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augustin - Page 2

  • 22 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses." (Lc 12, 13-21)

    « "Il y avait, dit-il, un homme riche dont le domaine avait prospéré." Qu'est-ce à dire avait prospéré ? Le domaine qu'il possédait avait produit des fruits en abondance, et en telle abondance qu'il ne savait où les mettre ; ainsi la richesse même mit tout-à-coup dans la gêne ce vieil avare. Combien d'années s'étaient déjà écoulées sans que ses greniers fussent trop étroits ? Il avait donc fait une récolte si riche que ce qui avait suffi ne lui suffisait plus. Dans sa détresse il cherche donc, nos pas comment il dépensera, mais comment il conserve là cette abondance extraordinaire. Or, à force d'y réfléchir, il trouva un moyen. Ce moyen découvert lui fit croire qu'il était sage. J'ai réfléchi avec prudence, j'ai découvert avec sagesse, disait-il. Qu'a-t-il découvert dans sa sagesse ? "Je renverserai mes greniers, dit-il, j'en ferai de plus grands, je les remplirai et je dirai à mon âme." Que lui diras-tu ? "Mon âme, tu as beaucoup de bien en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, fais grande chère." Voilà ce que dit à son âme ce sage bien avisé.

    "Dieu lui dit â son tour" ; car Dieu ne dédaigne pas d'adresser la parole aux insensés eux-mêmes. Mais, dira peut-être quelqu'un d'entre vous, comment Dieu s'est-il entretenu avec cet insensé ? O mes frères, à combien d'insensés ne parle-t-il pas quand on lit l'Evangile ? Car écouter l'Evangile, quand on le lit, sans le pratiquer, n'est-ce pas être insensé ? Que lui dit donc le Seigneur ? Comme cet avare s'applaudissait encore de la mesure qu'il venait de découvrir : "Insensé", lui dit le Sauveur ; "Insensé", qui te crois sage ; "Insensé", qui as dit à ton âme : "Tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; aujourd'hui même on te redemande ton âme." Tu lui as dit : "Tu possèdes beaucoup de bien" ; et on te la redemande, et elle ne possède plus rien. Ah ! qu'elle méprise cette sorte de biens et soit bonne en elle-même, afin qu'elle se présente avec sécurité lorsqu'on la redemandera. Et qu'y a-t-il de plus inique que de chercher à posséder beaucoup de biens sans vouloir être bon ? Tu es indigné de rien avoir, toi qui ne veux pas être ce que tu cherches à posséder. Voudrais-tu que ton champ fût mauvais ? Non sans doute, tu veux qu'il soit bon. Que ta femme fut mauvaise ? Non, mais qu'elle soit bonne. Voudrais-tu enfin d'une habitation mauvaise, d'une mauvaise chaussure ? Pourquoi n'y a-t-il que ton âme que tu veuilles mauvaise ?

    À cet insensé occupé de vains projets et construisant des greniers sans faire attention aux besoins des pauvres, le Sauveur ne dit point : Ton âme aujourd'hui sera entraînée dans l'enfer ; il ne dit pas cela, mais : "On te la redemande." Je ne te fais pas connaître où elle ira ; je te dis seulement que bon gré, malgré toi, elle quittera ces lieux où tu tiens pour elle tant de biens en réserve. Comment, ô insensé, as-tu songé à renouveler et à agrandir tes greniers ? Ne savais-tu que faire de tes récoltes ? »

    Saint Augustin, Sermons détachés première série : Sermons détachés sur l'Ancien Testament, les Evangiles et les Actes des Apôtres, Passages détachés de saint Luc, Sermon CVII (5-6), in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 19 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Soyez sans crainte..." (Lc 12,7)

    « Ô mon Dieu, mon coeur est comme une vaste mer toujours agitée par les tempêtes : qu’il trouve en toi la paix et le repos. Tu as commandé aux vents et à la mer de se calmer, et à ta voix ils se sont apaisés ; viens apaiser les agitations de mon coeur, afin que tout en moi soit calme et tranquille, afin que je puisse te posséder, toi mon unique bien, et te contempler, douce lumière de mes yeux, sans trouble et sans obscurité. Ô mon Dieu, que mon âme, délivrée des pensées tumultueuses de ce monde-ci, "se cache à l'ombre de tes ailes" (Ps 16,8). Qu’elle trouve près de toi un lieu de rafraîchissement et de paix ; toute transportée de joie, qu’elle puisse chanter : "En toi maintenant je peux m'endormir et me reposer en paix en toi" (Ps 4,9).
    Qu’elle se repose, je te prie, mon Dieu, qu’elle se repose du souvenir de tout ce qui est sous le ciel, éveillée pour toi seul, comme il est écrit : "Je dors, mais mon coeur veille" (Ct 5,2). Mon âme ne peut être en paix et en sûreté, mon Dieu, que sous les ailes de ta protection (Ps 91,4). Qu'elle demeure donc éternellement en toi et qu'elle soit embrasée de ton feu. Que, s'élevant au-dessus d'elle-même, elle te contemple et chante tes louanges dans la joie. Au milieu des troubles qui m'agitent, que tes dons soient ma douce consolation, jusqu'à ce que je vienne à toi, ô toi la paix véritable. »

    Saint Augustin (354-430), Méditations, ch. 37.

  • 11 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte." (Lc 11, 5-13)

    « Beaucoup demandent ce qu'il ne faut pas demander, dans l’ignorance où ils sont de ce qui leur est vraiment utile. Il faut éviter deux choses dans la prière, demander ce qu'il ne faut pas demander et demander à celui qu’il n'est pas permis d’invoquer. Il ne faut rien demander au démon, aux idoles, aux faux dieux. C’est à Jésus-Christ, le Seigneur notre Dieu, au Dieu, Père des prophètes, des apôtres et des martyrs, au Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, au Dieu, Créateur du ciel, de la terre, de la mer et de tout ce qu'ils contiennent, c'est à lui qu'il faut demander ce dont vous avez besoin. Cependant il faut éviter de demander même à Dieu des choses défendues. Sous prétexte qu'on doit demander ce qui est nécessaire à la vie présente, ta prière sera sans fruit si tu l’adresses à des idoles sourdes et muettes ; de même si tu demandes à Dieu le Père qui est dans les cieux la mort de tes ennemis, à quoi ta prière te servira-t-elle ? N'avez-vous pas entendu dire ou lu vous-mêmes, dans le psaume où est prédit le châtiment du traitre Judas, comment le prophète parle de lui : "Que sa prière lui soit imputée comme un nouveau péché !" Si donc, quand tu te léves pour prier, c’est du mal que tu souhaites à tes ennemis, ta prière t'est comptée comme un péché [...]
    Le Seigneur commence par retrancher de nos prières toute superfluité de paroles en nous recommandant de ne pas parler longuement à Dieu, comme s’il était nécessaire de lui apprendre quelque chose. C'est la piété et non la verbosité qui rend la prière efficace : "Votre Père sait ce qui vous est nécessaire avant même que vous le lui demandiez". Ne lui parlez donc pas longuement ; il sait ce qu'il vous faut. Vous me direz : Si Dieu connaît tous nos besoins, inutile de les lui exprirner, même en peu de paroles. Pourquoi prier ? Il connaît notre indigence : à lui de nous venir en aide. S'il a voulu que tu demandes, c'est pour exciter ton désir de recevoir et relever à tes yeux le prix de ce qu'il donne ; c'est le désir qu'il veut exciter en toi, et les demandes que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous fait exprimer dans l'Oraison dominicale sont autant de formes de ce même désir. Du reste, tu ne dois pas demander autre chose que ce qui s'y trouve exprimé. »

    Saint Augustin, Sermon LVI.


    « Tu n'as pas fait en vain cette promesse : "Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira". Pauvres, nous implorons ce qui nous manque. Nous nous appliquerons avec zèle à l'étude de tes prophètes et de tes apôtres ; nous frapperons à toutes les portes que notre intelligence trouvera fermées. Mais toi seul peux exaucer notre prière ; toi seul tu peux ouvrir cette porte où nous frapperons. Tu encourageras les débuts difficiles ; tu affermiras nos progrès ; et tu nous apelleras à participer à l'Esprit qui a guidé tes prphètes et tes apôtres. Ainsi nous ne donnerons pas à leurs paroles un sens différent que celui qu'ils avaient en vue. Done-nous donc le vrai sens des mots, la lumière de l'intelligence,, la beauté de l'expression, la foi dans la vérité. Donne-nous de dire ce que nous croyons : qu'il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus-Christ. »

    Saint Hilaire, La Trinité, I, 37-38.

  • 3 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu" (Lc 9, 62)

    « Se détacher des richesses de cette vie, c’est être pauvre ; on est riche et condamnable quand on les désire, même sans les posséder. Au désir du vrai pauvre Dieu se donnera lui-même. Mais alors au lieu de regarder en arrière, jetons-nous en avant : nous serions plus coupables de chercher notre joie dans cette vie passée, dans le vieil homme dont nous avons dû nous dépouiller. C’est donc l’Eglise qui aspire aux demeures célestes, qui n’a ici-bas d’autre joie que dans l’espérance. Son coeur et sa chair tressaillent, celui-là par de saints désirs, celle-ci par les oeuvres extérieures. C’est la tourterelle qui cherche un nid, et ce nid est l’Eglise qui a la vraie foi, et qui nous sauve par nos oeuvres. Le Prophète nous porte par les aspirations dans la maison du Seigneur, où nous posséderons Dieu lui-même, ne faisant rien par contrainte, mais bénissant Dieu par amour. C’est là que doit nous conduire la grâce, et plus vif sera notre désir, plus haute sera notre ascension, dont les degrés sont dans notre coeur. La loi montrait le péché sans le guérir, l’eau de la piscine ne guérissait qu’un seul malade quand elle se troublait ; ce trouble est l’image de la passion qui nous a guéris par la grâce, et le grâce nous conduira des vertus de cette vie à la vérité unique ou à Dieu, que nous verrons et vers qui nous élèvera l’humilité. »

    Saint Augustin, Discours sur les Psaumes, LXXXIII, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 17 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Seigneur je ne suis pas digne..."

    « Dans la lecture de l'évangile, nous avons entendu Jésus louer notre foi, jointe à l'humilité. Quand il a promis d'aller dans sa demeure guérir le serviteur du centurion, celui-ci a répondu : "Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri". En se disant indigne, il se montre digne - digne non seulement que le Christ entre dans sa maison, mais aussi dans son cœur...

    Car ce n'aurait pas été pour lui un grand bonheur si le Seigneur Jésus était entré dans sa maison sans être dans son cœur. En effet le Christ, Maître en humilité par son exemple et ses paroles, s'est assis à table dans la demeure d'un pharisien orgueilleux, nommé Simon (Lc 7,36s). Mais bien qu'il ait été à sa table, il n'était pas dans son cœur : là, "le Fils de l'Homme n'avait pas où reposer sa tête" (Lc 9,58). Au contraire, ici il n'entre pas dans la maison du centurion, mais il possède son cœur...

    C'est donc la foi jointe à l'humilité que le Seigneur loue chez ce centurion. Quand celui-ci dit : "Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit", le Seigneur répond : "En vérité, je vous le dis, je n'ai pas trouvé une telle foi en Israël"... Le Seigneur était venu au peuple d'Israël selon la chair, pour chercher d'abord dans ce peuple sa brebis perdue (cf Lc 15,4)... Nous autres, en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas mesurer la foi des hommes. C'est celui qui voit le fond des cœurs, celui que personne ne trompe, qui a témoigné de ce qu'était le cœur de cet homme, entendant sa parole pleine d'humilité et lui donnant en retour une parole qui guérit. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon 62 (trad. Brésard, 2000 ans d'homélie, année C, Soceval, 2001).

  • 16 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive"

    « Que signifie, je vous le demande : "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive" ? Nous comprenons ce que c'est que prendre sa croix ; c'est supporter les afflictions, car prendre a ici le même sens que porter supporter. Qu'il accepte donc avec patience, dit le Sauveur, ce qu'il souffre à cause de moi. "Et qu'il me suive". Où ? Où nous savons qu'il est allé après sa résurrection ; au ciel où il est monté, où il est assis à la droite du Père. Là aussi il nous a fait une place ; mais il faut l'espérance avant d'arriver à la réalité. Et quelle doit être cette espérance ? Ceux-là le savent qui entendent ces mots : "Elevez vos coeurs : Sursum corda".

    Examinons maintenant, avec l'aide du Seigneur, considérons, voyons et comprenons, s'il daigne nous ouvrir et nous montrer, expliquons enfin, autant que nous le pourrons, ce qu'il veut nous faire entendre par ces mots : "Qu'il se renonce". Comment se renoncer quand on s'aime ? C'est bien là un raisonnement, mais un raisonnement humain, et il faut être homme pour dire : Comment se renoncer quand on s'aime ? Aussi le Seigneur enseigne-t-il, au contraire, que pour s'aimer il faut se renoncer ; car en s'aimant on se perd, et en se renonçant on se retrouve. "Celui, dit-il, qui aime son âme, la perdra" (Jn XII, 25). Voilà un ordre émané de Celui qui sait ce qu'il commande ; car il sait conseiller puisqu'il sait instruire, il sait aussi restaurer puisqu'il a daigné créer. "Que celui" donc "qui aime, perde". Il est douloureux de perdre ce qu'on aime. Mais le laboureur ne sait-il pas aussi de temps en temps faire le sacrifice de ses semences ? Il les tire de ses greniers, les répand, les jette, les enterre. Iras-tu t'en étonner ? Ce dédaigneux, ce prodigue n'est-il pas un avare moissonneur ? L'hiver et l'été ont révélé son dessein, et la joie qu'il témoigne au moment de la récolte fait connaître le motif qui l'excitait à semer. C'est ainsi que "celui qui aime son âme, la perdra". Veut-on y trouver du fruit ? qu'on la sème. S'il est commandé de se renoncer, c'est pour faire éviter de se perdre en s'aimant imprudemment.

    Il n'est personne qui ne s'aime ; mais autant il faut chercher à s'aimer bien, autant on doit éviter de s'aimer mal. S'aimer en laissant Dieu de côté, laisser Dieu de côté pour s'aimer, c'est ne pas même rester en soi, mais en sortir. Oui, on est comme exilé de son coeur en dédaignant la vie intérieure et en s'attachant aux choses extérieures. N'ai-je pas dit la vérité ? N'est-il pas certain que tous ceux qui font le mal n'ont que du mépris pour leur conscience ? Lors, en effet, qu'on a des égards pour elle, on met fins ses iniquités. C'est ainsi qu'après avoir laissé Dieu pour s'aimer et en s'attachant à l'extérieur, à autre chose qu'à lui, le pécheur arrive à se mépriser lui-même.

    Ecoute aussi comment se renonce l'apôtre Paul : "Loin de moi, dit-il, la pensée de me glorifier, sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est pour moi un crucifié, et moi un crucifié pour le monde" (Gal VI, 14) ! Ecoute-le encore parler de son renoncement : "Je vis, mais ce n'est pas moi". Renoncement manifesté que suit cette noble confession du Christ : "C'est le Christ qui vit en moi" (Ib. II, 2). Que signifie donc Renonce-toi ? Ne vis plus en toi. Et ne vis plus en toi ? Ne fais plus ta volonté, mais la volonté de Celui qui demeure en toi. »

    Saint Augustin, Sermon CCCXXX (2,3,4), Sermons détachés tome VII, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 15 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Femme, voici ton fils..."

    « L'évangéliste Jean nous raconte ce qui se passa aux pieds de la croix du Sauveur, après que ses vêtements eurent été partagés, même par la voie du sort ; voyons son récit : "Les soldats firent ainsi. Or, la Mère de Jésus et la soeur de sa Mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine, étaient debout près de sa croix. Jésus donc, voyant sa Mère et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils. Après, il dit au disciple : Fils, voilà ta mère. Et depuis cette heure-là, le disciple la reçut chez lui". Voilà bien l'heure dont Jésus parlait, quand, au moment de changer l'eau en vin, il disait à sa Mère : "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ? mon heure n'est point encore venue" (Jn II, 4). Il prédisait cette heure qui n'était pas encore venue, cette heure où, sur le point de mourir, il devait reconnaître celle qui lui avait donné la vie du corps. Alors il se préparait à faire une oeuvre divine ; aussi semblait-il ne pas connaître la Mère, non de sa divinité, mais de son humanité, et la repoussait-il. Maintenant, il souffre dans son corps, et dans les sentiments d'une humaine affection, il recommande celle dans le sein de laquelle il s'est fait homme. Alors, il connaissait Marie en vertu de sa puissance, puisqu'il l'avait créée ; maintenant, Celui que Marie a mis au monde est attaché à la croix.

    Nous trouvons ici un sujet d'instruction. Le Sauveur fait lui-même ce qu'il nous enseigne ; précepteur plein de bonté, il apprend à ses disciples, par son exemple, tout le soin que des enfants pieux doivent prendre des auteurs de leurs jours. Le bois auquel se trouvaient cloués ses membres mourants était comme une chaire où notre Maître se faisait entendre et nous donnait ses leçons. C'était à cette source de saine doctrine que l'apôtre Paul avait puisé, quand il disait : "Si quelqu'un n'a pas soin des siens, et surtout de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi et il est pire qu'un infidèle" (I Tm V, 8). Y a-t-il des personnes plus proches les unes des autres que les parents ne le sont de leurs enfants, ou les enfants de leurs parents ? Le maître à l'école de qui se forment les saints, nous donnait donc en lui-même l'exemple pour confirmer un de ses plus précieux commandements ; car s'il pourvoyait à l'avenir de Marie en lui donnant un autre fils qui tiendrait sa place, il n'agissait pas comme Dieu à l'égard d'une servante créée et gouvernée par lui, mais comme homme à l'égard d'une Mère qui lui avait donné le jour et qu'il laissait en cette vie. Pourquoi a-t-il agi de la sorte ? Ce qui suit nous l'apprend ; car, parlant de lui-même, l'Evangéliste ajoute : "Et, depuis ce moment, le disciple la reçut chez lui". D'ordinaire, Jean ne se désigne pas autrement qu'en disant que Jésus l'aimait ; le Sauveur affectionnait tous ses disciples, mais il chérissait davantage encore celui-ci ; il était même si familier avec lui qu'à la Cène il lui permit de s'appuyer sur sa poitrine (Jn XIII, 23) ; c'était sans doute pour l'aider à imprimer sur l'Evangile qu'il devait prêcher en son nom, le sceau de sa divine excellence. »

    Saint Augustin, Traité CXIX sur Saint Jean (1-2), in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 8 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Joseph, fils de David..." (Mt 1, 20 sq)

    « Mes frères, que votre charité écoute en quels termes le prophète Isaïe a annoncé Notre-Seigneur Jésus-Christ. "Voici", dit-il, "qu’une vierge concevra dans son sein et enfantera un Fils" (Is 7, 14) ; "et vous l’appellerez Jésus, car il sauvera lui-même son peuple de leurs péchés" (Mt 1, 21).

    "Joseph, fils de David" (Mt 1, 20). Vous voyez, mes frères, la race tout entière désignée dans une seule personne ; vous voyez dans un seul nom toute une généalogie. Vous voyez dans Joseph la famille de David. "Joseph, fils de David" ; Joseph était sorti de la vingt-huitième génération, et il est appelé fils de David, pour mieux nous découvrir le mystère de sa naissance, et nous prouver l’accomplissement de la promesse ; ne s’agit-il pas d’une conception surnaturelle et d’un enfantement céleste dans une chair restée parfaitement vierge ? "Joseph, fils de David" ; voici en quels termes David avait reçu la promesse de Dieu le Père : "Le Seigneur a juré la vérité à David, et il ne le trompera pas : je placerai sur mon trône le fruit de tes entrailles" (Ps 131, 11). David chante ainsi ce grand événement : "Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite" (Ps 110, 1). "Le fruit de vos entrailles" ; c’est bien le fruit de ses entrailles, le fruit de son sein ; car le divin Hôte, le Dieu du ciel, en venant faire séjour dans son sein, n’a pas connu les barrières du corps ; il est sorti du sein de Marie sans ouvrir la porte virginale. Et c’est ainsi que s’est accomplie cette parole du Cantique des Cantiques : "Mon Epouse, jardin fermé, source scellée" (Ct 4, 14).

    "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre". L’époux est prévenu de ne pas craindre au sujet de son épouse, car tout esprit vraiment pieux s’effraie d’autant plus qu’il compatit davantage. "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre" ; vous qui êtes assuré de votre conscience, ne succombez pas sous le poids des pensées que provoque ce mystère. "Fils de David, gardez-vous de craindre". Ce que vous voyez est une vertu, et non pas un crime ; ce n’est point une chute humaine, mais un abaissement divin ; c’est une récompense, et non pas une culpabilité. C’est un accroissement du ciel, et non pas un détriment du corps. Ce n’est point la perte d’une personne, mais le secret du Juge. Ce n’est point le châtiment d’une faute, mais la palme de la victoire. Ce n’est point la honte de l’homme, mais le trésor de Jésus-Christ. Ce n’est point la cause de la mort, mais de la vie. Voilà pourquoi : "Gardez-vous de craindre", car celle qui porte un tel Fils ne mérite point la mort. "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse". La loi divine elle-même donne à la compagne de l’homme le titre d’épouse. De même donc que Marie est devenue mère sans éprouver aucune atteinte à sa virginité, de même elle porte le nom d’épouse en conservant sa pudeur virginale.

    "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse ; car l’enfant qui naîtra d’elle est le fruit du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui demandent quel est cet enfant qui est né de Marie : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui, profitant de l’obscurité du grec pour troubler la pureté latine, ont multiplié les blasphèmes dans le but de faire disparaître ces expressions : Mère de l’homme, Mère du Christ, Mère de Dieu. "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Et ce qui est né du Saint-Esprit est esprit, parce que "Dieu est esprit". Pourquoi donc demander ce qui est né du Saint-Esprit ? Il est Dieu, et parce qu’il est Dieu il nous répond avec saint Jean : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire" (Jn 1, 1-14). Jean a vu sa gloire ; vous, infidèle, mesurez l’injure : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit. Et nous avons vu sa gloire". De qui ? "De Celui qui est né du Saint-Esprit" ; du "Verbe qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous. Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Une Vierge a conçu, mais par l’action du Saint-Esprit ; une Vierge a enfanté, mais enfanté Celui que prophétisait Isaie en ces termes : "Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous". Il sera homme avec eux, mais : "Maudit soit l’homme qui place son espérance dans l’homme" (Jr 17, 15). »

    Saint Augustin, Sermons inédits, Sermons sur le propre du Temps : VIe Sermon sur l'Incarnation (1-4), Suite du Tome XIe des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît


    « Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.

    Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

    Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au Créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

    Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

    Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance... »

    Saint Jean Damascène (v.675-v.749), Première homélie pour la Nativité de la Vierge Marie (extrait).

  • 7 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les invités de la noce

    « ... rappelez-vous cette parabole évangélique : Le Seigneur entra un jour pour examiner les convives qui prenaient part à son banquet. Père de famille, il y avait invité lui-même ; mais comme il est écrit, "il y rencontra un homme qui ne portait point la robe nuptiale" (Mt XXII, 1).
    Remarquez bien, on avait été invité aux noces par cet Epoux qui l'emporte en beauté sur les enfants des hommes...
    Cet Epoux, après avoir invité à ses noces y trouva donc un homme sans la robe nuptiale, et il lui dit : "Mon ami, pourquoi es-tu entré ici sans la robe nuptiale ? Mais celui-ci garda le silence" ; il ne trouva rien à répondre. "Liez-lui les pieds et les mains, dit alors ce Père de famille qui venait d'entrer, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura pleurs et grincement de dents". Quoi ! un tel châtiment pour une si petite faute ! Oui le châtiment est terrible, et si on traite de faute légère le défaut de robe nuptiale, cette faute n'est légère que pour ceux qui ne la comprennent pas. Est-ce que le Seigneur parlerait avec tant de sévérité, est-ce qu'il prononcerait une pareille sentence, est-ce que pour n'avoir pas la robe nuptiale, il jetterait, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures où il y a pleur et grincement de dents, si ce n'était une faute très grave de n'être pas revêtu dé cette robe nuptiale ?
    Ecoutez-moi donc ; car si Dieu vous a invités, c'est par notre ministère. Vous êtes tous au festin : ah ! portez tous la robe nuptiale...
    Ne croyez pas en effet, mes biens-aimés, que le convive jeté dehors ne figure qu'un seul homme ; non, ne le croyez pas, il figure le grand nombre. C'est le Seigneur lui-même, c'est l'Epoux qui a invité et qui traite tous ces convives, c'est lui qui nous a expliqué, dans cette même parabole, que ce malheureux ne représente pas un homme seul, mais le grand nombre. En effet, après qu'il l'eut fait jeter dans les ténèbres extérieures pour le punir de n'avoir pas la robe nuptiale, il ajouta immédiatement : "Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus" (Mt XXII, 11-14).
    Qu'est-ce enfin que la robe nuptiale ? Apprenons-le dans les saintes Lettres... L'Apôtre saint Paul m'a montré quelque part un trésor de choses précieuses ; il l'a ouvert devant moi et je lui ai dit : Montrez-moi si par hasard vous n'y auriez pas trouvé la robe nuptiale... "Si je n'ai pas la charité, dit-il, je ne suis rien, rien ne me profite." (I Cor XIII, 1-3) Voilà la robe nuptiale. Revêtez-vous-en, ô convives, afin d'être à table sans crainte. Ne dites pas : Nous sommes trop pauvres pour nous la procurer. Donnez des vêtements et on vous donnera celui-là... Tenez à cette robe nuptiale, revêtez-vous en, et demeurez en paix lorsque le Seigneur viendra examiner les convives, quand arrivera le jour du jugement. Il donne aujourd'hui toute facilité ; ah ! qu'on finisse donc par donner le vêtement à qui en manque. »

    Saint Augustin, Sermons détachés, Première série, Sermon XCV (4-5-6-7), in "Oeuvres complètes de saint Augustin" (Tome VI), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 2 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Purification du coeur (cf. Mc 7, 1-23)

    « "Bienheureux", est-il dit, "ceux dont le coeur est pur, parce qu’ils verront Dieu" (Mt V, 8). J’entends, je crois, je comprends, comme je puis, que c’est le coeur qui voit Dieu, et que Dieu ne se découvre qu’aux coeurs purs : mais j’entends un autre passage de l’Ecriture : "Qui se glorifiera d’avoir un coeur chaste ? Ou qui se glorifiera d’être exempt de toute faute ?" (Prov. XX, 9) J’ai considéré, autant que je l’ai pu, toutes les créatures ; j’ai vu, dans le ciel et sur la terre, celles qui ont un corps, et une créature spirituelle en moi qui parle, qui fait agir mes membres, entendre ma voix, mouvoir ma langue, qui prononce des paroles, qui en discerne le sens. Mais quand est-ce que je me comprends en moi-même ? et d’où pourrais-je comprendre ce qui est au-dessus de moi ? Et toutefois l’Ecriture promet à l’homme qu’il verra Dieu, et lui indique la manière de purifier son coeur ; voici son conseil : Prépare-toi, de manière à voir Dieu que tu aimes, avant de le voir. Quand on parle de Dieu et de son saint nom, qui ne se réjouit d’entendre, sinon l’impie séparé de Dieu, rejeté au loin ? "Ceux qui s’éloignent de vous périront", dit le Prophète ; et il ajoute : "Vous avez perdu ceux qui sont adultères loin de vous" (Ps LXXII, 27). Mais à nous qu’arrivera-t-il? Car ceux-là sont loin de vous, et dès lors dans les ténèbres, et leurs yeux sont tellement obscurcis par les ténèbres, que non seulement ils ne désirent point la lumière, mais qu’ils en ont horreur ; pour nous, qui ne sommes point éloignés, que nous est-il promis ? "Approchez de lui et soyez dans la lumière" (Id. XXXIII, 6). Mais pour approcher de lui et en recevoir la lumière, il faut que les ténèbres te déplaisent ; condamne ce que tu es, afin de mériter d’être ce que tu n’es pas. Tu es injuste et tu dois être juste ; tu n’arriveras jamais à la justice, si l’iniquité a de l’attrait pour toi. Brise-la dans ton coeur, et purifie-toi ; chasse-la de ton coeur où veut habiter Celui que tu veux voir. Voilà donc l’âme qui s’approche de Dieu, l’homme intérieur restauré à l’image de Dieu, parce qu’il avait été créé à l’image de Dieu, et qui en était d’autant plus éloigné, qu’il lui était devenu plus dissemblable. Car ce n’est point par la distance des lieux qu’on s’approche de Dieu ou qu’on s’en éloigne. Tu es loin de lui, quand tu es dissemblable à lui ; tu es près de lui, si tu es à son image. Vois comment le Seigneur veut que nous approchions de Dieu, puisqu’il commence par nous rendre semblables à lui, afin que cette ressemblance nous rapproche. "Soyez", dit-il, "comme votre Père qui est dans les cieux, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes" (Mt V, 45). Apprends à aimer un ennemi, si tu veux éviter un ennemi. A mesure que la charité grandit en toi, qu’elle te reforme, et ravive en toi l’image de Dieu, elle s’étend à tes ennemis, afin que tu deviennes semblable à Celui qui fait luire son soleil, non-seulement sur les bons, mais aussi sur les méchants ; et pleuvoir, non-seulement sur les justes, mais sur les justes et suries injustes. Plus la ressemblance est vive, et plus tu avances dans la charité, plus aussi tu commences à goûter Dieu. [...] Quelle misère donc d’être loin de celui qui est partout ! »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume XCIX (5), in "Oeuvres complètes de saint Augustin" traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 31 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Parabole des vierges sages et vierges folles

    « ... D'où vient cette distinction ? Comment discerner les unes des autres ? Par l'huile ; car l'huile signifie quelque chose de grand et de très-grand. Ne serait-ce point la charité ? Mais c'est plutôt une question de ma part, qu'une affirmation précipitée. Je vous dirai donc pourquoi l'huile me semble être le symbole de la charité.

    "Voici, dit l'Apôtre, une voie encore plus élevée." Quelle est cette voie plus élevée ? "Quand je parlerais les langues des hommes et des Anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain sonnant ou une cymbale retentissante." La charité est donc cette voie plus élevée, et ce n'est pas sans motif qu'elle est désignée par l'huile, puisque l'huile surnage au-dessus de tous les liquides. Mets dans un vase de l'eau d'abord et de l'huile ensuite : c'est l'huile qui prend le dessus. Au contraire, mets l'huile d'abord et l'eau après : c'est encore l'huile qui surnage. Elle surnage donc toujours, quelque ordre que tu suives. Ainsi "la charité ne succombe jamais" (I Cor XII, 31 ; XIII, 1,8).

    Maintenant donc, mes frères, considérons ce que font les cinq vierges sages et les cinq vierges folles. Elles veulent aller au devant de l'époux. Que signifie aller au devant de l'époux ? C'est y aller de coeur, c'est attendre son arrivée. Mais il tardait de venir : ce fut alors que "toutes s'endormirent". Qui, toutes ? Et les folles et les sages "toutes s'assoupirent et s'endormirent." Faut-il prendre ce sommeil dans un bon sens ? Que faut-il en penser ? Ne devrions-nous pas l'entendre dans ce sens que l'iniquité se multipliant pendant que l'époux diffère de venir, la charité se refroidit ? Je n'aime pas cette interprétation et voici pourquoi : c'est qu'il est parlé dans la parabole de vierges sages, c'est qu'après avoir dit : "Et l'iniquité se multipliant, la charité se refroidit dans beaucoup", le Sauveur ajoute : "Or celui qui persévèrera jusqu'à la fin sera sauvé" (Mt XXV, 12,18). Où donc voulez-vous placer les vierges sages ? N'est-ce point parmi ceux qui ont persévéré jusqu'à la fin ? Non, mes frères, non elles ne sont admises à entrer dans le palais, que pour avoir persévéré jusqu'à la fin. II s'ensuit que leur charité n'a rien perdu de son ardeur, qu'elle ne s'est point refroidie et qu'elle a brûlé jusqu'à la fin. Et c'est parce qu'elle a brûlé jusqu'à la fin que l'époux a fait ouvrir ses portes, et que les vierges ont été invitées à entrer, comme le fut cet excellent serviteur à qui il fut dit : "Entre dans la joie de ton Seigneur" (Mt XXV, 21,23). »

    Saint Augustin, Sermon XCIII (5-6) Les dix vierges ou la pureté d'intention, in "Oeuvres complètes de saint Augustin" Tome VI (Sermons détachés, Première série, Passages détrachés de Saint Matthieu), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

     

    « Les vierges sages sont des âmes qui, saisissant le moment favorable où elles sont dans des corps pour faire de bonnes œuvres, se sont préparées pour se présenter les premières lors de la venue du Seigneur. Les folles sont des âmes qui, relâchées et négligentes, n'ont eu que le souci des choses présentes et qui, oublieuses des promesses de Dieu, n'ont pas poussé jusqu'à l'espoir de la Résurrection. Et parce que les vierges folles ne peuvent aller au-devant avec leurs lampes éteintes, elles demandent à celles qui étaient sages de leur emprunter de l'huile. Mais celles-ci leur répondirent qu'elles ne pouvaient leur en donner, parce qu'il n'y en aurait peut-être pas assez pour toutes, ce qui veut dire que nul ne doit s'appuyer sur les œuvres et les mérites d'autrui, parce qu'il faut que chacun achète de l'huile pour sa propre lampe. »

    Saint Hilaire de Poitiers (315-367), Commentaire sur Matthieu, in Henri Duthu "Le Nouveau Testament et les Pères de l'Eglise" Tome 1, Résiac, 2001.

  • 29 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Décollation de saint Jean-Baptiste

    « Ce passage nous invite, mes frères, à vous dire quelques mots du serment, afin de mieux régler votre conduite et vos moeurs.
    Le faux serment n'est pas un péché léger ; c'est même un péché si grave que pour le prévenir le Seigneur a interdit tout serment. Voici ses paroles : "Il a été dit : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras au Seigneur tes serments. Et moi je vous dis de ne jurer en aucune façon ; ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds ; ni par tout autre objet ; ni par ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre langage soit : Oui, oui ; non, non ; car, ce qui est en plus vient du mal (Mt V, 33-37)."
    ...
     Que fais-tu en jurant ? Tu prends Dieu à témoin. Tu le prends à témoin ; lui s'y prend lui-même. Mais à toi qui n'es qu'un homme et qui te trompes fréquemment, il arrive bien souvent de prendre la vérité à témoin de tes erreurs. De plus, on se parjure quelquefois même sans le vouloir, c'est quand on croit vrai ce qu'on affirme avec serment. Sans doute le péché n'est pas alors aussi grave que le péché commis quand on affirme par serment ce qu'on sait être faux. Qu'on fait bien mieux, et qu'on est moins exposé à commettre ce grave péché, lorsqu'on écoute le Christ Notre-Seigneur, et que jamais on ne jure !
    ...
    Oh ! si on craignait Dieu ! Oh ! si les parjures tremblaient devant lui ! Bientôt la langue aurait un frein, on s'attacherait à la vérité et le serment aurait disparu. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon CCCVII (2-5) sur la décollation de Saint Jean-Baptiste (Sermons détachés sur divers passages de l'Écriture sainte — Deuxième série : Solennités et Panégyriques), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 28 août : Méditation

    « Dieu nous a donné l'être, la vie ; il nous a accordé le privilège d'élever nos regards vers le ciel et de les étendre sur la terre ; il nous a doués d'un esprit et d'une raison capables de remonter jusqu'à la première Cause de toutes les merveilles ; ce sont là des bienfaits dont nous sommes impuissants à rendre de dignes actions de grâces. Mais ce n'est pas tout. Nous étions sous le joug du péché, nous nous obstinions à nous détourner de la lumière, nous nous étions condamnés nous-mêmes à l'aveuglement, à l'amour de l'iniquité : et voilà que Dieu n'a pas voulu nous abandonner entièrement. Il nous a envoyé son Verbe, son Fils unique. Pour nous, ce Verbe s'est fait chair, il est né, il est mort. Ces mystères de miséricorde nous ont appris ce que nous valions aux yeux du Seigneur. Le sacrifice du Fils nous a purifiés de nos crimes, et sa charité s'est répandue dans nos coeurs par son Esprit. Depuis lors, il nous est possible de surmonter tous les obstacles, et d'arriver à l'éternel repos et à la jouissance des ineffables douceurs de la vision divine. En présence de ces nouveaux bienfaits, quels coeurs et quelles paroles suffiront jamais à sentir et à exprimer les sentiments de reconnaissance qui sont dus à Dieu ? »

    Saint Augustin, La Cité de Dieu (L. VII, ch. XXXI), in Elévations, Prières et Pensées, Paris, J. de Gigord, 1918.

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  • 28 août : Sanctoral

    Comme au calendrier traditionnel :

    Saint Augustin, évêque, confesseur et Docteur de l’Eglise


    Vie de Saint Augustin (354-430)

    Mémoire de Saint Hermès, martyr († 116)

    « Saint Hermès appartient, à la couche primitive du sanctoral romain. Sa déposition au cimetière de Basilla sur la via Salaria ancienne est inscrite dans la Depositio Martyrum de 354 et dans le Hiéronymien. L’évangéliaire de 645 s’accorde avec les sacramentaires grégorien et gélasien pour donner le formulaire de sa fête, qui a toujours été célébrée depuis. »
    Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.

  • 27 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Mon fils, en ce qui me regarde, rien ne m’attache plus à cette vie. Qu’y ferais-je ? pourquoi y suis-je encore ? J’ai consommé dans le siècle toute mon espérance. Il était une seule chose pour laquelle je désirais séjourner quelque peu dans cette vie, c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu me l’a donné avec surabondance, puisque je te vois mépriser toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ?"

    Ce que je répondis à ces paroles, je ne m’en souviens pas bien ; mais à cinq ou six jours de là, la fièvre la mit au lit. Un jour dans sa maladie, elle perdit connaissance et fut un moment enlevée à tout ce qui l’entourait. Nous accourûmes ; elle reprit bientôt ses sens, et nous regardant mon frère et moi, debout auprès d’elle, elle nous dit comme nous interrogeant : "Où étais-je ?" Et à l’aspect de notre douleur muette : "Vous laisserez ici, votre mère !" Je gardais le silence et je retenais mes pleurs. Mon frère dit quelques mots exprimant le voeu qu’elle achevât sa vie dans sa patrie plutôt que sur une terre étrangère. Elle l’entendit, et, le visage ému, le réprimant des yeux pour de telles pensées, puis me regardant : "Vois comme il parle", me dit-elle ; et s’adressant à tous deux : "Laissez ce corps partout ; et que tel souci ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, partout où vous serez." Nous ayant témoigné sa pensée comme elle pouvait l’exprimer, elle se tut, et le progrès de la maladie redoublait ses souffrances.

    Alors, méditant sur vos dons, ô Dieu invisible, ces dons que vous semez dans le coeur de vos fidèles pour en récolter d’admirables moissons, je me réjouissais et vous rendais grâces au souvenir de cette vive préoccupation qui l’avait toujours inquiétée de sa sépulture, dont elle avait fixé et préparé la place auprès du corps de son mari ; parce qu’ayant vécu dans une étroite union, elle voulait encore, ô insuffisance de l’esprit humain pour les choses divines ! ajouter à ce bonheur, et qu’il fût dit par les hommes qu’après un voyage d’outremer, une même terre couvrait la terre de leurs corps réunis dans la mort même.

    Quand donc ce vide de son coeur avait-il commencé d’être comblé par la plénitude de votre grâce ? Je l’ignorais, et cette révélation qu’elle venait de faire ainsi me pénétrait d’admiration et de joie. Mais déjà, dans mon entretien à la fenêtre, ces paroles : "Que fais-je ici ?" témoignaient assez qu’elle ne tenait plus à mourir dans sa patrie. J’appris encore depuis, qu’à Ostie même, un jour, en mon absence, elle avait parlé avec une confiance toute maternelle à plusieurs de mes amis du mépris de cette vie et du bonheur de la mort. Admirant la vertu que vous aviez donnée à une femme, ils lui demandaient si elle ne redouterait pas de laisser son corps si loin de son pays : "Rien n’est loin de Dieu, répondit-elle ; et il n’est pas à craindre qu’à la fin des siècles, il ne reconnaisse pas la place où il doit me ressusciter." Ce fut ainsi que, le neuvième jour de sa maladie, dans la cinquante-sixième année de sa vie, et la trente-troisième de mon âge, cette âme pieuse et sainte vit tomber les chaînes corporelles. »

    Saint Augustin (354-430), Les Confessions Livre IX (ch. X,26 - XI,27-28), Trad. M. Moreau, 1864.

    Source : Abbaye de Saint-Benoît.

  • 27 août 2012 : Sanctoral

    Mémoire de Sainte Monique (332-388), mère de Saint Augustin

    Au calendrier traditionnel :

    Saint Joseph Calasance (Calasanz)

    (fêté le 25 août au nouveau calendrier)

  • 23 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Qu'est-ce que le vêtement de noce, la robe nuptiale ? L'apôtre Paul nous dit : "Les préceptes n'ont d'autre fin que la charité qui naît d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans feinte" (1Tm 1,5). La voilà la robe nuptiale. Il ne s'agit pas de n'importe quel amour, car souvent on voit s'aimer des hommes qui ont une mauvaise conscience. Ceux qui se livrent ensemble aux brigandages, aux maléfices, ceux que rassemble l'amour des comédiens, des conducteurs de chars et des gladiateurs, s'aiment généralement entre eux, mais non de cette charité qui naît d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans feinte : or, c'est cette charité-là qui est la robe nuptiale.

    Revêtez-vous donc de la robe nuptiale, vous qui ne l'avez pas encore. Déjà vous êtes entrés dans la salle du festin, vous allez vous approcher de la table du Seigneur, mais vous n'avez pas encore, en l'honneur de l'époux, la robe nuptiale : vous cherchez encore vos intérêts et non ceux de Jésus-Christ. Le vêtement nuptial se porte pour honorer l'union nuptiale, c'est-à-dire l'Époux et l'Épouse. Vous connaissez l'Époux, c'est Jésus Christ ; vous connaissez l'Épouse, c'est l'Église (Ep 5,32). Rendez honneur à celle qui est épousée, rendez honneur aussi à celui qui l'épouse. »

    Saint Augustin (354-430), "Passages détachés de Saint Matthieu", Sermon 90 prononcé à Carthage dans la Basilique Restitute : La robe nuptiale ou la charité (6) ; PL 38-39.

    Autre traduction sur le site de l'Abbaye Saint Benoît.

    Cf. :

    « Chacun de vous, donc, qui, dans l’Eglise, a la foi en Dieu, a déjà pris part au banquet de noces, mais il ne peut pas dire avoir l’habit nuptial si il n’a pas en lui la grâce de la charité. »

    Saint Grégoire le Grand (540-604), Homilia 38 (9) ; PL 76, 1287.

  • 13 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Sur le Psaume 148 : "Louez le Seigneur du haut des cieux, louez-le dans les hauteurs célestes ; louez-le, vous tous ses anges..."

    « La méditation, dans notre vie présente, doit consister à louer Dieu, car l'allégresse éternelle de notre vie future sera une louange de Dieu ; et personne ne peut être adapté à la vie future s'il ne s'y exerce pas dès maintenant. Maintenant donc nous louons Dieu, mais nous le supplions aussi. Notre louange comporte la joie ; notre supplication, le gémissement. Car on nous a promis quelque chose que nous ne possédons pas encore ; et parce que l'auteur de la promesse est véridique, nous trouvons notre joie dans l'espérance ; mais parce que nous ne possédons pas encore, notre désir nous fait gémir. Il nous est bon de persévérer dans le désir jusqu'à ce que vienne le bonheur promis, jusqu’à ce que le gémissement disparaisse et que la louange demeure seule.

    Il y a donc deux époques : l'époque actuelle qui se passe dans les tentations et les épreuves de cette vie ; et une seconde époque, qui sera celle de la sécurité et de l'allégresse sans fin. Aussi deux époques ont-elles été instituées pour nous : avant Pâques et après Pâques. L'époque antérieure à Pâques symbolise l'épreuve où nous sommes maintenant ; et ce que nous célébrons en ces jours qui suivent Pâques symbolise la béatitude qui sera plus tard la nôtre. Avant Pâques nous célébrons donc ce que nous sommes en train de vivre ; après Pâques, ce que nous célébrons symbolise ce que nous ne possédons pas encore. C'est pourquoi, dans la première époque, nous nous entraînons par le jeûne et la prière ; mais dans l'époque présente, nous abandonnons le jeûne et nous vivons dans la louange. Tel est le sens de l'Alléluia que nous chantons. [...]

    L'une et l'autre époque nous ont été figurées, l’une et l'autre nous ont été manifestées dans notre chef. La passion du Seigneur nous montre la vie présente qui nous oblige à peiner, à subir les épreuves et finalement à mourir ; la résurrection et la glorification du Seigneur nous montrent la vie que nous recevrons. [...]

    Nous vous exhortons, mes frères, à louer Dieu en ce moment, et c'est ce que nous faisons tous lorsque nous disons : "Alléluia. Louez le Seigneur". Tu le dis à un autre, lui-même te dit la même chose. Lorsque tous font la même exhortation, tous y répondent. Mais louez-le par tout vous-mêmes : c’est-à-dire que votre langue et votre voix ne doivent pas être seules à louer Dieu ; louez-le aussi par votre conscience, par votre vie, par vos actions. Évidemment, nous le louons maintenant, quand nous sommes rassemblés dans l'église ; lorsque chacun s'en va chez soi, il semble cesser de louer Dieu. s'il ne cesse pas de bien vivre, il loue Dieu continuellement. Ta louange ne cesse que lorsque tu te détournes de la justice et de ce qui plaît à Dieu. Car si tu ne te détournes jamais de la vie vertueuse, ta bouche est muette, mais ta vie est une acclamation et Dieu prête l'oreille au chant de ton cœur. Comme nos oreilles entendent nos voix, c'est ainsi que Dieu entend nos pensées. »

    Saint Augustin (354-430), Homélie sur le Psaume 148 (Trad. source)

  • 12 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Personne ne peut venir à moi, dit Jésus, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire" (Jn 6,44). Magnifique éloge de la grâce ! Nul ne vient s'il n'est attiré. Ne va pas t'imaginer que tu es attiré malgré toi, l'âme est attirée aussi par l'amour.
    C'est peu que tu sois attiré par ta volonté, tu l'es encore par la volupté. Que veut dire : "être attiré par la volupté" ? "Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur" (Ps 36,4). Il existe une volupté du coeur pour celui qui goûte la douceur de ce pain du ciel. Or, si le poète Virgile a pu dire : "Chacun est attiré par la volupté", non par la nécessité, mais par la volupté, non par obligation, mais par délectation, combien plus fortement devons-nous dire, nous, qu'est attiré vers le Christ l'homme qui trouve ses délices dans la Vérité, qui trouve ses délices dans la Béatitude, qui trouve ses délices dans la Justice, qui trouve ses délices dans la Vie éternelle, car tout cela, c'est le Christ !
    Donne-moi quelqu'un qui aime, et il sentira la vérité de ce que je dis. Donne-moi un homme tourmenté par le désir, donne-moi un homme passionné, donne-moi un homme en marche dans ce désert et qui a soif, qui soupire après la source de l'éternelle patrie, donne-moi un tel homme, il saura ce que je veux dire. »

    Saint Augustin (354-430), Homélies sur l'Evangile de Saint Jean, 26, 2-4 (Trad. Berrouard, Bibliothèque augustinienne 72, DDB, Paris, 1977).

  • 4 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « La lecture du saint Evangile nous a mis sous les yeux un spectacle sanglant ; nous avons vu, en haine de la vérité et servi par la cruauté, un mets funèbre, la tête même de Jean-Baptiste présentée dans un bassin, Une jeune fille danse, sa mère a la rage dans le coeur, au milieu des délices et des dissolutions d'un banquet, on prête, puis on accomplit un serment téméraire et impie.

    Ainsi se réalisa dans la personne de saint Jean ce que saint Jean avait prédit. Il avait dit, en parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ : "Il faut qu'il croisse et que je diminue" (Jn III, 20). Jean fut donc diminué de la tête, et Jésus élevé sur la croix. La haine contre Jean naquit de la vérité même. On ne pouvait souffrir avec calme les avertissements que donnait ce saint homme de Dieu, et qu'il ne donnait qu'en vue du salut de ceux à qui il les adressait ; et on lui rendit le mal pour le bien. Pouvait-il faire entendre autre chose que ce qui remplissait son coeur ; et eux pouvaient-ils répondre autre chose aussi que ce qu'ils avaient dans l'âme ? Jean sema le bon grain, mais il recueillit des épines. "Il ne vous est pas permis, disait-il au roi, de garder l'épouse de votre frère" (Mc VI, 17-28). Esclave de sa passion, le roi en effet retenait chez lui, malgré la loi, la femme de son frère ; mais la passion ne l'enflammait pas jusqu'à lui faire répandre le sang. Il honorait même le prophète qui lui disait la vérité. Quant à la femme détestable qu'il gardait, elle nourrissait une haine secrète qui devait finir par éclater dans l'occasion. Comme elle nourrissait cette haine, elle fit paraître sa fille, elle la fit danser ; et le roi qui regardait Jean comme un saint, qui le craignait même par respect pour Dieu, sans toutefois lui obéir, s'affligea lorsqu'il vit qu'on lui demandait de livrer dans un bassin la tête de Jean-Baptiste ; mais, par égard pour son serment et pour les convives, il envoya un archer et accomplit ce qu'il avait promis.

    Ce passage nous invite, mes frères, à vous dire quelques mots du serment, afin de mieux régler votre conduite et vos moeurs.

    Le faux serment n'est pas un péché léger ; c'est même un péché si grave que pour le prévenir le Seigneur a interdit tout serment. Voici ses paroles : "Il a été dit : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras au Seigneur tes serments. Et moi je vous dis de ne jurer en aucune façon ; ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds ; ni par tout autre objet ; ni par ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre langage soit : Oui, oui ; non, non ; car, ce qui est en plus vient du mal" (Mt V, 33-37). »

    Saint Augustin, Sermon CCCVII (1-2) sur la décollation de Saint Jean-Baptiste (Sermons détachés sur divers passages de l'Écriture sainte — Deuxième série : Solennités et Panégyriques), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.