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St Jean Chrysostome - Page 3

  • 16 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "docteurs de la loi et pharisiens hypocrites..." (Lc 11, 37-41 ; Mt 23, 23-26)

    « "Malheur à vous, docteurs de la loi et pharisiens hypocrites, qui nettoyez le dehors de la coupe et du plat, pendant que le dedans demeure plein de rapine et d’impureté. Pharisien aveugle, nettoyez premièrement le dedans de la coupe et du plat, afin que le dehors en soit net aussi". Jésus-Christ voulant rappeler les pharisiens à la véritable piété qu’ils méprisaient, et les faire passer de ce soin de l’extérieur au soin du dedans de l’âme, leur parle de la "miséricorde", de la "justice" et de la "foi". Car ce sont là les choses qui renferment toute la vie et toute la sanctification de nos âmes. La "miséricorde" nous rend doux et compatissants envers nos frères. Elle nous porte à leur pardonner aisément leurs fautes, et à ne pas témoigner trop de dureté envers les pécheurs. Nous trouvons en elle ce double avantage, qu’elle attire la miséricorde de Dieu sur nous, et qu’en nous attendrissant le coeur, elle nous rend plus prompts à assister ceux que l’on outrage et à compatir à tout ce qu’ils souffrent. La "justice" et la "foi" nous empêchent d’être hypocrites et trompeurs, et nous rendent purs et sincères.

    Mais quand Jésus-Christ dit : "Il fallait faire ces choses et ne pas omettre les autres", il ne prétend pas nous engager à toutes les observances de l’ancienne loi ; comme lorsqu’il dit "qu’il faut purifier le dedans du vase afin que le dehors soit aussi pur", il ne veut pas nous ramener à toutes ces purifications légales. Il nous montre au contraire qu’elles sont vaines et inutiles. Car il ne dit pas : "Et purifiez ensuite le dehors", mais, "purifiez le dedans, et le dehors sera pur et net". Par cette "coupe" et par ce "plat", il marque l’homme. Le "dedans" de la coupe en marque l’âme, et le "dehors" en marque le corps. Si c’est donc un désordre de ne se mettre pas en peine qu’un plat soit net au dedans pour en tenir le dehors propre, combien serait-il plus dangereux de négliger la pureté du dedans de l’âme ? Mais vous, ô pharisiens, vous faites tout le contraire. Vous gardez avec soin les petites choses qui ne sont qu’extérieures, pendant que vous négligez les importantes qui regardent le coeur. C’est de cette source que vient ce mal si dangereux, et comme cette plaie mortelle qui vous fait croire que vous avez accompli toute la loi, et qu’il ne vous reste plus rien à faire, et qu’ainsi vous ne devez point penser à corriger et à purifier votre vie. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Homélie LXXIII (2), in Oeuvres complètes (Tome VIII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 12 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "C'est par Béelzéboul, le prince des démons, qu'il expulse les démons" (Lc 11, 15)

    « "Si donc je chasse les démons par la vertu de Béelzébub, par qui vos enfants les chassent-ils ?" Considérez, mes frères, combien il est doux encore et modéré dans cette réponse. Il ne dit pas, mes disciples ou mes apôtres, mais "vos enfants, et il leur donne ainsi le moyen de se rendre dignes de la même grâce qu’avaient reçue ceux qui étaient Juifs comme eux ; mais s’ils voulaient au contraire demeurer toujours dans leur ingratitude, il les rend entièrement inexcusables. Voici donc ce qu'il leur dit : "Si je chasse les démons par la vertu de Béelzébub, par qui les chassent vos enfants ?" Car les apôtres avaient déjà chassé les démons par la puissance que Jésus-Christ leur avait donnée. Cependant les Juifs ne les accusaient point, comme Jésus-Christ, de chasser les démons au nom des démons parce qu ils n’en voulaient pas à la chose même, mais à la personne.

    Ainsi pour leur faire voir que tout ce qu’ils disaient contre lui ne venait que de leur envie, il leur propose ses apôtres qui chassaient aussi les démons, comme s'il leur disait : Si je chasse les démons par la vertu de Béelzébub, c’est aussi par Béelzébub que vos enfants les doivent chasser, puisqu'ils n'ont point d’autre puissance que celle que je leur ai donnée. Cependant vous n'avez point eu d'eux ces pensées. Comment donc les pouvez-vous avoir de moi ? Pourquoi me condamnez vous, lorsque vous les justifiez, quoique je n’aie fait que ce qu’ils font ? Ce jugement favorable que vous portez sur vous, vous rendra encore plus coupables pour l'injustice que vous me faites ; aussi, il ajoute ensuite : "C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges". Juifs comme vous et suivant même loi que vous, ils ont obéi en toute chose ; ils condamneront donc un jour tout ce que vous faites, et tout ce que vous dites contre moi avec tant d’insolence et tant d’imposture.

    "Mais si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, vous devez donc croire que le règne de Dieu est parvenu jusqu’à vous". Quel est ce royaume de Dieu ? C’est ma présence sur la terre. Remarquez encore combien il attire à lui les Juifs, combien il cherche à les guérir, et à faire en sorte qu’ils le connaissent. Il leur représente qu’ils s’opposent eux-mêmes aux grands biens qu’il leur veut faire et qu’ils agissent contre leur propre salut. Au lieu que vous devriez vous réjouir et être ravis de ce que je suis ici pour vous dispenser les grâces que les prophètes ont prédites autrefois, et de ce que le temps de votre bonheur est enfin venu, vous faites tout le contraire, et non seulement vous vous opposez aux grands dons que je vous offre, mais vous me déshonorez même par vos fausses accusations et par vos calomnies.

    Saint Matthieu dit ici : "Que si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu" et saint Luc : "Que si je chasse les démons par le doigt de Dieu", ce qui montre que c’est l’ouvrage de la toute-puissance de Dieu de chasser ainsi les démons, et non pas l’effet d’une grâce qui soit ordinaire. Il veut aussi qu’ils puissent conclure de là que le Fils de Dieu est venu. Mais il ne le dit pas clairement. Il se sert d’une expression figurée en disant : "Vous devez croire que le règne de Dieu est parvenu jusqu’à vous". O sagesse admirable du Sauveur ! Il établit son incarnation et prouve son avènement au monde par les accusations mêmes de ses ennemis. Et pour les attirer davantage à lui, il ne dit pas seulement : "Le royaume de Dieu est venu", mais il dit "est parvenu jusqu’à vous" comme s‘il disait : ces grands biens sont venus pour vous. Pourquoi donc recevez-vous avec chagrin et avec tristesse la nouvelle de votre bonheur ? Pourquoi combattez-vous votre salut ? Voici le temps que les prophètes vous ont marqué autrefois. Ils ont prédit que je viendrais, et ils ont donné pour marque de mon avènement, qu’il se ferait alors des miracles par une puissance toute divine. Vous êtes témoins que ces miracles se font, et ils sont assez grands pour faire voir qu’il n’y a que Dieu qui les puisse faire. Le démon ne peut être maintenant plus puissant qu’il l’a été jusqu’ici. Il faut nécessairement qu’il soit plus faible. Et il est impossible que le démon étant faible chasse un autre démon qui est très fort.

    C’est ainsi qu’il leur parlait, pour leur montrer que toute la force vient de la charité et de l’union, et toute la faiblesse de la division et du schisme. C’est pourquoi il exhorte sans cesse et à tout propos ses disciples à la charité, leur représentant que le démon fait tous ses efforts pour la détruire. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Homélie XLI (2), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 7 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Ce que Dieu a unit, que l'homme ne le sépare pas !" (Mc 10, 2-12)

    « "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise". Vous avez entendu quelle complète soumission il prescrit : vous avez approuvé et admiré Paul comme un homme supérieur et spirituel, pour avoir resserré ainsi notre société. Ecoutez maintenant, hommes, ce qu'il exige de vous ; il recourt encore au même exemple "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise". Vous avez vu jusqu'où doit aller l'obéissance : écoutez maintenant jusqu'où doit aller la tendresse. Tu veux que ta femme t'obéisse, comme l'Eglise au Christ ? Veille donc sur elle comme le Christ sur l'Eglise : Fallût-il donner ta vie pour elle, être déchiré mille fois, tout souffrir, tout endurer, ne recule devant rien : quand tu aurais fait tout cela, tu n'aurais encore rien fait de comparable à ce qu'a fait le Christ... Car avant de te dévouer pour ta femme, tu es uni à elle : tandis que le Christ s'est immolé pour ceux qui le haïssaient et l'avaient en aversion. Fais donc pour ta femme ce qu'il a fait pour ce peuple qui le haïssait, l'abhorrait, le méprisait, l'insultait ; sans menaces, sans injures, sans terreur , par l'unique instrument de son infinie sollicitude, il a amené son Eglise à ses pieds. De même, quand bien même ta femme ne te témoignerait que dédain, mépris, insolence, il ne tient qu'à toi de la ramener à tes pieds à force de bonté, d'amour, de tendresse. Car il n'y a pas d'attache plus forte, principalement entre homme et femme. Par la crainte on peut lier les mains à un serviteur, et encore ne tardera-t-il pas à s'échapper : mais la compagne de ta vie, la mère de tes enfants, la source de tout ton bonheur, ce n'est point par la crainte , par les menaces qu'il faut l'enchaîner , mais par l'amour et l'affection. Qu'est-ce qu'un ménage où la femme tremble devant le mari ? Quelle joie y a-t-il pour l'époux, quand il vit avec son épouse comme avec une esclave, et non comme avec une femme libre ? Quand bien même vous auriez souffert quelque chose pour elle, ne le lui reprochez pas : suivez en cela même l'exemple du Christ...
    Cherchons dans une femme la bonté, la modération, la douceur : tels sont les signes de la vraie beauté... Nettoyons les taches de l'âme, effaçons les rides intérieures, guérissons les imperfections morales. C'est ce genre de beauté que Dieu recherche : rendons notre femme belle au gré de Dieu, et non pas au nôtre... »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Epitre aux Ephésiens, Homélie XX (2-3), in Oeuvres complètes (Tome X) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 6 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits." (Lc 10, 17-24)

    « Quoi donc ! est-ce qu’il se réjouit de la perte de ceux qui n’ont pas voulu croire ? Nullement, mais Dieu garde cette conduite très sage pour notre salut. Lorsque les hommes s’opposent à la vérité, et refusent de la recevoir, il ne les force point, mais il les rejette, afin qu’ayant méprisé celui qui les appelait, et ne s’étant point corrigés de leurs désordres, ils rentrent en eux-mêmes, en se voyant rejetés, et qu’ils commencent à désirer ce qu’ils avaient négligé. Cette conduite servait aussi à rendre plus ardents ceux qui avaient embrassé la foi.

    Ces mystères donc, si grands et si divins, ne pouvaient être révélés aux uns sans que Jésus-Christ en ressentît de la joie, ni cachés aux autres, sans lui causer une profonde tristesse, comme il le témoigna en effet en pleurant sur cette Ville malheureuse. Ce n’est donc point parce que ces mystères sont cachés aux sages que Jésus-Christ se réjouit, mais parce que ce qui était caché aux sages était révélé aux petits. C’est ainsi que saint Paul dit : "Je rends grâces à Dieu de ce qu’ayant été auparavant esclaves du péché, vous avez obéi du fond du coeur à la doctrine de l’Evangile, à laquelle vous vous êtes conformés comme à votre modèle." (Rm VI, 7). Il ne se réjouit pas de ce qu’ils avaient été esclaves du péché, mais de ce qu’ayant été tels, ils se sont convertis à Dieu.

    Jésus-Christ, par ce mot de "sages", entend les scribes et les pharisiens. Et il parle de la sorte pour relever le courage de ses disciples, en leur représentant que tout pécheurs et grossiers qu’ils sont, ils ne laissent pas d’avoir reçu des lumières et des connaissances que les sages et les prudents avaient laissé perdre. Jésus-Christ marque donc par ce mot de "sage" non ceux qui le sont véritablement, mais ceux qui le croient être, parce qu’ils ont cette sagesse que le monde estime. Aussi il ne dit pas : "Et vous les avez révélées" aux fous et aux insensés, mais "aux petits", c’est-à-dire à ceux qui sont simples et sans déguisement. Ce qui fait voir que si ces faux sages n’ont pas reçu cette grâce, ç'a été par une grande justice de Dieu.

    Il nous avertit aussi par ces paroles de fuir la vaine gloire, et de rechercher avec ardeur la simplicité et l’humilité. C’est ce que saint Paul marque clairement et avec force, lorsqu’il dit : "Que nul ne se trompe soi-même : Si quelqu’un d’entre vous pense être sage selon le monde, qu’il devienne fou à l’égard du monde pour devenir vraiment sage." (Cor. III, 17). C’est dans cette sainte folie que paraît la grâce de Dieu. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Sermon XXXVIII (1), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 29 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Jésus voit Nathanaël venir à lui" (Jn 1, 47-51)

    « "En vérité, en vérité, je vous le dis : Vous verrez dans peu le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme". Ne voyez-vous pas comment il s’élève peu à peu de terre, et l'amène à ne plus le regarder simplement comme homme ? Celui que les anges servent, Celui sur qui les anges montent et descendent, pourrait-il être simplement homme ? C'est pourquoi il a dit : "Vous verrez de bien plus grandes choses", et, pour le lui expliquer, il lui a présenté le ministère des anges ; c'est comme s'il disait : Nathanaël, il vous paraît surprenant que je vous aie découvert votre pensée et vos sentiments, et pour cela vous m'avez reconnu roi d'Israël : que direz-vous donc, lorsque vous verrez les anges monter et descendre sur moi ? Par là il lui fait entendre qu'il doit aussi le confesser et le reconnaître pour Seigneur des anges. Car les ministres du Roi descendaient et montaient, comme pour venir servir le vrai et légitime Fils de leur Roi.

    Les anges descendaient lorsque Jésus fut crucifié, ils montaient à sa résurrection et à son ascension, et même auparavant, comme lorsqu'ils s'approchèrent de lui et qu'ils le servaient (Mt IV, 11) ; lorsqu'ils annonçaient sa naissance, lorsqu'ils criaient : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre !" (Lc II, 14), lorsqu'ils vinrent auprès de Marie, lorsqu'ils vinrent auprès de Joseph. Ce qu'il avait souvent fait, il le fait maintenant encore : il prédit deux choses, il donne la preuve de l'une, et par là il assure que l'autre aura son accomplissement. Quant à celles qu'il a dites ci-dessus, les unes étaient déjà sûrement arrivées, comme ce qu'il a dit avant la vocation de Philippe : "Je t'ai vu sous le figuier" ; les autres devaient arriver et étaient en partie arrivées, à savoir, l'ascension et la descente des anges : "Elles étaient arrivées dans le temps de, la naissance, elles devaient arriver encore" au crucifiement, à la résurrection et à l'ascension. Ce sont là les prédictions que les précédentes rendent croyables, même avant leur réalisation. Car celui à qui les événements accomplis avaient fait connaître la puissance de Jésus, devait avoir moins de peine à croire ce qu'il annonçait pour l'avenir. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon Saint Jean, Homélie XXI (1), in Oeuvres complètes (Tome VIII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 27 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Jean le Baptiste

    « "C’est lui dont il a été dit par le prophète Isaïe, on entendra dans le désert la voix de  celui qui crie : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers." Il est bon de considérer le rapport qui se trouve sinon dans les paroles, du moins dans les pensées d’Isaïe et de saint Jean. Isaïe dit de saint Jean, que lorsqu’il viendra il criera : "Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers." (Is XL, 3). Et saint Jean disait : "Faites de dignes fruits de pénitence." (Lc III, 8). Vous le voyez, et la prédiction d’Isaïe et la prédication de Jean montraient une seule et même chose, savoir : que Jean était le précurseur du Messie et qu’il lui préparerait la voie, non en donnant la grâce et en remettant les péchés, mais en disposant les coeurs à recevoir le Seigneur et le Dieu de l’univers.

    Saint Luc va plus loin, il ne se contente pas de rapporter seulement le commencement de la prophétie, il y ajoute encore la suite : "Toute vallée", dit-il, "sera remplie, et toute montagne et toute colline sera abaissée. Les chemins tordus deviendront droits, et les raboteux seront aplanis et tout homme verra le Sauveur envoyé de Dieu." (Lc III, 5). Voyez-vous comme le prophète embrasse tous les événements, et le concours du peuple, et l’heureux changement qui devait s’opérer, et la facilité de la doctrine, et la cause qui devait tout mettre en mouvement ? ...  Il entend par ces "chemins tordus", tout ce qu’il y a de corrompu parmi les hommes, les publicains, les prostituées, les voleurs et les magiciens, qui égarés auparavant ont marché ensuite par un chemin droit. C’est ce que le Fils de Dieu a marqué lui-même, lorsqu’il a dit aux Juifs : "Les publicains et les femmes perdues, vous précéderont dans le royaume des cieux." (Mt XXI, 31).

    [...]

    La vie même de Jean leur paraissait encore plus admirable. Car Elie allait dans les villes et dans les maisons, et il y trouvait de quoi se nourrir, au lieu que celui-ci avait vécu dans le désert depuis le berceau. Il fallait que le précurseur de Celui qui devait détruire tout l’ancien état de l’homme, la peine, la malédiction, les travaux et la douleur, portât par avance sur lui-même quelques marques de cette grâce nouvelle, et qu’il parût déjà élevé au-dessus des choses auxquelles les hommes avaient été premièrement condamnés. C’est pourquoi il ne travaille point à la terre ; il ne l’ouvre point avec la charrue, il ne mange point son pain à la sueur de son visage, mais il trouve une nourriture sans préparation, un habillement moins recherché que la nourriture et une demeure encore plus aisée que l’un et l’autre. Il n’avait besoin ni de maison, ni de lit, ni de table, ni d’aucune chose semblable. Il faisait éclater dans un corps mortel une vie tout angélique.

    Il avait un habit de poil de chameau, pour apprendre aux hommes par son vêtement même à mépriser tout ce qui est humain, à n’avoir rien de commun avec la terre, mais à retourner à cette première noblesse dont le premier homme a joui durant son état d’innocence, avant qu’il fût obligé d’avoir le soin de la nourriture et du vêtement. Ainsi son vêtement était un symbole et de royauté et de pénitence tout ensemble.

    [...]

    Si donc, mes frères, un homme dont toute la vie a été si sainte, qui était plus pur que le ciel même, le plus excellent des prophètes, le plus grand de tous les hommes, et qui s’approchait de Dieu avec tant de liberté et de confiance, ne laisse pas néanmoins de souffrir tant de travaux, de mépriser si hautement les délices et de passer toute sa vie dans les rigueurs et dans les austérités, comment pourrons-nous, nous autres, excuser notre délicatesse, puisqu’après tant de grâces que nous avons reçues, après tant de péchés qui nous accablent, nous n’imitons pas la moindre partie de sa pénitence ? Nous nous plongeons dans les festins et dans les excès de table ; nous recherchons les plus excellents parfums ; nous nous habillons comme ces femmes perdues qui montent sur le théâtre ; et, dans cette mollesse générale à laquelle nous nous abandonnons, nous ouvrons cent portes au démon afin qu’il entre dans notre âme et s’en rende maître. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Matthieu, Homélie X (3-4), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 22 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Parabole du semeur.

    « Dans la parabole du semeur, le Christ nous montre que sa parole s'adresse à tous indistinctement. De même, en effet, que le semeur ne fait aucune distinction entre les terrains, mais sème à tous vents, ainsi le Seigneur ne distingue pas entre le riche et le pauvre, le sage et le sot, le négligent et l'appliqué, le courageux et le lâche, mais il s'adresse à tous.
    - Mais, diras-tu, à quoi bon répandre le grain dans les épines, sur la pierre ou sur le chemin ? - S'il s'agissait d'une semence et d'une terre matérielle, cela n'aurait pas de sens ; mais lorsqu'il s'agit des âmes et de la doctrine, la chose est tout à fait digne d'éloges. On reprocherait avec raison à un cultivateur d'agir ainsi, la pierre ne saurait devenir de la terre, le chemin ne peut ne pas être un chemin et les épines ne pas être des épines. Mais dans le domaine spirituel il n'en va pas de même, la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin ne plus être foulé par les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre au grain de fructifier librement.
    Le Seigneur ne veut pas nous jeter dans le désespoir, mais nous donner une espérance de conversion et nous montrer qu'il est possible de passer des états précédents à celui de la bonne terre. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie 44 sur saint Matthieu (3,4), P.G. 57, Trad. Orval.

  • 21 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades" (Mt 9, 9-13)

    « "Et Jésus étant assis à table dans la maison de cet homme, il y vint aussi beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie qui étaient assis avec Jésus et ses disciples". Jésus-Christ ayant appelé saint Matthieu, l’honora aussitôt d’une visite, et il ne dédaigna pas de manger à sa table. Il voulait par cette conduite si obligeante lui faire concevoir de grandes espérances pour l’avenir, lui donner plus de confiance. Car Jésus n’attendit pas longtemps pour refermer les plaies de l’âme de son nouveau disciple, il le guérit en un moment de tous ses péchés.

    Il veut bien même manger non avec lui seul, mais avec beaucoup d’autres de la même profession, quoique ce fût un crime aux yeux des Juifs que cette condescendance qu’il montrait pour les pécheurs en les laissant approcher de sa personne. Les évangélistes n’oublient pas encore de marquer cette circonstance et de rapporter combien ces envieux condamnèrent cette action. Il était tout simple que les publicains vinssent s’asseoir à la table d’un homme de la même profession qu’eux. Saint Matthieu, ravi de joie de l’honneur que lui faisait Jésus-Christ, convia tous ses amis. La bonté du Sauveur tentait toutes sortes de voies pour sauver les hommes : les uns en leur parlant, les autres en guérissant leurs maladies, les autres en les reprenant, et les autres en mangeant avec eux. Il voulait nous apprendre qu’il n’y avait point ou de temps, ou de condition où nous ne puissions nous convertir.

    Quoique tout ce qu’on lui servait à table vînt de rapine, d’injustice et d’avarice, il ne refusa pas néanmoins d’en manger, parce qu’il voyait l’avantage qu’il en devait retirer, et il ne craint pas de se trouver avec de si grands pécheurs dans la même maison et à la même table. C’est ainsi qu’un médecin se doit conduire. S’il ne souffre la pourriture et la puanteur de ses malades, il ne les délivrera point de leurs maux. Ainsi Jésus-Christ n’appréhende point le mal qu’on peut dire ou penser de lui, de ce qu’il mange avec un publicain dans la maison d’un publicain, et avec d’autres publicains. Vous savez aussi combien les Juifs lui en ont fait de reproches : "Voilà", disent-ils, "un homme de bonne chère et qui aime à boire : c’est un ami des publicains et des gens de mauvaise vie." (Mt. XI,13)

    Que ces hypocrites qui désirent tant de se faire estimer par leurs jeûnes écoutent ces paroles. Qu’ils considèrent que Jésus-Christ n’a pas rougi de passer pour un homme qui aimait le vin et la bonne chère, et qu’il a méprisé tous ces propos pour arriver à la fin qu’il se proposait, la conversion des âmes. Et nous voyons comment il convertit en effet saint Matthieu, et comment d’un pécheur il fit un apôtre. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Homélie XXX (2), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 13 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent..." (Lc 6, 27 sq)

    « Nous-mêmes, qui sommes en guerre les uns, avec les autres. Peut-être quelqu'un rira-t-il de moi, et dira-t-il : Que dites-vous là ? Vous nous voyez tous réunis dans le même lieu, dans l'enceinte de la même église, formant en parfait accord le même bercail, sans aucune contradiction, acclamant ensemble le même pasteur, écoutant ensemble ce qui se dit, priant ensemble : et vous venez parler de guerre et de discorde ? Oui, et je ne suis pas foi, et je ne déraisonne pas. Je vois en effet ce que je vois, et je sais que nous sommes dans le même bercail et sous le même pasteur. Et c'est ce qui fait surtout couler mes larmes : qu'ayant tant de raisons de nous unir, nous soyons cependant divisés. Quelle division voyez-vous donc ici, me direz-vous ? Ici, aucune ; mais dès que le sermon sera fini, un tel accusera un tel ; l'un insultera publiquement, l'autre sera jaloux, ou avare, ou voleur, un autre usera de violence, un autre se livrera à de coupables amours, un autre combinera mille fraudes. Et si toutes nos âmes pouvaient être mises à nu, vous verriez tout cela en détail et vous reconnaîtriez que je ne suis pas fou.
    Respectez donc, respectez cette table, à laquelle nous participons tous, le Christ-immolé pour nous, la victime que l'on. nous y sert. [...] Mais, direz-vous, comment mettre fin à cette guerre ? En pensant que quand vous parlez contre votre frère, vous jetez de la boue, par la bouche ; en pensant que vous calomniez un membre du Christ ; que vous dévorez votre propre chair ; que vous vous rendez plus redoutable que l'effrayant, l'inflexible tribunal; que le trait ne tue pas celui qui le reçoit, mais celui qui le décoche. — Mais, dites-vous, on m'a fait tort, on m'a maltraité. — Gémissez et ne dites point de mal ; déplorez, non le tort qu'on vous a fait, mais la perte de votre ennemi, comme votre Maître a pleuré Judas, non parce qu'il a été lui-même crucifié, mais parce que Judas l'avait trahi. On vous a accablé d'injures et d'outrages ? Priez le Seigneur de faire éclater sans retard sa miséricorde sur le coupable. Il est votre frère, il a été enfanté comme vous ; c'est votre membre, il a été convié à la même table. Mais, dites-vous, il redouble ses injures. Votre récompense en sera plus grande et plus abondante. Il est d'autant plus juste que vous lui pardonniez, qu'il a reçu un coup mortel, puisque le démon l'a blessé. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie 8 sur l'Epître aux Romains (7-8), P.G. 60, in Oeuvres complètes (Tome X) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 10 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Guérison d'un homme à la main sèche (Lc 6, 6-11 ; cf Mt 12, 9-14 et Mc 3, 1-6)

    « N’admirez-vous point, mes frères, la bonté et la tendresse du Sauveur ? Il met cet homme au milieu d’eux, afin de les toucher par la seule vue de sa misère, et que la compassion prenant la place de la malignité et de l’envie, ils rougissent de perdre la douceur naturelle à l’homme pour agir avec une brutalité barbare et inhumaine. Mais ces coeurs de pierre, que rien ne peut amollir et qui semblent avoir déclaré la guerre à l’humanité, trouvent bien plus de délices à noircir la réputation du Sauveur, qu’à voir un miracle qui guérit cet homme. Ils montrent doublement leur malice, et par le dessein formé de contredire Jésus-Christ en tout, et par cette opiniâtreté si étrange avec laquelle ils s’opposaient à la guérison des autres...

    Jésus-Christ demeure dans sa douceur ordinaire. Il guérit ce malade et il leur répond pour faire retomber leurs piéges sur eux, pour nous apprendre la modération, et pour faire voir leur dureté inhumaine. Saint Luc remarque qu’il fit mettre cet homme "au milieu" des Juifs : non qu’il eût quelque crainte d’eux, mais pour les aider à rentrer en eux-mêmes et pour les toucher de compassion...

    "Alors il dit à cet homme : Etendez votre main, et l’ayant étendue elle fut rendue saine comme l’autre." Que font à cela les Juifs ? Ils sortent d’avec Jésus-Christ, ils s’assemblent et ils consultent entre eux pour lui dresser quelque piège...

    Il est à remarquer que plus Jésus-Christ faisait du bien aux hommes, plus ses ennemis s’en aigrissaient. S’ils le voient ou guérir les corps, ou convertir les âmes, ils entrent en furie, et ils cherchent les moyens de l’accuser. Lorsque chez le pharisien il change miraculeusement la pécheresse, ils le condamnent. Lorsqu’il mange avec les publicains et les pécheurs, ils le calomnient. Et ils conspirent ici pour le perdre, après qu’il a guéri cette main desséchée. Mais considérez, je vous prie, comme Jésus-Christ continue de faire son oeuvre. Il guérit les malades comme auparavant, et il tâche en même temps d’adoucir et de guérir les esprits. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Homélie XL (1-2), in Oeuvres complètes (Tome VIII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 4 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Le Saint de Dieu"

    « N'est-ce pas se condamner soi-même que de chercher si le Fils est consubstantiel au Père ? Car une telle conduite est en contradiction non seulement avec l'Ecriture, mais avec l'opinion générale des hommes et la nature des choses. Que l'engendré soit de la même substance que l'engendrant, cela se voit, non seulement pour les hommes, mais pour les animaux, pour les arbres mêmes. N'est-il pas absurde quand cette loi est immuable parmi les plantes, les hommes et les animaux, de vouloir la violer et la renverser en Dieu seul, Cependant, ne nous contentons pas de ces raisons tirées de la nature des choses, et passons aux saintes Ecritures, dont les paroles prouveront ce dogme. Ce n'est pas nous, fidèles, ce sont ces incrédules qui sont dignes de risée, eux qui repoussent des choses si claires et qui résistent à la vérité.

    Quelles objections élèvent-ils contre la croyance universelle ? Si, de ce que Jésus-Christ est appelé Fils, il s'ensuit qu'il est consubstantiel, nous sommes aussi consubstantiels, nous tous ; car nous sommes appelés fils. N'est-il, pas écrit : "J’ai dit : Vous êtes tous des dieux et les fils du Très-Haut" (Ps. LXXXI, 6) — Ô imprudence ! ô folie extrême ! Comme ces hérétiques mettent à nu leur démence ! Quand nous parlions de l'Incompréhensible, ils s'arrogeaient ce qui est le propre du Fils, et prétendaient connaître Dieu aussi parfaitement qu'il se connaît lui-même. Maintenant que nous parlons de la gloire du Fils, ils veulent le rabaisser à leur niveau. Nous aussi, disent-ils, nous sommes appelés fils, et nous ne sommes pas pour cela consubstantiels à Dieu. Vous êtes appelés fils, oui, mais le Christ est Fils ; vous en avez le nom ; lui, la réalité. Vous êtes appelés fils, mais non comme lui, fils unique ; vous n'habitez pas le sein du Père, vous n'êtes pas la splendeur de la gloire, ni la figure de la substance, ni la forme de Dieu (Hébr. I, 13). Si notre premier raisonnement ne suffit pas, laissez-vous du moins persuader par les passages de l'Ecriture, qui prouvent la noble origine de notre Sauveur. Dans les textes suivants, Jésus-Christ montre qu'il ne diffère en rien du Père, quant à la substance ; "Celui qui me voit, voit mon Père" (Jean, XIV, 9) ; "Mon Père et moi nous sommes un" (Jean, X, 30) ; quant à la puissance : "Comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi le Fils vivifie qui il veut" (Jean, V, 21) ; quant au culte : "Afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père" (Ibid. 23) ; quant à l'autorité de législateur : "Mon père agit et moi aussi" (Ibid. 17). Mais laissant de côté tous ces textes, ils refusent de prendre le mot Fils dans son sens propre, par la raison qu'ils sont eux-mêmes honorés de ce nom, et ils rabaissent jusqu'à eux le Fils de Dieu, en s'appuyant sur ces paroles : "J'ai dit : Vous êtes tous des dieux et les fils du très-Haut". Puisque, à vous entendre, le Fils, malgré ce nom, n'a rien de plus que vous, et n'est pas vraiment Fils, il s'ensuit que le Père, malgré le nom de Dieu, n'a rien de plus que vous puisqu'il vous a aussi communiqué ce nom. Car de la même manière que vous êtes appelés fils, vous êtes appelés Dieu. Ce nom de Dieu, bien qu'il vous soit donné, vous n'osez dire que ce soit une simple dénomination sans réalité, mais vous reconnaissez que le Père est vrai Dieu ; de même ainsi craignez de vous comparer au Fils et ne dites pas : moi aussi, je suis appelé fils ; et puisque je n'ai pas la même substance que le Père, lui non plus n'est pas consubstantiel. Car tout ce que nous avons dit ci-dessus montre qu'il est vrai Fils et qu'il a la même substance que le Père. Ces paroles, en effet : "Il est la figure et la forme de Dieu", ne prouvent-elles pas l'identité de substance ! En Dieu il n'y a ni forme ni visage. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Septième Homélie contre les Anoméens (2), in "Oeuvres Complètes" (Tome II), traduites sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie éditeurs, 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 26 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Les paroles que je vous dis sont esprit et vie" ; c'est-à-dire, ce que je dis est tout divin et spirituel : je ne parle point de choses charnelles et qui soient soumises à la nature, mais de choses qui sont exemptes de ces sortes de nécessités et des lois de cette vie : ce que je dis a un sens tout autre et tout différent de celui que vous lui donnez. Comme donc ici le Sauveur a dit : Les paroles que je vous dis sont esprit, au lieu de dire, sont des choses spirituelles ; de même lorsqu'il dit : La chair ne sert de rien, il ne l'entend pas de la chair en elle-même, mais il insinue qu'ils prenaient dans un sens charnel ce qu'il disait, eux qui n'avaient de goût et de désir que pour les choses charnelles, en un temps où tout les invitait à rechercher celles qui sont spirituelles. Prendre dans un sens charnel ce que dit Jésus-Christ, c'est en perdre tout le fruit et le profit. Quoi donc ? Est-ce que sa chair n'est pas chair ? Elle l'est, sûrement. Pourquoi donc a-t-il dit : "La chair ne sert de rien" ? Le divin Sauveur ne l'entend pas de sa chair, Dieu nous garde d'une telle pensée, mais de ceux qui recevaient charnellement ce qu'il disait ; et qu'est-ce qu'entendre charnellement ? C'est prendre tout simplement et à la lettre ce qu'on dit, et ne rien penser, et ne rien imaginer de plus ; c'est là voir les choses avec des yeux charnels. Or il n'en faut pas juger selon ce qu'elles paraissent aux yeux du corps, mais tout ce qui est mystère, il faut le voir et le considérer avec les yeux de l'âme, c'est-à-dire spirituellement. N'est-il pas vrai, n'est-il pas certain, que celui qui ne mange point la chair de Jésus-Christ et ne boit point son sang, n'a pas la vie en lui-même ? Comment donc la chair ne sert-elle de rien, cette chair sans laquelle nous ne pouvons pas vivre ? Vous voyez bien que le Sauveur, ne parle point là de sa chair, mais de ce qu'on entend ses paroles d'une manière charnelle.

    "Mais il y en a quelques-uns d'entre vous a qui ne croient pas". Jésus-Christ, selon sa coutume, relève ce qu'il dit ; et lui donne de la dignité ; il prédit ce qui doit arriver et fait voir que c'est pour le salut de ses auditeurs qu'il leur parle de ces choses, et non pour s'attirer de la gloire. Au reste, en disant : "Quelques-uns", il sépare ses disciples de ce nombre. Au commencement, il avait dit "Vous m'avez vu et vous ne m'avez point cru" (Jn VI, 36). Mais il dit ici : "Il y en a quelques-uns d'entre vous qui ne croient pas". En effet, il savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croiraient point, et qui était celui qui devait le trahir. "Et il leur disait : C'est pour cela que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi, s'il ne lui est donné par mon Père". L'évangéliste insinue ici que la dispensation des dons et des grâces du Père se fait librement et volontairement. Et il montre la patience de Jésus-Christ. Et ce n'est pas sans raison qu'il met ici ce mot : "Dès le commencement" ; c'est pour vous faire connaître la prescience de Jésus-Christ, et qu'il avait connu leur incrédulité et la trahison de Judas avant qu'ils eussent ouvert la bouche et qu'ils se fussent déclarés parleurs murmures ; ce qui était une preuve bien évidente de sa divinité. Il ajoute ensuite : "S’il ne lui est donné par mon Père", pour les persuader et les engager à croire que Dieu était son Père et non pas Joseph, et leur faire connaître que ce n'était pas une chose commune que de croire en lui ; comme s'il disait Qu'il y en ait qui ne croient pas en moi, je n'en suis nullement troublé, ni étonné ; car longtemps auparavant que cela arrivât, je l'ai su, j'ai connu qui sont ceux à qui mon Père a donné. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Jean (XLVII, 2), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 21 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Que dit Jésus-Christ, mes frères ? ... "Je vous le dis en vérité : il est bien difficile qu’un riche entre dans le royaume des cieux" ; marquant par ce mot de "riche", non pas en général celui qui a du bien, mais celui qui en est l’esclave. [...]
    Ceci nous fait voir qu’un riche qui use chrétiennement de ses richesses, doit espérer de Dieu une grande récompense. Mais Jésus-Christ montre dans la suite que cela ne peut être que l’ouvrage de Dieu seul, et qu’un riche a besoin d’une grâce très-puissante pour se détacher ainsi de ses richesses. [...]

    Si vous désirez, mes frères, savoir comment "ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu", je veux bien vous l’expliquer. Car Jésus-Christ n’a point dit cette parole afin qu’elle vous abatte et que vous désespériez de pratiquer cette vertu, comme vous étant impossible, mais afin que, considérant sa grandeur, vous vous y appliquiez avec courage ; que vous invoquiez la grâce de Dieu, afin qu’elle vous soutienne dans un combat si pénible et qu’elle vous fasse acquérir enfin la vie éternelle. Comment donc cela peut-il devenir possible ? Si vous renoncez tous à l’attachement aux biens, si vous méprisez les richesses et si vous foulez aux pieds une passion si basse. Nous voyons assez par la suite que Jésus-Christ ne parle pas de la sorte afin qu’en croyant que Dieu fait tout, vous demeuriez sans rien faire, mais plutôt pour vous exciter à travailler, d’autant plus que ce qu’il vous propose est plus grand et plus difficile. [...]

    Ainsi, mes frères, ne nous embarrassons point en tant de soins inutiles. Renonçons entièrement à cette passion inquiète de l’argent qui ne nous laisserait jamais en repos. Pensons à un autre monde, où nous trouverons des biens sans inquiétude, qui rendent vraiment heureux, et ne désirons que les trésors qui sont dans le ciel. L’acquisition n’en est point pénible, et la possession est le comble de tous les biens. Ce commerce n’est exposé ni aux pertes ni aux périls. Nous n’avons seulement qu’à veiller sur nous-mêmes et à mépriser tout ce que nous voyons ici-bas. Car celui qui s’attache aux richesses de la terre et s’en rend esclave, perdra nécessairement celles du ciel. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (LXIII, 2,3), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 17 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Que faut-il que tu dises à ta femme ? Dis-lui avec beaucoup de douceur : "...Je t'ai choisie, je t'aime et te préfère à ma propre vie. L'existence présente n'est rien ; c'est pourquoi mes prières, mes recommandations et toutes mes actions, je les fais pour qu'il nous soit donné de passer cette vie de manière à pouvoir être réunis dans la vie future sans plus aucune crainte de séparation. Le temps que nous vivons est court et fragile. S'il nous est donné de plaire à Dieu durant cette vie, nous serons éternellement avec le Christ et l'un avec l'autre dans un bonheur sans limites. Ton amour me ravit plus que tout et je ne connaîtrais pas de malheur plus insupportable que d'être séparé de toi. Quand je devrais tout perdre et devenir plus pauvre qu'un mendiant, encourir les derniers périls, et endurer n'importe quoi, tout me sera supportable tant que ton affection pour moi demeure. Ce n'est qu'en comptant sur cet amour que je souhaiterai des enfants."

    Il faudra aussi conformer ta conduite à ces paroles... Montre à ta femme que tu apprécies beaucoup de vivre avec elle et que tu aimes mieux, à cause d'elle, être à la maison que sur la place. Préfère-la à tous les amis et même aux enfants qu'elle t'a donnés ; et que ceux-ci soient aimés de toi à cause d'elle...

    Vos prières, faites-les en commun. Que chacun de vous aille à l'église et qu'à la maison le mari demande compte à sa femme, et la femme à son mari, de ce qui a été dit ou lu... Apprenez la crainte de Dieu ; tout le reste coulera comme de source et votre maison s'emplira de biens innombrables. Aspirons aux biens incorruptibles, et les autres ne nous feront pas défaut. "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu, nous dit l'Évangile, et tout le reste vous sera donné par surcroît" (Mt 6, 33). »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Homélie 20 sur la lettre aux Éphésiens, 4,8,9 : PG 62, 140s (trad. Orval).

  • 8 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Sur la guérison de la fille de la Cananéenne : "Les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur maîtres" - Mt XV, 21-28)

    « C’était un prodige bien surprenant de voir des personnes qu’on était auparavant obligé de porter, marcher tout d’un coup sans aucune peine, et des aveugles qui ne pouvaient faire un pas sans guide, voir clair en un moment et n’avoir plus besoin de personne pour les conduire. On était également surpris, et de la multitude de ces malades qui étaient miraculeusement guéris, et de la facilité avec laquelle Jésus-Christ les guérissait.

    Mais remarquez ici, mes frères, la conduite du Fils de Dieu, Il n’exauce cette femme chananéenne qu’après beaucoup de rebuts, il guérit au contraire tous ces malades, au moment même qu’ils se présentent. Ce n’était point parce que ces derniers étaient préférables à cette femme, mais parce que cette femme avait plus de foi qu’eux tous. Jésus-Christ en différant de la guérir voulait faire voir sa générosité et sa constance, et il guérissait au contraire ces malades sans différer, pour fermer la bouche à l’ingratitude des Juifs, et pour leur ôter toute excuse. Car plus nous avons reçu de grâces, plus nous devenons coupables si nous sommes ingrats, et si les faveurs dont Dieu nous honore ne nous rendent pas meilleurs.

    C’est pour cette raison que les riches qui auront mal vécu seront bien plus punis que les pauvres, parce que l’abondance où ils se sont vus ne les a pas rendus plus reconnaissants envers Dieu, et plus charitables envers leurs frères. Et ne me dites point qu’ils ont fait quelques aumônes. Si les aumônes qu’ils ont faites ne sont en rapport avec leurs richesses, elles ne les délivreront pas de la peine qu’ils méritent. Dieu ne jugera pas de nos charités par la mesure que nous y aurons gardée : mais par la plénitude du coeur, et par l’ardeur de la volonté avec laquelle nous les aurons faites. Que si ceux qui ne donnent pas autant qu’ils le peuvent seront condamnés de Dieu, combien le seront davantage, ceux qui amassent des biens superflus, qui font des bâtiments immenses, et qui négligent en même temps les pauvres ; qui appliquent tous leurs soins à augmenter leurs richesses, et qui n’ont jamais la moindre pensée de les partager à ceux qui souffrent de la faim ? »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (LII, 3), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 7 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Jésus-Christ monte sur une montagne pour nous apprendre que la solitude et le désert sont très convenables pour s’entretenir avec Dieu. C’est pour ce sujet qu’il allait souvent dans les déserts, et qu’il y passait les nuits en prières, pour nous exciter par son exemple à choisir les temps et les lieux les plus tranquilles pour prier sans distraction. Car la solitude est la mère du repos. Elle est comme un port qui nous met à couvert de toutes les agitations de l’esprit. C’est donc pour cette raison que Jésus-Christ monte ici sur une montagne.

    Mais ses disciples cependant sont agités au milieu des flots, et subissent une nouvelle tempête aussi rude que la première (Mt VIII). Cette seconde est différente de la précédente, en ce que dans l’autre ils avaient Jésus-Christ avec eux dans la barque, tandis qu’ici ils sont seuls et séparés de leur maître. Il les instruisait ainsi peu à peu à se former et comme à s’endurcir aux maux, à devenir courageux dans les accidents, et à souffrir généreusement toutes choses. C’est pourquoi dans le premier péril, il resta auprès d’eux, quoiqu’il dormît, afin qu’ils pussent trouver une prompte consolation dans la frayeur dont ils allaient être frappés. Mais ici, pour les accoutumer à une plus grande patience, il les laisse seuls, et souffre qu’il s’élève une tempête dans son absence, afin qu’il ne leur reste aucune espérance de se sauver. Il les laisse durant toute une nuit dans cet état, et il veut que ce long péril ouvre les yeux de leur coeur aveugle, et qu’il les fasse sortir de leur assoupissement. Le temps et l’obscurité de la nuit, qui se joignait encore à la tempête, redoublait leur crainte. Jésus-Christ voulait que cette double terreur fît qu’ils le désirassent plus ardemment, et que ce péril demeurât mieux imprimé dans leur mémoire. C’est pour cette raison qu’il ne se presse point de les aller secourir, et qu’il les laisse longtemps agiter par les flots.

    "Mais à la quatrième veille de la nuit, Jésus vint à eux marchant sur la mer" (v.25). Il voulait ainsi leur apprendre à souffrir les maux avec patience et à ne point demander d’en être si tôt délivrés. Lors donc qu’ils croyaient être déjà sortis de ce danger, ils tombent dans une appréhension nouvelle.

    "Car le voyant ainsi marcher sur la mer, ils furent troublés, et ils disaient : C’est un fantôme, et ils crièrent de frayeur" (v.26). C’est la conduite ordinaire de Dieu. Lorsqu’il est près de nous délivrer de nos maux, il en fait naître d’autres encore plus terribles. C’est ce qui arrive ici. Après une tempête si effrayante ils sont encore troublés par le fantôme qu’ils croient voir. Cependant Jésus-Christ ne se hâte point de dissiper leurs ténèbres, et de se montrer à eux, parce qu’il voulait que cette longue suite d’épreuves qui se succédaient les unes aux autres les accoutumât à souffrir, et à être courageux dans les accidents.

    [...]

    Car c’est ainsi, mes frères, que les maux les plus insupportables nous deviennent aisés à supporter, lorsque nous en voyons presque aussitôt la fin que nous en ressentons le poids. C’est de cette manière que Jésus-Christ se conduit ici envers ses apôtres. Il ne se découvre à eux qu’après que leur grande peur leur eut fait jeter un grand cri. Car plus la crainte qui les saisissait était forte, plus la joie qu’ils devaient recevoir de sa présence allait être douce. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (L, 1), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 5 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel" (v.32).
    La manne n'était donc pas le pain du ciel ; pourquoi donc la dit-on un pain du ciel ? On l'appelle le pain du ciel dans le même sens que l'Ecriture dit : "Les oiseaux du ciel" (Ps VIII, 8), et aussi : "Et le Seigneur a tonné du haut du ciel" (Ps XVII, 15). Le pain que le Père donne, Jésus-Christ l'appelle le pain véritable, non que le miracle de la manne fût faux, mais parce qu'il était une figure et non pas la vérité même. Jésus-Christ, parlant de Moïse, ne s'élève point au-dessus de lui, parce que les Juifs ne lui donnaient pas encore la préférence sur Moïse, et qu'ils croyaient ce législateur plus grand que lui. Voilà pourquoi, ayant dit : "Moïse ne vous a point donné", il n'a pas ajouté : C'est moi qui donne ; mais il dit : C'est mon Père. Alors les Juifs répondirent : "Donnez-nous ce pain à manger" ; ils croyaient encore qu'il s'agissait d'un pain matériel et sensible ; ils s'attendaient encore à contenter leur appétit. Voilà pourquoi ils accoururent si promptement. Que fait donc Jésus-Christ ? Peu à peu il élève leur esprit, et il ajoute : "Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde" (v.33) ; non seulement aux Juifs, dit-il, mais aussi à tout le monde. Il ne dit pas simplement la nourriture, mais une vie différente, de celle-ci : et il dit qu'il donne la vie, parce que ceux qui avaient mangé la manne étaient tous morts ; mais les Juifs encore attachés à la terre, disent : "Donnez-nous ce pain" (v.34). Sur quoi Jésus-Christ les reprend de ce que, tant qu'ils ont cru recevoir une viande corporelle, ils sont venus à lui en foule ; mais qu'aussitôt qu'ils ont appris que la viande qu'il leur voulait donner était spirituelle, ils ont cessé d'accourir, et il leur dit : "Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n'aura point de faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif (v.35). Mais je vous l'ai déjà dit : vous m'avez vu, et vous ne me croyez point" (v.36).

    "Je suis le pain de vie". L'évangéliste commence maintenant d'entrer dans l'exposition des mystères. Et premièrement, il découvre la divinité du Christ, en disant : "Je suis le pain de vie" ; car il ne dit pas cela de son corps. Il parle de son corps vers la fin de ce chapitre : "Et le pain que je donnerai, c'est ma chair" (v.52). Mais ici il parle de sa divinité. Il est le pain parce qu'il est Dieu, le Verbe, de même qu'ici il devient le pain céleste par la descente du Saint-Esprit...
    ... si ces paroles les choquaient, que ne s'informaient-ils de Jésus, comment il était le pain de vie, comment il était descendu du ciel ? mais au lieu de le faire, ils se mettent à murmurer.
    Ce qui prouve manifestement que ce n'était point là de quoi ils s'offensaient, c'est que Jésus-Christ disait : "C'est mon Père" qui vous "donne le pain" ; ils ne dirent pas : Priez-le de nous le donner, mais : Donnez-nous ce pain. Cependant Jésus-Christ n'avait pas dit C'est moi qui le donne, mais : "C'est mon Père qui le donne". »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Jean (XLV, 1,2), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer, et qui recueille des poissons de toutes sortes. Et lorsqu’il est plein, les pêcheurs le tirent sur le bord, où s’étant assis ils mettent ensemble tous les bons dans des vaisseaux, et jettent dehors les mauvais".
    En quoi cette parabole est-elle différente de celle "de l’ivraie", puisque l’une et l’autre montre que de tous les hommes, les uns seront enfin sauvés, et les autres réprouvés ? Oui, en effet, nous voyons dans l’une et dans l’autre qu’une partie des hommes se perdent, mais d’une manière différente. Ainsi ceux qui étaient figurés par la parabole des semences se perdent, parce qu’ils n’écoutent point la parole de la vérité ; ceux qui sont figurés par l’ivraie se perdent, par leur doctrine hérétique, et par leurs erreurs : mais ces derniers périssent à cause du dérèglement de leurs moeurs et de leur mauvaise vie. Et ceux-ci sans doute sont les plus misérables de tous, puisqu’après avoir connu la vérité et avoir été pris dans "ce filet" spirituel, ils n’ont pu se sauver dans l’Eglise même.

    Jésus-Christ marque en un endroit de l’Evangile qu’il séparera lui-même les bons d’avec les méchants, comme un pasteur sépare les brebis d’avec les boucs ; et il dit ici au contraire, aussi bien que dans la parabole de l’ivraie, que ce discernement se fera par les anges. "C’est ce qui arrivera à la fin du monde. Les anges viendront et sépareront les méchants des justes, et les jetteront dans la fournaise du feu ; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents". Le Sauveur parle quelquefois à ses disciples d’une manière plus simple et plus commune, et quelquefois aussi d’une manière plus élevée. Il interprète de lui-même cette parabole des poissons sans attendre qu’on l’interroge, pour inspirer encore plus de terreur. Car afin que vous ne croyiez pas qu’une fois jetés dehors les mauvais poissons n’auront plus rien à craindre, qu’ils en seront quittes pour une simple séparation, Jésus-Christ montre le châtiment qui les attendent dehors en disant qu’ils "seront jetés dans la fournaise du feu", et il marque la violence de la douleur qu’ils souffriront en disant : "Là il y aura des pleurs et des grincements de dents".

    Considérez, je vous prie, mes frères, par combien de voies on peut se perdre. On se perd comme les semences ou "dans le chemin", ou "dans les pierres", ou "dans les épines".
    On se perd par l’ivraie ou l’hérésie. On se perd enfin, comme les mauvais catholiques, dans "le filet" de l’Eglise. Après cela est-ce sans sujet que le Fils de Dieu dit : "Que la voie qui mène à la perdition est large, et que beaucoup y entrent" (Mt VII, 13) ? »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (XLVII, 4), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 1er août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Le royaume des cieux est semblable encore à un trésor caché dans un champ, qu’un homme ayant trouvé, cache de nouveau, et dans la joie qu’il en ressent, il va vendre tout ce qu’il a et achète ce champ."
    "Le royaume des cieux est semblable encore à un marchand qui cherche de belles perles ; lequel ayant trouvé une perle de grand prix, va vendre tout ce qu’il avait et l’achète." Comme les deux paraboles "du grain de sénevé et du levain" n’ont beaucoup de rapport ensemble, il se trouve aussi que celles du trésor et de la perle sont assez semblables. L’une et l’autre nous font entendre qu’il faut préférer la prédication de l’Evangile à tous les biens de la terre. Ces deux premières du sénevé et du levain en marquent la force, et ces deux dernières nous en font voir l’excellence. La prédication de l’Evangile croît comme "le grain de sénevé" ; elle s’étend comme "le levain" qui pénètre toute la pâte où on le mêle. Elle est aussi précieuse que "les perles", et elle enrichit et sert à toutes choses comme "le trésor".

    Nous n’y apprenons pas seulement à mépriser tout pour nous attacher uniquement à la parole évangélique, mais encore à le faire avec plaisir et avec joie. Car celui qui renonce à ses richesses pour suivre Dieu, doit être persuadé que bien loin de perdre il gagne beaucoup en y renonçant. Vous voyez donc, mes frères, que la parole et la vérité évangélique est cachée dans ce monde comme un trésor et que tous les biens y sont renfermés. On ne peut l’acheter qu’en vendant tout. On ne peut la trouver qu’en la cherchant avec la même ardeur qu’on cherche un trésor.

    Car il y a deux choses qui nous sont entièrement nécessaires ; le mépris des biens de la vie, et une vigilance exacte et continuelle. "Le royaume des cieux", dit Jésus-Christ, "est semblable à un marchand qui cherche de belles perles, lequel en ayant trouvé une de grand prix, va vendre tout ce qu’il avait et l’achète". Cette perle unique est la vérité qui est une et ne se divise point. Celui qui a trouvé cette perle précieuse sait bien qu’il est riche, mais sa richesse échappe aux autres, parce qu’il la cache, et qu’il peut tenir dans sa main ce qui le fait riche. Il en est de même de la parole et de la vérité évangélique. Celui qui l’a embrassée avec foi, et qui la renferme dans son coeur comme son trésor, sait bien qu’il est riche ; mais les infidèles ne connaissent point ce trésor, et ils nous croient pauvres parmi ces richesses. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (XLVII, 2), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 28 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « C’est l’artifice ordinaire du démon de mêler le mensonge avec la vérité, afin que sous le masque de la vraisemblance, l’erreur passe pour la vérité même, et qu’elle trompe ceux qui sont faciles à séduire. C’est pourquoi Jésus-Christ ne marque point dans cette semence de l’ennemi, d’autre mauvais grain que l’ivraie qui est fort semblable au froment. Jésus-Christ nous apprend ensuite l’occasion que le démon prend pour surprendre les âmes.
    "Pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le bon grain, et s’en alla."
    [...]
    C’est nous qu’il attaque par tous ses efforts, et néanmoins l’origine de cette guerre irréconciliable qu’il nous fait, n’est pas tant l’aversion qu’il a pour nous, que la haine qu’il a conçue contre Dieu. Et nous voyons, mes frères, par le soin que Dieu prend de nous défendre d’un tel ennemi, que Dieu nous aime plus que nous ne nous aimons nous-mêmes. Mais considérez encore la malice du démon. Il ne sème point cette semence de mort avant la semence de la vie, parce qu’il n’aurait rien eu à perdre. Mais aussitôt que le champ a été semé, il s’efforce de ruiner en un moment tous les travaux du divin laboureur, tant il se déclare en toutes choses l’ennemi de Dieu ! Considérez aussi l’affection de ces serviteurs envers leur maître. Aussitôt qu’ils aperçoivent cette ivraie, ils pensent à l’arracher. Leur zèle, quoiqu’un peu trop indiscret, témoigne le grand soin qu’ils avaient de la bonne semence, et montre que leur unique but était non de faire punir l’ennemi, mais de prévenir la perte du bon grain. Ils ne cherchent que les moyens de remédier à un si grand mal.
    Ils ne s’appuient pas même sur leur propre sentiment. Ils consultent la sagesse de leur maître : "Voulez-vous ?" lui disent-ils ; mais il le leur défend et leur dit : "Non, de peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez aussi tout ensemble le bon grain." II leur parle de la sorte pour empêcher ainsi les guerres, les meurtres et l’effusion de sang. Car il ne faut point tuer les hérétiques, puisque ce serait remplir toute la terre de guerres et de meurtres. Il leur défend ces violences pour deux raisons ; la première, parce qu’en voulant arracher l’ivraie on pourrait aussi nuire au froment; et l’autre parce que tôt ou tard les hérétiques seront punis, s’ils ne se convertissent de leur erreur. Si vous voulez donc qu’ils soient châtiés sans qu’ils nuisent au bon grain, attendez le temps que Dieu a marqué pour en faire justice.

    Considérons encore cette parole : "De peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez aussi tout ensemble le bon grain." Il semble qu’il dise par là : Si vous prenez les armes contre les hérétiques ; si vous voulez répandre leur sang et les tuer, vous envelopperez nécessairement dans ce meurtre beaucoup de justes et d’innocents. De plus il y en a beaucoup qui sortant de l’hérésie, d’ivraie qu’ils étaient pourraient se changer en bon grain. Que si on prévenait ce temps, en croyant arracher de l’ivraie on détruirait le froment qui en devait naître. Ainsi il donne du temps aux hérétiques pour se convertir, et pour rentrer en eux-mêmes. Il n’empêche pas néanmoins qu’on ne réprime les hérétiques, qu’on ne leur interdise toute assemblée, qu’on ne leur ferme la bouche, et qu’on ne leur ôte toute liberté de répandre leurs erreurs ; mais il ne veut pas qu’on les tue, et qu’on répande leur sang. Et considérez, je vous prie, la douceur de Jésus-Christ. Il ne défend pas seulement d’arracher l’ivraie ; mais il donne la raison de sa défense, et il répond à ceux qui lui pourraient dire que cette ivraie peut-être demeurerait toujours ce qu’elle est :

    "Laissez croître," dit-il, "l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs. Cueillez premièrement l’ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler ; mais amassez le blé dans mon grenier." Il les fait souvenir ici des paroles de saint Jean, lorsqu’il parlait du Sauveur comme du Juge de l’univers. Il leur ordonne d’épargner l’ivraie tant qu’elle sera mêlée parmi le froment, pour lui donner lieu de se changer, et de devenir froment elle-même. Que si ces hommes, représentés par l’ivraie, ne font aucun usage de la bonté et de la patience du maître du champ, ils tomberont alors nécessairement dans les mains de l’inévitable justice... »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (XLVI, 1,2), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.