Mes frères,
En célébrant avec vous la messe ici, tout près du tombeau de saint Louis Marie Grignon de Montfort, comment ne pas laisser raisonner jusqu’à nous ses vigoureux appels à être des “amis de la Croix” ?
Car la messe n’est rien d’autre que cela : la Croix rendue présente, la Croix renouvelée, la Croix offerte à nouveau pour que nous puissions la faire nôtre.
Pour saint Louis-Marie, la Croix, c’est la sagesse suprême, c’est l’expression parfaite de cette sagesse qu’est l’amour divin.
Chers frères, quand le bon Père de Montfort parle de la sagesse seulement humaine ou mondaine, il emploie des mots qui aujourd’hui nous choquent par leur violence. C’est que saint Louis-Marie a expérimenté l’abîme qu’il y a entre la sagesse de la Croix d’un côté, et la logique du monde de l’autre. Nous ne sommes pas appelés à être sages selon le monde. Nous ne sommes pas appelés à être des experts, des assistants sociaux, des militants politiques. Nous ne sommes pas appelés à réussir en ce monde.
Au contraire, nous sommes appelés à tout perdre, comme le Christ sur la Croix. Nous sommes appelés au dépouillement absolu. Car l’amour total suppose le don total.
Chers frères religieux, nous n’avons plus rien à perdre, car nous avons déjà tout donné !
Tel est, au fond, le sens de l’amour de Grignon de Montfort pour la pauvreté. Saint Louis-Marie écrivait dans un de ses cantiques : “La Pauvreté, Jésus a fondé sur elle, l’Eglise et la religion. C’est par là qu’il faut qu’on commence pour atteindre la sainteté. Autrement on n’est qu’impuissance, que tiédeur et qu’instabilité.”
Mes frères, chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie nous sommes appelés à entrer dans cette pauvreté du Christ. Comment le suivre si nous ne manquons de rien ?
Comment être son disciple si nos espoirs sont ce monde, si nous sommes attachés à notre réussite mondaine. Ici même en1996, saint Jean-Paul II a exhorté les religieux à entrer toujours plus profondément dans la ligne du dépouillement de soi, dans la ligne de la Croix par la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Il n’y a pas d’autre moyen pour suivre pleinement le Christ pauvre que de se dépouiller de tout par les Conseils évangéliques.
Mes frères, je crois que c’est le sens le plus profond de ce que Grignon de Montfort a appelé la Consécration de soi-même à Jésus Christ par Marie. Se consacrer qu’est-ce sinon se donner tout entier à Dieu, à Dieu seul comme dit saint Louis-Marie ?
Il a trouvé cette voie : en donnant tout à Marie, y compris ses richesses intérieures, on peut se dépouiller parfaitement. Marie alors nous prend, nous appauvrit de ce qui nous encombre. Elle nous conduit à la Croix. Elle nous configure au Crucifié, elle nous enlève tout, pour que nous ne soyons alourdis de rien. Alors dans ce dénuement radical nous entrons dans la Sagesse éternelle de Dieu, dans cet amour qui n’a plus rien du monde. Nous goûtons la Sagesse de la Croix. Alors seulement parce que nous avons aimé Dieu seul, nous pouvons aimer en vérité nos frères !
L’amour de saint Louis-Marie pour les pauvres n’était pas sociologique mais christologique. En eux, il voyait LE pauvre absolu, celui qui n’a plus rien : le Christ crucifié. Il écrivait encore dans ses cantiques : “Qu’est-ce qu’un pauvre ? Il est écrit qu’il est la vive image, le lieutenant de Jésus-Christ. Mais pour mieux dire encore, ils sont Jésus-Christ même. On aide ou on refuse en eux ce monarque suprême.”
Pour entrer dans cette pauvreté, redisons donc avec Louis-Marie :
“O Sagesse éternelle et incarnée ! O très aimable et adorable Jésus, vrai Dieu et vrai homme, Fils unique du Père éternel et de Marie toujours Vierge ! Je vous adore profondément dans le sein et les splendeurs de votre Père, pendant l’éternité et dans le sein virginal de Marie, votre très digne Mère, dans le temps de votre incarnation.
Je vous rends grâces de ce que vous vous êtes anéanti vous-même en prenant la forme d’un esclave, pour me tirer du cruel esclavage du démon ; je vous loue et glorifie de ce que vous avez bien voulu vous soumettre à Marie votre sainte Mère, en toutes choses, afin de me rendre par elle votre fidèle esclave.
O Marie, Moi, pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd’hui entre vos mains les voeux de mon baptême : je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres, et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n’ai été jusqu’ici.
Je vous choisis aujourd’hui, O Marie, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et ma Maîtresse. Je vous livre et consacre, en qualité d’esclave, mon corps et mon âme, mes bien intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité.”
Amen !
Source : InfoCatho.fr.