, lui aussi que vous avez entendu dans la loi, et où ne l'avez-vous pas entendu ? Ils tombèrent à ces mots la face contre terre.

    Voilà donc dans l'Eglise le royaume de Dieu. Là en effet nous apparaissent le Seigneur, la loi et les prophètes : le Seigneur dans la personne du Seigneur même, la loi dans la personne de Moïse et les prophètes dans celle d'Elie. Ces deux derniers figurent ici comme serviteurs et comme ministres, comme des vaisseaux que remplissait une source divine ; car si Moïse et les prophètes parlaient et écrivaient, c'est qu'ils recevaient du Seigneur ce qu'ils répandaient dans autrui.

    Le Seigneur ensuite étendit la main et releva ses disciples prosternés. [...]

    Descends, Pierre, tu voulais te reposer sur la montagne, descends, annonce la parole, insiste à temps, à contre-temps, reprends, exhorte, menace, en toute patience et doctrine (II Tim IV,2) ; travaille, sue, souffre des supplices afin de parvenir par la candeur et la beauté des bonnes oeuvres accomplies avec charité, à posséder ce que figurent les blancs vêtements du Seigneur. »

    Saint Augustin, Sermons, Première série, Passages détachés de Saint Matthieu, Sermon LXXVIII (1-6), in Oeuvres complètes de saint Augustin , traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 23 février : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Aimez vos ennemis..." (Mt 5, 43-48)

    « En aimant ton ennemi, tu souhaites qu’il te soit un frère. Ce n’est pas ce qu’il est que tu aimes en lui, mais ce que tu veux qu’il soit. Imaginons du bois de chêne non taillé. Un artisan habile voit ce bois, coupé dans la forêt ; ce bois lui plaît ; je ne sais pas ce qu'il veut en faire, mais ce n'est pas pour qu'il demeure comme il est que l’artiste aime ce bois. Son art lui fait voir ce que ce bois peut devenir ; son amour ne va pas au bois brut, il aime ce qu'il en fera, non le bois brut.

    C'est ainsi que Dieu nous a aimés quand nous étions pécheurs. Il dit en effet : "Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades." Nous a-t-il aimés pécheurs pour que nous demeurions pécheurs ? L'Artisan nous a vus comme un bois brut venant de la forêt, et ce qu'il avait en vue, c'est l’oeuvre qu'il tirerait de là, non le bois ou la forêt.

    Toi de même : tu vois ton ennemi s'opposer à toi, t'accabler de paroles mordantes, se rendre rude par ses affronts, te poursuivre de sa haine. Mais tu es attentif au fait qu'il est un homme. Tu vois tout ce que cet homme a fait contre toi, et tu vois en lui qu'il a été fait par Dieu. Ce qu'il est en tant qu'homme, c’est l’oeuvre de Dieu ; la haine qu'il te porte, c'est son oeuvre à lui. Et que dis-tu en toi-même ? "Seigneur, sois bienveillant pour lui, remets-lui ses péchés, inspire-lui ta crainte, change-le." Tu n'aimes pas en cet homme ce qu'il est, mais ce que tu veux qu'il soit. Donc, quand tu aimes ton ennemi, tu aimes un frère. »

    Saint Augustin, Commentaire sur la 1ère lettre de Jean, § 8,10.