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27 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

« "Mon fils, en ce qui me regarde, rien ne m’attache plus à cette vie. Qu’y ferais-je ? pourquoi y suis-je encore ? J’ai consommé dans le siècle toute mon espérance. Il était une seule chose pour laquelle je désirais séjourner quelque peu dans cette vie, c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu me l’a donné avec surabondance, puisque je te vois mépriser toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ?"

Ce que je répondis à ces paroles, je ne m’en souviens pas bien ; mais à cinq ou six jours de là, la fièvre la mit au lit. Un jour dans sa maladie, elle perdit connaissance et fut un moment enlevée à tout ce qui l’entourait. Nous accourûmes ; elle reprit bientôt ses sens, et nous regardant mon frère et moi, debout auprès d’elle, elle nous dit comme nous interrogeant : "Où étais-je ?" Et à l’aspect de notre douleur muette : "Vous laisserez ici, votre mère !" Je gardais le silence et je retenais mes pleurs. Mon frère dit quelques mots exprimant le voeu qu’elle achevât sa vie dans sa patrie plutôt que sur une terre étrangère. Elle l’entendit, et, le visage ému, le réprimant des yeux pour de telles pensées, puis me regardant : "Vois comme il parle", me dit-elle ; et s’adressant à tous deux : "Laissez ce corps partout ; et que tel souci ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, partout où vous serez." Nous ayant témoigné sa pensée comme elle pouvait l’exprimer, elle se tut, et le progrès de la maladie redoublait ses souffrances.

Alors, méditant sur vos dons, ô Dieu invisible, ces dons que vous semez dans le coeur de vos fidèles pour en récolter d’admirables moissons, je me réjouissais et vous rendais grâces au souvenir de cette vive préoccupation qui l’avait toujours inquiétée de sa sépulture, dont elle avait fixé et préparé la place auprès du corps de son mari ; parce qu’ayant vécu dans une étroite union, elle voulait encore, ô insuffisance de l’esprit humain pour les choses divines ! ajouter à ce bonheur, et qu’il fût dit par les hommes qu’après un voyage d’outremer, une même terre couvrait la terre de leurs corps réunis dans la mort même.

Quand donc ce vide de son coeur avait-il commencé d’être comblé par la plénitude de votre grâce ? Je l’ignorais, et cette révélation qu’elle venait de faire ainsi me pénétrait d’admiration et de joie. Mais déjà, dans mon entretien à la fenêtre, ces paroles : "Que fais-je ici ?" témoignaient assez qu’elle ne tenait plus à mourir dans sa patrie. J’appris encore depuis, qu’à Ostie même, un jour, en mon absence, elle avait parlé avec une confiance toute maternelle à plusieurs de mes amis du mépris de cette vie et du bonheur de la mort. Admirant la vertu que vous aviez donnée à une femme, ils lui demandaient si elle ne redouterait pas de laisser son corps si loin de son pays : "Rien n’est loin de Dieu, répondit-elle ; et il n’est pas à craindre qu’à la fin des siècles, il ne reconnaisse pas la place où il doit me ressusciter." Ce fut ainsi que, le neuvième jour de sa maladie, dans la cinquante-sixième année de sa vie, et la trente-troisième de mon âge, cette âme pieuse et sainte vit tomber les chaînes corporelles. »

Saint Augustin (354-430), Les Confessions Livre IX (ch. X,26 - XI,27-28), Trad. M. Moreau, 1864.

Source : Abbaye de Saint-Benoît.

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