« Tous les jours, d'un bout de la terre à l'autre, dans le plus haut des cieux, dans le plus profond des abîmes, tout prêche, tout publie l'admirable Marie. Les neuf chœurs des anges, les hommes de tous sexes, âges, conditions, religions, bons et mauvais, jusqu'aux diables, sont obligés de l'appeler bienheureuse, bon gré mal gré, par ]a force de la vérité. Tous les anges, dans les cieux, lui crient incessamment, comme dit saint Bonaventure : Sancta, sancta, sancta Maria, Dei Genitrix et Virgo (1) ; et lui offrent des millions de millions de fois tous les jours la Salutation des anges : Ave, Maria, etc., en se prosternant devant elle, et lui demandant pour grâce de les honorer de quelques-uns de ses commandements. Jusqu'à saint Michel [qui], dit saint Augustin (2), quoique le prince de toute la cour céleste, est le plus zélé à lui rendre et à lui faire rendre toutes sortes d'honneurs, toujours en attente pour avoir l'honneur d'aller, à sa parole, rendre service à quelqu'un de ses serviteurs.
Toute la terre est pleine de sa gloire, particulièrement chez les chrétiens, où elle est prise pour tutélaire et protectrice en plusieurs royaumes, provinces, diocèses et villes. Plusieurs cathédrales consacrées à Dieu sous son nom. Point d'église sans autel en son honneur : point de contrée ni canton où il n'y ait quelqu'une de ses images miraculeuses, où toutes sortes de maux sont guéris, et toutes sortes de biens obtenus. Tant de confréries et congrégations en son honneur ! tant de religions (3) sous son nom et sa protection ! tant de confrères et sœurs de toutes les confréries, et tant de religieux et religieuses de toutes les religions qui publient ses louanges et qui annoncent ses miséricordes ! Il n'y a pas un petit enfant qui, en bégayant l'Ave Maria, ne la loue ; il n'y a guère de pécheurs qui, en leur endurcissement même, n'aient en elle quelque étincelle de confiance ; il n'y a pas même de diable dans les enfers qui, en la craignant, ne la respecte.
Après cela, il faut dire, en vérité, avec les saints :
De Maria nunquam satis.
On n'a point encore assez loué, exalté, honoré, aimé et servi Marie. Elle mérite encore plus de louanges, de respects, d'amours et de services.
Après cela, il faut dire avec le Saint-Esprit : Omnis gloria ejus filiae Regis ab intus (4) : Toute la gloire de la fille du Roi est au-dedans : comme si toute la gloire extérieure que lui rendent à l'envi le ciel et la terre n'était rien, en comparaison de celle qu'elle reçoit au-dedans par le Créateur, et qui n'est point connue des petites créatures, qui ne peuvent pénétrer le secret des secrets du Roi.
Après cela, il faut nous écrier avec l'Apôtre : Nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit (5) : Ni l’œil n'a vu, ni l'oreille n'a entendu, ni le coeur de l'homme n'a compris les beautés, les grandeurs et excellences de Marie, le miracle des miracles de la grâce, de la nature et de la gloire. Si vous voulez comprendre la Mère, dit un saint, comprenez le Fils. C'est une digne Mère de Dieu : Hic taceat omnis lingua : Que toute langue demeure muette ici. »
(1) : "Sainte, sainte, sainte Marie, Mère de Dieu et Vierge" S. Bonaventura (inter opuscula), Psalt. majus, in Hymn. ad instar illius qui adscribitur Ambrosio et Augustino (Opera omnia, Vivès, Parisiis 1888, vol. 14, p. 222) C'est une adaptation mariale de Is 6, 3.
(2) : Un texte du Speculum B.M.V., lect. 3 (Quaracchi 1904, t. 2, p. 39-40), que l'auteur Conrad de Saxe attribue explicitement à S. Augustin, a des traits communs avec ce passage.
(3) : C'est-à-dire : tant d'Ordres ou Instituts religieux.
(4) : Ps 44, 14.
(5) : I Co 2, 9.
St Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge (8 à 12), in Œuvres complètes, Éditions du Seuil, Paris, 1966.
Tableau de Antonio Cortina Farinós (1841–1890)
(Source et crédit photo)