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jean tauler

  • Méditation - Les deux versants de la montagne de l'Ascension

    « Mes enfants, le lieu de l'Ascension de notre aimable Christ est au mont des Oliviers. (1) [...]

    Cette montagne est située entre Jérusalem et Béthanie. Mes enfants, celui qui veut suivre le Christ doit gravir la montagne. Si délicieuse et si belle que soit une montagne, il est cependant pénible d'y monter. C'est ainsi, mes enfants, que celui qui veut suivre le Christ doit donner congé à la nature. On trouve beaucoup de gens qui suivraient volontiers le Christ, à condition que cela n'exige ni peine ni labeur, que cela ne leur soit pas trop dur. Et ils voudraient bien se trouver sur cette montagne pour autant qu'elle se trouve à Jérusalem, ce qui veut dire « la paix ». Ces gens ressentent en eux-mêmes paix, joie et consolation. Mais de là, il ne sortira rien, s'ils ne vont aussi sur l'autre versant de la montagne qui regarde Béthanie, dont le nom signifie peine, obéissance, souffrance. C'est de cela que le prophète a dit dans le psautier : « Il a préparé sa place dans la vallée des larmes » (Voir Ps 84,7).

    Sachez, mes enfants, que celui qui ne s'est pas préparé une place dans cette vallée, celui-là reste en arrière, il n'en sort jamais rien ; si belle que paraisse sa paix, il doit rester en arrière. L'homme doit poursuivre de ses regrets et de ses brûlants désirs le Bien-Aimé qui est monté si haut et si loin et qui lui est maintenant si complètement invisible et caché. Plus le fond est véritablement et foncièrement touché, plus vraiment se creuse, d'un côté de la montagne, la vallée des larmes. Si ces larmes n'avaient pas meilleur motif, elles seraient encore bien nécessaires à raison des péchés et de l'ordure qui souillent notre misérable nature, et qui empêchent si souvent l'homme de se recueillir noblement, comme il pourrait et devrait faire sans cesse [...] Que la nature nous gouverne ainsi secrètement, alors que ce devrait être Dieu, sans cesse, et rien autre chose : voilà le versant de Béthanie.

    Mes enfants, celui qui considérerait bien cela en lui ne perdrait pas tout courage ; mais il trouverait sa grande consolation, saveur et joie à Jérusalem. C'est à cela qu'elle est utile : réconforter l'homme, afin qu'il supporte mieux la peine et le chagrin, afin que la souffrance et la misère ne l'affaiblissent pas et qu'il ne succombe pas quand il est abandonné de Dieu, sans consolation et en grande amertume. C'est pourquoi le sage dit : « Aux jours mauvais, tu ne dois pas oublier les bons » (Si 11,25). Ces deux versants de la montagne, Jérusalem et Béthanie, doivent toujours être l'un à côté de l'autre. »

    Jean Tauler (v.1300-1361), Sermon 20, 3ème pour l'Ascension, Coll. Sagesses Chrétiennes, Les Éditions du Cerf, 1991.
    (1) : Béthanie est située sur le flanc oriental du mont des Oliviers, à moins de trois kilomètres de Jérusalem. Comme Béthanie équivaut pratiquement au mont des Oliviers, on peut déduire une remarque théologique de la précision topographique. Deux textes de l'Ancien Testament font mention de « la montagne qui se trouve à l'orient de la ville » (Ezéchiel, XI 22-23), c'est-à-dire le Mont des Oliviers (Zacharie, XIV 4). Chez le prophète Ezéchiel, la gloire de Yahvé abandonne le Temple profané et voué à la destruction, pour aller se poser sur la montagne à l’orient de la ville. Chez le prophète Zacharie, à la fin des temps, lorsque Yahvé sortira pour le combat et le jugement eschatologiques, « ses pieds se poseront sur le Mont des Oliviers. » Ainsi le Mont des Oliviers est-il le lieu du départ et de la venue glorieuse de Yahvé. En transférant ce qui est dit de Yahvé à Jésus qui s'en va et qui viendra, saint Luc fait une profession de foi en la divinité de Jésus. (Source)

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    L'Ascension - Icône du monastère de Neamt, Roumanie
    Icône de l'Archimandrite Vartolomeu Florea avec les disciples de l'Ermitage, Année 2001
     
    Méditations sur l'Ascension précédemment proposées notre site internet :

    02 juin 2011 : Saint Augustin (354-430)

    17 mai 2012 : Dom Prosper Guéranger (1805-1875)

    09 mai 2013 : Mgr Raymond Bouchex (1927-2010)

    29 mai 2014 : Bx John Henry Newman (1801-1890)

    14 mai 2015 : Abbé André-Jean-Marie Hamon (1795-1874)

    05 mai 2016 : Les Bénédictins de l'Abbaye de Notre-Dame d'Einsiedeln (1936)

    25 mai 2017 : Père Alphonse de la Mère des Douleurs (1917)

    10 mai 2018 : Mgr Raymond Bouchex (1927-2010)
  • Méditation - « Je suis la lumière du monde. » (Jn 8, 12)

    C'est cette lumière qui donne leur éclat à toutes les lumières de la terre, aux lumières corporelles telles que le soleil, la lune, les étoiles et les sens corporels de l'homme, et aussi à la lumière spirituelle, à l'intelligence de l'homme raisonnable, grâce à laquelle toutes les créatures doivent refluer vers leur origine. Sans ce reflux, ces lumières créées sont en elles-mêmes de vraies ténèbres, comparées à cette véritable lumière par essence, qui est une lumière pour le monde entier.

    Or notre cher Seigneur nous dit : « Renonce à ta lumière qui est vraiment ténèbres comparée à ma lumière, et qui m'est contraire, car je suis la vraie lumière et je veux, en échange de tes ténèbres, te donner en propre ma lumière éternelle, afin qu'elle t'appartienne comme à moi-même et que tu aies, comme moi-même, mon être, ma vie, ma félicité et ma joie. » [...]

    Enfants bien-aimés, employez donc tout ce que vous avez d'activité, dans l'esprit et la nature, à obtenir que cette vraie lumière brille en vous de façon à la goûter. C'est ainsi que vous pourrez revenir à votre origine où brille la vraie lumière. Souhaitez, demandez que cette grâce vous soit accordée. Mettez-y tout ce que vous avez d'énergie, priez les amis de Dieu qu'ils vous aident en cette œuvre, attachez-vous à ceux qui s'attachent à Dieu, afin qu'ils vous entraînent en Dieu avec eux.

    Que cela puisse nous être accordé à tous, et qu'à cela nous aide le Dieu tout aimable ! Amen. »

    Jean Tauler (v.1300-1361), Extraits du Sermon X, Les Éditions du Cerf, Sagesses Chrétiennes, Paris, 1991.

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  • Méditation - Un bon emploi du temps

    « Qu'est-ce donc que cette fête à laquelle Notre Seigneur nous dit de monter et dont le temps est à tout instant ? La fête la plus élevée et la plus vraie, la fête suprême, est la fête de la vie éternelle, c'est-à-dire l'éternelle félicité où nous serons vraiment en face de Dieu. Cela, nous ne pouvons pas l'avoir ici-bas ; mais la fête que nous pouvons avoir, c'est un avant-goût de celle-là, une expérience de la présence de Dieu dans l'esprit par la jouissance intérieure que nous en donne un sentiment tout intime. Le temps qui est toujours nôtre, c'est celui de chercher Dieu et de poursuivre le sentiment de sa présence dans toutes nos œuvres, notre vie, notre vouloir et notre amour. C'est ainsi que nous devons nous élever au-dessus de nous-mêmes et de tout ce qui n'est pas Dieu, en voulant et n'aimant que lui seul, en toute pureté, et rien autre chose. Ce temps est de tous les instants.

    [...] Dieu est toujours là présent, et même si nous ne le sentons pas il est cependant secrètement entré pour la fête. Où Dieu est, là il y a en vérité jour de fête ; il ne peut manquer, ni s'abstenir d'être là, où l'appelle une intention loyale et où l'on ne cherche que lui seul ; il doit de toute nécessité être là. Il y est peut-être de manière cachée, mais il y est. »

    Jean Tauler (v.1300-1361), Extraits du Sermon XII, Les Éditions du Cerf, Sagesses Chrétiennes, Paris, 1991.

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  • Méditation : "Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux." (Luc 6,36)

    « « Bienheureux les miséricordieux : ils trouveront miséricorde. » De la miséricorde, on dit qu'en Dieu elle surpasse toutes ses œuvres ; et c'est pourquoi un homme miséricordieux est un homme véritablement divin, car la miséricorde naît de la charité et de la bonté. Et c'est pour cette raison que les vrais amis de Dieu sont en vérité très miséricordieux et sont plus accueillants aux pécheurs et à ceux qui souffrent, que d'autres qui n'ont pas la charité. Et comme la miséricorde est née de la charité que nous devons avoir les uns envers les autres, d'homme à homme, si nous ne l'exerçons pas, Notre Seigneur nous en demandera un compte particulier au jour du jugement dernier, et à ceux en qui il ne trouvera pas cette vertu nécessaire, il refusera son éternelle miséricorde, ainsi qu'il l'a dit lui-même, et il ne fera état d'aucune perfection, se bornant à les blâmer de ne pas avoir été miséricordieux. Cette miséricorde ne consiste pas seulement en dons, mais elle s'exerce aussi à l'égard de toutes les souffrances qui fondent ou peuvent fondre sur ton prochain. Celui qui voit cela sans témoigner à ses frères une véritable charité et une réelle sympathie dans toutes ses souffrances, et qui ne ferme pas l’œil sur leurs fautes, dans un sentiment de miséricorde, cet homme-là a sujet de craindre que Dieu ne lui refuse sa miséricorde, car « à la mesure dont tu auras mesuré, à la même mesure on te mesurera à ton tour » (1). Aussi, que chacun se garde de juger ou de condamner son prochain s'il veut échapper à la damnation éternelle. »

    1. Mt 7, 2.

    Jean Tauler (v.1360-1361), extrait du Sermon pour la Toussaint, in "Sermons" (71, 7), Éditions du Cerf, Sagesses Chrétiennes, Paris, 1991.

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  • Méditation : La vraie pauvreté

    « Mes enfants, il faut distinguer une pauvreté extérieure, qui est l'effet du hasard, et une pauvreté intérieure, qui est l'essence de la vraie pauvreté. La pauvreté extérieure n'est pas le fait de tout le monde, et tous les hommes ne sont pas appelés à être pauvres extérieurement. Mais à la pauvreté essentielle nous sommes tous appelés ainsi que tous ceux qui veulent être les amis de Dieu. Elle consiste en ce que Dieu doit, seul, posséder notre fond, et que nous ne devons être possédés par aucune autre chose, et nous devons posséder toutes choses comme Dieu veut que nous les possédions, c'est-à-dire dans la pauvreté spirituelle selon la parole de saint Paul : « Comme ceux qui n'ont rien et possèdent toutes choses » (1). Et voici ce qu'il faut entendre par là. Tout ce qui nous est cher, fortune, ou amis, ou corps ou âme, plaisir ou profit, doit être aimé de telle façon que, dans le cas où Dieu aurait sur nous quelque autre dessein, nous abandonnions volontiers ces biens à sa sainte volonté, pour son amour et pour sa gloire, exactement comme il veut que nous les laissions. Telle doit être notre entière bonne volonté. Si notre faible nature y répugne, peu importe, pourvu que notre volonté délibérée soit prête à ce sacrifice. Mes enfants, voilà la pauvreté véritable et essentielle à laquelle se doivent tous les hommes vertueux et que Dieu exige d'eux, afin qu'ils aient un vouloir foncier libre, vide et élevé, que rien ne captive, ni jouissance, ni affection, constamment prêt à tout abandonner, si Dieu le voulait ainsi. »

    1. 2 Co 6, 10.

    Jean Tauler (v.1360-1361), extrait du Sermon pour le premier vendredi de Carême, in "Sermons" (8, 5), Éditions du Cerf, Sagesses Chrétiennes, Paris, 1991.

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  • Méditation : De la garde de notre langue

    « La langue, comme dit l'Apôtre S. Jacques, est un mal que l'on ne peut retenir, elle est pleine d'un venin mortel, elle a porté la guerre parmi plusieurs qui jouissaient de la paix. La langue est comme la main, qui donne la vie et la mort. Que chacun soit donc prompt à écouter, et lent à parler : en sorte qu'avant que d'ouvrir la bouche pour dire quelque chose ou pour répondre, on fasse réflexion sur une de ces trois choses, ou s'il est à propos de parler, ou si Dieu en sera glorifié, ou si ceux qui nous écoutent y trouveront la paix. Le Sage dit que le cœur des insensés est dans leur bouche, et que la bouche des sages est dans leur cœur (Eccl. 21). C'est pourquoi, que celui qui désire d'être estimé sage aux yeux des hommes pour la gloire de Dieu, s'abstienne de parler beaucoup, et qu'il ne mêle rien dans ses discours qui mérite d'être repris. Car celui qui ne fait point de faute en parlant, dit l'Apôtre S. Jacques, est un homme parfait (Jac. 30).

    Qu'il prenne aussi bien garde de ne pas blesser ou de ne pas troubler personne par ses paroles, de peur qu'elles ne soient plutôt des verges que des paroles. Qu'il ait perpétuellement le mensonge en horreur. Qu'il ne sorte jamais des bornes de la justice et de la vérité, lorsqu'il loue ou qu'il blâme quelqu'un, parce que l'un et l'autre est également dangereux ; car si l'excès des louanges fait passer celui qui les donne pour flatteur, le blâme excessif le fait estimer envieux et téméraire. Qu'il évite les paroles piquantes aussi bien quand il corrige que quand il instruit, et que ses discours soient toujours accompagnés de modération et de douceur. Qu'il soit concis, circonspect, véritable, et modeste dans ses paroles. Qu'il s'accoutume à traiter avec respect ceux qui sont présents, et à dire du bien des absents. Qu'il ne s'emporte point en des plaintes et en des querelles. Qu'il cède autant qu'il est possible au sentiment des autres, et qu'il ne s'y oppose que par son silence, si le devoir de la charité fraternelle ne l'oblige de les instruire. Enfin qu'il mette en oubli toutes les choses qui méritent d'être oubliées, de même que s'il ne les avaient jamais sues. »

    Jean Tauler (v.1300-1361), Les Institutions de Thaulère (Chap. XXVII), Traduction nouvelle, Troisième édition, A Paris, Chez Guillaume Desprez, 1681 (1ère éd. française chez Jacques Rezé, Paris, 1598).

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     Dessin de Norman Rockwell, "The Gossips", 1948.

  • Méditation : Exaltation de la Sainte Croix

    « C'est aujourd'hui le jour de l'Exaltation de la sainte Croix, croix aimable à laquelle a été suspendu par amour le Sauveur du monde entier. C'est par la croix que nous devons être régénérés dans l'état de haute noblesse où nous étions dans l'éternité ; c'est à cette noblesse que, par l'amour de cette croix, nous renaîtrons et serons élevés à nouveau. Cette éminente dignité de la croix, il n'y a pas de paroles pour l'exprimer. Or, Notre Seigneur, lui, a dit : « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. » (1) Il veut dire par là qu'il veut attirer à lui nos cœurs terrestres qui sont possédés de l'amour des créatures. Il veut attirer à lui la soif que nous avons des jouissances et des satisfactions de la terre. Notre âme, belle et orgueilleuse, retenue par la complaisance qu'elle prend en elle-même, par l'amour de la satisfaction temporelle de notre sensibilité, il voudrait l'attirer tout entière à lui ; oui, pour qu'il soit ainsi élevé en nous, et qu'il grandisse en nous et dans nos cœurs ; car pour qui Dieu a jamais été grand, toutes les créatures sont petites et les choses passagères, comme rien. Cette aimable croix est le Christ crucifié élevé d'une façon inimaginable, bien au-dessus de tous les saints, de tous les anges, au-dessus des joies, délices et félicités, qu'ils ont tous ensemble ; et, comme sa véritable et essentielle demeure est au plus haut des cieux, il veut habiter en ce qu'il y a de plus haut en nous, c'est-à-dire dans notre amour et dans nos sentiments les plus élevés, les plus intimes, les plus délicats. Il veut attirer les facultés intérieures dans les supérieures, et élever jusqu'à lui les facultés supérieures avec les inférieures. Si nous faisons cela, il nous attirera nous aussi dans sa demeure la plus élevée et la plus intime. Car voici l'inéluctable loi : si je veux aller si haut et y demeurer, il faut que je le reçoive ici de toute nécessité, dans ce qui est mien. Autant je lui donne maintenant du mien, autant il me donnera du sien. C'est à égalité d'échange. »

    1. Jn 12, 32.

    Jean Tauler, Troisième Sermon pour l'exaltation de la Croix (1), in "Sermons" (58), Éditions du Cerf, Sagesses Chrétiennes, Paris, 1991.

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    Luigi Gregori (1819–1896), Exaltation de la Sainte Croix (détail)
    Intérieur de la Basilique du Sacré Coeur, Notre Dame, Indiana