A la vérité, comme l'homme est composé de deux parties, il se peut faire qu'il puisse pleurer, en demeurant joyeux au dedans ; mais encore ne voit-on point de sujet raisonnable de pleurer. Car quiconque désire d'un ardent amour la honte, la calomnie, l'opprobre et tout mépris, les maladies, les pertes, la pauvreté, la croix et la douleur, quand il y est, il a ce qu'il désire, et partant il a sujet de se réjouir, si en effet les maux et les oppressions ne le violentent pas trop en la partie sensitive, car alors il peut pleurer et en même temps se réjouir en son homme supérieur, qui est la raison. Cela même est souvent inconnu, d'autant que tout l'homme semble être occupé de la tristesse, et quand cela serait qu'on ne fût aucunement joyeux au-dedans, à cause de la cuisante et profonde tribulation, n'importe, la profonde résignation d'esprit et du sens tiennent en quelque façon le lieu de la joie. Pleurer donc de tristesse et de douleur, et se réjouir en même temps, c'est chose rare ; mais cela peut être, et on l'a vu et le voit-on encore aux excellents saints, qui vivent d'une terrible manière dans les présents et éternels exercices de Notre-Seigneur. Enfin la résignation contente et joyeuse est ici nécessaire et suffisante. C'est ainsi que la vie des hommes est laborieuse et joyeuse, heureuse et malheureuse, et il est vrai que tant moins l'homme aura de soulagement, de joie et de repos, tant plus excellemment et de plus près il imitera Notre Sauveur. »
Jean de Saint-Samson (1571-1636), in R.P. Jérôme de la Mère de Dieu O.C.D., "La doctrine du vénérable Frère Jean de Saint-Samson", Édition de la Vie Spirituelle, Saint-Maximin, 1925.
« Au fidèle serviteur, persuadé de son inutilité, le Seigneur déclare tout à coup : « Bon serviteur, entre dans la Joie de ton Maître. » Il nous fait entrer dans sa Joie, parce que nous ne pouvons pas la faire entrer en nous : elle est trop vaste pour se limiter aux dimensions d'un cœur humain, pour se laisser mesurer à l'aune du sentir ou du comprendre. Ici encore, la joie émane d'une possession, mais on ne possède pas, on est possédé. On entre dans la Joie de Dieu jusqu'à y perdre pied, comme dans l'océan même de la Divinité. On est emporté par elle comme par une lame d'éternité. »
Fr. François de Sainte-Marie, o. c. d., De la Joie chrétienne, in "Ma joie terrestre où donc es-tu ?", Études Carmélitaines, DDB, 1947.