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rené veber

  • Conte de Noël

    "Celui de Noël"

    I.
    Depuis deux longs jours, une neige épaisse
    Implacablement descendait sans cesse,
    En flocons serrés, du ciel morne et blanc ;
    Les petits oiseaux voletaient, piaulant,
    Ayant faim, perdus dans la plaine immense
    Et transis, gelés, les membres perclus,
    S’effaraient, ne s’y reconnaissant plus.
    Il faisait très froid. – Nul bruit. – Un silence
    Énorme de mort. – Et l’on aurait dit
    Que tout le hameau dormait engourdi.

    II.
    Au bout du pays, presque à la lisière
    D’un grand bois sauvage, en un chemin creux,
    Dans une vilaine et triste chaumière,
    Vivait un bonhomme infirme, très vieux
    Et très pauvre, avec sa petite Yvette,
    Une toute frêle et douce fillette
    D’à peine dix ans. – Il ne travaillait
    Presque plus, trop faible. - Et dans sa détresse
    Le piteux logis sous la neige épaisse,
    Semblait tout honteux, se dissimulait.

    III.
    Or c’était Noël. Tout au soir, la veille,
    La mignonne Yvette, entendant conter
    Sur cette nuit là d’étranges merveilles,
    S’en était allée en secret porter
    L’un de ses souliers – oh ! de cheminée
    On n’en avait pas – dehors, sous l’auvent.
    Elle s’était dit qu’en l’apercevant
    Le petit Jésus, faisant sa tournée
    Avec des joujoux très beaux pleins les bras,
    Très probablement ne l’oublierait pas.

    IV.
    Et quand il fit jour, un peu, la fillette
    Se leva sans bruit et vite alla voir…
    Or dans le soulier, étroite cachette,
    Un chardonneret, tout troublé, le soir,
    S’y étant blotti, dormait. - Douce et bonne,
    Elle prit l’oiseau dans sa main mignonne
    Et le réchauffa – puis vint lui jeter
    Un peu de pain blanc, joyeuse et ravie
    De voir le pauvret renaître à la vie
    Et tout rassuré, se mettre à chanter.

    V.
    Lors, en le voyant plein de confiance,
    La petite en eut un bonheur immense
    Et comprit : pour sûr, c’était le présent
    Que Jésus avait bien voulu lui faire…
    Pourquoi pas ?… Dieu garde à toute misère,
    À toute souffrance un baume puissant,
    Une joie au moins, bonne et consolante,
    Celle d’alléger quelque autre douleur,
    Quelque autre infortune encor plus navrante…
    C’est si doux d’aimer et d’avoir bon cœur !

    René Véber, Contes pour la Beauvaisienne, Première Série, Beauvais, 1896.

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