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Méditation - le Mal escamoté

(complément à la méditation du mercredi 11 septembre)

« C'est un fondement de l'éducation que de ne pas donner au bien un goût mielleux et doucereux. Il a besoin de limites claires, de bornes strictes. Or nous avons plongé dans une ère qui élimine les frontières, non pas seulement pour satisfaire une certaine idée de l'Europe, mais aussi dans tous les domaines de la société. Aujourd'hui par exemple, le père est parfois sans autorité, et dans certains malheureux cas il ne peut plus prétendre qu'à une reconnaissance biologique. Il arbore fièrement un ADN qui devient son critère absolu - pardon, son code ! - de paternité. Le Bien est « éthérisé » au point qu'un Philippe Murray constate avec désarroi : « Le Bien est allé vite. Le Bien s'est démené. Il a bien travaillé. Au passage, dans sa ruée furieuse, il a même réussi à escamoter le Mal. Il l'a emporté. Il l'a converti. Il l'a accaparé. Il l'a mis dans sa poche. (1) » Il n'y a plus vraiment de bien puisqu'il n'y a plus de mal. L'anesthésie suffit puisqu'ainsi il n'y a plus de douleurs. C'est la méthode Coué morale et spirituelle. « Tout le monde, il est gentil... » ou plutôt - sommet de subtilité contemporaine - « tout le monde, il est pas méchant. »
A l'instar de saint Augustin dans Les Confessions (2), saint Thomas d'Aquin (manquant cruellement d'originalité pour les adeptes du changement), définit le mal comme une privation de bien (3). Notre monde moderne, lui, se veut plus raffiné. Il combat les « méchants », il veut faire disparaître le Mal et s'accaparer le privilège divin de la fin des temps. Il en crée même des axes et définit le bien comme « ce qui ne fait pas mal » ou plutôt « ce qui ne me fait pas mal ». C'est une poutre dans l'oeil et une poutre sans échardes. La solution au problème du mal pour ce monde est de se convaincre qu'il n'y a pas eu de mal. C'est avec les mots qu'on évapore les maux. Ô divinité dolto-freudienne.
Le cardinal Journet, à contre-courant du « sensibilisme » sacré du XXe siècle, propose un autre regard : « Il y a des paroles très dures - dit-il - qui ne sont que l'envers d'un très grand amour. Les tièdes ne les comprendront jamais. (4) »
"La miséricorde ?
Qui donc la vengera du visage niais qu'on lui donne très souvent ?
Quand donc comprendra-t-on qu'elle est inséparable d'une haine active, furieuse, dévorante, implacable, exterminatrice et éternelle, la haine du mal ?
Quand donc comprendra-t-on que pour être miséricordieux, il faut être inflexible ?... (5)" »

(1) : Philippe Murray, L'empire du Bien, Les belles lettres, Paris, 2006, p.14.
(2) : Saint Augustin, Confessions, GF - Flammarion, ch. 7.
(3) : Saint Thomas d'Aquin, Contra Gentiles I, GF - Flammarion, 1999, tome I, ch. 71.
(4) : Charles Cardinal Journet, « La défense de Luther », courrier de Genève, 6 mai 1928.
(5) : Ernest Hello, L'homme, Perrin & Cie, Paris, 1928, p.54.

P. Matthieu Dauchez, Mendiants d'amour - A l'école des enfants de Manille, Artège, Perpignan, 2011.

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