charité
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« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » Jn 13,35
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Méditation - Aimons les âmes
« L'Espérance est surnaturelle, force et don de Dieu. Elle nous fait comprendre et éclaire pour nous la vie, la souffrance, la mort qui n'est que la vie continuée et toutes les vérités d'au delà. Elle nous établit en union plus intime avec Dieu, élargit pour nous ce merveilleux domaine des âmes que la Foi nous entr'ouvre et dans lequel la Charité nous fait pleinement pénétrer, ce domaine dans lequel tant de gens n'entrent jamais qui vivent à la surface des êtres, et qui est pourtant le domaine de tout chrétien. - "Tôt ou tard, disait Lacordaire, on ne vit plus que pour les âmes." - Sachons les chercher, les deviner, aimons-les, toutes, depuis celle de l'humble servante qui vit à côté de nous, depuis celle que nous voile parfois une enveloppe ridicule ou une morose humanité, jusqu'aux âmes lointaines ou inconnues qu'atteindront toujours notre prière et notre souffrance et qui sauront seulement dans l'éternité que notre tristesse d'un jour ou notre sacrifice humblement consenti leur a obtenu la Vie.
Mettons tous nos désirs, toutes nos tendresses, tous nos espoirs humains sous la garde de la surnaturelle Espérance et demandons-la chaque jour à Dieu pour nous, pour ceux que nous aimons et pour les âmes, afin qu'elle nous fasse à tous la vie plus féconde, l'âme plus sereine et douce, la mort même utile et belle, et ne nous abandonne qu'à ce seuil de l’Éternité où, dans l'Unité Vivante, ne subsistera plus que la rayonnante et divine Charité. "Les autres vertus passeront, mais la Charité demeurera éternellement."
Prière pour demander à Dieu la vertu d'Espérance
Mon Dieu, qui nous avez permis les espoirs humains, mais qui Seul donnez l'Espérance chrétienne et surnaturelle, accordez, je Vous en supplie, par votre grâce, cette vertu à mon âme, à toutes les âmes qui me sont chères et à celles de tous les chrétiens. Faites qu'elle illumine et transforme pour nous la vie, la souffrance et la mort même et qu'elle nous conserve, à travers les déceptions et les tristesses de chaque jour, une force intime et une inaltérable sérénité. »
Elisabeth Leseur (1866-1914), extrait des Petits traités de l'Espérance et de la Paix chrétiennes, in "La vie spirituelle", Paris, J. de Gigord, 1920. -
Méditation - avec douceur, charité et humilité
« Si vous aimez réellement Dieu, vous parlerez tout naturellement de Lui avec vos voisins et amis, non pas en faisant des sermons, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous le pourrez le miel délicieux des choses divines, goutte à goutte, tantôt dans l'oreille de l'un, tantôt dans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de votre âme de faire passer cette sainte rosée jusque dans le cœur de ceux qui vous écoutent. Surtout, il faut faire cet office angélique doucement et suavement, non par manière de correction, mais par manière d'inspiration ; car c'est merveille combien la suavité et amabilité d'une bonne parole est une puissante amorce pour attirer les cœurs. »
St François de Sales (1567–1622), Introduction à la vie dévote, 3e partie, ch. 26. -
Méditation - du silence
« L'intention profonde du silence est de libérer l'âme, de lui rendre forces et loisir pour adhérer au Seigneur. Il affranchit l'âme, comme l'obéissance donne toute sa maîtrise à la volonté. Il a, comme le travail, la double efficacité de nous soustraire à la basse attraction de nos penchants sensibles et de nous fixer dans le bien. Il nous établit peu à peu dans une région sereine, où nous sommes capables de parler à Dieu et d'entendre sa voix. Le silence soutient donc à son tour une affinité avec la foi et la charité. Et de même qu'on ne nous demande pas l'obéissance pour la servitude, on ne nous demande pas non plus le silence dans un parti pris de vexation : toutes ces limitations tutélaires sont autre chose que des retranchements. Le silence est œuvre festive ; et c'est pourquoi, selon les anciens coutumiers, on l'observait rigoureusement les jours de fête. Or, dans l'âme chrétienne, la fête est de tous les jours. »
Dom Paul Delatte (1848-1937), Commentaire sur la Règle de Saint Benoît (ch. VI), Paris, Plon-Nourrit et Cie / Maison Alfred Mame, 8e édition, 1913. -
Méditation - les petites fleurs de l'Amour
« Ne vous appliquez pas à la charité fraternelle et à l'humilité ; appliquez-vous à être un vase où Dieu vient demeurer : alors la charité fraternelle et l'humilité seront les seules attitudes possibles, que vous prendrez spontanément. Et quand vous y auriez manqué, fût-ce dix fois le jour, ressaisissez-vous tout de suite en JÉSUS, sans violence ni impatience contre vous-même. »
Charles Journet (1891-1975), Comme une flèche de feu, lettres, Le Centurion, Paris, 1981. -
Premier Vendredi du mois, dédié au Sacré-Coeur de Jésus
« A l'homme, il faut Dieu : Jésus le donne en se donnant. A l'humanité sainte, il faut la sainteté : Jésus la donne en paraissant. Toute continuité est rétablie. Jésus est l'équilibre du monde. Il est l'accomplissement de tout ce qui est humain et de tout ce qui est divin, Il est l'anneau qui manquait, l'anneau de l'ancienne et de la nouvelle alliance, Il est la rencontre de l'homme avec Dieu, la rencontre unique d'où a jailli l'étincelle de la charité. [...] Il a été la satisfaction totale, parce qu'il a satisfait à Dieu et qu'il a satisfait à l'homme. Jésus est tout ce qui manquait.
[...]
Ah ! heureux et bienheureux ceux qui, par la grâce des sacrements, ont pénétré dans les jardins de l'intelligence surnaturelle, heureux et bienheureux ceux qui reposent dans le cœur de leur Dieu et qui se réchauffent à sa vivante chaleur, heureux, à jamais heureux ceux pour qui tout le ciel est dans la petite hostie, à la contenance exacte de Jésus-Christ !... »
Ernest Psichari (1883-1914), Le voyage du Centurion (Deuxième Partie, chap.III), Louis Conard, Paris, 1916.
(Le voyage du Centurion, texte intégral en ligne) -
Méditation - le feu de la charité
« Tiens un flambeau allumé, et tiens-le droit, la flamme se dirige vers le ciel ; renverse-le, la flamme monte également ; tourne-le du côté de la terre, est-ce que la flamme y va ? De quelque côté que se dirige le flambeau, la flamme ne fait que s'élever vers le ciel. Que la ferveur spirituelle vous embrase ainsi du feu de la charité ; excitez-vous les uns les autres à chanter les louanges de Dieu et à vivre saintement. L'un est ardent, l'autre froid ; que la ferveur de l'un se communique à l'autre, que celui qui en a trop peu désire en avoir davantage et implore le secours du Seigneur. Le Seigneur est prêt à donner, aspirons à recevoir avec un cœur ouvert. »
St Augustin (354-430), Sermon CCXXXIV (Pour la semaine de Pâques, V. La Foi chrétienne). -
Méditation - « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu ? » (1 Cor 3,16)
« Désires-tu savoir si Dieu habite en toi, conformément à cette parole de l'Écriture : Dieu est admirable en ses saints (cf. Ps 67, 36) ? Scrute par un sincère examen de toi-même les replis de ton cœur et recherche sérieusement avec quelle humilité tu résistes à l'orgueil, quelle bienveillance tu opposes à l'envie, si tu ne te laisses pas prendre aux paroles flatteuses, et si tu te réjouis de ce qui arrive de bon aux autres. Refuses-tu de rendre le mal pour le mal, préfères-tu laisser les injures sans vengeance plutôt que de perdre l'image ressemblante de votre Créateur, lui qui, par des bienfaits donnés à tous, tâche d'amener tous les hommes à le connaître et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes et lever son soleil sur les méchants et sur les bons (Mt 5, 45) ?
Enfin, pour éviter les complications d'un examen trop inquiet, demande-toi si tu trouves au fond de ta conscience la charité, qui est la mère de toutes les vertus : si tu constates qu'elle emplit tout ton cœur d'amour pour Dieu et le prochain, au point qu'elle te fait désirer pour tes ennemis eux-mêmes les biens que tu souhaiterais pour toi, alors n'en doute pas, Dieu te guide, il habite en toi. »
St Léon le Grand (406-461). -
Méditation - Compassion et bienveillance
« Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain, ni rien qui tant soit peu le puisse offenser. Il ne faut pas toutefois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, mais parler rondement et dire franchement mal du mal, et blâmer les choses blâmables, quand l'utilité de celui de qui l'on parle le requiert ; car en cela, Dieu est glorifié. Et surtout, blâmer le vice et épargner le plus que l'on peut la personne à laquelle il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment seul suffit pour impétrer [obtenir] sa grâce. Et qui pourra assurer que celui qui était hier pécheur et méchant, le soit aujourd'hui ?
Quand nous regardons les actions du prochain, voyons-les dans le biais qui est le plus doux, et quand nous ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celui que, d'ailleurs, nous connaissons être bon, n'en jugeons point, mais ôtons cela de notre esprit et laissons le jugement à Dieu. Quand nous ne pouvons excuser le péché, rendons-le au moins digne de compassion, l'attribuant à la cause la plus supportable, comme à l'ignorance ou infirmité. La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en faut qu'elle l'aille chercher. »
St François de Sales, Lettre à Sainte Jeanne de Chantal, 1605-08 (Lettre 508, T.XIV édition d'Annecy). -
Méditation - l'amour en actes, désintéressé
« Jésus nous a témoigné son amitié par le don de Lui-même ; nous devons L'aimer d'un amour actif et dévoué. La charité ne consiste pas en paroles ou en émotions ; c'est l'inspiration nécessaire des oeuvres : « Ce ne sont pas ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. » (Mt VII, 21). - « Aimons donc, non avec la langue et en paroles, mais par des actes et en vérité. » (1 Jn III, 18). - Aimons, en nous oubliant nous-mêmes, pour la gloire de Jésus. Ne soyons pas sans cesse et uniquement préoccupés de notre mince personne dans le service divin ; c'est un reste d'idolâtrie, et Jésus ne veut pas d'idoles. Visons à l'amour désintéressé : c'est le seul véritable, ou du moins le seul parfait. Notre-Seigneur ne nous demande pas de Lui vendre notre cœur : « Mon fils, donne-moi ton cœur. » (Pr XXIII, 26), mais de le Lui offrir par un don spontané, généreux et sans retour. »
Méditations cartusiennes pour tous les jours de l'année, par un Chartreux, Tome premier (Jeudi de la quatrième semaine de l'Avent), Imprimerie de Parkminster, Sussex, 1920. -
Méditation - « Supportez-vous les uns les autres » (Ga 6,2 ; Col 13,3)
« Dieu vous ordonne d'aimer le prochain tel qu'il est, et avec toutes ses faiblesses : et ce sont les faiblesses mêmes du prochain qui doivent être la matière de votre charité. Si les gens étaient sans défaut, qu'aurions-nous à en souffrir ? Et n'ayant rien à souffrir de personne, comment accomplirions-nous cette divine leçon de saint Paul : Supportez-vous les uns les autres (Ga 6,2 ; Col 13,3) ? Mais que cet homme ne se corrige-t-il pas ? De se corriger, c'est son affaire ; mais de le supporter, quoiqu'il ne se corrige pas, c'est la vôtre. Faites ce qui est pour vous du devoir de la charité, et du reste n'examinez point si les autres font ce qu'ils doivent, ou s'ils ne le font pas, puisque vous n'aurez point à en rendre compte. »
Louis Bourdaloue s.j. (1632-1704), Pensées diverses sur la charité du prochain, in "Œuvres de Bourdaloue" Tome V (Pensées - De la charité chrétienne et des amitiés humaines), Paris, Lefevre - Pourrat Frères, 1888. -
Méditation - Un coeur pauvre pour aimer
« Si souvent on nous a répété que nous devions faire des efforts pour aimer les autres ou vaincre une antipathie, que nous en sommes venus à croire que l'amour du prochain dépendait de notre bonne volonté. Certes, l'amour fraternel requiert notre activité, mais celle-ci est accueillie dans les profondeurs de notre cœur où l'amour est répandu. Il en va de l'amour du prochain comme de la prière ; tant que nous essaierons de le produire au dehors de nous par les seuls efforts de l'intelligence ou de la volonté, nous échouerons lamentablement. Cet amour n'est pas une vertu morale. Avant d'aimer Dieu et ses frères, il faut vivre cette réalité : Dieu m'aime. C'est donc un amour reçu, c'est la vie du Ressuscité répandue en nos cœurs. La charité est toujours le fruit de la Pâque du Christ. On comprend alors qu'un cœur, un corps, entièrement pénétrés de la vie de l'Esprit connaissent, en même temps que la prière continuelle, un véritable amour du prochain.
À strictement parler, on ne fait pas d'effort pour la charité, on y risquerait bien des illusions sentimentales ou volontaristes... Mais vivant désapproprié, pauvre et désarmé, on est naturellement donné. C'est pourquoi le Christ insiste tant sur les Béatitudes, et surtout sur la pauvreté : un cœur pauvre sait accueillir l'amour et en donner. Le patriarche Athénagoras (*), qui était un homme de prière, était aussi un être de relation, capable de manifester à ses frères la tendresse de Dieu. Il disait au sujet de la pauvreté comme condition à l'amour :« Il faut mener la guerre la plus dure, qui est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer.
J'ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible. Mais maintenant, je suis désarmé. Je n'ai plus peur de rien car l'amour chasse la peur.
Je suis désarmé de la volonté d'avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres.
Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J'accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets. Si l'on m'en présente de meilleurs, ou plutôt non pas meilleurs, mais bons, j'accepte sans regrets. J'ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, réel, vrai, est toujours pour moi le meilleur.
C'est pourquoi je n'ai plus peur. Quand on n'a plus rien, on n'a plus peur.
Si l'on se désarme, si l'on se dépossède, si on s'ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors lui efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible ». »P. Jean Lafrance (1931-1991), La prière du cœur (V, 1), Abbaye Ste Scholastique, Dourgne, 1978.
Texte intégral en ligne (pdf)
(*) : Athénagoras Ier de Constantinople (1886-1972), patriarche de Constantinople du 1er novembre 1948 au 7 juillet 1972. Sa rencontre avec le pape Paul VI à Jérusalem en 1964 conduisit à la levée mutuelle des Bulles d'excommunication auxquelles avait aboutit le Grand Schisme de 1054. -
Méditation - Une grâce à demander
« Vous savez bien colorer et excuser vos fautes, et vous ne voulez pas recevoir les excuses des autres. Il serait plus juste de vous accuser vous-même et d'excuser votre frère. Si vous voulez qu'on vous supporte, supportez aussi les autres. Voyez combien vous êtes loin encore de la vraie charité et de l'humilité, qui jamais ne s'irrite et ne s'indigne que contre elle-même. Ce n'est pas une grande chose de bien vivre avec les hommes doux et bons, car cela plaît naturellement à tous ; chacun aime son repos, et s'affectionne à ceux qui partagent ses sentiments. Mais vivre en paix avec des hommes durs, pervers, sans règle, ou qui nous contrarient, c'est une grande grâce, une vertu courageuse digne d'être louée. »
Imitation de Jésus-Christ, Livre deuxième (3), Traduction de l'Abbé Félicité de Lamennais.
Texte intégral de l'Imitation en ligne : format pdf (à télécharger) - format html (pages web)(Crédit photo : Emma Harper on Unsplash)
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1er vendredi du mois, dédié au Sacré-Coeur de Jésus
« Ayons donc un cœur de Jésus-Christ, un cœur étendu, qui n'exclue personne de son amour. C'est de cet amour réciproque qu'il se formera une chaîne de charité, qui s'étendra du Cœur de Jésus dans tous les autres pour les lier et les unir inviolablement : ne la rompons pas ; ne refusons à aucun de nos frères d'entrer dans cette sainte union de la charité de Jésus-Christ. Il y a place pour tout le monde. Usons sans envie des biens qu'elle nous procure : nous ne les perdons pas en les communiquant aux autres ; mais nous les possédons d'autant plus sûrement : ils se multiplient pour nous avec d'autant plus d'abondance, que nous désirons plus généreusement les partager avec nos frères. [...] Aimons-nous donc dans le Cœur de Jésus. « Dieu est charité ; et qui persévère dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui. » (1Jn 4,16) »
(ou : « Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. »)
J.-B. Bossuet (1627-1704), Panégyrique de l'Apôtre Saint Jean (Troisième Point), in Œuvres complètes de Bossuet Vol XII, Publiés d'après les imprimés et les manuscrits originaux par F. Lachat, Paris - Librairie de Louis Vives, Éditeur, 1863.
Texte intégral à l'Abbaye Saint-Benoît de Port-Valais (Suisse). -
Méditation - Donner à chacun avec joie
« A qui prend ta tunique, dit le Christ, donne aussi ton manteau ; à qui prend ton bien, ne réclame pas ; et ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux (Mt 5,40 ; Lc 6,30-31). De la sorte, nous ne nous attristerons pas comme des gens qu'on aurait dépossédés contre leur gré, mais au contraire nous nous réjouirons comme des gens qui auraient donné de bon coeur, puisque nous ferons un don gratuit au prochain plus que nous ne céderons à la contrainte. Et, dit-il, si quelqu'un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en avec lui deux mille. De la sorte nous ne le suivons pas comme un esclave, mais nous le précédons comme un homme libre. En toutes choses donc le Christ t'invite à te rendre utile à ton prochain, ne considérant pas sa méchanceté, mais mettant le comble à ta bonté. Il nous invite ainsi à nous rendre semblable à notre Père « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). »
St Irénée de Lyon (v.130-v.208), Contre les hérésies, IV, 13, 3 (trad. cf SC n°100). -
Méditation - « n'importe qui peut être utile à son prochain »
« Est-il rien de plus dérisoire qu'un chrétien qui ne se soucie pas des autres ? Ne prends pas comme prétexte ta pauvreté : la veuve qui a mis deux petites pièces dans le tronc du Temple (Mc 12,42) se lèverait contre toi ; Pierre aussi, qui disait au boiteux : "Je n'ai ni or ni argent" (Ac 3,6), et Paul, si pauvre qu'il avait souvent faim. N'objecte pas ta condition sociale, car les apôtres étaient humbles aussi et de basse condition. N'invoque pas ton ignorance, car ils étaient des hommes sans lettres. Même si tu étais esclave ou fugitif, tu pourrais toujours faire ce qui dépend de toi. Tel était Onésime dont Paul fait l’éloge (Phm 1,10). Serais-tu de santé fragile ? Timothée l'était aussi. Oui, qui que nous soyons, n'importe qui peut être utile à son prochain, s'il veut vraiment faire ce qu'il peut.
Vois-tu combien les arbres de la forêt sont vigoureux, beaux, élancés ? Et cependant, dans nos jardins, nous préférons des arbres fruitiers ou des oliviers couverts de fruits. De beaux arbres stériles…, tels sont les hommes qui ne considèrent que leur propre intérêt…
Si le levain ne fait pas lever la pâte, il n’est pas un vrai ferment. Si un parfum n'embaume pas ceux qui approchent, pouvons-nous l'appeler un parfum ? Ne dis donc pas qu’il est impossible d’avoir une bonne influence sur les autres, car si tu es vraiment chrétien, il est impossible qu'il ne se passe rien ; cela fait partie de l'essence même du chrétien… Il serait aussi contradictoire de dire qu'un chrétien ne peut pas être utile à son prochain que de dénier au soleil la possibilité d'éclairer et de réchauffer. »
St Jean Chrysostome (v.345-407), Homélie 20 sur les Actes des apôtres (trad. cf. AELF). -
1er vendredi du mois, dédié au Sacré-Coeur de Jésus
« Si nous avions une étincelle de ce feu sacré qui embrasait le Coeur de Jésus-Christ, demeurerions-nous les bras croisés, et délaisserions-nous ceux que nous pouvons assister ? Non, certes ; car la vraie charité ne saurait demeurer oisive, ni nous permettre de voir nos frères et nos amis dans le besoin sans leur manifester notre amour ; et pour l'ordinaire les actions extérieures rendent témoignage de l'état intérieur. Ceux qui ont la vraie charité au-dedans la font apparaître au-dehors. C'est le propre du feu d'éclairer et d'échauffer, et c'est aussi le propre de l'amour de se communiquer. Nous devons aimer Dieu aux dépens de nos bras et à la sueur de notre visage. Nous devons servir le prochain aux dépens de nos biens et de notre vie. »
St Vincent de Paul, in "Élévations, Prières et Pensées", Paris, J. de Gigord, 1919.Gravure d’une brochure religieuse des années 1930
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Méditation - La charité n'est pas un luxe
« La charité chrétienne est trop souvent comprise d'une manière entièrement superficielle, comme si elle était synonyme de douceur, de bonté et d'affabilité. Elle comprend, certes, toutes ces vertus, mais elle les dépasse considérablement. Lorsque nous nous imaginons qu'être charitable, c'est seulement « être gentil » envers les autres, c'est généralement parce que nos vues sont étroites. [...]
Il n'y a pas de charité sans justice. Nous considérons trop souvent la charité comme une sorte de luxe moral, comme une vertu que nous pratiquons parce que nous le voulons bien, qui nous donne certains mérites aux yeux de Dieu tout en satisfaisant notre besoin intérieur de « faire le bien ». Cette charité est puérile, et même, dans certains cas, complètement irréelle. La vraie charité, c'est l'amour, et l'amour implique un souci profond des besoins de l'autre. Ce n'est pas une question de satisfaction personnelle, mais d'obligation stricte. Je suis tenu, par la loi du Christ et de l'Esprit, de m'intéresser aux besoins de mes frères, et surtout au besoin essentiel qu'ils ont d'être aimés. [...]
Le chrétien n'est pas digne de son nom s'il ne donne un peu de ce qu'il possède, un peu de son temps ou au moins de son intérêt pour aider ceux qui sont moins heureux que lui. Et son sacrifice doit être réel et non un geste de paternalisme qui enfle son moi tout en lui donnant la satisfaction d'aider « les pauvres » avec condescendance. »
Thomas Merton (1915-1968), Vie et Sainteté, Édition du Seuil, Paris, 1966. -
Méditation - Du précieux silence intérieur
« Vous devez être à la recherche de Dieu, l'appeler, courir après lui, lui dire sans cesse du matin au soir, et si vous êtes réveillé, du soir au matin : « Mon Dieu, où êtes-vous ? Donnez-vous à moi, je vous désire, je vous appelle, je vous cherche, j'ai besoin de vous. Vous n'avez pas besoin de moi pour être heureux, mais moi, je ne le suis pas sans vous. Mon cœur « a été fait pour vous et il est dans l'inquiétude tant qu'il ne se repose pas en vous. (1) » Il souffre quand il se rend compte qu'il ne vous aime pas, qu'il ne vous possède pas tout entier. » Voilà l'esprit d'oraison : un échange continuel de connaissance et d'amour, un tête-à-tête, un cœur-à-cœur. Y a-t-il une vie plus belle que celle-là ? [...]
Que le silence est précieux à cause de la liberté qu'il donne à l'âme d'écouter Dieu, de Lui parler, de le contempler ; qu'il est nécessaire et que vous devez bien le pratiquer. Ne vous contentez pas du silence extérieur, mais assurez l'intérieur. Faites taire l'imagination, ce qui vous occupe et vous préoccupe, ce que vous avez à faire ; laissez tomber tout cela. Détachez le cœur des mille riens inutiles qui l'encombrent.
[...] Une âme d'oraison se recueille, se sépare, se détache, se mortifie, se renonce pour trouver Dieu ; d'autre part cette âme le donne. Un centre lumineux éclaire, une source d'énergie se répand, un foyer d'amour embrase. Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter, ni de chercher comment cela se fera. Par le fait même que vous serez une âme d'oraison, vous compterez parmi ces âmes vraiment mortifiées et apostoliques, qui répandent dans le monde un peu plus de connaissance de Dieu, un peu plus de charité. »
1. St Augustin, Les Confessions I, 1.
Robert de Langeac [Abbé Augustin Delage p.s.s. (1877-1947)], La vie cachée en Dieu (I), La Vigne du Carmel, Éditions du Seuil, Paris, 1947. -
Méditation - De certaines apparences trompeuses
« Chacun peint la dévotion selon sa passion et fantaisie. Celui qui est adonné au jeûne se tiendra pour bien dévot pourvu qu’il jeûne, quoique son cœur soit plein de rancune ; et n’osant point tremper sa langue dedans le vin ni même dans l’eau, par sobriété, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la médisance et calomnie. Un autre s’estimera dévot parce qu’il dit une grande multitude d’oraisons tous les jours, quoiqu’après cela sa langue se fonde toute en paroles fâcheuses, arrogantes et injurieuses parmi ses domestiques et voisins. L’autre tire fort volontiers l’aumône de sa bourse pour la donner aux pauvres, mais il ne peut tirer la douceur de son cœur pour pardonner à ses ennemis ; l’autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses créanciers, jamais qu’à vive force de justice. Tous ces gens-là sont vulgairement tenus pour dévots, et ne le sont pourtant nullement. [...] ainsi beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions extérieures appartenant à la sainte dévotion, et le monde croit que ce soient gens vraiment dévots et spirituels ; mais en vérité ce ne sont que des statues et fantômes de dévotion.
La vraie et vivante dévotion, ô Philothée, présuppose l’amour de Dieu, mais elle n’est autre chose qu’un vrai amour de Dieu ; mais non pas toutefois un amour tel quel : car, en tant que l’amour divin embellit notre âme, il s’appelle grâce, nous rendant agréables à sa divine Majesté ; en tant qu’il nous donne la force de bien faire, il s’appelle charité ; mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, mais nous fait opérer soigneusement, fréquemment et promptement, alors il s’appelle dévotion. »
St François de Sales, Introduction à la vie dévote (Chap.I, 1), in "Œuvres", Éditions Gallimard, 1969.