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St Jean Chrysostome - Page 4

  • 25 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Alors la mère des enfants de Zébédée le vint trouver avec ses deux fils, l’adorant et lui témoignant qu’elle avait une demande à lui faire. Et il lui dit : Que voulez-vous ? Ordonnez, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis dans votre royaume, l’un à votre droite et l’autre à votre gauche."...
    Comme ils approchaient de Jérusalem et qu’ils croyaient que le royaume de Dieu, qu’ils regardaient ,comme un royaume terrestre, allait bientôt arriver, ils préviennent les autres apôtres et lui font cette prière, espérant que cet honneur qu’ils demandaient les mettrait à couvert de tous les périls. C’est pourquoi Jésus-Christ en leur répondant éloigne d’abord de leur esprit cette pensée, et leur apprend qu’il faut être prêt à souffrir tout, et la mort même et une mort sanglante et cruelle.
    "Jésus répondit : vous ne savez ce que vous demandez ; pouvez-vous boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé ? Nous le pouvons, lui dirent-ils". Que personne ne s’étonne de voir ici tant d’imperfection dans les apôtres. Le mystère de la Croix n’avait pas encore été consommé, et la grâce du Saint-Esprit ne s’était pas encore répandue sur eux. Si vous désirez savoir quelle a été leur vertu, considérez ce qu’ils ont fait ensuite, et vous les verrez toujours élevés au-dessus de tous les maux de la vie. Dieu a voulu que tout le monde connût combien ils étaient imparfaits d’abord, afin qu’on admirât davantage le changement prodigieux que la grâce de Dieu a fait dans leur coeur...
    "Vous ne savez ce que vous demandez", leur dit-il, vous n’en connaissez ni le prix, ni la grandeur. Vous ne savez pas combien cette dignité est élevée au-dessus de toutes les puissances des cieux. "Pouvez-vous", ajoute-t-il, "boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé" ? Il les éloigne tout d’un coup de leur vaine prétention, en leur proposant des choses qui y étaient tout opposées. Vous ne pensez, leur dit-il, qu’à des honneurs et à des royaumes ; vous ne me parlez que de trônes et de dignités, et je ne vous propose que des combats et des souffrances. Ce n’est point ici le temps de recevoir la couronne, et ma gloire ne paraîtra point maintenant. Mais le temps de cette vie est un temps de mort, de guerre et de péril...

    Il est aisé de voir dans cette conjoncture que tous les apôtres étaient encore bien imparfaits ; puisque deux d’entre eux désirent d’être les premiers de tous, et que tous les autres s’en fâchent et en conçoivent de la jalousie. Mais, comme j’ai déjà dit, ce n’est pas dans cet état que nous devons regarder les apôtres, mais dans celui où le Saint-Esprit les a mis depuis, lorsque, les remplissant de sa grâce, il les a guéris de toutes leurs passions. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (LXV, 2,4), in "Oeuvres complètes" (Tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.

  • 24 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Comme Jésus était dans une maison, sa mère et ses frères arrivent. Restant au-dehors, ils le font demander. Beaucoup de gens étaient assis autour de lui ; et on lui dit : 'Ta mère et tes frères sont là dehors, qui te cherchent.' Mais il leur répond : 'Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ?' Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : 'Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère.' »

    Selon saint Jean Chrysostome :
    « Ces paroles prouvent évidemment que sa mère et ses frères n'étaient pas toujours avec lui. Mais comme ils l'aimaient tendrement, ils viennent le trouver, conduits par le respect et l'affection, et ils l'attendent au dehors, "car toute la foule était assise autour de lui." »

    Selon saint Bède :
    « Malgré leurs présences, il n'en continue pas moins la prédication de la divine parole, non qu'il oubliât les devoirs de la piété filiale, mais afin de montrer qu'il se devait bien plus aux mystères de son Père qu'aux devoirs de la tendresse filiale envers sa mère.

    Il ne témoigne aucun mépris pour ses frères, mais il préfère les oeuvres spirituelles aux liens de la parenté, et il nous enseigne que le lien qui unit les coeurs est plus sacré que celui qui ne fait qu'unir les corps. "Et regardant ceux qui étaient assis autour de lui : Voici, dit-il, ma mère et mes frères". »

    Selon saint Jean Chrysostome :
    « Notre-Seigneur nous apprend encore ici qu'il faut honorer plus que nos proches ceux qui nous sont unis par la foi. On devient la mère de Jésus par la prédication, car on lui donne une sorte de naissance en l'enfantant dans le coeur de ceux qu'on est chargé d'enseigner. »

    Selon saint Jérôme :
    « Or, sachons que nous sommes les frères et les soeurs de Jésus, à cette condition que nous accomplirons la volonté de son Père, afin d'être un jour ses cohéritiers, car Jésus discerne ses frères et ses sœurs d'après leurs actes et non d'après la différence des sexes. "Celui qui fait la volonté de mon Père est mon frère, etc." »

    Selon Théophile :
    « Il ne refuse pas à sa mère ce titre glorieux, mais il montre qu'elle est digne de le porter, non-seulement parce qu'elle a enfanté le Christ, mais encore parce qu'elle est un modèle accompli de toutes les vertus. »

    Saint Thomas d'Aquin, Explication suivie des Quatre Evangiles, composée d'extraits des interprètes grecs et latins et surtout des SS. Pères... - La Chaîne d'Or, Traduction nouvelle par M. l'Abbé J.-M. Péronne, Paris, Louis Vivès, 1868.

  • 23 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Le sentiment de la vertu est inné en nous. Une lumière naturelle nous apprend à discerner, sans beaucoup d'efforts ni d'études, ce qui est bien d'avec ce qui est mal. Il nous suffit d'interroger là-dessus notre conscience, cet instinct secret qui nous dit de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas que l'on nous fit à nous-mêmes, et de leur faire tout le bien que, dans la même situation, nous voudrions en recevoir nous-mêmes. Jésus-Christ, en nous donnant dans son Evangile le code de morale le plus parfait, n'a fait qu'imprimer aux oracles de la nature une sanction divine. il ne nous faut nul travail pour lui obéir ; il n'en coûte que pour y revenir après que l'on s'en est écarté.

    La vertu nous met en communication intime avec Dieu ; elle nous élève jusqu'à lui, nous introduit jusque dans sa familiarité, par un délicieux échange de prières que nous lui adressons, de secours et de grâces que nous en obtenons. Donnez-moi, nous dit-il, et je vous donnerai. Que lui pouvons-nous donner, à lui qui n'a besoin de rien ? Vous êtes vertueux, que lui en revient-il ? Il n'y a que vous puissiez y gagner ; et toutefois il vous en récompense comme d'un service que vous lui rendriez à lui-même.

    O sublime privilège de la vertu ! A quelle gloire elle conduit ceux qui la pratiquent ! "Quiconque fait la volonté de mon père, nous dit Jésus-Christ, est mon frère, ma soeur et ma mère". Sa mère ! méconnaît-il donc la sienne ? à Dieu ne plaise ! Il veut seulement nous apprendre qu'il y a une filiation plus noble, d'un ordre bien plus relevé que celle qui émane de la nature. Le titre auguste de mère de Jésus-Christ selon la chair, n'eût point profité à Marie, si elle ne l'eût justifié par l'excellence de sa vertu. On peut descendre d'Abraham sans être véritablement ses fils ; c'est aux oeuvres d'Abraham que l'on reconnaît la postérité du saint patriarche. La vertu nous fait communiquer avec Dieu, elle introduit l'homme dans la famille de Dieu. »

    Saint Jean Chrysostome, "De la vertu", extraits de ses oeuvres in Bibliothèque choisie des Pères de l'Eglise grecque et latine ou Cours d'Eloquence sacrée par Marie-Nicolas-Silvestre Guillon (Tome vingt-cinquième), Saint Jean Chrysostome Tome XIII, Paris, Chez Méquignon-Havard, Bruxelles - Paris, 1828.

    Collection disponible en ligne sur Google Books.

  • 5 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Lorsque, par son ordre, le paralytique s’est levé, Jésus le renvoie dans sa maison, montrant par là son humilité en même temps qu’il prouve que la guérison est réelle et non fantastique ; il prend pour témoin de cette guérison ceux qui l’avaient été de la maladie. J’aurais souhaité, semble-t-il dire, par, votre maladie que j’ai guérie, guérir aussi ceux qui sont malades ici, non dans le corps, mais dans l’âme ; mais puisqu’ils ne le veulent pas, allez-vous-en chez vous, afin que vous guérissiez au moins les âmes malades de vos proches. Il fait voir ainsi qu’il est également le Créateur du corps et de l’âme, en guérissant la paralysie de l’âme avant même celle du corps, et en prouvant l’une qui était invisible, par l’autre qui était manifeste aux yeux de tous.

    Cependant l’âme de ces hommes rampe encore à terre, car l’évangéliste ajoute : "Le peuple voyant cela, fut rempli d’admiration et rendit gloire à Dieu, de ce qu’il avait donné une telle puissance aux hommes." Après ce grand miracle, il regarde encore Jésus-Christ comme un "homme". La chair dont il s’était revêtu les empêchait de le regarder comme un Dieu. Cependant Jésus-Christ ne leur reproche point leur peu d’intelligence. Il tâche seulement de les exciter de plus en plus, et d’élever leurs pensées par la sublimité de ses oeuvres. C’était déjà beaucoup qu’ils le regardassent comme le plus grand de tous les hommes, et comme étant venu de Dieu. Cette opinion, une fois bien enracinée dans leurs esprits, pouvait peu à peu les conduire plus avant, et leur faire croire qu’il était véritablement le Fils de Dieu. Mais ils n’y demeurèrent pas fermes. Leur inconstance fut cause qu’ils ne purent s’élever plus haut, et qu’ayant changé de sentiment, ils dirent : "Cet homme n’est point de Dieu. Comment cet homme pourrait-il être de Dieu ?" (Jn, VII, 20.) Ils redisaient continuellement ces paroles pour se faire un prétexte à leur infidélité et à leurs passions secrètes.

    C’est l’état, mes frères, où tombent aujourd’hui ceux qui, sous prétexte de venger l’honneur de Dieu, se vengent eux-mêmes et satisfont leur animosité particulière, au lieu que des chrétiens devraient se conduire en tout avec douceur et modération. Dieu même, qui est si fort offensé par les blasphèmes de ses créatures, et qui pourrait les anéantir d’un coup de foudre, "fait néanmoins lever son soleil sur ces ingrats, et tomber sa pluie sur eux", et il les comblé de mille biens. Imitons, mes frères, ce grand modèle envers ceux qui nous offensent. Exhortons-les, avertissons-les, excitons-les, témoignons-leur une extrême douceur, sans nous laisser jamais emporter. Pourquoi les blasphèmes lancés contre Dieu vous jettent-ils dans l’impatience  ? il est hors d’atteinte à tous ces outrages. L’impiété ne nuit qu’à l’impie ; les traits qu’il lance ne blessent que lui. Pleurez-le donc, répandez des larmes sur son malheur, puisqu’il mérite qu’on le pleure, et qu’il n’y a point de remède plus souverain pour guérir ces sortes de plaies que la douceur et la patience, car la douceur est plus efficace que toute la violence dont on userait. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (XXIX, 3), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Mais Jésus voyant autour de lui une grande foule de peuple, ordonna à ses disciples, de passer à l’autre bord." [...]
    Pendant que ces multitudes témoignaient tant d’affection, et un si grand zèle pour Jésus-Christ, un homme possédé de l’amour de l’argent et du désir de la gloire s’approcha de lui, et lui dit : "Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez." Remarquez l’orgueil de cet homme. Il dédaigne d’être du commun du peuple, et il s’approche de Jésus-Christ à part, comme un personnage d’importance et qui ne vent pas être confondu avec la foule...
    Jésus-Christ ne le reprit point, de cette liberté indiscrète, pour nous apprendre à souffrir nous-mêmes l’importunité de ces personnes.
    Nous voyons aussi qu’il ne reprend pas ouvertement ceux qui s’approchent de lui avec une mauvaise volonté. Il se contente de répondre à leurs pensées, d’une manière qui leur fait assez connaître qu’il voit et qu’il condamne le fond de leur coeur. Ainsi il leur procure un double avantage : premièrement il leur fait connaître qu’il pénètre le secret de leurs pensées ; ensuite il épargne leur pudeur, en ne découvrant point aux autres leur vanité qu’ils tiennent cachée, et leur donnant lieu néanmoins, s’ils le veulent, de s’en corriger eux-mêmes.
    On peut voir ici un bel exemple de cette sage conduite. Car cet homme voyant les grands miracles que faisait le Fils de Dieu, et que tout le monde venait à lui, crut que c’était là un excellent moyen pour s’enrichir. C’est ce qui lui inspira le désir de le suivre. La réponse du Sauveur est une preuve de ce que je dis. Car il répond moins aux paroles de cet homme, qu’à la pensée de son coeur. Vous vous imaginez, dit-il, que vous amasserez beaucoup d’argent en me suivant ; et vous ne voyez pas que je n’ai pas seulement comme les oiseaux un petit abri pour me retirer. "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête." Il ne rejetait pas ce disciple en lui parlant de la sorte. Il reprenait seulement son désir secret, et lui laissait la liberté de le suivre, s’il voulait vivre aussi pauvrement que lui. Voyez la mauvaise disposition de cet homme, jugez-en par sa conduite ; lorsqu’il a entendu ces paroles, et qu’il s’est senti pénétré et condamné, il se garde bien de dire : je suis tout prêt à vous suivre.
    [...]
    "Un autre de ses disciples lui dit : Seigneur, permettez-moi, avant que je vous suive, d’aller ensevelir mon père." Admirez quelle différence il y a entre ces deux hommes. L’un dit hardiment : "Je vous suivrai partout où vous irez." Et l’autre qui cependant demandait quelque chose de louable en soi, dit modestement : "Permettez-moi." Mais Jésus-Christ ne permit pas, et voici sa réponse : "Jésus lui dit : Suivez-moi, et laissez aux morts le soin d’ensevelir leurs morts." On voit partout que Jésus-Christ pénétrait le fond des coeurs. Mais, direz-vous, pourquoi refuser cette permission ? Parce qu’il y avait d’autres personnes pour ensevelir son père, et qu’il n’était pas raisonnable que cette occupation détournât ce disciple d’une autre bien meilleure. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie XXVII sur Saint Matthieu, in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 24 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Or Jean avait un habillement de poils de chameau, une ceinture de cuir autour de ses reins, et pour son manger des sauterelles et du miel sauvage." Vous voyez comme les prophètes ont dit certaines choses et qu’ils ont laissé aux évangélistes à dire les autres. Saint Matthieu commence donc par les paroles du Prophète et parle ensuite lui-même, et il n’a pas cru inutile de décrire le vêtement du saint Précurseur. C’était en effet une chose admirable, étonnante, de voir que le corps d’un homme fût capable de supporter une vie si dure. Aussi était-ce ce qui attirait le plus les Juifs ; ils voyaient revivre en saint Jean le grand prophète Elie, et dans le spectacle qu’ils avaient sous les yeux la mémoire vénérée de ce bienheureux des anciens âges.

    La vie même de Jean leur paraissait encore plus admirable. Car Elie allait dans les villes et dans les maisons, et il y trouvait de quoi se nourrir, au lieu que celui-ci avait vécu dans le désert depuis le berceau. Il fallait que le précurseur de Celui qui devait détruire tout l’ancien état de l’homme, la peine, la malédiction, les travaux et la douleur, portât par avance sur lui-même quelques marques de cette grâce nouvelle, et qu’il parût déjà élevé au-dessus des choses auxquelles les hommes avaient été premièrement condamnés. C’est pourquoi il ne travaille point à la terre ; il ne l’ouvre point avec la charrue, il ne mange point son pain à la sueur de son visage, mais il trouve une nourriture sans préparation, un habillement moins recherché que la nourriture et une demeure encore plus aisée que l’un et l’autre. Il n’avait besoin ni de maison, ni de lit, ni de table, ni d’aucune chose semblable. Il faisait éclater dans un corps mortel une vie tout angélique.

    Il avait un habit de poil de chameau, pour apprendre aux hommes par son vêtement même à mépriser tout ce qui est humain, à n’avoir rien de commun avec la terre, mais à retourner à cette première noblesse dont le premier homme a joui durant son état d’innocence, avant qu’il fût obligé d’avoir le soin de la nourriture et du vêtement. Ainsi son vêtement était un symbole et de royauté et de pénitence tout ensemble.
    [...]

    Si donc, mes frères, un homme dont toute la vie a été si sainte, qui était plus pur que le ciel même, le plus excellent des prophètes, le plus grand de tous les hommes, et qui s’approchait de Dieu avec tant de liberté et de confiance, ne laisse pas néanmoins de souffrir tant de travaux, de mépriser si hautement les délices et de passer toute sa vie dans les rigueurs et dans les austérités, comment pourrons-nous, nous autres, excuser notre délicatesse, puisqu’après tant de grâces que nous avons reçues, après tant de péchés qui nous accablent, nous n’imitons pas la moindre partie de sa pénitence ? Nous nous plongeons dans les festins et dans les excès de table ; nous recherchons les plus excellents parfums ; nous nous habillons comme ces femmes perdues qui montent sur le théâtre ; et, dans cette mollesse générale à laquelle nous nous abandonnons, nous ouvrons cent portes au démon afin qu’il entre dans notre âme et s’en rende maître. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie X sur Saint Mathieu (4), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 23 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Cherchez, dit-il, premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données comme par surcroît." II ne dit pas seulement : "Vous seront données", mais vous seront données comme par "surcroît", pour montrer qu’il n’y a rien dans les dons qui regardent cette vie, qui mérite d’être comparé avec les biens à venir. C’est pourquoi il n’ordonne point qu’on lui demande ces choses, mais qu’on lui en demande de plus importantes et qu’on espère de recevoir en même temps celles-ci, "comme par surcroît". Cherchez les biens à venir et vous recevrez les biens présents. Ne désirez point les choses d’ici-bas et vous les posséderez infailliblement. Il est indigne de vous, d’importuner votre Seigneur pour des sujets qui le méritent si peu. Vous vous abaissez honteusement, si lorsque vous ne devez être occupés que des biens ineffables de l’autre monde, vous vous consumez dans les vains désirs des choses qui passent. Pourquoi donc, me direz-vous, Jésus-Christ nous commande-t-il de lui demander notre pain ? — Oui, Jésus-Christ nous commande cela, mais en ajoutant "notre pain de chaque jour", et en marquent expressément, donnez-nous "aujourd’hui". Il fait ici la même chose : "C’est pourquoi ne vous mettez point en peine pour le lendemain, car le lendemain se mettra en peine pour soi-même. A chaque jour suffit son mal." Il ne dit pas généralement : "Ne vous mettez point en peine", mais il ajoute, "pour le lendemain", nous donnant par ces paroles la liberté de lui demander les besoins du jour présent et bornant en même temps tous nos désirs aux choses les plus nécessaires. Car Dieu nous commande de lui demander ces choses, non parce qu’il a besoin que nous l’en avertissions dans nos prières, mais pour nous apprendre que ce n’est que par son secours que nous faisons tout ce que nous faisons de bien, pour nous lier et comme pour nous familiariser avec lui par cette obligation continuelle de lui demander tous nos besoins.

    Remarquez-vous comment il leur donne la confiance qu’il ne les laissera pas manquer des choses nécessaires, et que Celui qui leur donne si libéralement les plus grandes choses, ne leur refusera pas les plus petites ? Car je ne vous commande pas, leur dit-il, de ne vous mettre en peine de rien, afin que vous deveniez misérables et que vous n’ayez pas de quoi couvrir votre nudité, mais c’est afin que vous soyez dans l’abondance de toutes choses. Rien sans doute n’était plus propre à lui concilier les esprits que cette promesse. Ainsi comme en les exhortant à ne point rechercher une vaine gloire dans leurs aumônes, il les y porte en leur promettant une autre gloire plus grande et plus solide : "Votre Père", dit-il, "qui voit en secret, vous en rendra la récompense devant tout le monde" ; de même il les éloigne du soin des choses présentes, en leur promettant qu’il satisfera d’autant plus à tous leurs besoins, qu’ils se mettront moins en peine de les rechercher. Je vous défends, leur dit-il, de vous inquiéter, de ces choses, non afin qu’elles vous manquent, mais au contraire afin que rien ne vous manque. Je veux que vous receviez toutes choses d’une manière digne de vous et qui vous soit véritablement avantageuse. Je ne veux pas qu’en vous bourrelant vous-mêmes d’inquiétude, en vous laissant déchirer à mille soucis, vous vous rendiez indignes des secours du corps aussi bien que de ceux de l’âme, et qu’après avoir été misérables en cette vie, vous perdiez encore la félicité de l’autre. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu (Homélie XXII, 3), in "Oeuvres complètes" (Tome VII), traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

    NB : On peut lire dans l'Avertissement placé en tête de ces homélies les lignes suivantes :

    « Ces quatre-vingt-dix homélies [sur Saint Matthieu] ont, de tout temps, été regardées non-seulement comme le chef-d’oeuvre de saint Chrysostome, mais même comme ce qu’il y a au monde de plus complet et de plus excellent sur la morale chrétienne. Là, toutes les vertus, avec la manière de les acquérir et de les pratiquer ; tous les vices, avec les moyens à mettre en oeuvre pour les éviter et s’en corriger, sont définis, décrits, expliqués : là, rien n’est omis de ce qui concerne la vie sainte et la vie vicieuse, pour attirer à l’une et éloigner de l’autre. Nulle part saint Jean Chrysostome n’a montré tant d’invention, tant d’éloquence, tant de sagacité dans la formation des moeurs. C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin disait, au rapport de Papire-Masson (De Romanis pontif., in Joanne XXI), qu’il attachait plus de prix à l’ouvrage de saint Chrysostome sur saint Matthieu, qu’à la possession de toute la ville de Paris. »

  • 22 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Car où est votre trésor, là est aussi votre coeur." Mais mettez votre trésor en dépôt dans le ciel, et vous ne retirerez pas seulement l’avantage d’y devenir heureux un jour, mais, par une récompense anticipée, vous aurez dès cette terre votre conversation dans le ciel, ne pensant plus qu’aux biens qui y sont, et n’ayant plus d’autre soin que de les posséder bientôt, puisque "où est votre trésor, là est aussi votre coeur." Que si au contraire vous cachez votre or dans la terre, vous y ensevelirez aussi votre âme, et elle deviendra toute terrestre. Et parce qu’il pouvait y avoir quelque obscurité dans ce discours, il l’éclaircit encore beaucoup par la suite.

    "Votre oeil est la lampe de votre corps. Si votre oeil est pur et simple, tout votre corps sera éclairé. Mais si votre oeil est impur et mauvais, tout votre corps sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en vous n’est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes." Il a recours aux objets sensibles. Comme il vient de parler de l’âme qui devient captive, qui est réduite en esclavage, et que ces idées dépassaient la portée de la multitude, il se tourne vers les choses extérieures, vers les objets qu’on a tous les jours sous les yeux pour éclaircir et continuer son enseignement, se servant du sensible pour faire comprendre l’intelligible. Si vous ne concevez pas encore, leur dit-il, le malheur de cette âme, jugez-en par ce qui se passe dans le corps. Car l’esprit est à l’âme ce que l’oeil est au corps. Vous ne consentiriez certainement jamais à payer par la perte de vos yeux la vaine satisfaction de porter des vêtements d’or et de soie ; vos yeux, une fois perdus, quel serait désormais le bonheur de votre vie ? Or, l’extinction de la lumière intellectuelle n’a pas de suites moins graves pour l’âme que n’en a pour le corps la perte de la vue ; soyons donc conséquents, et si nous prenons tant de soin pour conserver l’oeil qui dirige notre corps, n’en ayons pas moins pour entretenir saine et sauve la raison qui éclaire notre âme. D’où nous viendra désormais la lumière si nous en éteignons en nous le foyer ? Comme celui qui arrête la source d’un fleuve en dessèche aussitôt le lit, de même celui qui obscurcit sa raison, plonge aussi du même coup toute sa vie dans les ténèbres. C’est pourquoi Jésus-Christ dit : "Si la lumière qui est en vous n’est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes ?" Lorsque la lampe s’éteint, lorsque le pilote se noie, lorsque le général d’armée est pris, quelle espérance reste-t-il aux autres ? »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu (Homélie XX, 3), in "Oeuvres complètes" (Tome VII), traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint-Benoît

  • 14 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Écoute ce que dit le Seigneur : "Lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande". Mais tu diras : "Vais-je laisser là l'offrande et le sacrifice ?" "Certainement, répond-il, puisque le sacrifice est offert justement pour que tu vives en paix avec ton frère." Si donc le but du sacrifice est la paix avec ton prochain, et que tu ne sauvegardes pas la paix, il ne sert à rien que tu prennes part au sacrifice, même par ta présence. La première chose que tu aies à faire c'est bien de rétablir la paix, cette paix pour laquelle, je le répète, le sacrifice est offert. De celui-ci, alors, tu tireras un beau profit.
    Car le Fils de l'homme est venu dans le monde pour réconcilier l'humanité avec son Père. Comme Paul le dit : "Maintenant Dieu a réconcilié avec lui toutes choses" (Col 1,22) ; "par la croix, en sa personne, il a tué la haine" (Ep 2,16). C'est pourquoi celui qui est venu faire la paix nous proclame également bienheureux, si nous suivons son exemple, et il nous donne son nom en partage : "Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5,9). Donc ce qu'a fait le Christ, le Fils de Dieu, réalise-le aussi autant qu'il est possible à la nature humaine. Fais régner la paix chez les autres comme chez toi. Le Christ ne donne-t-il pas le nom de fils de Dieu à l'ami de la paix ? Voilà pourquoi la seule bonne disposition qu'il requiert de nous à l'heure du sacrifice, c'est que nous soyons réconciliés avec nos frères. Il nous montre par là que de toutes les vertus la charité est la plus grande. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Homélie sur la trahison de Judas, 6 ; PG 49, 390 (trad. Delhougne, Les Pères commentent).

  • 11 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Rien n'est plus froid qu'un chrétien non appliqué à sauver les autres. Tu ne peux à cet égard prétexter la pauvreté : celle qui donna ses deux piécettes se lèverait pour t'accuser (Lc 21,2). Pierre aussi, qui disait : "Je n'ai ni or ni argent" (Ac 3,6). Et Paul, qui était si pauvre que souvent il avait faim et manquait du vivre nécessaire (1Co 4,11). Tu ne peux davantage objecter ton humble naissance : eux aussi étaient de modeste condition. L'ignorance ne te sera pas meilleure excuse : eux aussi étaient sans lettres... N'invoque pas non plus la maladie : Timothée était sujet à de fréquents malaises (1Tm 5,23)... N'importe qui peut être utile à son prochain s'il veut faire son possible...
    Ne dis pas qu'il t'est impossible de ramener les autres, car si tu es chrétien, il est impossible que cela ne se fasse. Chaque arbre porte son fruit et comme il n'y a pas de contradiction dans la nature, ce que nous disons est également vrai, car cela découle de la nature même du chrétien... Il est plus facile pour la lumière d'être ténèbres que pour le chrétien de ne pas rayonner. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Homélie 20 sur les Actes, 3-4 ; PG 60, 162-164 (trad. Orval).

  • 10 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Le Christ, pour nous attirer à l'aimer davantage, nous a donné sa chair en nourriture. Allons donc à lui avec beaucoup d'amour et de ferveur... Ce corps, les mages l'ont adoré quand il était couché dans une mangeoire. Ces païens, ces étrangers, quittèrent leur patrie et leur maison, entreprirent un long voyage pour l'adorer avec crainte et tremblement. Imitons au moins ces étrangers, nous qui sommes citoyens des cieux... Ceux-là, voyant l'enfant, le Christ, dans une mangeoire, sous un pauvre toit, tout en ne voyant rien de ce que vous voyez, s'avancèrent avec un très grand respect.

    Vous ne le voyez plus dans une mangeoire, mais sur l'autel. Vous ne voyez plus une femme qui le tient dans ses bras, mais le prêtre qui l'offre, et l'Esprit de Dieu, avec toute sa générosité, plane au-dessus des offrandes. Non seulement vous voyez le même corps que voyaient les mages, mais en outre vous connaissez sa puissance et sa sagesse, et vous n'ignorez rien de ce qu'il a accompli, après toute l'initiation aux mystères qui vous a été donnée avec exactitude. Réveillons-nous donc, et réveillons en nous la crainte de Dieu. Montrons beaucoup plus de piété que ces étrangers, afin de ne pas avancer n'importe comment vers l'autel...

    Cette table fortifie notre âme, rassemble notre pensée, soutient notre assurance ; elle est notre espérance, notre salut, notre lumière, notre vie. Si nous quittons la terre après ce sacrifice, nous entrerons avec une parfaite assurance dans les parvis sacrés, comme si nous étions protégés de tous côtés par une armure d'or. Mais pourquoi parler du futur ? Dès ce monde, le sacrement transforme la terre en ciel. Ouvrez donc les portes du ciel, et alors vous verrez ce que je viens de dire. Ce qu'il y a de plus précieux au ciel, je vous le montrerai sur la terre. Ce que je vous montre, ce n'est ni les anges, ni les archanges, ni les cieux des cieux, mais celui qui est leur maître. Vous voyez ainsi d'une certaine façon sur la terre ce qu'il y a de plus précieux. Et non seulement vous le voyez, mais vous le touchez, vous le mangez. Purifiez donc votre âme, préparez votre esprit à recevoir ces mystères. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Homélies sur la 1ère lettre aux Corinthiens, 24,4 ; PG 61, 204-205 (trad. Delhougne, Les Pères commentent).

  • 23 mai : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Est-il rien de plus dérisoire qu'un chrétien qui ne se soucie pas des autres ? Ne prends pas comme prétexte ta pauvreté : la veuve qui a mis deux petites pièces dans le tronc du Temple (Mc 12,42) se lèverait contre toi ; Pierre aussi, qui disait au boiteux : "Je n'ai ni or ni argent" (Ac 3,6), et Paul, si pauvre qu'il avait souvent faim. N'objecte pas ta condition sociale, car les apôtres étaient humbles aussi et de basse condition. N'invoque pas ton ignorance, car ils étaient des hommes sans lettres. Même si tu étais esclave ou fugitif, tu pourrais toujours faire ce qui dépend de toi. Tel était Onésime dont Paul fait l’éloge (Phl). Serais-tu de santé fragile ? Timothée l'était aussi. Oui, qui que nous soyons, n'importe qui peut être utile à son prochain, s'il veut vraiment faire ce qu'il peut.
    Vois-tu combien les arbres de la forêt sont vigoureux, beaux, élancés ? Et cependant, dans nos jardins, nous préférons des arbres fruitiers ou des oliviers couverts de fruits. De beaux arbres stériles…, tels sont les hommes qui ne considèrent que leur propre intérêt…
    Si le levain ne fait pas lever la pâte, il n’est pas un vrai ferment. Si un parfum n'embaume pas ceux qui approchent, pouvons-nous l'appeler un parfum ? Ne dis donc pas qu’il est impossible d’avoir une bonne influence sur les autres, car si tu es vraiment chrétien, il est impossible qu'il ne se passe rien ; cela fait partie de l'essence même du chrétien… Il serait aussi contradictoire de dire qu'un chrétien ne peut pas être utile à son prochain que de dénier au soleil la possibilité d'éclairer et de réchauffer. »

    Saint Jean Chrysostome (vers 345-407), Homélie 20 sur les Actes des apôtres (trad. cf. AELF).

  • 14 mai : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des disciples et parla" (Ac 1,15 sq). Parce qu'il est fervent et parce qu'il est le premier du groupe, il est toujours le premier à prendre la parole : "Frères, il nous faut choisir parmi...les hommes qui nous ont accompagnés". Remarquez comment il veut que ces nouveaux apôtres soient des témoins oculaires. Sans doute le Saint Esprit devait venir, mais Pierre attachait beaucoup d'importance à ce point. "Parmi les hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous." Il leur indique qu'ils doivent avoir vécu avec lui et ne pas avoir été de simples disciples. En effet, au début, beaucoup de gens le suivaient... "Jusqu'au jour où il nous a été enlevé. Il faut donc que l'un d'entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection."
    Pierre n'a pas dit : "témoin de tout le reste", mais seulement "témoin de la résurrection". Car il serait plus digne de foi, le disciple qui pourrait dire : "Celui qui mangeait, qui buvait, qui a été crucifié, c'est celui-là qui est ressuscité". Par conséquent, il ne fallait pas qu'il soit témoin des époques précédentes, ni des suivantes, ni des miracles. Ce qu'on exigeait, c'était qu'il soit témoin de la résurrection. Tout le reste avait été manifesté et proclamé. Tandis que la résurrection s'était accomplie dans le secret, elle n'était manifeste que pour quelques-uns. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), 3ème Homélie sur les Actes des apôtres ; PG 60, 33 (trad. Bréviaire 14/05)

  • 27 avril : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Nous ne sommes tous qu'un seul corps", dit l’Ecriture, "et les membres de sa chair et de ses os". Que ceux qui sont initiés à nos saints mystères écoutent attentivement ce que je vais dire.
    Afin donc que nous devenions tels non-seulement par l'amour, mais encore réellement, mêlons-nous à cette chair divine. C'est l'effet que produit l'aliment que le Sauveur nous a octroyé pour nous faire connaître l'ardeur et l'excès de son amour. Voilà pourquoi il a uni, confondu son corps avec le nôtre, afin que nous soyons tous comme un même corps, joint à un seul chef. En effet, c'est là le témoignage et la marque d'un ardent amour. Job insinue cette vérité, quand il dit de ses serviteurs qu'ils l'aimaient si fort, qu'ils auraient souhaité de le manger. Car pour marquer leur vif et tendre attachement, ils disaient : "Qui nous donnera de sa chair pour nous en rassasier ?" (Job. XXXI, 31.) Voilà ce que Jésus-Christ a fait pour nous; il nous a donné sa chair à manger pour nous engager à avoir pour lui un plus grand amour, et nous montrer celui qu'il a pour nous ; il ne s'est pas seulement fait voir à ceux qui ont désiré le contempler, mais encore il s'est donné à toucher, à manier, à manger, à broyer avec les dents, à absorber de manière à contenter le plus ardent amour. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie 46 (3), in "Oeuvres complètes", Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865 (Tome 8).

    Les oeuvres complètes de saint Jean Chrysostome sont disponibles en lecture et téléchargement ici et ici.

  • 26 avril : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Pierre devait recevoir les clés de l'Église, plus encore les clés des cieux, et le gouvernement d'un peuple nombreux devait lui être confié... Si Pierre, avec sa tendance à la sévérité, était resté sans péché, comment aurait-il pu faire preuve de miséricorde pour ses disciples ? Or, par une disposition de la grâce divine, il est tombé dans le péché, si bien qu'après avoir fait lui-même l'expérience de sa misère, il a pu se montrer bon envers les autres.
    Rends-toi compte : celui qui a cédé au péché, c'est bien Pierre, le chef des Apôtres, le fondement solide, le rocher indestructible, le guide de l'Église, le port imprenable, la tour inébranlable, lui qui avait dit au Christ : "Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas" (Mt 26,35) ; lui qui, par une divine révélation, avait confessé la vérité : "Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant".
    Or, l'évangile rapporte que, la nuit même où le Christ fut livré..., une jeune fille dit à Pierre : "Toi aussi, hier, tu étais avec cet homme", et Pierre lui répondit : "Je ne connais pas cet homme" (Mt 26,69-72)... Lui, la colonne, le rempart, se dérobe devant les soupçons d'une femme... Jésus fixa sur lui son regard... Pierre comprit, se repentit de sa faute et se mit à pleurer. Mais alors le Seigneur miséricordieux lui accorda son pardon...
    Il a été soumis au péché pour que la conscience de sa faute et du pardon reçu du Seigneur le conduise à pardonner aux autres par amour. Il accomplissait ainsi une disposition providentielle conforme à la manière d'agir de Dieu. Il a fallu que Pierre, lui à qui l'Église devait être confiée, la colonne des Églises, le port de la foi, le docteur du monde, se montre faible et pécheur. C'était, en vérité, pour qu'il puisse trouver dans sa faiblesse une raison d'exercer sa bonté envers les autres hommes. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Homélie sur saint Pierre et saint Élie, 1 ; PG 50.

  • 8 avril : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Que tous ceux qui cherchent Dieu et qui aiment le Seigneur viennent goûter la beauté et la lumière de cette fête ! Que tout serviteur fidèle entre avec allégresse dans la joie de son Maître ! Que celui qui a porté le poids du jeûne vienne maintenant recevoir le denier promis ! Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive aujourd’hui son juste salaire: quelqu’un est-il venu à la troisième heure ? Qu’il célèbre cette fête dans l’action de grâce ! Que celui qui est arrivé seulement à la sixième heure soit sans crainte : il ne sera pas frustré. S’il en est un qui a attendu jusqu’à la neuvième heure, qu’il s’approche sans hésitation. Et même s’il en est un qui a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas peur d’être en retard ! Car le Seigneur est généreux : il reçoit le dernier aussi bien que le premier. Aussi bien, entrez tous dans la joie de votre Seigneur ! Et les premiers et les seconds, soyez comblés. Riches et pauvres, communiez dans la joie. Avez-vous, été généreux ou paresseux ? Célébrez ce Jour ! Vous qui avez jeûné et vous qui n’avez pas jeûné, aujourd’hui réjouissez-vous !

    Venez tous goûter au banquet de la foi, venez tous puiser aux richesses de la miséricorde. Que personne n’ait peur de la mort : la mort du Sauveur nous en a délivrés. Il a désarmé l’enfer, celui qui est descendu dans nos enfers ! Il l’a jeté dans l’effroi pour avoir touché à sa chair. Cela, Isaïe l’avait prédit : "L’enfer dans ses profondeurs frémit à ton approche". Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été réduit à rien ; il a été frappé d’effroi parce qu’il a été joué. Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été mis à mort ; il a été frappé d’effroi parce qu’il a été anéanti. Il avait saisi un corps et il s’est trouvé devant un Dieu ; il avait pris de la terre et il a rencontré le ciel ; il s’était emparé de qui était visible et il est tombé à cause de l’invisible. "Mort, où est ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ?" (1 Corinthiens 15,55). Christ est ressuscité et te voici terrassée. Christ est ressuscité et le prince de ce monde a été jeté dehors. Christ est ressuscité et les anges sont dans l’allégresse. Christ est ressuscité et voici que la Vie déploie son règne. Christ est ressuscité et il n’y a plus personne dans les tombeaux. Oui, Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. À lui la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles ! Amen. »

    Saint Jean Chrysostome, IVe siècle, Homélie pascale ; PG 59, 721-724.

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  • 4 avril : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Pendant que la trahison se préparait, que Judas travaillait à sa propre perte, « les disciples dirent à Jésus : ‘Où veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ?’ » (Matthieu 26,17). Voyez-vous la conduite si différente de Judas et des autres disciples ? Celui-là trahit son maître, ceux-ci songent à préparer la Pâque. Celui-là conclut un pacte inique, ceux-ci se disposent à servir le Sauveur. Ils avaient tous joui cependant des mêmes merveilles, des mêmes enseignements, de la même puissance.

    De quelle Pâque s’agit-il ? De la Pâque ancienne, et non de celle que nous célébrons. Les disciples préparèrent la première : le Sauveur lui-même prépara la seconde ; et non seulement il la prépara, mais il devint lui-même notre Pâque. « Où veux-tu que nous te préparions le festin de la Pâque ? » Cette Pâque était celle qui avait été instituée en Égypte. Et pourquoi Jésus l’observa-t-il ? Parce qu’il observait la loi dans toutes ses prescriptions. N’avait-il pas dit au moment de son baptême : « C’est ainsi qu’il nous faut accomplir toute justice » (Matthieu 3,15) ? Là était l’ombre, ici la vérité. Dès que le Soleil de justice fut apparu, l’ombre s’évanouit, comme les ténèbres à l’apparition du soleil. C’est pour cela que le même festin vit s’accomplir les deux pâques, la Pâque figurative et la Pâque véritable. De même que les peintres commencent par dessiner sur leur tableau les contours et les silhouettes des objets qu’ils se proposent de reproduire avant d’y appliquer les couleurs convenables ; de même le Christ pendant le même repas fit précéder la célébration de la Pâque véritable par la célébration de la Pâque figurative. « Où veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ? » Ils parlaient de la Pâque ancienne : mais que tout flambeau s’éteigne au lever du soleil ; à l’approche de la vérité, que l’ombre s’évanouisse ! »

    Saint Jean Chrysostome, IVe siècle, 1e homélie sur la trahison de Judas, 4.

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