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marie noël

  • Prière

    « Mon Dieu, source sans fond de la douceur humaine,
    Je laisse en m’endormant couler mon cœur en Vous
    Comme un vase tombé dans l’eau de la fontaine
    Et que Vous remplissez de Vous-même sans nous.

    En Vous demain matin je reviendrai le prendre
    Plein de l’amour qu’il faut pour la journée. Ô Dieu,
    Il n’en tient guère, hélas ! Vous avez beau répandre
    Vos flots en lui, jamais il n’en garde qu’un peu.

    Mais renouvelez-moi sans fin ce peu d’eau vive,
    Donnez-le moi dès l’aube, au pied du jour ardu
    Et redonnez-le moi lorsque le soir arrive,
    Avant le soir, Seigneur, car je l’aurai perdu.

    Ô Vous de qui le jour reçoit le jour sans trêve,
    Par qui l’herbe qui pousse est poussée en la nuit,
    Qui sans cesse ajoutez à l’arbre qui s’élève
    L’invisible hauteur qui dans l’air le conduit,

    Donnez à mon cœur faible et de pauvres limites,
    Mon cœur à si grand'peine aimant et fraternel,
    Dieu patient des œuvres lentes et petites,
    Donnez à chaque instant mon amour éternel. »

    Marie Noël (1883-1967), Les Chants de la Merci
    (Prélude et Exercices, III. Prière)
    Les Éditions G. Crès et Cie, Paris, 1930.

    fontaine-3a.jpg

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  • Poème - Rien n'est vrai que d'aimer...

    « Rien n’est vrai que d’aimer… Mon âme, épuise-toi,
    Coule du puits sans fond que Jésus te révèle,
    Comme un flot que toujours sa source renouvelle,
    Et déborde, poussée en tous sens hors de moi.

    Quels usages prudents te serviront de digue ?
    Donne tout ! Donne plus et sans savoir combien.
    Ne crains pas de manquer d'amour, ne garde rien
    Dans tes mains follement ouvertes de prodigue.

    Qu'aimeras-tu ? Quel temps perdrons-nous à ce choix ?
    Aime tout ! Tout t'est bon. Sois aveugle, mais aime !
    Le plus près, le plus loin, chacun plus que toi-même
    Et, comment ce miracle, ô Dieu, tous à la fois.

    Celui qui t'est pareil, celui qui t'est contraire.
    Et n'aime rien uniquement pour sa beauté :
    L'enchantement des yeux leur est trop vite ôté,
    Du charme d'aujourd'hui demain te vient distraire.

    N'aime rien pour ses pleurs : les larmes n'ont qu'un jour ;
    N'aime rien pour son chant : les hymnes n'ont qu'une heure...
    Ô mon âme qui veux que ton amour demeure,
    Aime tout ce qui fuit pour l'amour de l'amour.

    Aime tout ce qui fuit sur la terre où tu passes,
    Le long de ton chemin aveugle et sans arrêts :
    Les herbes des fossés, les bêtes des forêts,
    Les matins et les soirs, les pays, les espaces.

    Aime, l'enthousiasme est fort comme la mer
    Qui d'un seul mouvement emporte les navires.
    Laisse aller tes destins au fil de ses délires
    Sans goûter si le flot qui te pousse est amer.

    Rien n'est vrai que d'aimer, mon âme, et d'être dupe.
    Si tu cherches un cœur où reposer ton front
    Et si tu te sens lasse au bout de quelque affront,
    Qu'est-ce que cet amour que son gain préoccupe ?

    Ô préteuse sans fin de biens jamais rendus,
    Laisse abuser chacun de ta folle abondance,
    Tant que jetés au vent de l'amour sans prudence,
    Ta paix, tes jours, ta force et ton cœur soient perdus.
    [...]

    Rien n'est vrai que d'aimer et que d'aimer toujours !
    Tes aimés passeront mais ton amour demeure
    Malgré les renouveaux qui te changent de leurre
    Et les petites morts des petites amours.

    Et tant qu'il y aura des vivants d'heure en heure
    Menant leur sort à la rencontre de ton sort,
    Ou t'ayant devancée au delà de la mort...
    Toi-même, disparais, mais ton amour demeure !

    Mon amour ! Mon amour ! quand ce cœur arrêté
    Ne te contiendra plus... à ta source première,
    A Jésus remontant d'un grand jet de lumière,
    Mon amour, sois mon Dieu toute l'éternité ! »

    Marie Noël (1883-1967), Les chansons et les heures, « À tierce » (extraits)
    Les Éditions G. Crès et Cie, Paris, 1928.

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  • Poème - Annonciation

    « La Vierge Marie a fermé les yeux
    Et voilé son cœur de ses deux paupières
    pour ne plus rien voir, pour entendre mieux
    Un souffle qui fait trembler ses prières...

    Un frisson le long du petit jardin
    A couru... Qui vient ? La feuille nouvelle ?
    Qui passe ?... Un oiseau sort du ciel. Soudain,
    La graine des champs les sent partir d'elle.

    Le vent sur le toit vient de rencontrer
    Dessus, un oiseau que l'azur apporte.
    Qui vole ?... Le ciel a poussé la porte,
    La porte a chanté, un Ange est entré.

    Un Ange a parlé tout bas dans la chambre.
    Toi seule, ô Marie, entends ce qu'il dit,
    Toi seule dans l'ombre et le Paradis.
    Il a semé Dieu tout grand dans tes membres.

    Je ne l'ai pas vu. Mais en s'en allant,
    - J'étais sur le pas ému de la porte -
    Il a laissé choir dans mon coeur tremblant
    Un grain murmurant du Verbe qu'il porte.

    Il a fait tomber à la place en moi
    La plus ignorée et la plus profonde,
    Un mot où palpite on ne sait quoi,
    Un mot dans mon sein pour le mettre au monde.

    Ah ! comment un mot sortira-t-il bien
    De moi que voilà qui suis peu savante ?
    Mais le Saint-Esprit - je suis sa servante -
    S'Il veut qu'il me naisse y mettra du sien.

    ......................................

    La Vierge Marie est dans son bonheur.
    La Vierge Marie est là qui se noie
    Dans le miel de Dieu. L'épine est en fleur
    Autour du jardin, autour de ma joie.

    Il y a dans toi, Vierge, un petit Roi,
    Ton petit enfant, un Dieu ! Trois ensemble !
    Et nul ne s'en doute. Il y a dans moi
    Un petit oiseau dont le duvet tremble... »

    Marie Noël (1883-1967), Le Rosaire des joies ("Annonciation", extrait), Crès, 1930.

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    Fra Angelico (v.1395–1455), Annonciation faite à Marie
    Musée du Prado de Madrid (Espagne)

  • Méditation - Simple sainteté

    « Le Saint, ce n'est pas quelqu'un de parfait, ce n'est pas quelqu'un de valeur, c'est quelqu'un qui ne vaut rien, c'est quelqu'un qui n'est rien.
    Mais, par ce rien, Dieu passe, comme l'eau d'une source par le vide grand ouvert d'un conduit, pour aller donner aux âmes sa Grâce à boire.
    Le Saint est bon conducteur de Dieu. »

    Marie Noël (1883-1967), Notes intimes (p.296), Stock, 1959.

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    « Les saints sont ceux en qui Dieu fait tout. Et ces saints ne sont pas nécessairement sur les autels. Marie Noël savait par expérience que la sainteté n'est pas une question de vertus resplendissantes, de qualités éminentes, de sacrifices héroïques, bref que ce n'est pas la perfection, mais l'amour. Elle en arrive à cette définition : "La sainteté, c'est Moi, Dieu, en toi, l'homme" (Notes intimes, p.61). Ainsi la sainteté se trouve dans cette union étroite de notre volonté à celle de Dieu. Nous nous laissons aimer par Dieu. Cette union se vit toujours dans l'humilité que l'on découvre comme un vide et que l'on accueille comme une grâce, puisque Dieu nous remplit à la mesure infinie de son amour. »

    Jacques Gauthier, Tous appelés à la sainteté, Parole et Silence, 2008.

  • Poème - Épiphanie

    « Il était trois grands rois jadis
    Qu'une étoile du Paradis
    Un soir mena jusqu'au lieu-dit
    Où le Seigneur était petit.

    Ils partirent pour voir l'Enfant,
    Montés sur leurs trois éléphants.
    Un nègre en pantalons bouffants
    Jouait de la flûte devant.

    Derrière allaient deux nains jumeaux
    En balançant de grands plumeaux...
    Ils traversèrent les hameaux,
    Suivis de trente-trois chameaux.

    Ils passèrent de bourg en bourg,
    précédés de quatre tambours,
    S'interrogeant aux carrefours
    De peur de marcher à rebours.

    Mais à l’Étable droit conduits,
    Ils arrivèrent à minuit
    Non sans faire quelque grand bruit...
    Saint Joseph entrebâilla l'huis.

    Ceints de pourpre qui resplendit,
    Ils entrèrent. La Vierge dit :
    "Prenez garde, sires hardis,
    De faire peur à mon petit".

    Mais les trois rois, très bas, très doux,
    Baissant le front, ployant le cou,
    Se prosternèrent tout d'un coup
    Disant : "Ayez pitié de nous".

    Et dans leurs trésors ayant pris,
    Ils offrirent à Jésus-Christ
    L'or, l'encens, la myrrhe prescrits
    Plus un don qui n'est pas écrit :

    La galette dorée au lait
    Où leurs reines dans leurs palais
    Ont pétri farine, œufs, sel et
    La fève sans dire où elle est.

    Lors tout riant le petit Dieu
    De les voir si beaux, si pieux,
    Leur fourra son doigt dans les yeux
    Et tira la barbe au plus vieux.

    Et le vieux roi barbu savant,
    Et grave, et triste bien souvent
    D'avoir souffert à tous les vents
    Aussitôt redevint enfant.

    Et quoique ayant eu des malheurs
    Après - tous les rois ont les leurs -
    Ce sire, malgré maux et pleurs,
    Mourut à cent ans l'âme en fleur.

    Veuille, ô Jésus, nous qu'ont raidis
    Le temps passé, les ans partis,
    Comme lui nous garder petits
    Jusqu'aux portes du Paradis. »

    Marie Noël (1883-1967), Les chansons et les heures,
    Paris, Éditions G. Crès et Cie, 1928.

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    Charles-André van Loo (1705-1765), L'Adoration des Mages
    Los Angeles County Museum of Art

    (Crédit photo)

  • Poésie : Vision (extrait)

    «       ............
    Je n'ai pas de chemin, je n'ai pas de demeure
           Hors de Toi...

    Et tes saints ont raison pourtant. Il faut les croire.
           Ils font bien
    De me chasser de leur royaume et de leur gloire
           Comme un chien.

    Leur royaume... Est-ce là ce qui me fait envie ?
           O mon Dieu,
    Tu sais bien qu'il suffit d'un peu d'ombre à ma vie,
           Rien qu'un peu.

    Que je n'ai pas besoin de gloire et presque même
           Pas besoin
    De leur bonheur trop grand pour moi pourvu que j'aime
           Dans un coin.

    Qu'on les loue à jamais, qu'à jamais on m'oublie,
           A jamais,
    Puisqu'il faut que ta verge à leurs yeux m'humilie,
           Seigneur, fais !

    Je n'ai pas mérité de fixer ma prunelle
           Sur leurs cieux !
    Soit ! Éteins à jamais la lumière éternelle
           Dans mes yeux.

    Je n'ai pas mérité d'entendre leur cantique :
           A jamais,
    Soit ! jette sur mes sens un silence hermétique,
           Noir, épais.

    Mais dans ton sein garde mon cœur à tout le monde
           Bien caché,
    Comme un petit oiseau qui dans ta main profonde
           S'est niché.

    Un grésil à tes pieds tombé de quelque globe,
           Un fétu,
    Un duvet que le vent dans un pli de ta robe
           A perdu.

    Je ferai si peu d'ombre, ô Dieu, dans ta lumière
           Que bien sûr
    Les saints ne me verront pas plus qu'une poussière
           Dans l'azur.

    Mais Toi qui me verras en Toi comme une tache,
           Nuit et jour,
    Si j'offense ta vue, à son refuge arrache
           Mon amour.

    Écarte-moi du pied ou plutôt sur mon âme
           Peu à peu
    Efface mon péché. N'as-tu pas de la flamme
           Et du feu ?

    Appelle la douleur, Dis un mot, Fais un geste,
           Seigneur, fais !
    Fais-moi souffrir, nettoie en moi tout ce qui reste
           De mauvais.

    Vite, ne laisse rien en moi qui te déplaise,
           O mon Roi !
    Fais-moi vite souffrir mais viens dans la fournaise
           Avec moi. »

    Marie Noël (1883-1967), Les Chansons et les Heures (Vision, IV, strophes finales),
    Paris, Éditions G. Crès et Cie, 1928.

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  • Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

    « La Vierge Marie a fermé les yeux
    Et voilé son cœur de ses deux paupières
    pour ne plus rien voir, pour entendre mieux
    Un souffle qui fait trembler ses prières...

    Un frisson le long du petit jardin
    A couru... Qui vient ? La feuille nouvelle ?
    Qui passe ?... Un oiseau sort du ciel. Soudain,
    La graine des champs les sent partir d'elle.

    Le vent sur le toit vient de rencontrer
    Dessus, un oiseau que l'azur apporte.
    Qui vole ?... Le ciel a poussé la porte,
    La porte a chanté, un Ange est entré.

    Un Ange a parlé tout bas dans la chambre.
    Toi seule, ô Marie, entends ce qu'il dit,
    Toi seule dans l'ombre et le Paradis.
    Il a semé Dieu tout grand dans tes membres.

    Je ne l'ai pas vu. Mais en s'en allant,
    - J'étais sur le pas ému de la porte -
    Il a laissé choir dans mon cœur tremblant
    Un grain murmurant du Verbe qu'il porte.

    Il a fait tomber à la place en moi
    La plus ignorée et la plus profonde,
    Un mot où palpite on ne sait quoi,
    Un mot dans mon sein pour le mettre au monde.

    Ah ! comment un mot sortira-t-il bien
    De moi que voilà qui suis peu savante ?
    Mais le Saint-Esprit - je suis sa servante -
    S'Il veut qu'il me naisse y mettra du sien.

    ......................................

    La Vierge Marie est dans son bonheur.
    La Vierge Marie est là qui se noie
    Dans le miel de Dieu. L'épine est en fleur
    Autour du jardin, autour de ma joie.

    Il y a dans toi, Vierge, un petit Roi,
    Ton petit enfant, un Dieu ! Trois ensemble !
    Et nul ne s'en doute. Il y a dans moi
    Un petit oiseau dont le duvet tremble... »

    Marie Noël (1883-1967), Le Rosaire des joies ("Annonciation", extrait), Crès, 1930.

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  • Méditation - Poésie : Chant de la Divine Merci

    « Dieu grand, Dieu saint, Dieu sans faute,
    Puisque Vous ne voulez pas
    Qu'en marchant sur terre j'ôte
    Leur malheur à ceux d'en bas ;

    Puisqu'il vous est nécessaire
    Pour votre travail de Dieu
    Comme à l'homme la misère
    Du bois souffrant pour son feu ;

    La nuit de la créature,
    Puisqu'il faut sans doute afin
    De vous aider qu'elle dure,
    Je lui donnerai la main.

    La détresse de la terre,
    Tant qu'il la faudra, mon Dieu,
    Mêler à votre mystère,
    Je lui baiserai les yeux.

    Ah ! faites, immense Père,
    Faites vite, Père obscur,
    Ce que Vous avez à faire,
    Si vaste, si long, si dur !

    Moi, je porte cette foule.
    Je soutiendrai dans mes mains
    Humaines d'où le sang coule,
    Le poids de ces fronts humains.

    Les affamés de ce monde,
    Les faibles et leur langueur,
    Viendront manger à la ronde
    Le pain que j'ai dans le cœur,

    Et pendant que je les mène
    Se refaire en mon amour,
    Ils apercevront leur peine
    Qui devient ciel alentour.

    Et pendant qu'en moi je serre
    Ces errants que j'ai trouvés,
    Ils verront dans leur misère
    Un royaume se lever.

    Et pendant que je les aime
    A mourir pour eux de mort,
    Ils se diront que Vous-même
    Les aimez malgré leur sort.

    Que s'ils souffrent, si je souffre
    Avec eux si tendrement,
    C'est que Vous dans votre gouffre
    Ne pouvez faire autrement.

    Et les pauvres pleins de peine,
    Fermant les yeux dans mon cœur,
    Attendront là l'incertaine
    Bonté de votre labeur.

    Les pauvres gens sans science,
    Se confiant au ciel noir,
    Mêleront leur patience
    A votre œuvre sans la voir.

    Et tant qu'ô main paternelle,
    Dans l'ombre vous n'aurez pas
    Fini la chose éternelle,
    Je les tiendrai dans mes bras,

    Dans mes bras grands ouverts d'homme
    Crucifié, mais pendant
    Que leur douleur et moi sommes
    Sous la charge haletants,

    Tenez vos portes ouvertes,
    Pour que je ramène ici
    Ces pauvres âmes désertes
    Et ces pauvres corps transis,

    Préparez la grand'lumière,
    Préparez le feu, la paix,
    Pour que sitôt la dernière
    Sueur versée, à jamais,

    Tous ensemble, eux, moi, vous, comme
    Des frères au même lieu,
    Ils se reposent d'être homme,
    Et nous, Père, d'être Dieu. »

    Marie Noël (1883-1967), extrait du "Chant de la Divine Merci" in Les Chants de la Merci, Éditions Crès et Cie, Paris, 1930.

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