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Pères de l'Eglise - Page 9

  • 16 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "... bien avant l'aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait." (Mc 1, 29-39)

    « Chaque fois que je parle de la prière, il me semble entendre dans votre coeur certaines réflexions humaines que j'ai entendues souvent, même dans mon propre coeur. Alors que nous ne cessons jamais de prier, comment se fait-il que si rarement nous paraissions expérimenter le fruit de la prière ? Nous avons l'impression de ressortir de la prière comme nous y sommes entrés ; personne ne nous répond un mot, ne nous donne quoi que ce soit, nous avons l’impression d'avoir peiné en vain. Mais que dit le Seigneur dans l’évangile ? « Ne jugez pas sur l'apparence, mais portez un jugement juste" (Jn 7,24). Qu'est-ce qu'un jugement juste sinon un jugement de foi ? Car "le juste vit de la foi" (Ga 3,11). Suis donc le jugement de la foi plutôt que ton expérience, car la foi ne trompe pas alors que l'expérience peut nous induire en erreur.

    Et quelle est la vérité de la foi, sinon ce que le Fils de Dieu lui-même promet : "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera accordé" (Mc 11,24). Que donc aucun d'entre vous, frères, ne tienne pour peu de chose sa prière ! Car, je vous l'affirme, celui à qui elle s'adresse ne la tient pas pour peu de chose ; avant même qu'elle ne soit sortie de notre bouche, il la fait écrire dans son livre. Sans le moindre doute nous pouvons être sûrs que soit Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit il nous donnera quelque chose qu’il sait être plus avantageux. Car "nous ne savons que demander pour prier comme il faut" (Rm 8,26) mais Dieu a compassion de notre ignorance et il reçoit notre prière avec bonté... Alors "mets ta joie dans le Seigneur, et il accordera les désirs de ton coeur" (Ps 36,4). »

    Saint Bernard (1091-1153), Sermons de Carême n°5, 5.

  • 15 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Il enseignait en homme qui a autorité" (Mc 1, 21-28)

    « Jésus s'est rendu donc à la synagogue de Capharnaüm le jour du sabbat et il s'est mis à enseigner... "Et il enseignait avec autorité, et non pas comme les scribes." Il ne disait pas, par exemple : "Parole du Seigneur" ou bien encore : "Ainsi s'exprime celui qui m'a envoyé". Non, Jésus parlait en son propre nom : c'était lui qui avait parlé jadis par la voix des prophètes. C'est déjà bien de pouvoir dire, en s'appuyant sur un texte, "Il est écrit" ou de dire : "Parole du Seigneur". Mais c'est tout autre chose de pouvoir affirmer : "En vérité, je vous le déclare..." Comment oses-tu dire : "En vérité, moi, je vous le déclare", si tu n'es pas celui-là qui autrefois a donné la Loi ? Personne n'ose changer la Loi, sinon le roi en personne... "Les gens étaient frappés par son enseignement." Qu'est-ce donc qu'il enseignait de si nouveau ? Que disait-il de si neuf ? Il ne faisait que redire ce qu'il avait dit par les prophètes. Mais les gens étaient frappés, car il n'enseignait pas selon la méthode des scribes. Il enseignait comme ayant lui-même autorité ; non en rabbi mais en Seigneur. Il ne parlait pas en se référant à un plus grand que lui. »

    Saint Jérôme (v.347-420), Commentaire sur l'Evangile de Marc, PL 2, 137-138 (Trad. rev. Tournay).

  • 13 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Baptême du Seigneur : "C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré." (Lc 3, 21-22)

    « Si l'on dit que le Christ a reçu le Saint Esprit, c'est en tant qu'il s'est fait homme et en tant qu'il convenait à l'homme de le recevoir. Sans doute, il est le Fils de Dieu le Père et engendré de sa substance, et cela avant l'incarnation et même avant tous les siècles. Malgré cela, il n'éprouve aucune tristesse à entendre le Père lui dire, maintenant qu'il s'est fait homme : "Tu es mon Fils ; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré." Celui qui était Dieu, engendré par lui avant les siècles, le Père dit qu'il est engendré aujourd'hui ; cela signifie qu'il nous accueille en lui comme des fils adoptifs, car toute l'humanité était contenue dans le Christ en tant qu'il était homme. En ce sens on dit que le Père, alors que son Fils possédait déjà son Esprit, le lui donne de nouveau : de telle sorte que nous soyons gratifiés de l'Esprit en lui. Le Christ n'a pas reçu l'Esprit Saint pour lui-même, mais plutôt pour nous, qui étions en lui. Car c'est par lui que nous parviennent tous les biens. »

    Saint Cyrille d'Alexandrie, Commentaire sur l'Evangile de Jean, V (2) ; P. G. LXXIII & LXXIV, col. 9-756 (Trad. P.E. Pusey, Oxford, 1872 et Bruxelles, 1965).

  • 12 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue." (Jn 3, 22-30)

    « Qu'est-ce donc que tout cela nous apprend ? Que la vaine gloire est la source et la cause de tous les maux : c'est elle qui a jeté les Juifs dans une furieuse jalousie; c'est elle qui les a ranimés après une courte trêve, et portés à aller trouver Jésus-Christ pour lui dire : « pourquoi vos disciples ne jeûnent-ils point? » (Matth. IX, 14.) Fuyons donc ce vice, mes bien-aimés. Si nous le fuyons, nous nous préserverons de l'enfer : car c'est principalement ce vice qui en attise le feu, tant sa domination s'étend sur tout, tant il exerce son tyrannique empire sur tout âge et sur tout rang ; c'est lui qui met le trouble dans l'Eglise, qui ruine les républiques, qui ruine les maisons, les villes, les peuples, les provinces. Pourquoi vous en étonner, quand il a bien pu pénétrer jusque dans le désert, où il a fait sentir toute la forte de son pouvoir? Ceux qui s'étaient dépouillés de leurs biens et de leurs richesses, qui avaient renoncé au luxe du monde, à toutes ses pompes et à ses maximes, qui avaient surmonté les désirs de la chair et les violentes passions de la cupidité, ont souvent tout perdu pour s'être laissé vaincre par la vaine gloire. C'est par ce vice que celui qui avait beaucoup travaillé a été vaincu par celui qui, bien loin d'avoir travaillé, avait au contraire commis beaucoup de péchés. Je parle du pharisien et du publicain. Mais prêcher contre ce vice, vous montrer les maux qu'il cause, ce serait peine perdue, car tout le monde est du même avis sur ce point; et ce dont il s'agit, c'est de réprimer en soi cette funeste passion.

    Comment donc en viendrons-nous à bout ? En opposant la gloire à la gloire. Comme, en effet, nous dédaignons les richesses de la terre, lorsque nous en envisageons d'autres; comme nous méprisons cette vie, lorsque nous pensons à une autre qui est bien préférable, nous pourrons de même rejeter la gloire de ce monde, lorsque nous songerons à une gloire plus belle, à ce qui est proprement la vraie gloire. Celle dont nous parlons n'est qu'une vaine et fausse gloire, un nom sans réalité; mais celle du ciel est une gloire véritable, qui a pour panégyristes, non les hommes, mais les anges, les archanges et le Seigneur des archanges, ou plutôt aussi les hommes mêmes. Si vous jetez les yeux sur ce théâtre, si vous cherchez à connaître le prix de ces couronnes, si vous vous transportez au lieu où retentissent ces applaudissements, les biens de la terre ne seront pas capables de vous toucher et de vous arrêter ; vous ne vous prévaudrez plus de leur possession, vous ne chercherez pas à les acquérir si elles vous manquent. Dans cette cour, on ne voit aucun des satellites du roi, au lieu de rechercher les bonnes grâces de celui qui siège sur le trône et porte le diadème, s'occuper de ces cris d'oiseaux, de ces bourdonnements de moucherons qui s'appellent les éloges des hommes.

    Connaissant donc la bassesse des choses humaines, envoyons, plaçons tous nos biens et' toutes nos richesses dans ces inviolables trésors, et cherchons la gloire qui est stable et éternelle. Je prie Dieu de nous l'accorder à tous, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit... »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie XXIX (3), in Oeuvres complètes (Tome VIII), Traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie Éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 10 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "L'amour de Dieu, c'est cela : garder ses commandements." (1Jn 5, 1-4)

    « Nous avons reçu de Dieu la tendance naturelle à faire ce qu'il commande et nous ne pouvons donc pas nous insurger comme s'il nous demandait une chose tout à fait extraordinaire, ni nous enorgueillir comme si nous apportions plus que ce qui nous est donné... En recevant de Dieu le commandement de l'amour, nous avons aussitôt, dès notre origine, possédé la faculté naturelle d'aimer. Ce n'est pas du dehors que nous en sommes informés ; chacun peut s'en rendre compte par lui-même car nous cherchons naturellement ce qui est beau... ; sans qu'on nous l'apprenne, nous aimons ceux qui nous sont apparentés par le sang ou par l'alliance ; nous manifestons enfin volontiers notre bienveillance à nos bienfaiteurs.

    Or, quoi de plus admirable que la beauté de Dieu ?... Quel désir est ardent comme la soif provoquée par Dieu dans l'âme purifiée, s'écriant dans une émotion sincère : « L'amour m'a blessée » ? (Ct 2,5)... Cette beauté est invisible aux yeux du corps ; l'âme seule et l'intelligence peuvent la saisir. Chaque fois qu'elle a illuminé les saints, elle a laissé en eux l'aiguillon d'un grand désir, au point qu'ils se sont écriés : « Malheur à moi, parce que mon exil s'est prolongé » (Ps 119,5), « Quand irai-je contempler la face du Seigneur ? » (Ps 41,3) et « Je voudrais m'en aller et être avec le Christ » (Ph 1,23). « Mon âme a soif du Seigneur vivant » (Ps 41,3)... C'est ainsi que les hommes aspirent naturellement vers le beau. Mais ce qui est bon est aussi souverainement aimable ; or Dieu est bon ; donc tout recherche le bon ; donc tout recherche Dieu...

    Si l'affection des enfants pour leurs parents est un sentiment naturel qui se manifeste dans l'instinct des animaux et dans la disposition des hommes à aimer leur mère dès leur jeune âge, ne soyons pas moins intelligents que des enfants, ni plus stupides que des bêtes sauvages : ne restons pas devant Dieu qui nous a créés comme des étrangers sans amour. Même si nous n'avons pas appris par sa bonté ce qu'il est, nous devrions encore, pour le seul motif que nous avons été créés par lui, l'aimer par-dessus tout, et rester attachés à son souvenir comme des enfants à celui de leur mère. »

    Saint Basile (v.330-379), Les Règles Monastiques, Grandes Règles, Q. 2 (Trad. Léon Lèbe, Editions de Maredsous, 1969).

  • 9 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La tempête apaisée : "Confiance ! C'est moi ; n'ayez pas peur" (Mc 6, 45-52)

    « "Après cela, il ordonna à ses disciples de monter dans la barque jusqu'à ce qu'il disperse lui-même les foules ; et, la foule dispersée,  il monta pour prier et, le soir venu, il était seul" (Mt 14, 22-23). Pour donner la raison de ces faits, il faut faire des distinctions de temps. S'il est seul le soir, cela montre sa solitude à l'heure de la Passion, quand la panique a dispersé tout le monde. S'il ordonne à ses disciples de monter dans la barque et de traverser la mer, pendant qu'il renvoie lui-même les foules et, celles-ci une fois renvoyées, s'il monte sur une montagne, c'est qu'il leur ordonne d'être dans l'Eglise et de naviguer par la mer, c'est-à-dire ce monde, jusqu'à ce que, revenant dans son avènement de gloire, il rende le salut à tout le peuple qui sera le reste d'Israël (cf. Rm 11,5)... et que ce peuple rende grâce à Dieu son Père et s'établisse dans sa gloire et sa majesté... "Il vient à eux vers la fin de la nuit, à la quatrième veille." Dans l'expression "quatrième veille de la nuit" on trouve le nombre correspondant aux marques de sa sollicitude. En effet,  la première veille a été celle de la Loi, la seconde celle des prophètes, la troisième celle de son avènement corporel, la quatrième se place à son retour glorieux. »

    Saint Hilaire de Poitiers, Commentaire sur l'Evangile de Matthieu, XIV (13-14) (Trad. SC 258 rev.).

    A lire également, le Sermon LXXV de saint Augustin sur la tempête apaisée.

    Extrait :

    « La quatrième veille est la fin de la nuit, car chaque veille est de trois heures. Cette circonstance signifie donc que vers la fin des temps le Seigneur vient secourir son Eglise et semble marcher sur les eaux. Car, bien que ce vaisseau soit en butte aux attaques et aux tempêtes, il n'en voit pas moins le Sauveur glorifié marcher sur toutes les élévations de la mer, c'est-à-dire sur toutes les puissances du siècle. A l'époque où il nous servait dans sa chair de modèle d'humilité, et où il souffrait pour nous, il était dit de lui que les flots s'élevèrent contre sa personne et que pour l'amour de nous il céda volontairement devant cette tourmente afin d'accomplir cette prophétie : "Je me suis jeté dans la profondeur de la mer, et la tempête m'a submergé." (Ps LXVIII, 3) En effet il n'a point repoussé les faux témoins ni confondu les cris barbares qui demandaient qu'il fût crucifié (Mt XXVII, 23). Il n'a point employé sa puissance à comprimer la rage de ces coeurs et de ces bouches en fureur, mais sa patience à l'endurer. On lui a fait tout ce qu'on a voulu, parce qu'il s'est fait lui-même obéissant jusqu'à la mort de la croix (Ph II, 8).
    Mais lorsqu'après sa résurrection d'entre les morts il voulut prier seul pour ses disciples, placés dans l'Eglise comme dans un vaisseau, appuyés sur le bois, c'est-à-dire sur la foi de sa croix et menacés par les vagues des tentations de ce siècle, son nom commença à être honoré dans ce monde même, où il avait été méprisé, accusé, mis à mort ; et lui qui en souffrant dans son corps s'était jeté dans la profondeur de la mer et y avait été englouti, foulait les orgueilleux ou les flots écumants, aux pieds de sa gloire. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore nous le voyons marcher en quelque sorte sur la mer, puisque toute la rage du ciel expire à ses pieds. »

    Texte intégral à l'Abbaye Saint Benoît.

  • 8 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La multiplication des pains, préfiguration de l'Eucharistie (Mc 6, 34-44)

    « Le Christ, pour nous attirer à l'aimer davantage, nous a donné sa chair en nourriture. Allons donc à lui avec beaucoup d'amour et de ferveur... Ce corps, les mages l'ont adoré quand il était couché dans une mangeoire. Ces païens, ces étrangers, quittèrent leur patrie et leur maison, entreprirent un long voyage pour l'adorer avec crainte et tremblement. Imitons au moins ces étrangers, nous qui sommes citoyens des cieux... Ceux-là, voyant l'enfant, le Christ, dans une mangeoire, sous un pauvre toit, tout en ne voyant rien de ce que vous voyez, s'avancèrent avec un très grand respect.

    Vous ne le voyez plus dans une mangeoire, mais sur l'autel. Vous ne voyez plus une femme qui le tient dans ses bras, mais le prêtre qui l'offre, et l'Esprit de Dieu, avec toute sa générosité, plane au-dessus des offrandes. Non seulement vous voyez le même corps que voyaient les mages, mais en outre vous connaissez sa puissance et sa sagesse, et vous n'ignorez rien de ce qu'il a accompli, après toute l'initiation aux mystères qui vous a été donnée avec exactitude. Réveillons-nous donc, et réveillons en nous la crainte de Dieu. Montrons beaucoup plus de piété que ces étrangers, afin de ne pas avancer n'importe comment vers l'autel...

    Cette table fortifie notre âme, rassemble notre pensée, soutient notre assurance ; elle est notre espérance, notre salut, notre lumière, notre vie. Si nous quittons la terre après ce sacrifice, nous entrerons avec une parfaite assurance dans les parvis sacrés, comme si nous étions protégés de tous côtés par une armure d'or. Mais pourquoi parler du futur ? Dès ce monde, le sacrement transforme la terre en ciel. Ouvrez donc les portes du ciel, et alors vous verrez ce que je viens de dire. Ce qu'il y a de plus précieux au ciel, je vous le montrerai sur la terre. Ce que je vous montre, ce n'est ni les anges, ni les archanges, ni les cieux des cieux, mais celui qui est leur maître. Vous voyez ainsi d'une certaine façon sur la terre ce qu'il y a de plus précieux. Et non seulement vous le voyez, mais vous le touchez, vous le mangez. Purifiez donc votre âme, préparez votre esprit à recevoir ces mystères. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélies sur la 1ère lettre aux Corinthiens, 24,4 ; PG 61, 204-205 (Trad. Delhougne, Les Pères de l'Eglise commentent l'Evangile, Brepols, 1991).

  • 7 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les mages à Bethléem (Mt 2, 1-12)

    « Levons-nous, à l'exemple des mages. Laissons tout le monde se troubler ; mais nous, courons à la demeure de l'enfant. Que les rois ou les peuples, que de cruels tyrans s'efforcent de nous barrer le chemin, peu importe, ne ralentissons pas notre ardeur. Repoussons tous les maux qui nous menacent. S'ils n'avaient pas vu l'enfant, les mages n'auraient pas échappé au danger qu'ils couraient de la part du roi Hérode. Avant d'avoir eu le bonheur de le contempler, ils étaient assiégés par la crainte, entourés de périls, plongés dans le trouble : après qu'ils l'ont adoré, le calme et la sécurité se sont établis dans leur cœur...

    Laissez donc là, vous aussi, une ville en désordre, un despote assoiffé de sang, toutes les richesses de ce monde, et venons à Bethléem, la "maison du pain" spirituel. Etes-vous berger, venez seulement, et vous verrez l'enfant dans l'étable. Etes-vous roi, si vous ne venez point, votre pourpre ne vous servira de rien. Etes-vous mage, ce n'est pas un empêchement, pourvu que vous veniez montrer votre respect, et non fouler aux pieds le Fils de Dieu. Si tu es un étranger ou même un barbare, tu seras admis à la cour de ce roi... Pourvu que vous approchiez avec frayeur et joie, deux choses qui ne sont pas incompatibles...

    En nous prosternant, laissons tout échapper de nos mains. Si nous avons de l'or, donnons-le sans réserve, et ne l'enfouissons pas... Des étrangers entreprirent un si long voyage pour contempler cet enfant nouveau-né : quel moyen avez-vous d'excuser votre conduite, vous qui refusez de faire quelques pas pour visiter l'infirme ou le prisonnier ? Ils offrirent de l'or : ce n'est pas sans peine que vous donnez du pain ! Ils aperçurent l'étoile, et leur cœur fut rempli de joie vous voyez le Christ sur une terre étrangère, sans vêtement, et vous n'êtes pas ému ? »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Matthieu VII (5), in St Jean Chrysostome, Oeuvres complètes (Tome 6), Traduction de l’abbé Bareille, 1865–1873 (tr. rev.).

    Autre traduction et texte intégral sur le site de l'Abbaye Saint Benoît.

  • 6 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Visite des mages à Bethléem (Mt 2, 1-12)

    « 1. Il y a peu de jours, nous avons célébré, comme il vous en souvient, la naissance de Celui qui est appelé le Jour. En ce moment nous célébrons le mystère de sa manifestation, alors qu'il s'est révélé aux Gentils avec un éclat ravissant. En ce jour, selon le texte même de l’Évangile, les Mages vinrent d'Orient, cherchant le Roi des Juifs qui venait de naître, et s'écriant : "Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l'adorer (Mt II, 2)". Pour annoncer Jésus-Christ aux bergers d'Israël, nous avons lu que des anges étaient descendus du ciel ; et pour amener les Mages des confins de l'Orient au berceau du Sauveur, une étoile parut jetant un vif éclat dans le ciel. Soit qu'il s'agisse des Juifs avertis par des anges, soit qu'il s'agisse des Gentils guidés par une étoile étincelante, il est toujours vrai de dire que "les cieux ont raconté la gloire de Dieu (Ps XVIII, 2)" ; et c'est par ces prémices de la foi des peuples à la nativité du Sauveur, "que notre pierre angulaire" s'est manifestée (Eph II, 20). Ils ont cru, et bientôt ils ont prêché Jésus-Christ. Avertis par la voix des anges, les bergers ont cru ; les Mages aussi ont adoré, eux qui venaient de pays si éloignés. De son côté, Jésus-Christ, qui était venu "annoncer la paix à ceux qui étaient loin et à ceux qui étaient près (Id. II, 17)" reçut dans la paix chacun de ces peuples ; car "il est lui-même notre paix, ayant formé des uns et des autres l'unité (Id. 14)", c'est-à-dire de tous les peuples dont il avait reçu les prémices au moment de sa naissance ; cette unité, cependant, ne commença à se réaliser qu'après le grand miracle de l'Ascension.

    2. Isaïe avait entrevu cette unification des peuples par Jésus-Christ, quand il s'écriait "Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne l'étable de son maître (Is I, 3)". Le bœuf désigne ici les Israélites courbés sous le joug de la loi ; les Gentils sont désignés par l'âne, animal immonde, parce que l'impureté de l'idolâtrie séparait ces Gentils des Israélites adorateurs du vrai Dieu ; et cependant ces Gentils, comme les Juifs, devaient venir à l'étable, et après y avoir été purifiés par la foi de Jésus-Christ, participer à la table commune du corps de Jésus-Christ. C'est ainsi que le Seigneur, s'adressant à l’Église formée des deux peuples, disait : "Venez à moi, vous tous qui souffrez et êtes chargés de quelque fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau est léger (Mt XI, 28-30)". Comme s'il eût dit au bœuf. "Mon joug est doux", et à l'âne : "Mon fardeau est léger". Aux Juifs courbés sous le joug écrasant de la loi, il disait Mon joug est doux ; aux Gentils plongés dans les voluptés naturelles et refusant le fardeau salutaire des préceptes, il disait : Pourquoi restez-vous rebelles ; pourquoi refusez-vous d'accepter le fardeau ? "Mon fardeau est léger".

    3. Aux Mages qui, à leur arrivée, demandaient où était né le Christ, les Juifs firent connaître le lieu de sa naissance, et cependant restèrent immobiles. Dans tous les livres des Prophètes, les Juifs trouvent clairement désignés Jésus-Christ et son Eglise, et cependant ce n'est point par eux, mais par les Gentils, que Jésus-Christ est adoré. De son côté, l'impie Hérode, apprenant des Mages la naissance du Roi des Juifs, frémit aussitôt pour sa couronne, et se flattant, "malgré l'Ange du Grand Conseil (Is IX, 6)", de triompher de ses alarmes par l'habileté de ses desseins, prend deux moyens, à ses yeux infaillibles, de s'assurer la victoire : le mensonge et la cruauté. D'abord, il ment aux Mages quand il leur dit : "Allez donc, informez-vous avec soin de l'enfant, et quand vous l'aurez trouvé, empressez-vous de m'en instruire, afin que j'aille moi-même et que je l'adore (Mt II, 8)" ; il feint ainsi de vouloir adorer Celui qu'il désirait tuer. Déçu dans ses desseins, il ordonna d'immoler, dans toute la Judée, les enfants qui pourraient avoir le même âge que Jésus-Christ. Horrible cruauté dictée par l'ambition, et qui fit couler inutilement des flots de sang innocent !

    4. Vous le voyez, mes frères, Jésus-Christ est encore porté dans les bras de sa Mère, et déjà il multiplie les prodiges. Petit enfant, il triomphe d'un roi puissant ; sans armes, il se joue de la force armée ; enveloppé de langes, il dédaigne ce prince couvert de la pourpre ; couché dans une crèche, il se joue du tribunal d'un roi ; silencieux, il a ses hérauts ; caché, il trouve des témoins. Hérode, vous usez de cruauté, et parmi les persécuteurs du Christ, vous tenez le premier rang. Mais Celui "qui a le pouvoir de donner sa vie (Jn X, 18), n'a rien à craindre de votre colère. L'aiguillon de la crainte peut vous agiter, vous pouvez brûler des feux de la fureur ; mais, pour Jésus-Christ, le temps n'est point encore venu de mourir. Toutefois, s'il vous faut satisfaire votre affreuse cruauté, faites des martyrs de Jésus-Christ. Arrachez aux embrassements des nourrices ceux que vous n'arracherez pas aux embrassements des anges. Qu'ils quittent le sein maternel pour s'élever au-dessus des astres ; qu'ils échappent aux larmes de leurs mères pour se couvrir de la gloire des martyrs ; qu'ils quittent les bras de celles qui les portent, afin qu'ils parviennent à la couronne immortelle ; qu'ils soient témoins, eux qui ne peuvent encore parler ; qu'ils rendent témoignage, ceux qui n'ont pas encore l'usage de la parole, et que ceux qui, par leur âge, ne peuvent prononcer le nom de Jésus-Christ, commencent, par sa grâce, à confesser Jésus-Christ. Hérode, vous ne connaissez pas l'ordre des décrets divins, et voilà ce qui vous trouble. Jésus-Christ est venu sur la terre, non point pour s'emparer de votre trône, mais pour subir des humiliations de toute sorte ; non pas pour s'enivrer des flatteries des peuples et de leurs adulations, mais pour s'élever sur la croix que lui auront assignée les clameurs des Juifs ; non pas pour faire scintiller sur son front le diadème royal, mais pour être méprisé sous une couronne d'épines.

    5. Nous, mes frères, pour qui tout a été fait, pour qui le Très-Haut s'est humilié si profondément, pour qui un Dieu s'est fait homme, pour qui notre Créateur a été créé, pour qui notre pain a daigné avoir faim, et passant tant d'autres titres, nous pour qui notre vie a goûté les horreurs de la mort, vivons de telle sorte qu'au moins en quelque manière nous nous rendions dignes d'un si grand bienfait ; marchons sur les traces mortelles de l'humilité de Jésus-Christ, afin que nous recevions de lui la récompense éternelle. »

    Saint Augustin, XIXe Sermon, sur l'Epiphanie de Notre-Seigneur (Sermons sur le Propre du Temps), in Oeuvres complètes de Saint Augustin (Tome XI), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.

  • 5 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Philippe et Nathanaël (Jn 1, 43-51)

    « "Philippe ayant trouvé Nathanaël, lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et que les prophètes ont prédit ; savoir Jésus de Nazareth, fils de Joseph." Philippe dit cela pour donner, par l'autorité de Moïse et des prophètes, plus de créance à sa prédication, et aussi pour rendre son auditeur docile et respectueux. Et comme Nathanaël était savant et très zélé pour la vérité, ainsi que Jésus-Christ même en rend témoignage, et que sa propre conduite le prouve, il le renvoie avec raison à Moïse et aux prophètes, afin que, Jésus-Christ le recevant ensuite, le trouvât instruit. Si l'évangéliste appelle Jésus fils de Joseph, ne vous en troublez point, alors on le croyait encore fils de Joseph. Mais, Philippe, par où est-il certain que ce Jésus est celui que vous dites ? Quelle preuve nous en donnez-vous ? Ce n'est pas assez que vous le disiez. Quel prodige, quel miracle avez-vous vu ? Il y a du risque et du péril à croire témérairement de si grandes choses. Quelle raison avez-vous donc ? La même qu'André, dit-il ; car André n'ayant ni assez de force, ni assez de capacité pour annoncer le trésor qu'il avait découvert, ni assez d'éloquence pour le faire connaître, amène son frère à celui qu'il a trouvé. De même Philippe n'explique pas comment ce Jésus est le Christ, ni en quoi, ni quand les prophètes l'ont prédit ; mais il amène Nathanaël à Jésus, bien sûr que désormais il ne le quittera point, s'il a une fois entendu sa parole et sa doctrine.
     
    "Nathanaël lui dit : Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? Philippe lui dit : Venez et voyez."

    [...]

    Est-ce que Jésus vit seulement Nathanaël, lorsque Philippe l'appela ? ou ne l'avait-il pas vu auparavant avec cet oeil qui ne dort jamais ? certainement il l'avait vu : que, personne n'en doute. Mais Jésus n'a dû dire alors que ce qui était nécessaire. Nathanaël confessa donc que Jésus était le Christ, en voyant un signe évident de sa prescience ; ses hésitations avaient prouvé sa sagesse ; son acquiescement démontra sa bonne foi. Car "il repartit à Jésus", dit le texte sacré : "Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël". Ne voyez-vous pas là une âme qui subitement tressaille de joie ? Ne voyez-vous pas un homme qui, par ses paroles, embrasse Jésus ? Vous êtes, dit-il, celui qui est attendu et désiré. Ne le voyez-vous pas s'étonner, admirer, tressaillir et bondir de joie ?

    Nous devons être aussi dans la joie, nous qui avons reçu la connaissance du Fils de Dieu ; nous devons, dis-je , non-seulement nous réjouir au fond du coeur, mais encore marquer et exprimer au dehors notre joie par nos oeuvres mêmes. Mais cette joie, en quoi consiste-t-elle ? A être obéissants à celui que vous avez connu. Or, cette obéissance consiste à faire ce que veut Jésus-Christ : si nous faisons ce qui irrite sa colère, comment manifesterons-nous notre allégresse ? Ne voyez-vous pas que celui qui a reçu son ami dans sa maison, fait tout avec joie, qu'il court de tous côtés, qu'il n'épargne rien ; fût-il besoin de répandre même tout son bien, il est prêt à le faire, et cela uniquement pour plaire, à son ami. S'il n'accourait pas quand il l'appelle, s'il ne faisait pas toutes choses selon son désir et sa volonté, assurât-il même mille fois qu'il se réjouit de son arrivée, son hôte ne le croirait point, et ce serait avec raison : il faut en effet marquer sa joie par ses oeuvres et par ses actions.

    C'est pourquoi Jésus-Christ étant venu chez nous, montrons que nous nous en réjouissons et ne faisons rien qui puisse lui déplaire et le fâcher ; parons, ornons cette maison où il est venu : voilà ce qu'on doit faire quand on est dans la joie. Présentons-lui à manger ce qui est le plus de son goût : c'est là ce que doit faire celui qui est dans l'allégresse. Mais quelle est la nourriture que nous lui devons présenter ? Il nous l'apprend lui-même : "Ma nourriture", dit-il, "est de faire la volonté de celui qui "m'a envoyé"(Jn IV, 34). Donnons-lui à manger lorsqu'il a faim ; donnons-lui à boire lorsqu'il a soif : quand vous ne lui donneriez qu'un verre d'eau froide, il le recevra, car il vous aime : les présents de l'ami, quelque petits qu'ils soient, paraissent grands à un ami. Seulement ne soyez point paresseux, ni lents à donner ; quand vous ne donneriez que deux oboles, il ne les rejettera point, mais il les recevra comme quelque chose de grand prix. En effet, n'ayant besoin de personne, et ces choses ne lui étant nullement nécessaires, c'est avec raison qu'il ne regarde point à la grandeur des dons, mais à l'intention et à la volonté de celui qui donne. Seulement faites voir que vous êtes content de l'avoir chez vous, qu'il n'est rien que vous ne soyez prêts à faire pour lui, et que sa présence vous réjouit.

    Considérez quel amour il a pour vous ; c'est pour vous qu'il est venu, pour vous il a donné sa vie. Et après de si grands bienfaits, il ne refuse même pas de vous prier. Car, dit saint Paul : "Nous faisons la charge d'ambassadeur pour Jésus-Christ, et c'est Dieu même qui vous exhorte par notre bouche". (II Co V, 20.) Et qui est assez insensé pour ne pas aimer son Seigneur ? Et ce que je dis là, je sais qu'aucun de vous ne le démentira de la bouche ni du coeur. Mais celui que l'on aime veut qu'on lui marque son amour, non seulement par des paroles, mais encore par des oeuvres. Dire que l'on aime, et ne point faire ce qu'ont coutume de faire ceux qui aiment, c'est sûrement une chose bien ridicule et devant Dieu et devant les hommes. Puis donc qu'il est non seulement inutile, mais encore très nuisible, de confesser Jésus-Christ seulement de bouche, et de le renoncer par ses oeuvres, je vous conjure, mes frères, de le confesser également par vos actes, afin que Jésus-Christ lui-même nous reconnaisse en ce jour, où il déclarera devant son Père ceux qui sont dignes "d'être reçus de lui". C'est la grâce que je vous souhaite en Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie XX (1,3), in Oeuvres complètes (Tome VIII), Traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie Éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 4 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les premiers disciples : "Nous avons trouvé le Messie" (Jn 1, 35-42)

    « Désormais, Seigneur, c'est toi seul que j'aime, à toi seul que je m'attache, toi seul que je cherche, toi seul que je suis prêt à servir, parce que c'est toi seul qui commandes avec justice. A tes ordres je désire me soumettre ; commande, je t'en prie, commande ce que tu veux, mais guéris-moi, ouvre mes oreilles, afin que je puisse entendre tes paroles...

    Reçois-moi comme un fugitif, Seigneur, ô Père très bon. J'ai souffert assez longtemps ; assez longtemps j'ai été asservi à tes ennemis et le jouet des mensonges. Reçois-moi comme ton serviteur qui veut s'éloigner de toutes ces choses vaines... Je sens qu'il me faut revenir à toi ; je frappe, ouvre-moi la porte, enseigne-moi comment on parvient jusqu'à toi... C'est vers toi que je veux aller, donne-moi donc les moyens d'arriver jusqu'à toi. Si tu t'éloignes, nous périssons ! Mais tu n'abandonnes personne, parce que tu es le souverain bien ; tous ceux qui te cherchent avec droiture te trouvent. C'est toi qui nous montres comment te chercher avec droiture. O mon Père, fais donc que je te cherche, délivre-moi de l'erreur, ne permets pas que, dans ma recherche, je trouve autre chose que toi. Si je ne désire rien d'autre que toi, fais que ce soit toi seul que je trouve, ô mon Père. »

    Saint Augustin (354-430), Soliloques, L.1, ch.1, § 5-6.

  • 3 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Baptême de Jésus par Jean-Baptiste : "J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui." (Jn 1, 29-34)

    « Jésus-Christ n'avait pas besoin du baptême de Jean, et ce bain n'a été institué que pour acheminer tous les autres hommes à la foi en Jésus-Christ. Car Jean-Baptiste n'a point dit : je suis venu baptiser pour rendre purs ceux que j'aurai baptisés, ni pour les délivrer de leurs péchés ; mais, "afin qu'il soit connu dans Israël".

    Mais quoi ! est-ce que sans le baptême de Jean, on ne pouvait ni prêcher, ni attirer le peuple ? Je réponds que cela n'eût pas été si facile. Si le baptême n'eût pas accompagné la prédication, tous n'auraient pas accouru de même, et ils n'auraient point connu la prééminence d'un baptême sur l'autre, sans en faire la comparaison. Si le peuple sortait des villes, ce n'était point pour aller entendre la prédication de Jean-Baptiste. Pourquoi donc ? Afin que, confessant leurs péchés, ils se fassent baptiser. Mais, une fois arrivés, ils apprenaient à connaître Jésus-Christ, et aussi la différence des baptêmes : le baptême de Jean était plus excellent que celui des Juifs, et voilà pourquoi tous y accouraient, mais cependant ce baptême était lui-même imparfait.

    Comment donc l'avez-vous connu ? C'est, dit-il, par la descente du Saint-Esprit. Mais de peur que quelqu'un ne fût par là induit à croire qu'il avait eu besoin du Saint-Esprit, comme nous-mêmes nous en avons besoin, écoutez comment il ôte encore ce soupçon , faisant voir que le Saint-Esprit était seulement descendu pour lui révéler qu'il devait prêcher Jésus-Christ. Car ayant dit : "Pour moi, je ne le connaissais pas", il a ajouté : "mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit : Celui sur qui vous verrez descendre et demeurer le Saint-Esprit, est celui qui baptise dans le Saint-Esprit". Ces paroles ne vous font-elles pas voir, mes frères, que le Saint-Esprit est uniquement descendu pour faire connaître Jésus-Christ ? Le témoignage de Jean-Baptiste était sans doute par lui-même exempt de tout soupçon ; mais le saint précurseur, pour donner encore plus de poids et de créance à son témoignage, le rapporte à Dieu et au Saint-Esprit. Comme la vérité qu'il avait annoncée, que Jésus-Christ seul ôtait tous les péchés du monde, et qu'il était si grand et si puissant qu'il suffisait seul pour opérer une si grande rédemption, était si excellente et si admirable, qu'elle pouvait jeter tous les auditeurs dans l'étonnement, il la fortifie et la confirme ; il la confirme en faisant voir que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, qu'il n'avait nullement besoin du baptême, et que le Saint-Esprit n'est descendu que pour le faire connaître. Car il n'était pas au pouvoir de Jean de donner le Saint-Esprit, ce que déclarent ceux qui avaient reçu de lui le baptême ; puisqu'ils disent : "Nous n'avons pas seulement ouï dire qu'il y ait un Saint-Esprit" (Act XIX, 2). Jésus-Christ n'avait donc besoin, ni du baptême de Jean, ni d'aucun autre ; mais plutôt le baptême avait besoin de la puissance de Jésus-Christ car ce qui lui manquait encore était le bien suprême, je veux parler du don de l'Esprit fait au baptisé. C'est Jésus-Christ qui, par son avènement, a apporté au monde le don du Saint-Esprit. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie XVII (2), in Oeuvres complètes (Tome VIII), Traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie Éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Saint Jean Baptiste (Jn 1, 19-28)

    « "Moi, je baptise dans l'eau ; mais au milieu de vous se trouve quelqu'un que vous ne connaissez pas." Ce n'est pas dans l'esprit, mais dans l'eau que Jean baptise. Impuissant à pardonner les péchés, il lave par l'eau le corps des baptisés, mais ne lave pas l'esprit par le pardon. Pourquoi donc baptise-t-il, s'il ne remet pas les péchés par son baptême ? Pourquoi, sinon pour rester dans son rôle de précurseur ? De même qu'en naissant, il avait précédé le Seigneur qui allait naître, il précédait aussi, en baptisant, le Seigneur qui allait baptiser. Précurseur du Christ par sa prédication, il le devenait également en donnant un baptême qui était l'image du sacrement à venir.
    Jean a annoncé un mystère lorsqu'il a déclaré que le Christ se tenait au milieu des hommes et qu'il ne leur était pas connu, puisque le Seigneur, quand il s'est montré dans la chair, était à la fois visible en son corps et invisible en sa majesté. Et Jean ajoute : "Celui qui vient après moi a passé devant moi" (Jn 1,15)...; il explique les causes de la supériorité du Christ lorsqu'il précise : "Car il était avant moi", comme pour dire clairement : "S'il l'emporte sur moi, alors qu'il est né après moi, c'est que le temps de sa naissance ne le resserre pas dans des limites. Né d'une mère dans le temps, il est engendré par le Père hors du temps".
    Jean manifeste quel humble respect il lui doit, en poursuivant : "Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale". Il était de coutume chez les anciens que si quelqu'un refusait d'épouser une jeune fille qui lui était promise, il dénouait la sandale de celui à qui il revenait d'être son époux. Or le Christ ne s'est-il pas manifesté comme l'Époux de la sainte Église ?... Mais parce que les hommes ont pensé que Jean était le Christ - ce que Jean lui-même nie - il se déclare indigne de dénouer la courroie de sa sandale. C'est comme s'il disait clairement... : "Je ne m'arroge pas à tort le nom d'époux" (cf Jn 3,29). »

    Saint Grégoire le Grand (v.540-604), Homélies sur l'Évangile, n°7 (Trad. Le Barroux rev.).

  • 1er janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Solennité de Marie, Mère de Dieu

    « Je m'étonne qu'il y ait des gens pour poser cette question : faut-il, ou ne faut-il pas appeler la Sainte Vierge Mère de Dieu ? Car si Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu, comment la Vierge qui l'a mis au monde ne serait-elle pas la Mère de Dieu ? [...] L'Ecriture divinement inspirée déclare que le Verbe de Dieu s'est fait chair, c'est-à-dire s'est uni à une chair douée d'une âme raisonnable. A sa suite le grand et saint concile de Nicée enseigne que c'est le même Fils unique de Dieu, engendré de la substance du Père, par qui tout a été fait, en qui tout subsiste, qui pour nous autres hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s'est incarné, s'est fait homme, a souffert, est ressuscité, et reviendra un jour comme juge ; le Concile nomme le Verbe de Dieu : le seul Seigneur Jésus-Christ. Et que l'on observe bien qu'en parlant d'un seul Fils, et en le nommant le Seigneur, le Christ-Jésus, le Concile déclare qu'il est engendré par Dieu le Père, qu'il est le Monogène. Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré, non créé, consubstantiel au Père... Et dès lors la Sainte Vierge peut être appelée à la fois Mère du Christ, et Mère de Dieu, car elle a mis au monde non point un homme comme nous [ce qui explique le miracle de la Virginité Perpétuelle : la naissance est exclusivement Divine car la Personne qui est née dans le temps est exclusivement divine, nullement humaine. Nombreux sont les hérétiques nestoriens qui existent encore aujourd'hui. NDLR], mais bien le Verbe du Père qui s'est incarné et s'est fait homme. Mais, dira-t-on : "La Vierge est-elle donc Mère de la divinité ?". A quoi nous répondons : Le Verbe vivant, subsistant, a été engendré de la substance même de Dieu le Père, il existe de toute éternité, conjointement avec celui qui l'a engendré, il est en lui, avec lui. Mais dans la suite des temps, il s'est fait chair, c'est-à-dire s'est uni une chair possédant une âme raisonnable, dès lors on peut dire qu'il est né de la femme, selon la chair. Ce mystère d'ailleurs a quelque analogie avec notre génération même. Sur la terre en effet les mères, d'après les lois mêmes de la nature, portent dans leur sein un fruit qui, obéissant aux mystérieuses énergies déposées par Dieu, évolue et finalement se développe en forme humaine ; mais c'est Dieu qui dans ce petit corps met une âme de la manière que lui seul connaît. "C'est Dieu qui façonne l'âme de l'homme", dit le prophète. Or, autre chose est la chair, autre chose est l'âme. Pourtant bien que les mères aient produit le corps seulement, on ne laisse pas de dire qu'elles ont mis au monde l'être vivant, corps et âme, et non point seulement une de ses parties. Nul ne dirait par exemple qu'Elisabeth est la mère de la chair (sarkotokos), qu'elle n'est pas la mère de l'âme (psychotokos) ; car elle a mis au monde Jean-Baptiste, avec son corps et son âme, cette personne unique, l'homme composé de corps et d'âme. C'est quelque chose de semblable qui se passe à la naissance de l'Emmanuel. II a été engendré, avons-nous dit, de la substance du Père, étant son Verbe, son Fils unique ; mais quand il a pris chair, et qu'il s'est fait Fils de l'homme, il est nécessaire de confesser, qu'il est né de la femme selon la chair [...] »

    Saint Cyrille d'Alexandrie, Lettre aux moines d'Egypte, avant le Concile, pour les mettre en garde contre Nestorius - Epist. I, P.G., 77. (traduction E. Amann, "Le dogme catholique dans les Pères de l'Eglise", Beauchesne, 1922).

  • 31 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Au commencement était le Verbe..." (Jn 1, 1-18)

    « Le Verbe, la Parole de Dieu, incorporel, incorruptible et immatériel, est arrivé dans notre région, bien qu'il n'en ait pas été loin auparavant. En effet, il n'avait laissé aucune partie de la création privée de sa présence, car il remplissait tout, lui qui demeure auprès de son Père. Mais il s'est rendu présent en s'abaissant à cause de son amour pour nous, et il s'est manifesté à nous... Il a eu pitié de notre race, il a eu compassion de notre faiblesse, il a condescendu à notre condition périssable. Il n'a pas accepté que la mort domine sur nous ; il n'a pas voulu voir périr ce qui avait commencé, ni échouer ce que son Père avait accompli en créant les hommes. Il a donc pris un corps, et un corps qui n'est pas différent du nôtre. Car il ne voulait pas seulement être dans un corps ou seulement se manifester. S'il avait voulu seulement se manifester, il aurait pu réaliser cette théophanie avec plus de puissance. Mais non : c'est bien notre corps qu'il a pris...
    Le Verbe a pris un corps capable de mourir afin que ce corps, en participant au Verbe qui est au-dessus de tout..., reste impérissable grâce au Verbe qui y demeure, et afin de délivrer de la dégradation définitive tous les hommes par la grâce de la résurrection. Le Verbe a offert donc à la mort le corps qu'il avait pris, comme un sacrifice et une victime sans aucune tache ; et aussitôt il a anéanti la mort en délivrant de la mort tous les hommes ses semblables par l'offrande de ce corps qui leur ressemble.
    Il est juste que le Verbe de Dieu, supérieur à tous, qui offrait son propre temple, son corps, en rançon pour tous, ait payé notre dette par sa mort. Uni à tous les hommes par un corps semblable, il est juste que le Fils incorruptible de Dieu revête tous les hommes d'incorruptibilité, selon la promesse apportée par sa résurrection. Car la corruption elle-même, impliquée dans la mort, n'a plus aucun pouvoir sur les hommes à cause du Verbe qui demeure parmi eux dans un corps unique. »

    Saint Athanase (295-373), Sur l'incarnation du Verbe, 8-9 (Trad. Bréviaire ; SC 190).

  • 30 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    L'Enfant Jésus au Temple : "C'est chez mon Père que je dois être" (Lc 2, 41-52)

    « Notre-Seigneur était âgé de douze ans, de douze ans comme homme ; car en tant que Dieu il est au dessus et en dehors de tous les temps; et il resta séparé d'eux dans le temple, discutant avec les docteurs qui admiraient sa doctrine. Au sortir de Jérusalem ses parents le cherchèrent dans leur compagnie, c'est-à-dire parmi ceux qui marchaient avec eux ; et ne le trouvant point, ils rentrèrent tout alarmés dans Jérusalem, et le trouvèrent discutant dans le temple avec les anciens, quoiqu'il ne fût, comme j'ai dit, âgé que de douze ans. Qui pourrait néanmoins s'en étonner ? Le Verbe de Dieu ne garde jamais le silence, quoiqu'on ne l'entende pas toujours. On le découvre donc dans le temple et sa mère lui dit : "Pourquoi avez-vous agi de la sorte envers nous ? Votre père et moi nous vous «cherchions dans l'affliction. — Ignoriez-vous, reprit-il, que je dois être occupé des intérêts de mon Père ?" (Lc II, 42, 49) Il répondit ainsi comme étant le Fils de Dieu et dans le temple de Dieu. Ce temple en effet n'était par le temple de Joseph, mais le temple de Dieu.

    Donc, objectera quelqu'un, il ne dit point qu'il était le fils de Joseph. — Ecoutez avec un peu plus de patience ; mes frères, car nous avons peu de temps et il faut achever ce discours. Marie ayant dit : "Votre père et moi nous vous cherchions dans l'affliction", il répliqua : "Ignoriez-vous que je dois être occupé des affaires de mon Père ?" Il ne voulait pas laisser croire que tout en étant leur fils il n'était pas en même temps le Fils de Dieu ; car il est et il est toujours le Fils de Dieu, créateur de ses parents mêmes. Mais fils de l'homme dans le temps et né miraculeusement d'une vierge, il avait néanmoins un père et une mère. Comment le prouver ? Marie l'a déjà dit : "Votre père et moi nous vous cherchions dans l'affliction."

    [...]

    Ainsi donc, lorsqu'en répondant : "Je devais m'occuper des affaires de mon Père", Jésus-Christ Notre-Seigneur indique que Dieu est son Père, il ne nie pas que Joseph le soit aussi.

    Où en est la preuve ? Dans l'Écriture quand elle dit : "Et il leur répondit : Ignoriez-vous que je dois m'occuper des affaires de mon Père ? Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait ; puis étant descendu avec eux il vint à Nazareth et il leur était soumis" (Lc II, 49-51). Il n'est pas écrit : Il était soumis à sa mère, ni : il lui était soumis ; mais "Il leur était soumis." A qui ? N'est-ce pas à ses parents ? C'est à ses deux parents qu'il se soumettait avec la même condescendance qui le rendait fils de l'homme. »

    Saint Augustin, Passages détéchés de saint Matthieu, Sermon 51, 17-19 (La double généalogie de Jésus-Christ), in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, Tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 28 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Jérusalem céleste, réjouis-toi dans le Seigneur de ce que la Jérusalem de la terre est en proie au trouble avec ses tyrans. Jérusalem, Jérusalem, depuis longtemps enivrée du sang des Prophètes, tu as autrefois fait d'eux une injuste distinction pour les accuser, et maintenant tu cherches par tous les moyens à faire partager ta folie à Hérode et à lui persuader de détruire des enfants ! Dans les siècles passés, tu as fait mourir ceux qui annonçaient le Christ, et aujourd'hui que le Christ nous a, été donné, tu lui as trouvé un ennemi, puisque tu frappes du glaive des enfants qu'il soutient de sa grâce. Admirable récompense ! Un homme recherche un seul enfant, et à la place de ce seul enfant, une multitude d'autres sont arrachés du giron de leurs mères et égorgés. Un seul était venu racheter le monde; au moment de sa naissance, on invite les pères de tous les autres à commettre un crime sans précédents. L'Époux est tout à l'heure sorti du lit de la Vierge, et voilà que, pour le recevoir, des enfants en bas âge sont offerts en holocauste. Le potier qui nous a pétris vient de se revêtir d'un corps de boue dans le sein d'une Vierge, et déjà Hérode, obéissant aux suggestions furieuses du démon , se déclare contre lui, répand dans la poussière le sang de nouveau-nés, et fait de tout cela un hideux mélange. A peine le dispensateur de la vie humaine est-il sorti des entrailles de Marie , qu'un monceau de chair humaine, enlevée du giron des mères, se trouve formé par les mains d'Hérode. Sitôt qu'on a apporté le saint raisin dans le pressoir du monde, les mamelles des mères en laissent péniblement couler le jus, et il se mêle au sang répandu par le glaive. Tout à l'heure l'Agneau de Dieu est sorti de la sainte bergerie, et les bergers se sont joués d'Hérode ; c'est pourquoi un acte de fourberie méchante s'est exécuté sur une grande échelle, car, saisi par la fureur et emporté par la rage d'un loup dévorant, pareil à un indigne faussaire, ce prince a arraché aux mères des cris de désespoir.

    Voyant que les Mages l'avaient joué, Hérode fit donc venir les scribes et leur demanda en quel temps devait naître parmi les Juifs celui qui était destiné à les délivrer de l'esclavage. Inspirés par Dieu même, ceux-ci aimèrent mieux voir périr tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous, que le genre humain tout entier. O Hérode, ta méchanceté ne connaît pas de bornes, et aujourd'hui Saul vénère l'Église qu'il persécutait ; lui qui traquait jadis les adorateurs de Dieu, il reconnaît formellement en eux l'épouse du Christ, et il n'hésite pas à dire : "Je t'ai fiancée à cet unique époux, Jésus-Christ, pour te présenter à lui comme une vierge pure (2Co XI,2)". Par lui l'honneur, la louange et la gloire viennent à Dieu le Père, dans le Saint-Esprit, maintenant, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

    Saint Augustin, Sixième Série, Sermons inédits, Troisième Supplément : XXIIe Sermon. Pour la fête des Saints Innocents (I, 2-3), Suite du Tome XI des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.

  • 27 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Saint Jean : "...et nous savons que son témoignage est vrai." (Jn 21, 20-24)

    « "C'est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui a écrit ceci, et nous savons que son témoignage est véritable". Pourquoi Jean se sert-il lui seul de termes dont aucun, autre évangéliste ne s'est servi, et parle-t-il avec cette fermeté et cette assurance? Pourquoi se rend-il un second témoignage à lui-même ? Pourquoi paraît-il vouloir d'abord prévenir ses auditeurs? Pour quelle raison en use-t-il de la sorte ? On rapporte que cet évangéliste a écrit le dernier son évangile, induit à cela par une impulsion divine : c'est pour cette raison qu'il fait souvent mention de son amour, insinuant par là le motif qui l'a porté à écrire ; et il répète souvent la même chose pour rendre son histoire digne de foi, et montrer qu'il ne s'est porté à l'écrire que par l'effet d'une impulsion d'en-haut. Je sais, dit-il, je sais que les choses que Jean a écrites, sont véritables : Que si bien des gens n'y croient point, voici une preuve qui doit les convaincre. Laquelle ? Ce que je dis ensuite.

    "Jésus a fait encore beaucoup de choses, et si on les rapportait en détail, je ne crois pas que le monde même pût contenir les livres qu'on en écrirait". De là, il résulté évidemment que je n'ai point écrit par flatterie. Moi qui, dans un sujet riche et abondant, où il y a une multitude de choses à dire, n'en rapporte même pas autant que ceux qui ont écrit les premiers, et omets la plupart des événements pour raconter de préférence comment les Juifs ont dressé des embûches à Jésus, lui ont jeté des pierres, l'ont haï, chargé d'injures et d'outrages, appelé possédé du démon et séducteur: moi, dis-je, qui ai publié toutes ces choses, je ne puis être accusé d'avoir écrit mon histoire par flatterie. En effet, pour être historien complaisant, il aurait fallu s'y prendre tout autrement ; à savoir : cacher tous les sujets de honte et ne rapporter que les faits illustres et glorieux.

    L'évangéliste ayant donc écrit ce qu'il savait sûrement et exactement, ne refuse et ne craint pas de produire aussi son témoignage, comme pour nous inviter à vérifier en détail tout ce qu'il raconte. C'est notre coutume , à nous aussi , d'appuyer de notre témoignage une assertion dont nous sommes parfaitement sûrs. Or, si nous en lisons de la sorte, à plus forte raison saint Jean a-t-il pu le faire de même, lui qui écrivait par l'inspiration du Saint-Esprit, et c'est ce qu'ont fait aussi les autres apôtres lorsqu'ils prêchaient , disant : "Nous sommes nous-mêmes les témoins de ce que nous vous disons, et le Saint-Esprit que Dieu a donné à tous ceux qui lui obéissent l'est aussi" (Ac V, 32) avec nous. Saint Jean, dis-je, a pu donner son témoignage, lui qui était présent à tout, qui n'avait point quitté Jésus, même sur la croix , et à qui le divin Sauveur avait recommandé sa mère. Toutes ces choses sont autant de marques de l'amour de Jésus pour son disciple, et des témoignages sûrs de l'exacte connaissance qu'avait celui-ci de tout ce qu'il a écrit.

    Que si cet évangéliste attribue à Jésus de si nombreux miracles, n'en soyez pas surpris, mais, pensant à l'ineffable vertu de celui qui les opérait, recevez avec foi ce que dit l'historien sacré. Et certes, autant il nous est facile de parler, autant et beaucoup plus encore il était facile à Jésus de faire ce qu'il voulait, car il n'avait qu'à vouloir, et l'effet aussitôt suivait sa volonté (Dieu dit que la lumière soit faite, et la lumière fut faite, etc. il a parlé, et ces choses ont été faites ; il a commandé, et elles ont été créées. Il appelle ce qui n'est point, comme ce qui est.).

    Méditons donc, mes chers frères, méditons soigneusement ces divines paroles; ne cessons point d'en faire notre étude, travaillons à en acquérir l'intelligence. Le fréquent usage que nous en ferons ne sera point perdu pour nous ; par là, nous pourrons corriger nos moeurs, purifier notre vie, et arracher les épines qui étouffent la divine semence. Car ce sont de vraies épines que le péché et les sollicitudes de ce siècle, qui sont si stériles et si douloureuses. Et comme les épines, par quelque côté qu'on les prenne, piquent celui qui les saisit ; de même les choses de ce siècle, de quelque manière qu'on y touche , nuisent et font du tort à celui qui les prend et les serre dans ses mains. Mais il n'en est pas ainsi des biens spirituels : semblables à une pierre précieuse, de quelque côté qu'on les tourne et qu’on les regarde, ils réjouissent la vue. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie LXXXVIII (2-3) sur l'Evangile de Jean, in Oeuvres complètes (Tome VIII), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie, Éditeurs 1865.

  • 26 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Vous serez détestés de tous à cause de mon nom..." (Mt 10, 17-22)

    « Si, en passant de l'incroyance à la foi, nous sommes "passés de la mort à la vie" (Jn 5,24) ne soyons pas étonnés que le monde nous hait. Car tous ceux qui ne sont pas passés de la mort à la vie, mais qui demeurent dans la mort, ne peuvent pas aimer ceux qui sont passés de la demeure ténébreuse de la mort…aux "édifices faits de pierres vivantes" (1P 2,5) où règne la lumière de la vie…
    Pour nous chrétiens voici venu le temps de nous glorifier, car il est dit : "Nous nous glorifions dans nos épreuves, car nous savons que l'épreuve produit la persévérance, la persévérance produit la valeur éprouvée, la valeur éprouvée produit l’espérance, et l'espérance ne trompe pas. Que seulement l'amour de Dieu soit répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint" (Rm 5,3-5)…
    "De même que nous avons largement part aux souffrances du Christ, de même, par le Christ, nous sommes largement consolés" (2Co 1,5). Accueillons donc avec une grande ferveur les souffrances du Christ ; qu'elles nous soient largement accordées, si nous voulons être largement consolés, puisque tous "ceux qui pleurent seront consolés" (Mt 5,5)… Ceux qui participent aux souffrances participeront aussi à la consolation en proportion des souffrances qui les font participer au Christ. Apprenez-le de l’apôtre qui a dit avec confiance : "Nous le savons : puisque vous connaissez comme nous la souffrance, vous obtiendrez comme nous la consolation" (2Co 1,7). »

    Origène (v.185-253), Exhortation au martyre, 41-42 (Trad. Bréviaire rev.)

  • 25 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous..." (Jn 1, 1-18)

    « Jésus-Christ est né, rendez-lui gloire ! Christ est descendu du ciel, courez vers lui ! Christ est sur la terre, exaltez-le ! "Chantez au Seigneur, terre entière. Joie dans le ciel ; terre, exulte de joie !" (Ps 96,1,11) Du ciel, il vient habiter parmi les hommes ; tressaillez de crainte et de joie : de crainte à cause du péché, de joie à cause de notre espérance. Aujourd'hui les ombres se dissipent et la lumière se lève sur le monde ; comme autrefois dans l'Egypte frappée de ténèbres, aujourd'hui une colonne de feu illumine Israël. Ô peuple qui étais assis dans les ténèbres de l'ignorance, aujourd'hui contemple cette immense lumière de la vraie connaissance car "le monde ancien a disparu, toute chose est nouvelle" (2Co 5,17). La lettre recule, l'esprit triomphe (Rm 7,6) ; la préfiguration passe, la vérité apparaît (Col 2,17). Celui qui nous a donné l'existence veut aussi nous combler de bonheur ; ce bonheur que le péché nous avait fait perdre, l'incarnation du Fils nous le rend... Telle est cette solennité : nous saluons aujourd'hui l'avènement de Dieu parmi les hommes afin que nous puissions, non pas parvenir, mais revenir auprès de Dieu ; afin que nous nous dépouillions du vieil homme et que nous revêtions l'Homme nouveau (Col 3,9) ; afin que, morts en Adam, nous vivions dans le Christ (1Co 15,22)... »

    Saint Grégoire de Nazianze, Sermon 38 pour la Nativité ; PG 36, 311 sq (Trad. coll. Icthus vol.8, Grasset, Paris)