« Qu'elles devaient être touchantes ces journées de Nazareth, alors que, courbés sur l'établi grossier, le maître charpentier et son frêle apprenti de douze ans peinaient à équarrir les lourds madriers et à façonner des jougs, des charrues ou les meubles modestes des pauvres villageois ! Et pendant ce temps, Marie s'occupe aux humbles travaux du ménage ou file sa quenouille, regardant parfois à la dérobée, avec un sourire ému, le Dieu qui a créé le monde, se faisant initier à ces humbles travaux par un homme obscur et ignorant.
Ah ! si dans ces assemblées ouvrières qui ne retentissent que de revendications furibondes, de sophismes sonores et décevants, de cris de haine et d'excitations à l'envie, pouvaient entrer plus souvent des orateurs osant parler de l'atelier de Joseph ; si à tous ces travailleurs, que l'on berce d'espoirs irréalisables, on faisait entrevoir la sérénité, la dignité, la paix, en un mot le bonheur qui régnaient là, combien la fameuse question sociale avancerait plus rapidement ! Il est, grâce à Dieu, des endroits sur terre où les patrons chrétiens ont réalisé quelque chose de cet idéal, où, tout en restant à leur place de commandement, ils savent s'approcher de leurs ouvriers, se rencontrant avec eux le matin à la messe et parfois à la sainte Table, puis leur donnant l'exemple de l'activité, de la justice, de la loyauté. Ainsi compris et pratiqué, le travail assure non seulement la tranquillité de la conscience, mais de plus le bonheur même matériel, autant qu'il peut se trouver sur terre. »
T. de Miramont, Messager du Cœur de Jésus, Mars 1903 (in Abbé R. Béringer, "Recueil documentaire - Saint Joseph modèle de vie chrétienne", Deuxième édition, Belgique / France, Librairie Brunet, Arras, 1927).
« Cum esset justus. Joseph était un homme juste, il possédait non seulement la justice entendue au sens strict du mot, qui n'est guère autre chose que l'honnêteté naturelle, mais la justice plénière qui est la perfection de la charité et comme la tige où toutes les vertus, fleurs divines, viennent tour à tour s'épanouir. Juste à l'égard de Dieu, il savait que Dieu serait juste à son égard et, qu'en échange de son incessant labeur, il recevrait du Maître Souverain le salaire des joies éternelles.
O vous que le travail accable, dont la vie n'est qu'un long et pénible labeur, ouvriers de l'usine, ouvriers du champ, reprenez courage : Sursum corda - en haut les cœurs. Joseph s'offre à vous comme un protecteur et un modèle. Regardez-le, il est bien des vôtres : comme vous il est revêtu d'habits grossiers. Vos mains sont calleuses, les siennes le sont pareillement ; les mêmes soucis plissent votre front et le sien ; et les privations ont creusé son visage comme elles ont creusé le vôtre. Vous souffrez beaucoup, il a souffert plus encore ; vous travaillez sans relâche, il a travaillé, lui aussi, autant que vous, plus que vous peut-être. De grâce achevez la ressemblance et, de même qu'il a été juste, soyez-le. Voilà le remède à vos maux. Vous pouvez suivre les conseils de la Sagesse humaine, vous réunir en syndicats, former des associations, des corporations, car « l'homme n'est pas un être solitaire, c'est un être groupé, et la grappe, l'épi, sont bientôt son symbole que la perle ou le diamant ». Mais n'oubliez pas les conseils de la sagesse divine : « Cherchez le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît ». Vos cœurs sont gros de haine, et emplissez-les d'amour, de l'amour des hommes vos frères, et de l'amour du Père qui est aux cieux. Vos voix appellent la justice, la vôtre, mais peut-être vous faites-vous illusion sur les moyens de la recouvrer. Ni l'insolence des grèves qui sont trop souvent ruineuses, ni la terreur des explosions, ne vous mettent en possession de vos droits méconnus, car il est écrit : « L'aveugle colère de l'homme n'opère pas cette grande œuvre de Dieu qui est la justice. »
Vous réclamez à juste titre le pain de chaque jour pour vos enfants et vos femmes : ouvrez l’Évangile et apprenez comment et à qui on le demande, ce pain : on le demande par d'humbles supplications, et on le demande à Dieu. Lui seul peut encore le multiplier en votre faveur. Que de vos lèvres apaisées s'échappent non plus les accents de la révolte, mais ceux de la prière, de la prière surtout que le Christ nous a lui-même enseignée : « O Père, donnez-nous notre pain ».
En un coup, voulez-vous le bonheur ? Ayez faim et soif de la justice, non pas tant de la vôtre que de celle qui est due à Dieu, car alors vous serez rassasiés, rassasiés en ce monde et rassasiés dans l'autre, où le Père infiniment tendre de l'universelle famille humaine vous admettra au festin de sa gloire, en la compagnie de Saint Joseph, votre modèle et votre patron. »
Le culte perpétuel de St Joseph, in Abbé R. Béringer, "Recueil documentaire - Saint Joseph modèle de vie chrétienne", Deuxième édition, Belgique / France, Librairie Brunet, Arras, 1927.