Hosannah sur les blés ! Voici la Fête-Dieu,
Et la procession marche sous le ciel bleu.
Le soleil est encor très haut. Il est trois heures.
Des draps blancs sont tendus aux portes des demeures.
Les terres, cette année, ont de si beaux froments
qu'ils empêchent de voir les hommes par moments,
Et que les saints patrons brodés sur les bannières
Ont l'air de cheminer tout seuls dans la lumière.
Quatre grands paysans, vétérans des labours,
Soutiennent le dais d'or qui tangue à leurs pas lourds ;
L'ostensoir que le prêtre appuie à sa poitrine
Comme un autre soleil vers le soleil chemine.
Des enfants bruns, vêtus d'écarlate et de blanc,
D'encensoirs balancés embaument l'air brûlant ;
D'autres, qui ont les mains encor toutes petites,
Jettent des roses, des bleuets, des marguerites...
Et, du même gosier robuste et rocailleux
Dont ils chantaient, hier, en marchant près des boeufs,
Des chantres laboureurs disent, sans la comprendre,
La louange du Sacrement splendide et tendre.
Voici la Bénédiction !
Vers les quatre vents de l'espace,
L'ostensoir dans le soleil trace
Une croix lente de rayons.
Autour du reposoir en flammes
Les fidèles sont prosternés ;
L'on voit sur les front inclinés
Passer la lumière des âmes.
Il règne un silence divin :
Comme il n'est pas de langue humaine
Qui ne soit, à cette heure, vaine,
Les voix cessent, le chant s'éteint.
Même, dans le clocher rustique,
Les cloches, avec tremblements
Retiennent les beaux battements
De leur coeur ivre de cantiques.
Mais un souffle puissant et doux
Se lève au large, et sur la foule
Des épis frémissants, déroule
La rumeur d'un léger remous.
Seuls, les blés, enfants de lumière,
Les blés très purs, les blés très saints,
Au Dieu qui s'est fait notre pain
Osent adresser leur prière ! »
Louis Mercier, L’Église des blés, Calmann-Lévy,
in "Louange de l'Hostie - Anthologie de poèmes modernes en l'honneur du Très Saint Sacrement",
Préface de Charles Grolleau, Coll. "Ars et Fides", Librairie Bloud et Gay, Paris, 1929.
louis mercier
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FÊTE-DIEU
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Méditation - Poésie : La Louange des Clochers
« Vous nous faites un don encor plus salutaire :
Sans vous, ô bons clochers, combien de pauvres gens
Vivraient le front toujours abaissé vers la terre,
Limitant leurs désirs aux bornes de leurs champs.
Asservis aux labeurs que la glèbe réclame,
Portant leurs jours ainsi qu'un éternel fardeau,
Sans vous, hélas ! combien désapprendraient leur âme
Et que leurs yeux sont faits pour regarder en haut !
Mais votre voix s'élève, et, trois fois la journée,
Elle rappelle à ceux qui peinent pour le pain
Que la tâche ici-bas saintement terminée
Reçoit, dans l'autre vie, un salaire divin.
Ainsi vous conservez à ceux dont les mains rudes
Dirigent la charrue et tiennent l'aiguillon
L'instinct de l'invisible et la saine habitude
De relever la tête au bout de leur sillon.
Si le peuple des champs garde sous ses paupières
Une clarté qui fait la beauté de ses yeux,
C'est qu'à son horizon vous restez en prière
Et que vous ne cessez de lui parler de Dieu. »
Louis Mercier, Les Pierres sacrées, Paris, Calmann-Lévy, 1922 (1ère éd. Lyon, Lardanchet, 1920).(Source et crédit photo : Village de Méré)