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St Augustin - Page 4

  • 23 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les marchands du Temple (Lc 19, 45-48)

    « 2. Il y avait une figure, quand le Seigneur chassa du temple ces hommes qui cherchaient leurs intérêts, et n’y entraient que pour vendre et acheter (Jn II, 15). Or, si ce temple était une figure, il devient évident que le corps de Jésus-Christ, qui est le véritable temple, et dont cet autre n’était que la figure, renferme aussi des vendeurs et des acheteurs, ou des hommes qui recherchent leurs intérêts, et non pas ceux de Jésus-Christ (Ph II, 21). Mais un fouet de cordes va les en chasser. La corde en effet signifie les péchés, comme il est dit par un Prophète : "Malheur à ceux qui traînent leurs péchés, comme une longue chaîne (Is V, 18) ". Or, c’est traîner ses péchés comme une longue chaîne qu’ajouter péchés sur péchés ; que recouvrir un péché que l’on vient de commettre par un autre que l’on commet ensuite. De même en effet, que pour faire une corde on joint filasse à filasse, et qu’on la tord au lieu de la tirer en droite ligne, de même, ajouter l’une à l’autre des actions perverses et qui sont des péchés, aller de faute en faute et enrouler péché sur péché, c’est en composer une longue chaîne. "Leurs voies sont contournées, leurs démarches tortueuses (Jb, VI, 18)". Mais à quoi servira cette corde, sinon à leur lier les pieds et les mains pour les jeter dans les ténèbres extérieures ? Vous savez ce que dit l’Evangile à propos de certain pécheur : "Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c’est là qu’il y aura pleur et grincement de dents (Mt XXII, 13)". Il n’y aurait pas moyen de lui lier les pieds et les mains, si lui-même ne s’était fait une corde. De là ce mot si clair d’un autre endroit : "Chacun est garrotté par les liens de ses péchés (Pr V, 22)". C’est donc parce que les hommes sont frappés par les cordes de leurs péchés que le Seigneur se fit un fouet avec des cordes, et qu’il chassa du temple ceux qui cherchaient leurs intérêts, et non ceux du Christ (Jn II, 15 ; Ph II, 21).

    3. Tel est donc le temple qui parle dans notre Psaume. C’est dans ce temple, ai-je dit, que l’on prie le Seigneur ; c’est là, et non dans le temple matériel, qu’il nous exauce en esprit et en vérité. Car le temple de Jérusalem n’était qu’une figure qui annonçait l’avenir ; et voilà pourquoi il est tombé ; mais la maison de notre prière est-elle tombée ? Loin de là ; car ce n’est point ce temple qui est tombé que l’on pouvait appeler maison du Seigneur, et dont il est dit "Ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière". Vous entendez en effet cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : "Il est écrit", nous dit-il, "que ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs (Mt XXI, 12, 13)". Mais ceux qui ont pu faire de la maison de Dieu une caverne de voleurs, ont-ils bien pu détruire ce même temple (Jn II, 19) ? De même ceux qui dans l’Eglise catholique ont unie vie déréglée, font de la maison de Dieu une caverne de voleurs, autant qu’il est en eux ; mais ils n’en renversent point le temple. Un temps viendra qu’ils en seront chassés par le fouet de leurs iniquités. Or, ce temple de Dieu, ce corps du Christ, cette assemblée des fidèles n’a qu’une même voix, et chante notre Psaume comme un seul homme. Déjà nous avons entendu sa voix dans bien des psaumes, écoutons-la encore dans celui-ci. C’est notre voix, si nous le voulons ; si nous le voulons encore, écoutons de l’oreille et chantons du coeur, Si nous refusons, au contraire, nous serons dans ce temple comme des vendeurs et des acheteurs, c’est-à-dire, cherchant nos propres intérêts. Nous entrerons dans l’Eglise, non pour y chercher ce qui est agréable aux yeux de Dieu. Que chacun de vous, dès lors, examine sa manière d’écouter, s’il écoute pour tourner en dérision, s’il écoute pour négliger ce qu’il entend, s’il écoute pour correspondre, c’est-à-dire, s’il reconnaît sa propre voix et s’il joint la voix de son coeur à la voix qu’il entend. Notre Psaume néanmoins ne laisse point de chanter: que ceux-là s’en instruisent qui le peuvent, et même qui le veulent ; pour ceux qui ne le veulent point, qu’ils ne soient un obstacle pour personne. Que l’on nous prêche l’humilité; c’est ainsi qu’il commence.

    4. "Seigneur, mon coeur ne s’est point élevé". L’interlocuteur a offert un sacrifice. Comment prouver qu’il a offert un sacrifice ? C’est qu’il y a sacrifice dans l’humilité du coeur. Il est dit dans un autre Psaume : "Si vous eussiez voulu un sacrifice, je vous l’eusse offert (Ps L, 18)". Le Prophète voulait alors satisfaire à Dieu pour ses péchés, l’apaiser et en recevoir le pardon de ses fautes. Et comme s’il se fût demandé comment il l’apaiserait : "Si vous eussiez voulu un sacrifice", dit-il, "je vous l’eusse offert ; mais les holocaustes ne vous seront point agréables". C’est donc en vain qu’il cherchait, pour apaiser le Seigneur, des béliers, des taureaux, ou toute autre victime. Quoi donc ! parce que le Seigneur n’agrée pas les holocaustes, ne recevra-t-il point le sacrifice, et sans sacrifice pourra-t-on l’apaiser ? S’il n’y avait aucun sacrifice, il n’y aurait aucun prêtre. Et toutefois, nous avons un prêtre qui intercède pour nous auprès de son Père (Hb IX, 12). Car il est entré dans le Saint des Saints, dans l’intérieur du voile, où le grand prêtre entrait en figure une fois l’année seulement, comme Notre-Seigneur n’a été offert qu’une fois dans le cours des temps. C’est lui-même qui s’est offert, lui le prêtre, lui la victime, qui est entré une fois dans le Saint des Saints, qui ne meurt plus ; la mort n’aura plus d’empire sur lui (Rm VI, 9). Nous sommes donc en sûreté, puisque nous avons ce grand prêtre dans le ciel ; offrons aussi une victime. Et toutefois, voyons quel sacrifice nous devons offrir : car notre Dieu n’aime point les holocaustes, comme il est dit dans le Psaume, lequel néanmoins nous désigne aussitôt le sacrifice que nous devons offrir : "Le sacrifice agréable à Dieu est une âme brisée de douleur ; vous ne rejetterez pas, ô Dieu, un coeur contrit et humilié (Ps L, 19)". Si donc le coeur humilié est un sacrifice à Dieu, il a offert ce sacrifice celui qui a dit : "Seigneur, mon coeur ne s’est point élevé". Vois encore ailleurs qu’il offre un sacrifice, quand il dit à Dieu : "Voyez mon humiliation et mon labeur, et pardonnez-moi tous mes péchés (Id. XXIV, 18). »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume CXXX (2-4).

    Source : jesusmarie.com

    ou

    Traduits par M. l’abbé Morisot, 1875.

  • 20 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Zachée (Lc 19, 1-10)

    1. « Jésus étant entré à Jéricho parcourait cette ville, et voici qu'un homme appelé Zachée etc.(Lc XIX, 1 et suiv.) » Nous venons d'entendre dans l'Evangile l'histoire de Zachée, dans laquelle nous admirons l'excellence de ses dispositions et la libéralité sans borne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Zachée monte sur un arbre afin de suppléer à la petitesse de sa taille qui ne lui aurait pas permis d'apercevoir le Sauveur ; il désire contempler les traits de Celui qu'il aimait déjà dans son coeur ; il veut voir de ses yeux Celui qu'il n'avait vu que par la pensée. Il se tenait debout sur l'arbre, mais quelque chose lui disait déjà que Jésus-Christ s'offrirait comme victime sur l'arbre de la croix. Zachée vit le Seigneur qui passait, mais il fut encore mieux regardé par le Sauveur lui-même, qui ne craignit pas de lui offrir ce qu'il n'osait pas demander. La majesté divine l'aperçut et lui dit : « Zachée, descendez promptement, parce qu'il me faut demeurer aujourd'hui chez vous (Ibid. 5) ». Déjà en possession du coeur de Zachée, le Seigneur veut encore aller prendre possession de sa demeure. Il y vient, trouve Zachée préparant un festin spirituel, admire sa foi et se dispose à la proposer comme modèle à tous les assistants. Zachée reçut le Sauveur avec les démonstrations de la foi la plus vive ; le Sauveur, après être entré dans son coeur, entra dans sa maison.

    2. O bonheur du bienheureux Zachée ! Il possède maintenant, devenu son hôte, Celui dont la vue seule lui procurait naguère tant de joie. Mais admirons ce qu'il offre comme présent de bonne venue : « Voici », dit-il, « la moitié de mes biens, je la donne aux pauvres ; et si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rendrai quatre fois autant (Ibid. 8) ». Zachée offrit tout ce qu'il possédait. O dévouement admirable ! Il fit de son bien deux parts, l'une destinée aux oeuvres de miséricorde et l'autre aux réparations exigées par la justice. Il ne veut conserver aucune richesse injustement acquise, afin de s'assurer un jugement plus favorable au tribunal de Jésus-Christ, en obtenant le pardon de ses injustices et en méritant la gloire promise aux oeuvres de miséricorde. Ne nous étonnons donc pas que Jésus-Christ fasse son éloge, qu'il exalte sa foi et qu'il applaudisse à la libéralité. « En vérité, je vous le dis, aujourd'hui le salut est venu de Dieu dans cette maison, et celui-ci est véritablement le fils d'Abraham (Ibid. 9) ». Cette maison reçut par la foi le salut qu'autrefois elle avait perdu par la rapine.

    3. Zachée, louez et tressaillez, car c'est en montant sur le sycomore que vous avez mérité ce bienfait ; le sycomore est une espèce d'arbre très peu connu en Afrique ; le fruit qu'il produit ressemble assez à la figue sauvage. Pourquoi donc Zachée a-t-il vu Jésus-Christ ? Parce qu'il n'a pas eu peur des opprobres de la croix : un Dieu suspendu à la croix, un Dieu crucifié, c'est une folie aux yeux des hommes ; mais pour Zachée, c'est un objet d'admiration, car : « Ce qui nous paraît une folie en Dieu, est en réalité pour les hommes le comble de la sagesse (I Co I, 25) ». Zachée devint enfant d'Abraham par la foi, et non par la race ; par son mérite et non par la naissance ; par sa piété et non par le sang. Il éprouva d'abord un violent désir de voir le Seigneur, et il le vit comme il l'avait désiré. C'est ainsi qu'« Abraham votre père a désiré voir mon jour, il l'a vu et s'est senti comblé de joies (Jn VIII, 56) ». Zachée a reçu le Seigneur comme Abraham l'avait reçu ; mais Abraham le reçut avec les anges, tandis que Zachée le reçut avec les Apôtres ; alors le Seigneur se dirigeait vers Sodome ; aujourd'hui il parcourait la Judée. La bénédiction divine donna un fils à Abraham, tandis que par cette même bénédiction Zachée fut mis au nombre des enfants d'Abraham. Abraham offrit son fils au Seigneur, Zachée lui offrit ses biens ; celui-là donna son héritier, celui-ci donna son héritage ; celui-là immola le gage qu'il avait de la postérité qui lui avait été promise , celui-ci offrit la substance de son patrimoine. Zachée voulut d'abord partager son patrimoine avec Jésus-Christ, et c'est alors qu'il fut proclamé enfant d'Abraham. Si donc Zachée est digne d'éloge parce qu'il partagea son patrimoine avec Jésus-Christ avant d'avoir reçu sa récompense, que dut-il éprouver lorsqu'il se vit justifié et racheté par le sang de Jésus-Christ ?

    4. Après avoir entendu mes paroles, il ne vous reste plus qu'à imiter ce beau modèle, si vous voulez appartenir à votre Père ; faites ce qu'a fait Zachée, et vous mériterez ce qu'il a mérité lui-même. La ressemblance des devoirs produit la ressemblance des mérites ; la filiation véritable exclut la différence des actes ; on ne saurait porter le même nom quand les oeuvres sont directement contraires. Comment vous attribuer un nom que n'autorisent ni vos oeuvres ni votre nature ? Comment vous flatter du nom de fils, quand vous ne prouvez cette filiation ni par votre foi, ni par votre origine, ni par votre famille ? Dans sa libéralité, Dieu vous a donné le pouvoir de devenir son fils, parce que vous pouvez le vouloir ; Zachée a pu le devenir par la grâce de Dieu, parce que sa volonté s'est conformée à celle de Dieu. Donnons de nos biens à ceux qui ne possèdent rien, et que personne ne s'excuse en disant : « Je n'ai ni or ni argent » (Act. III, 6). Rejetez ces vains prétextes ; une légère aumône recevra une magnifique récompense ; en donnant un peu de pain à celui qui a faim, un peu d'eau à celui qui a soif, pourvu que vous le fassiez au nom du Seigneur, vous aurez droit à la même récompense que Zachée. »

    Saint Augustin, 46e Sermon - Sur Zachée (Sixième Série, Sermons Inédits : Premier Supplément, Troisième Section, Sermons sur les Saints), suite du Tome XI des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 12 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Augmente en nous la foi !" (Lc 11, 15-26)

    Prier pour que grandisse notre foi

    « La lecture du saint évangile fortifie notre prière et notre foi, et nous dispose à nous appuyer non sur nous-mêmes mais sur le Seigneur. Y a-t-il un moyen plus efficace de nous encourager à la prière que la parabole du juge inique qui nous a été racontée par le Seigneur ? Le juge inique, évidemment, ne craignait pas Dieu ni ne respectait les hommes. Il n'éprouvait aucune bienveillance pour la veuve qui recourait à lui et cependant, vaincu par l'ennui, il finit par l'écouter. Si donc il exauça cette femme qui l'importunait par ses prières, comment ne serions-nous pas exaucés par celui qui nous encourage à lui présenter nos prières ? C'est pourquoi le Seigneur nous a proposé cette comparaison tirée des contraires pour nous faire comprendre qu'il faut toujours prier sans se décourager (Lc 18,1). Puis il a ajouté : Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ! (Lc 18,8).

    Si la foi disparaît, la prière s'éteint. Qui pourrait, en effet, prier pour demander ce qu'il ne croit pas ? Voici donc ce que l'Apôtre dit en exhortant à prier : Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés. Puis, pour montrer que la foi est la source de la prière et que le ruisseau ne peut couler si la source est à sec, il ajoute : Or, comment invoquer le Seigneur sans avoir d'abord cru en lui (Rm 10,13-14) ? Croyons donc pour pouvoir prier et prions pour que la foi, qui est au principe de notre prière, ne nous fasse pas défaut. La foi répand la prière, et la prière, en se répandant, obtient à son tour l'affermissement de la foi.

    D'ailleurs, pour que la foi ne faiblisse pas dans les tentations, le Seigneur a dit: Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation (Mt 26,41). Telles sont ses paroles: Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. Qu'est-ce qu'entrer en tentation ? Simplement, sortir de la foi. Car la tentation est d'autant plus forte que la foi est plus faible, et la tentation est d'autant plus faible que la foi est plus forte. Oui, vraiment, mes bien-aimés, c'est pour que la foi ne s'affaiblisse pas et ne se perde pas que le Seigneur a dit : Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. Afin que vous le compreniez mieux, il a dit au même endroit dans l'évangile : Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne sombre pas (Lc 22,31-32). Et celui que guette le danger ne ferait pas sienne la prière de son protecteur ?

    Mais lorsque le Seigneur dit: Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ?, il a en vue la foi parfaite, celle qu'on peut à peine trouver sur la terre. Voyez : l'église de Dieu est remplie. Qui y viendrait s'il n'avait aucune foi ? Mais si cette foi était parfaite, qui ne transporterait pas les montagnes ? Regardez les Apôtres eux-mêmes : s'ils n'avaient pas eu une grande foi, ils n'auraient pas renoncé à tout ce qu'ils avaient, ils n'auraient pas foulé aux pieds les espoirs terrestres pour suivre le Christ. Et pourtant, leur foi n'était pas parfaite, car ils n'auraient pas dit au Seigneur: Augmente en nous la foi (Lc 17,5). »

    Saint Augustin († 430), Sermon 115, 1 ; PL 38, 655.

    Source : Clerus.org.

  • 31 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce
    et que tes fidèles te bénissent !"
    (Psaume 144)

    « Bénissons Dieu toujours, dans la prospérité comme dans le malheur ; mais nulle prospérité n’est comparable à celle de posséder Dieu, que nul ne saurait nous ravir, que le malheur n’enleva point à Job. Croyons dès lors qu’il agit toujours avec miséricorde ; louons sans fin sa grandeur sans borne. Ainsi font ceux qui ne passent par la mort que pour arriver à la terre des vivants. Bénissons-le dans ses oeuvres, surtout dans celles qui nous connaissons. Toute génération le bénira. Elles annonceront la puissance de Dieu, en laquelle se résument toutes ses oeuvres ; et tout ce que l’on peut louer vient de celui qui a tout fait, qui gouverne tout. Louer les oeuvres de Dieu, c'est nous louer nous-mêmes, et nous louer sans orgueil. Ces oeuvres sont pour nous des degrés pour nous élever jusqu’à lui ; ses faveurs sont accompagnées de menaces afin de nous encourager et de nous contenir. Ils raconteront ce mémorial du Seigneur qui n’a point oublié l’homme, quand l’homme l’oubliait. Ils tressailliront dans cette justice de Dieu qui nous refaits par sa grâce, et sans que nous ayons rien mérité par aucune oeuvre, puisque toute bonne oeuvre vient de lui. Il est miséricordieux envers les pécheurs, qu’il encourage contre le désespoir, qu’il détourne d’une folle espérance. Sa bonté s’étend sur toutes ses oeuvres, puisqu’il fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et néanmoins il donne, c’est-à-dire qu’il est sévère pour nos oeuvres, et nous force à retrancher les mauvaises, ou les retranche lui-même.

    Les créatures intelligentes loueront le Seigneur, puisqu’elles révèlent sa grandeur, sa puissance ; elles le loueront sans voix, car on ne saurait en considérer la beauté sans louer Dieu.

    Les saints feront connaître la beauté de Dieu, beauté supérieure à toutes les beautés visibles, et que nous découvre la foi ; sa fidélité dans ses promesses, dont plusieurs qui sont accomplies nous font croire au reste ; sa bonté à soutenir cens qui tombent, c’est-à-dire ou ceux qui se séparent du mal, ou ceux qui tombent de leur prospérité comme Job ; sa miséricorde qui donne en temps opportun, mais non tout ce que nous demandons, et quand nous le demandons. Souvent il diffère, ou nous accorde ce que nous ne demandons point, mais ce qui nous convient le mieux. Qu’il frappe ou qu’il guérisse il est toujours juste ; il est proche de ceux qui l’invoquent, mais en vérité, c’est-à-dire qui méprisent le reste pour ne désirer que lui-même, qui ne l’en aiment pas moins quand il nous ôte les biens terrestres. Il fera la volonté de ceux qui le craignent en leur accordant le salut, en perdant les pécheurs obstinés et murmurateurs. »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume CXLIV, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois, sous la direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, 1869.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 22 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses." (Lc 12, 13-21)

    « "Il y avait, dit-il, un homme riche dont le domaine avait prospéré." Qu'est-ce à dire avait prospéré ? Le domaine qu'il possédait avait produit des fruits en abondance, et en telle abondance qu'il ne savait où les mettre ; ainsi la richesse même mit tout-à-coup dans la gêne ce vieil avare. Combien d'années s'étaient déjà écoulées sans que ses greniers fussent trop étroits ? Il avait donc fait une récolte si riche que ce qui avait suffi ne lui suffisait plus. Dans sa détresse il cherche donc, nos pas comment il dépensera, mais comment il conserve là cette abondance extraordinaire. Or, à force d'y réfléchir, il trouva un moyen. Ce moyen découvert lui fit croire qu'il était sage. J'ai réfléchi avec prudence, j'ai découvert avec sagesse, disait-il. Qu'a-t-il découvert dans sa sagesse ? "Je renverserai mes greniers, dit-il, j'en ferai de plus grands, je les remplirai et je dirai à mon âme." Que lui diras-tu ? "Mon âme, tu as beaucoup de bien en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, fais grande chère." Voilà ce que dit à son âme ce sage bien avisé.

    "Dieu lui dit â son tour" ; car Dieu ne dédaigne pas d'adresser la parole aux insensés eux-mêmes. Mais, dira peut-être quelqu'un d'entre vous, comment Dieu s'est-il entretenu avec cet insensé ? O mes frères, à combien d'insensés ne parle-t-il pas quand on lit l'Evangile ? Car écouter l'Evangile, quand on le lit, sans le pratiquer, n'est-ce pas être insensé ? Que lui dit donc le Seigneur ? Comme cet avare s'applaudissait encore de la mesure qu'il venait de découvrir : "Insensé", lui dit le Sauveur ; "Insensé", qui te crois sage ; "Insensé", qui as dit à ton âme : "Tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; aujourd'hui même on te redemande ton âme." Tu lui as dit : "Tu possèdes beaucoup de bien" ; et on te la redemande, et elle ne possède plus rien. Ah ! qu'elle méprise cette sorte de biens et soit bonne en elle-même, afin qu'elle se présente avec sécurité lorsqu'on la redemandera. Et qu'y a-t-il de plus inique que de chercher à posséder beaucoup de biens sans vouloir être bon ? Tu es indigné de rien avoir, toi qui ne veux pas être ce que tu cherches à posséder. Voudrais-tu que ton champ fût mauvais ? Non sans doute, tu veux qu'il soit bon. Que ta femme fut mauvaise ? Non, mais qu'elle soit bonne. Voudrais-tu enfin d'une habitation mauvaise, d'une mauvaise chaussure ? Pourquoi n'y a-t-il que ton âme que tu veuilles mauvaise ?

    À cet insensé occupé de vains projets et construisant des greniers sans faire attention aux besoins des pauvres, le Sauveur ne dit point : Ton âme aujourd'hui sera entraînée dans l'enfer ; il ne dit pas cela, mais : "On te la redemande." Je ne te fais pas connaître où elle ira ; je te dis seulement que bon gré, malgré toi, elle quittera ces lieux où tu tiens pour elle tant de biens en réserve. Comment, ô insensé, as-tu songé à renouveler et à agrandir tes greniers ? Ne savais-tu que faire de tes récoltes ? »

    Saint Augustin, Sermons détachés première série : Sermons détachés sur l'Ancien Testament, les Evangiles et les Actes des Apôtres, Passages détachés de saint Luc, Sermon CVII (5-6), in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 20 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Psaume 8

    « "Pour moi, je considère vos cieux, l’ouvrage de vos doigts" (Ps VIII, 4). Nous lisons que Dieu écrivit la loi de son doigt, pour la donner à Moïse, son saint et fidèle serviteur (Ex XXXI, 18), et dans ce doigt de Dieu. beaucoup d’interprètes voient l’Esprit-Saint. Si donc par les doigts de Dieu, nous pouvons entendre aussi les ministres remplis de l’Esprit-Saint, parce que c’est lui qui agit en eux ; comme ce sont eux qui nous ont préparé toutes les divines Ecritures, il nous est permis aussi d’entendre par les cieux les livres de l’un et de l’autre Testament. Il est dit aussi de Moïse, que les mages de Pharaon, voyant qu’il les surpassait, s’écrièrent : "Celui-ci est le doigt de Dieu" (Id. VIII, 19). Quoique cette expression d’Isaïe : "Le ciel sera replié comme un livre" (Is XXXIV, 4), s’applique au ciel éthéré, on peut très bien l’entendre encore dans le sens allégorique des livres de l’Ecriture. "Pour moi donc, je considère les cieux qui sont l’ouvrage de vos mains", c’est-à-dire, je lirai, je comprendrai ces Ecritures, que vous avez écrites par vos ministres, que dirigeaient l’Esprit-Saint.

    On peut donc aussi voir les livres saints, dans ces cieux dont il disait auparavant : "Votre magnificence est élevée au-dessus des cieux", ce qui signifiait : Parce que votre magnificence est plus élevée que les cieux, et qu’elle surpasse toutes les paroles des Ecritures ; voilà que vous avez tiré de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, la louange la plus parfaite, en contraignant à commencer par croire aux saintes Ecritures, ceux qui désirent arriver à la connaissance de votre grandeur ; et cette grandeur est bien au-dessus des Ecritures, puisqu’elle surpasse tous les efforts et toutes les expressions du langage. Dieu donc a voulu abaisser les Ecritures jusqu’au niveau des enfants nouveau-nés et à la mamelle, comme l’a dit un autre psaume : "Il a abaissé les cieux et il est descendu" (Ps XVII, 19) ; et il l’a fait à cause de ses ennemis, qui détestent la croix de Jésus-Christ, et dont les discours orgueilleux ne peuvent même, en disant la vérité, devenir utiles aux enfants nouveau-nés et à la mamelle. C’est ainsi qu’est détruit l’ennemi et le défenseur, qui veut défendre tantôt la sagesse, tantôt le nom du Christ, et qui attaque néanmoins la vérité dont il garantit la prompte intelligence, puisqu’il ruine la foi qui en est la base. On peut le convaincre encore de ne posséder point la vérité, puisqu’en ruinant la foi qui est l’échelle pour y arriver, il prouve qu’il en ignore le chemin. Si donc on veut détruire ce téméraire, cet aveugle prometteur de la vérité, qui en est à la fois l’ennemi et le défenseur, il faut regarder les cieux, l’ouvrage des doigts de Dieu, c’est-à-dire comprendre les saintes Ecritures qui s’abaissent jusqu’à cette lenteur des enfants qu’elles nourrissent d’abord par l’humble croyance des faits historiques accomplis pour notre salut, qu’elles fortifient ensuite jusqu’à les élever à la sublime intelligence des vérités éternelles. Ces cieux donc, ou les livres saints, sont l’ouvrage des doigts de Dieu, puisqu’ils sont écrits par le Saint-Esprit qui animait les saints et agissait en eux. Pour ceux qui ont cherché leur gloire plutôt que le salut des hommes, ils ont parlé sans l’Esprit-Saint, en qui sont les entrailles de la divine miséricorde. »

    Saint Augustin, Commentaires sur les Psaumes : Psaume 8 (7-8), Traduits par M. l’abbé Morisot, 1875.

    Source : Le Docteur angélique (Oeuvres complètes de saint Thomas d'Aquin)

  • 19 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Soyez sans crainte..." (Lc 12,7)

    « Ô mon Dieu, mon coeur est comme une vaste mer toujours agitée par les tempêtes : qu’il trouve en toi la paix et le repos. Tu as commandé aux vents et à la mer de se calmer, et à ta voix ils se sont apaisés ; viens apaiser les agitations de mon coeur, afin que tout en moi soit calme et tranquille, afin que je puisse te posséder, toi mon unique bien, et te contempler, douce lumière de mes yeux, sans trouble et sans obscurité. Ô mon Dieu, que mon âme, délivrée des pensées tumultueuses de ce monde-ci, "se cache à l'ombre de tes ailes" (Ps 16,8). Qu’elle trouve près de toi un lieu de rafraîchissement et de paix ; toute transportée de joie, qu’elle puisse chanter : "En toi maintenant je peux m'endormir et me reposer en paix en toi" (Ps 4,9).
    Qu’elle se repose, je te prie, mon Dieu, qu’elle se repose du souvenir de tout ce qui est sous le ciel, éveillée pour toi seul, comme il est écrit : "Je dors, mais mon coeur veille" (Ct 5,2). Mon âme ne peut être en paix et en sûreté, mon Dieu, que sous les ailes de ta protection (Ps 91,4). Qu'elle demeure donc éternellement en toi et qu'elle soit embrasée de ton feu. Que, s'élevant au-dessus d'elle-même, elle te contemple et chante tes louanges dans la joie. Au milieu des troubles qui m'agitent, que tes dons soient ma douce consolation, jusqu'à ce que je vienne à toi, ô toi la paix véritable. »

    Saint Augustin (354-430), Méditations, ch. 37.

  • 11 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte." (Lc 11, 5-13)

    « Beaucoup demandent ce qu'il ne faut pas demander, dans l’ignorance où ils sont de ce qui leur est vraiment utile. Il faut éviter deux choses dans la prière, demander ce qu'il ne faut pas demander et demander à celui qu’il n'est pas permis d’invoquer. Il ne faut rien demander au démon, aux idoles, aux faux dieux. C’est à Jésus-Christ, le Seigneur notre Dieu, au Dieu, Père des prophètes, des apôtres et des martyrs, au Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, au Dieu, Créateur du ciel, de la terre, de la mer et de tout ce qu'ils contiennent, c'est à lui qu'il faut demander ce dont vous avez besoin. Cependant il faut éviter de demander même à Dieu des choses défendues. Sous prétexte qu'on doit demander ce qui est nécessaire à la vie présente, ta prière sera sans fruit si tu l’adresses à des idoles sourdes et muettes ; de même si tu demandes à Dieu le Père qui est dans les cieux la mort de tes ennemis, à quoi ta prière te servira-t-elle ? N'avez-vous pas entendu dire ou lu vous-mêmes, dans le psaume où est prédit le châtiment du traitre Judas, comment le prophète parle de lui : "Que sa prière lui soit imputée comme un nouveau péché !" Si donc, quand tu te léves pour prier, c’est du mal que tu souhaites à tes ennemis, ta prière t'est comptée comme un péché [...]
    Le Seigneur commence par retrancher de nos prières toute superfluité de paroles en nous recommandant de ne pas parler longuement à Dieu, comme s’il était nécessaire de lui apprendre quelque chose. C'est la piété et non la verbosité qui rend la prière efficace : "Votre Père sait ce qui vous est nécessaire avant même que vous le lui demandiez". Ne lui parlez donc pas longuement ; il sait ce qu'il vous faut. Vous me direz : Si Dieu connaît tous nos besoins, inutile de les lui exprirner, même en peu de paroles. Pourquoi prier ? Il connaît notre indigence : à lui de nous venir en aide. S'il a voulu que tu demandes, c'est pour exciter ton désir de recevoir et relever à tes yeux le prix de ce qu'il donne ; c'est le désir qu'il veut exciter en toi, et les demandes que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous fait exprimer dans l'Oraison dominicale sont autant de formes de ce même désir. Du reste, tu ne dois pas demander autre chose que ce qui s'y trouve exprimé. »

    Saint Augustin, Sermon LVI.


    « Tu n'as pas fait en vain cette promesse : "Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira". Pauvres, nous implorons ce qui nous manque. Nous nous appliquerons avec zèle à l'étude de tes prophètes et de tes apôtres ; nous frapperons à toutes les portes que notre intelligence trouvera fermées. Mais toi seul peux exaucer notre prière ; toi seul tu peux ouvrir cette porte où nous frapperons. Tu encourageras les débuts difficiles ; tu affermiras nos progrès ; et tu nous apelleras à participer à l'Esprit qui a guidé tes prphètes et tes apôtres. Ainsi nous ne donnerons pas à leurs paroles un sens différent que celui qu'ils avaient en vue. Done-nous donc le vrai sens des mots, la lumière de l'intelligence,, la beauté de l'expression, la foi dans la vérité. Donne-nous de dire ce que nous croyons : qu'il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus-Christ. »

    Saint Hilaire, La Trinité, I, 37-38.

  • 3 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu" (Lc 9, 62)

    « Se détacher des richesses de cette vie, c’est être pauvre ; on est riche et condamnable quand on les désire, même sans les posséder. Au désir du vrai pauvre Dieu se donnera lui-même. Mais alors au lieu de regarder en arrière, jetons-nous en avant : nous serions plus coupables de chercher notre joie dans cette vie passée, dans le vieil homme dont nous avons dû nous dépouiller. C’est donc l’Eglise qui aspire aux demeures célestes, qui n’a ici-bas d’autre joie que dans l’espérance. Son coeur et sa chair tressaillent, celui-là par de saints désirs, celle-ci par les oeuvres extérieures. C’est la tourterelle qui cherche un nid, et ce nid est l’Eglise qui a la vraie foi, et qui nous sauve par nos oeuvres. Le Prophète nous porte par les aspirations dans la maison du Seigneur, où nous posséderons Dieu lui-même, ne faisant rien par contrainte, mais bénissant Dieu par amour. C’est là que doit nous conduire la grâce, et plus vif sera notre désir, plus haute sera notre ascension, dont les degrés sont dans notre coeur. La loi montrait le péché sans le guérir, l’eau de la piscine ne guérissait qu’un seul malade quand elle se troublait ; ce trouble est l’image de la passion qui nous a guéris par la grâce, et le grâce nous conduira des vertus de cette vie à la vérité unique ou à Dieu, que nous verrons et vers qui nous élèvera l’humilité. »

    Saint Augustin, Discours sur les Psaumes, LXXXIII, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Sur les Saints Anges Gardiens


    Saint Hilaire de Poitiers (315-367)

    Dans les combats que nous menons pour rester forts contre les puissances mauvaises, les anges nous assistent.

    St Hilaire, Tract. Psalm. 65; P.L. IX, 430 A.

    Les esprits ont été envoyés pour secourir le genre humain. En effet notre faiblesse, si des anges gardiens ne lui avaient été donnés, ne pourrait résister aux attaques nombreuses et puissantes des esprits célestes. Elle avait besoin pour cela de l'aide d'une nature supérieure. Nous savons qu'il en est ainsi par les paroles avec lesquelles le Seigneur fortifie Moïse tremblant et craintif : "Mon ange te précédera". C'est pourquoi Dieu tire ces vents de ses trésors, donnant par eux une aide à la faiblesse humaine, afin que ces divins secours nous aident contre les puissances de ce monde de ténèbres à atteindre l'héritage du salut.

    St Hilaire, Tract. Psalm. 134; P.L. IX, 761 AB.


    Saint Basile de Césarée (330-379)

    Parmi les anges, les uns sont préposés aux nations, les autres compagnons des fidèles... Que chaque fidèle ait un ange, pour le diriger, comme pédagogue et pasteur, c'est l'enseignement de Moïse (1).

    (1) : Genèse 48.16

    Saint Basile, Adv. Eun., 3, 1; P.G. XXIX, 656 A-657A


    Saint Jérôme (v.347-420)

    Si grande est la dignité des âmes que chacune, dès sa naissance, a un ange préposé à sa garde.

    Saint Jérôme, Commentaire sur Saint Matthieu, Paris, Le Cerf, 1979, vol 2, livre 3, chap. 18-10. (Sources chrétiennes, 259).


    Saint Augustin d'Hippone (354-430)

    Toute chose visible en ce bas monde est confiée à un ange.

    Saint Augustin, Huit questions.


    Saint Jean Damascène (v.675-v.749)

    Ils [Les anges] sont puissants et prêts pour l'accomplissement de la volonté de Dieu. On les trouve aussi doués d'une grande vélocité partout où l'acquiescement de Dieu le leur ordonne ; ils gardent les parties de la terre ; ils président aux peuples et aux régions, selon qu'ils ont été établis par le Créateur ; ils dirigent nos affaires et nous assistent. Suivant la volonté et la disposition divines ils sont au-dessus de nous et entourent toujours Dieu.

    V. Ermoni, Saint Jean Damascène, 2° édition, Paris, Bloud et Gay, 1904, chap. 5 : les anges. (La pensée chrétienne : textes et études).


    Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153)

    Dans quelque maison, dans quelque réduit que vous soyez, respectez votre bon Ange, car il est présent; il est tout près de vous; non seulement il est avec vous, mais il est là pour vous, il cherche à vous protéger et à vous être utile.
    Avec un Ange auprès de vous, que pourriez-vous craindre ? Votre Ange ne peut se laisser vaincre ni tromper; il est fidèle, il est prudent, il est puissant : pourquoi donc avoir peur ?
    Si quelqu'un avait le bonheur de voir tomber le voile qui couvre ses yeux, il verrait avec quelle attention, avec quelle sollicitude les Anges se tiennent au milieu de ceux qui prient, au dedans de ceux qui méditent, sur le lit de ceux qui reposent, sur la tête de ceux qui gouvernent et qui commandent.

    Ange de l'Eglise, 1999, © Editions Bénédictines, Rue E. Guinnepain - 36170 Saint-Benoît-du-Sault - France.

  • 17 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Seigneur je ne suis pas digne..."

    « Dans la lecture de l'évangile, nous avons entendu Jésus louer notre foi, jointe à l'humilité. Quand il a promis d'aller dans sa demeure guérir le serviteur du centurion, celui-ci a répondu : "Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri". En se disant indigne, il se montre digne - digne non seulement que le Christ entre dans sa maison, mais aussi dans son cœur...

    Car ce n'aurait pas été pour lui un grand bonheur si le Seigneur Jésus était entré dans sa maison sans être dans son cœur. En effet le Christ, Maître en humilité par son exemple et ses paroles, s'est assis à table dans la demeure d'un pharisien orgueilleux, nommé Simon (Lc 7,36s). Mais bien qu'il ait été à sa table, il n'était pas dans son cœur : là, "le Fils de l'Homme n'avait pas où reposer sa tête" (Lc 9,58). Au contraire, ici il n'entre pas dans la maison du centurion, mais il possède son cœur...

    C'est donc la foi jointe à l'humilité que le Seigneur loue chez ce centurion. Quand celui-ci dit : "Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit", le Seigneur répond : "En vérité, je vous le dis, je n'ai pas trouvé une telle foi en Israël"... Le Seigneur était venu au peuple d'Israël selon la chair, pour chercher d'abord dans ce peuple sa brebis perdue (cf Lc 15,4)... Nous autres, en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas mesurer la foi des hommes. C'est celui qui voit le fond des cœurs, celui que personne ne trompe, qui a témoigné de ce qu'était le cœur de cet homme, entendant sa parole pleine d'humilité et lui donnant en retour une parole qui guérit. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon 62 (trad. Brésard, 2000 ans d'homélie, année C, Soceval, 2001).

  • 16 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive"

    « Que signifie, je vous le demande : "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive" ? Nous comprenons ce que c'est que prendre sa croix ; c'est supporter les afflictions, car prendre a ici le même sens que porter supporter. Qu'il accepte donc avec patience, dit le Sauveur, ce qu'il souffre à cause de moi. "Et qu'il me suive". Où ? Où nous savons qu'il est allé après sa résurrection ; au ciel où il est monté, où il est assis à la droite du Père. Là aussi il nous a fait une place ; mais il faut l'espérance avant d'arriver à la réalité. Et quelle doit être cette espérance ? Ceux-là le savent qui entendent ces mots : "Elevez vos coeurs : Sursum corda".

    Examinons maintenant, avec l'aide du Seigneur, considérons, voyons et comprenons, s'il daigne nous ouvrir et nous montrer, expliquons enfin, autant que nous le pourrons, ce qu'il veut nous faire entendre par ces mots : "Qu'il se renonce". Comment se renoncer quand on s'aime ? C'est bien là un raisonnement, mais un raisonnement humain, et il faut être homme pour dire : Comment se renoncer quand on s'aime ? Aussi le Seigneur enseigne-t-il, au contraire, que pour s'aimer il faut se renoncer ; car en s'aimant on se perd, et en se renonçant on se retrouve. "Celui, dit-il, qui aime son âme, la perdra" (Jn XII, 25). Voilà un ordre émané de Celui qui sait ce qu'il commande ; car il sait conseiller puisqu'il sait instruire, il sait aussi restaurer puisqu'il a daigné créer. "Que celui" donc "qui aime, perde". Il est douloureux de perdre ce qu'on aime. Mais le laboureur ne sait-il pas aussi de temps en temps faire le sacrifice de ses semences ? Il les tire de ses greniers, les répand, les jette, les enterre. Iras-tu t'en étonner ? Ce dédaigneux, ce prodigue n'est-il pas un avare moissonneur ? L'hiver et l'été ont révélé son dessein, et la joie qu'il témoigne au moment de la récolte fait connaître le motif qui l'excitait à semer. C'est ainsi que "celui qui aime son âme, la perdra". Veut-on y trouver du fruit ? qu'on la sème. S'il est commandé de se renoncer, c'est pour faire éviter de se perdre en s'aimant imprudemment.

    Il n'est personne qui ne s'aime ; mais autant il faut chercher à s'aimer bien, autant on doit éviter de s'aimer mal. S'aimer en laissant Dieu de côté, laisser Dieu de côté pour s'aimer, c'est ne pas même rester en soi, mais en sortir. Oui, on est comme exilé de son coeur en dédaignant la vie intérieure et en s'attachant aux choses extérieures. N'ai-je pas dit la vérité ? N'est-il pas certain que tous ceux qui font le mal n'ont que du mépris pour leur conscience ? Lors, en effet, qu'on a des égards pour elle, on met fins ses iniquités. C'est ainsi qu'après avoir laissé Dieu pour s'aimer et en s'attachant à l'extérieur, à autre chose qu'à lui, le pécheur arrive à se mépriser lui-même.

    Ecoute aussi comment se renonce l'apôtre Paul : "Loin de moi, dit-il, la pensée de me glorifier, sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est pour moi un crucifié, et moi un crucifié pour le monde" (Gal VI, 14) ! Ecoute-le encore parler de son renoncement : "Je vis, mais ce n'est pas moi". Renoncement manifesté que suit cette noble confession du Christ : "C'est le Christ qui vit en moi" (Ib. II, 2). Que signifie donc Renonce-toi ? Ne vis plus en toi. Et ne vis plus en toi ? Ne fais plus ta volonté, mais la volonté de Celui qui demeure en toi. »

    Saint Augustin, Sermon CCCXXX (2,3,4), Sermons détachés tome VII, in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 15 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Femme, voici ton fils..."

    « L'évangéliste Jean nous raconte ce qui se passa aux pieds de la croix du Sauveur, après que ses vêtements eurent été partagés, même par la voie du sort ; voyons son récit : "Les soldats firent ainsi. Or, la Mère de Jésus et la soeur de sa Mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine, étaient debout près de sa croix. Jésus donc, voyant sa Mère et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils. Après, il dit au disciple : Fils, voilà ta mère. Et depuis cette heure-là, le disciple la reçut chez lui". Voilà bien l'heure dont Jésus parlait, quand, au moment de changer l'eau en vin, il disait à sa Mère : "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ? mon heure n'est point encore venue" (Jn II, 4). Il prédisait cette heure qui n'était pas encore venue, cette heure où, sur le point de mourir, il devait reconnaître celle qui lui avait donné la vie du corps. Alors il se préparait à faire une oeuvre divine ; aussi semblait-il ne pas connaître la Mère, non de sa divinité, mais de son humanité, et la repoussait-il. Maintenant, il souffre dans son corps, et dans les sentiments d'une humaine affection, il recommande celle dans le sein de laquelle il s'est fait homme. Alors, il connaissait Marie en vertu de sa puissance, puisqu'il l'avait créée ; maintenant, Celui que Marie a mis au monde est attaché à la croix.

    Nous trouvons ici un sujet d'instruction. Le Sauveur fait lui-même ce qu'il nous enseigne ; précepteur plein de bonté, il apprend à ses disciples, par son exemple, tout le soin que des enfants pieux doivent prendre des auteurs de leurs jours. Le bois auquel se trouvaient cloués ses membres mourants était comme une chaire où notre Maître se faisait entendre et nous donnait ses leçons. C'était à cette source de saine doctrine que l'apôtre Paul avait puisé, quand il disait : "Si quelqu'un n'a pas soin des siens, et surtout de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi et il est pire qu'un infidèle" (I Tm V, 8). Y a-t-il des personnes plus proches les unes des autres que les parents ne le sont de leurs enfants, ou les enfants de leurs parents ? Le maître à l'école de qui se forment les saints, nous donnait donc en lui-même l'exemple pour confirmer un de ses plus précieux commandements ; car s'il pourvoyait à l'avenir de Marie en lui donnant un autre fils qui tiendrait sa place, il n'agissait pas comme Dieu à l'égard d'une servante créée et gouvernée par lui, mais comme homme à l'égard d'une Mère qui lui avait donné le jour et qu'il laissait en cette vie. Pourquoi a-t-il agi de la sorte ? Ce qui suit nous l'apprend ; car, parlant de lui-même, l'Evangéliste ajoute : "Et, depuis ce moment, le disciple la reçut chez lui". D'ordinaire, Jean ne se désigne pas autrement qu'en disant que Jésus l'aimait ; le Sauveur affectionnait tous ses disciples, mais il chérissait davantage encore celui-ci ; il était même si familier avec lui qu'à la Cène il lui permit de s'appuyer sur sa poitrine (Jn XIII, 23) ; c'était sans doute pour l'aider à imprimer sur l'Evangile qu'il devait prêcher en son nom, le sceau de sa divine excellence. »

    Saint Augustin, Traité CXIX sur Saint Jean (1-2), in Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 8 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Joseph, fils de David..." (Mt 1, 20 sq)

    « Mes frères, que votre charité écoute en quels termes le prophète Isaïe a annoncé Notre-Seigneur Jésus-Christ. "Voici", dit-il, "qu’une vierge concevra dans son sein et enfantera un Fils" (Is 7, 14) ; "et vous l’appellerez Jésus, car il sauvera lui-même son peuple de leurs péchés" (Mt 1, 21).

    "Joseph, fils de David" (Mt 1, 20). Vous voyez, mes frères, la race tout entière désignée dans une seule personne ; vous voyez dans un seul nom toute une généalogie. Vous voyez dans Joseph la famille de David. "Joseph, fils de David" ; Joseph était sorti de la vingt-huitième génération, et il est appelé fils de David, pour mieux nous découvrir le mystère de sa naissance, et nous prouver l’accomplissement de la promesse ; ne s’agit-il pas d’une conception surnaturelle et d’un enfantement céleste dans une chair restée parfaitement vierge ? "Joseph, fils de David" ; voici en quels termes David avait reçu la promesse de Dieu le Père : "Le Seigneur a juré la vérité à David, et il ne le trompera pas : je placerai sur mon trône le fruit de tes entrailles" (Ps 131, 11). David chante ainsi ce grand événement : "Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite" (Ps 110, 1). "Le fruit de vos entrailles" ; c’est bien le fruit de ses entrailles, le fruit de son sein ; car le divin Hôte, le Dieu du ciel, en venant faire séjour dans son sein, n’a pas connu les barrières du corps ; il est sorti du sein de Marie sans ouvrir la porte virginale. Et c’est ainsi que s’est accomplie cette parole du Cantique des Cantiques : "Mon Epouse, jardin fermé, source scellée" (Ct 4, 14).

    "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre". L’époux est prévenu de ne pas craindre au sujet de son épouse, car tout esprit vraiment pieux s’effraie d’autant plus qu’il compatit davantage. "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre" ; vous qui êtes assuré de votre conscience, ne succombez pas sous le poids des pensées que provoque ce mystère. "Fils de David, gardez-vous de craindre". Ce que vous voyez est une vertu, et non pas un crime ; ce n’est point une chute humaine, mais un abaissement divin ; c’est une récompense, et non pas une culpabilité. C’est un accroissement du ciel, et non pas un détriment du corps. Ce n’est point la perte d’une personne, mais le secret du Juge. Ce n’est point le châtiment d’une faute, mais la palme de la victoire. Ce n’est point la honte de l’homme, mais le trésor de Jésus-Christ. Ce n’est point la cause de la mort, mais de la vie. Voilà pourquoi : "Gardez-vous de craindre", car celle qui porte un tel Fils ne mérite point la mort. "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse". La loi divine elle-même donne à la compagne de l’homme le titre d’épouse. De même donc que Marie est devenue mère sans éprouver aucune atteinte à sa virginité, de même elle porte le nom d’épouse en conservant sa pudeur virginale.

    "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse ; car l’enfant qui naîtra d’elle est le fruit du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui demandent quel est cet enfant qui est né de Marie : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui, profitant de l’obscurité du grec pour troubler la pureté latine, ont multiplié les blasphèmes dans le but de faire disparaître ces expressions : Mère de l’homme, Mère du Christ, Mère de Dieu. "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Et ce qui est né du Saint-Esprit est esprit, parce que "Dieu est esprit". Pourquoi donc demander ce qui est né du Saint-Esprit ? Il est Dieu, et parce qu’il est Dieu il nous répond avec saint Jean : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire" (Jn 1, 1-14). Jean a vu sa gloire ; vous, infidèle, mesurez l’injure : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit. Et nous avons vu sa gloire". De qui ? "De Celui qui est né du Saint-Esprit" ; du "Verbe qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous. Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Une Vierge a conçu, mais par l’action du Saint-Esprit ; une Vierge a enfanté, mais enfanté Celui que prophétisait Isaie en ces termes : "Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous". Il sera homme avec eux, mais : "Maudit soit l’homme qui place son espérance dans l’homme" (Jr 17, 15). »

    Saint Augustin, Sermons inédits, Sermons sur le propre du Temps : VIe Sermon sur l'Incarnation (1-4), Suite du Tome XIe des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît


    « Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.

    Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

    Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au Créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

    Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

    Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance... »

    Saint Jean Damascène (v.675-v.749), Première homélie pour la Nativité de la Vierge Marie (extrait).

  • 7 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les invités de la noce

    « ... rappelez-vous cette parabole évangélique : Le Seigneur entra un jour pour examiner les convives qui prenaient part à son banquet. Père de famille, il y avait invité lui-même ; mais comme il est écrit, "il y rencontra un homme qui ne portait point la robe nuptiale" (Mt XXII, 1).
    Remarquez bien, on avait été invité aux noces par cet Epoux qui l'emporte en beauté sur les enfants des hommes...
    Cet Epoux, après avoir invité à ses noces y trouva donc un homme sans la robe nuptiale, et il lui dit : "Mon ami, pourquoi es-tu entré ici sans la robe nuptiale ? Mais celui-ci garda le silence" ; il ne trouva rien à répondre. "Liez-lui les pieds et les mains, dit alors ce Père de famille qui venait d'entrer, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura pleurs et grincement de dents". Quoi ! un tel châtiment pour une si petite faute ! Oui le châtiment est terrible, et si on traite de faute légère le défaut de robe nuptiale, cette faute n'est légère que pour ceux qui ne la comprennent pas. Est-ce que le Seigneur parlerait avec tant de sévérité, est-ce qu'il prononcerait une pareille sentence, est-ce que pour n'avoir pas la robe nuptiale, il jetterait, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures où il y a pleur et grincement de dents, si ce n'était une faute très grave de n'être pas revêtu dé cette robe nuptiale ?
    Ecoutez-moi donc ; car si Dieu vous a invités, c'est par notre ministère. Vous êtes tous au festin : ah ! portez tous la robe nuptiale...
    Ne croyez pas en effet, mes biens-aimés, que le convive jeté dehors ne figure qu'un seul homme ; non, ne le croyez pas, il figure le grand nombre. C'est le Seigneur lui-même, c'est l'Epoux qui a invité et qui traite tous ces convives, c'est lui qui nous a expliqué, dans cette même parabole, que ce malheureux ne représente pas un homme seul, mais le grand nombre. En effet, après qu'il l'eut fait jeter dans les ténèbres extérieures pour le punir de n'avoir pas la robe nuptiale, il ajouta immédiatement : "Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus" (Mt XXII, 11-14).
    Qu'est-ce enfin que la robe nuptiale ? Apprenons-le dans les saintes Lettres... L'Apôtre saint Paul m'a montré quelque part un trésor de choses précieuses ; il l'a ouvert devant moi et je lui ai dit : Montrez-moi si par hasard vous n'y auriez pas trouvé la robe nuptiale... "Si je n'ai pas la charité, dit-il, je ne suis rien, rien ne me profite." (I Cor XIII, 1-3) Voilà la robe nuptiale. Revêtez-vous-en, ô convives, afin d'être à table sans crainte. Ne dites pas : Nous sommes trop pauvres pour nous la procurer. Donnez des vêtements et on vous donnera celui-là... Tenez à cette robe nuptiale, revêtez-vous en, et demeurez en paix lorsque le Seigneur viendra examiner les convives, quand arrivera le jour du jugement. Il donne aujourd'hui toute facilité ; ah ! qu'on finisse donc par donner le vêtement à qui en manque. »

    Saint Augustin, Sermons détachés, Première série, Sermon XCV (4-5-6-7), in "Oeuvres complètes de saint Augustin" (Tome VI), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 2 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Purification du coeur (cf. Mc 7, 1-23)

    « "Bienheureux", est-il dit, "ceux dont le coeur est pur, parce qu’ils verront Dieu" (Mt V, 8). J’entends, je crois, je comprends, comme je puis, que c’est le coeur qui voit Dieu, et que Dieu ne se découvre qu’aux coeurs purs : mais j’entends un autre passage de l’Ecriture : "Qui se glorifiera d’avoir un coeur chaste ? Ou qui se glorifiera d’être exempt de toute faute ?" (Prov. XX, 9) J’ai considéré, autant que je l’ai pu, toutes les créatures ; j’ai vu, dans le ciel et sur la terre, celles qui ont un corps, et une créature spirituelle en moi qui parle, qui fait agir mes membres, entendre ma voix, mouvoir ma langue, qui prononce des paroles, qui en discerne le sens. Mais quand est-ce que je me comprends en moi-même ? et d’où pourrais-je comprendre ce qui est au-dessus de moi ? Et toutefois l’Ecriture promet à l’homme qu’il verra Dieu, et lui indique la manière de purifier son coeur ; voici son conseil : Prépare-toi, de manière à voir Dieu que tu aimes, avant de le voir. Quand on parle de Dieu et de son saint nom, qui ne se réjouit d’entendre, sinon l’impie séparé de Dieu, rejeté au loin ? "Ceux qui s’éloignent de vous périront", dit le Prophète ; et il ajoute : "Vous avez perdu ceux qui sont adultères loin de vous" (Ps LXXII, 27). Mais à nous qu’arrivera-t-il? Car ceux-là sont loin de vous, et dès lors dans les ténèbres, et leurs yeux sont tellement obscurcis par les ténèbres, que non seulement ils ne désirent point la lumière, mais qu’ils en ont horreur ; pour nous, qui ne sommes point éloignés, que nous est-il promis ? "Approchez de lui et soyez dans la lumière" (Id. XXXIII, 6). Mais pour approcher de lui et en recevoir la lumière, il faut que les ténèbres te déplaisent ; condamne ce que tu es, afin de mériter d’être ce que tu n’es pas. Tu es injuste et tu dois être juste ; tu n’arriveras jamais à la justice, si l’iniquité a de l’attrait pour toi. Brise-la dans ton coeur, et purifie-toi ; chasse-la de ton coeur où veut habiter Celui que tu veux voir. Voilà donc l’âme qui s’approche de Dieu, l’homme intérieur restauré à l’image de Dieu, parce qu’il avait été créé à l’image de Dieu, et qui en était d’autant plus éloigné, qu’il lui était devenu plus dissemblable. Car ce n’est point par la distance des lieux qu’on s’approche de Dieu ou qu’on s’en éloigne. Tu es loin de lui, quand tu es dissemblable à lui ; tu es près de lui, si tu es à son image. Vois comment le Seigneur veut que nous approchions de Dieu, puisqu’il commence par nous rendre semblables à lui, afin que cette ressemblance nous rapproche. "Soyez", dit-il, "comme votre Père qui est dans les cieux, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes" (Mt V, 45). Apprends à aimer un ennemi, si tu veux éviter un ennemi. A mesure que la charité grandit en toi, qu’elle te reforme, et ravive en toi l’image de Dieu, elle s’étend à tes ennemis, afin que tu deviennes semblable à Celui qui fait luire son soleil, non-seulement sur les bons, mais aussi sur les méchants ; et pleuvoir, non-seulement sur les justes, mais sur les justes et suries injustes. Plus la ressemblance est vive, et plus tu avances dans la charité, plus aussi tu commences à goûter Dieu. [...] Quelle misère donc d’être loin de celui qui est partout ! »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume XCIX (5), in "Oeuvres complètes de saint Augustin" traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 31 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Parabole des vierges sages et vierges folles

    « ... D'où vient cette distinction ? Comment discerner les unes des autres ? Par l'huile ; car l'huile signifie quelque chose de grand et de très-grand. Ne serait-ce point la charité ? Mais c'est plutôt une question de ma part, qu'une affirmation précipitée. Je vous dirai donc pourquoi l'huile me semble être le symbole de la charité.

    "Voici, dit l'Apôtre, une voie encore plus élevée." Quelle est cette voie plus élevée ? "Quand je parlerais les langues des hommes et des Anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain sonnant ou une cymbale retentissante." La charité est donc cette voie plus élevée, et ce n'est pas sans motif qu'elle est désignée par l'huile, puisque l'huile surnage au-dessus de tous les liquides. Mets dans un vase de l'eau d'abord et de l'huile ensuite : c'est l'huile qui prend le dessus. Au contraire, mets l'huile d'abord et l'eau après : c'est encore l'huile qui surnage. Elle surnage donc toujours, quelque ordre que tu suives. Ainsi "la charité ne succombe jamais" (I Cor XII, 31 ; XIII, 1,8).

    Maintenant donc, mes frères, considérons ce que font les cinq vierges sages et les cinq vierges folles. Elles veulent aller au devant de l'époux. Que signifie aller au devant de l'époux ? C'est y aller de coeur, c'est attendre son arrivée. Mais il tardait de venir : ce fut alors que "toutes s'endormirent". Qui, toutes ? Et les folles et les sages "toutes s'assoupirent et s'endormirent." Faut-il prendre ce sommeil dans un bon sens ? Que faut-il en penser ? Ne devrions-nous pas l'entendre dans ce sens que l'iniquité se multipliant pendant que l'époux diffère de venir, la charité se refroidit ? Je n'aime pas cette interprétation et voici pourquoi : c'est qu'il est parlé dans la parabole de vierges sages, c'est qu'après avoir dit : "Et l'iniquité se multipliant, la charité se refroidit dans beaucoup", le Sauveur ajoute : "Or celui qui persévèrera jusqu'à la fin sera sauvé" (Mt XXV, 12,18). Où donc voulez-vous placer les vierges sages ? N'est-ce point parmi ceux qui ont persévéré jusqu'à la fin ? Non, mes frères, non elles ne sont admises à entrer dans le palais, que pour avoir persévéré jusqu'à la fin. II s'ensuit que leur charité n'a rien perdu de son ardeur, qu'elle ne s'est point refroidie et qu'elle a brûlé jusqu'à la fin. Et c'est parce qu'elle a brûlé jusqu'à la fin que l'époux a fait ouvrir ses portes, et que les vierges ont été invitées à entrer, comme le fut cet excellent serviteur à qui il fut dit : "Entre dans la joie de ton Seigneur" (Mt XXV, 21,23). »

    Saint Augustin, Sermon XCIII (5-6) Les dix vierges ou la pureté d'intention, in "Oeuvres complètes de saint Augustin" Tome VI (Sermons détachés, Première série, Passages détrachés de Saint Matthieu), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1866.

     

    « Les vierges sages sont des âmes qui, saisissant le moment favorable où elles sont dans des corps pour faire de bonnes œuvres, se sont préparées pour se présenter les premières lors de la venue du Seigneur. Les folles sont des âmes qui, relâchées et négligentes, n'ont eu que le souci des choses présentes et qui, oublieuses des promesses de Dieu, n'ont pas poussé jusqu'à l'espoir de la Résurrection. Et parce que les vierges folles ne peuvent aller au-devant avec leurs lampes éteintes, elles demandent à celles qui étaient sages de leur emprunter de l'huile. Mais celles-ci leur répondirent qu'elles ne pouvaient leur en donner, parce qu'il n'y en aurait peut-être pas assez pour toutes, ce qui veut dire que nul ne doit s'appuyer sur les œuvres et les mérites d'autrui, parce qu'il faut que chacun achète de l'huile pour sa propre lampe. »

    Saint Hilaire de Poitiers (315-367), Commentaire sur Matthieu, in Henri Duthu "Le Nouveau Testament et les Pères de l'Eglise" Tome 1, Résiac, 2001.

  • 29 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Décollation de saint Jean-Baptiste

    « Ce passage nous invite, mes frères, à vous dire quelques mots du serment, afin de mieux régler votre conduite et vos moeurs.
    Le faux serment n'est pas un péché léger ; c'est même un péché si grave que pour le prévenir le Seigneur a interdit tout serment. Voici ses paroles : "Il a été dit : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras au Seigneur tes serments. Et moi je vous dis de ne jurer en aucune façon ; ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds ; ni par tout autre objet ; ni par ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre langage soit : Oui, oui ; non, non ; car, ce qui est en plus vient du mal (Mt V, 33-37)."
    ...
     Que fais-tu en jurant ? Tu prends Dieu à témoin. Tu le prends à témoin ; lui s'y prend lui-même. Mais à toi qui n'es qu'un homme et qui te trompes fréquemment, il arrive bien souvent de prendre la vérité à témoin de tes erreurs. De plus, on se parjure quelquefois même sans le vouloir, c'est quand on croit vrai ce qu'on affirme avec serment. Sans doute le péché n'est pas alors aussi grave que le péché commis quand on affirme par serment ce qu'on sait être faux. Qu'on fait bien mieux, et qu'on est moins exposé à commettre ce grave péché, lorsqu'on écoute le Christ Notre-Seigneur, et que jamais on ne jure !
    ...
    Oh ! si on craignait Dieu ! Oh ! si les parjures tremblaient devant lui ! Bientôt la langue aurait un frein, on s'attacherait à la vérité et le serment aurait disparu. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon CCCVII (2-5) sur la décollation de Saint Jean-Baptiste (Sermons détachés sur divers passages de l'Écriture sainte — Deuxième série : Solennités et Panégyriques), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 28 août : Méditation

    « Dieu nous a donné l'être, la vie ; il nous a accordé le privilège d'élever nos regards vers le ciel et de les étendre sur la terre ; il nous a doués d'un esprit et d'une raison capables de remonter jusqu'à la première Cause de toutes les merveilles ; ce sont là des bienfaits dont nous sommes impuissants à rendre de dignes actions de grâces. Mais ce n'est pas tout. Nous étions sous le joug du péché, nous nous obstinions à nous détourner de la lumière, nous nous étions condamnés nous-mêmes à l'aveuglement, à l'amour de l'iniquité : et voilà que Dieu n'a pas voulu nous abandonner entièrement. Il nous a envoyé son Verbe, son Fils unique. Pour nous, ce Verbe s'est fait chair, il est né, il est mort. Ces mystères de miséricorde nous ont appris ce que nous valions aux yeux du Seigneur. Le sacrifice du Fils nous a purifiés de nos crimes, et sa charité s'est répandue dans nos coeurs par son Esprit. Depuis lors, il nous est possible de surmonter tous les obstacles, et d'arriver à l'éternel repos et à la jouissance des ineffables douceurs de la vision divine. En présence de ces nouveaux bienfaits, quels coeurs et quelles paroles suffiront jamais à sentir et à exprimer les sentiments de reconnaissance qui sont dus à Dieu ? »

    Saint Augustin, La Cité de Dieu (L. VII, ch. XXXI), in Elévations, Prières et Pensées, Paris, J. de Gigord, 1918.

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  • 27 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Mon fils, en ce qui me regarde, rien ne m’attache plus à cette vie. Qu’y ferais-je ? pourquoi y suis-je encore ? J’ai consommé dans le siècle toute mon espérance. Il était une seule chose pour laquelle je désirais séjourner quelque peu dans cette vie, c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu me l’a donné avec surabondance, puisque je te vois mépriser toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ?"

    Ce que je répondis à ces paroles, je ne m’en souviens pas bien ; mais à cinq ou six jours de là, la fièvre la mit au lit. Un jour dans sa maladie, elle perdit connaissance et fut un moment enlevée à tout ce qui l’entourait. Nous accourûmes ; elle reprit bientôt ses sens, et nous regardant mon frère et moi, debout auprès d’elle, elle nous dit comme nous interrogeant : "Où étais-je ?" Et à l’aspect de notre douleur muette : "Vous laisserez ici, votre mère !" Je gardais le silence et je retenais mes pleurs. Mon frère dit quelques mots exprimant le voeu qu’elle achevât sa vie dans sa patrie plutôt que sur une terre étrangère. Elle l’entendit, et, le visage ému, le réprimant des yeux pour de telles pensées, puis me regardant : "Vois comme il parle", me dit-elle ; et s’adressant à tous deux : "Laissez ce corps partout ; et que tel souci ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, partout où vous serez." Nous ayant témoigné sa pensée comme elle pouvait l’exprimer, elle se tut, et le progrès de la maladie redoublait ses souffrances.

    Alors, méditant sur vos dons, ô Dieu invisible, ces dons que vous semez dans le coeur de vos fidèles pour en récolter d’admirables moissons, je me réjouissais et vous rendais grâces au souvenir de cette vive préoccupation qui l’avait toujours inquiétée de sa sépulture, dont elle avait fixé et préparé la place auprès du corps de son mari ; parce qu’ayant vécu dans une étroite union, elle voulait encore, ô insuffisance de l’esprit humain pour les choses divines ! ajouter à ce bonheur, et qu’il fût dit par les hommes qu’après un voyage d’outremer, une même terre couvrait la terre de leurs corps réunis dans la mort même.

    Quand donc ce vide de son coeur avait-il commencé d’être comblé par la plénitude de votre grâce ? Je l’ignorais, et cette révélation qu’elle venait de faire ainsi me pénétrait d’admiration et de joie. Mais déjà, dans mon entretien à la fenêtre, ces paroles : "Que fais-je ici ?" témoignaient assez qu’elle ne tenait plus à mourir dans sa patrie. J’appris encore depuis, qu’à Ostie même, un jour, en mon absence, elle avait parlé avec une confiance toute maternelle à plusieurs de mes amis du mépris de cette vie et du bonheur de la mort. Admirant la vertu que vous aviez donnée à une femme, ils lui demandaient si elle ne redouterait pas de laisser son corps si loin de son pays : "Rien n’est loin de Dieu, répondit-elle ; et il n’est pas à craindre qu’à la fin des siècles, il ne reconnaisse pas la place où il doit me ressusciter." Ce fut ainsi que, le neuvième jour de sa maladie, dans la cinquante-sixième année de sa vie, et la trente-troisième de mon âge, cette âme pieuse et sainte vit tomber les chaînes corporelles. »

    Saint Augustin (354-430), Les Confessions Livre IX (ch. X,26 - XI,27-28), Trad. M. Moreau, 1864.

    Source : Abbaye de Saint-Benoît.