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Pères de l'Eglise - Page 10

  • 24 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Naissance du Sauveur (Lc 2, 1-14)

    « Frères bien-aimés, quand il s'agit de célébrer la grandeur du mystère de notre salut, le prodige de la naissance du Sauveur, l'humanité doit avouer l'impuissance de ses conceptions et de sa parole. A un tel bienfait, à cette grâce infinie, que peut répondre la faiblesse de notre dévotion ? Comment concevoir que le Fils unique, consubstantiel au Père, éternel comme le Père, redoutable au ciel, à la terre et aux enfers, ait voulu se revêtir d'un corps humain pour opérer le salut de l'homme ? Quelle langue pourra raconter ce que l'intelligence ne saurait comprendre ? Quel homme tenterait de juger ce qui n'a pour auteur et pour témoin que Dieu lui-même ? "Car personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père" (Mt XI,27). Comment la fragilité humaine, corrompue par le péché, pourrait-elle sonder le secret de cette Nativité virginale ? Jésus-Christ naît, non point par la nécessité de vivre, mais par sa volonté de nous sauver. Il naît parmi les morts, lui qui donne la vie aux morts. Nous ne devons pas douter de l'accomplissement de cette Prophétie formulée par le plus grand des prophètes sous l'inspiration du Saint-Esprit : "Voici qu'une Vierge concevra dans son sein, et enfantera un Fils" (Is VIII,14). Qu'une femme enfante, c'est l'objet de notre foi à l'incarnation ; mais que cette femme ait toujours été vierge, c'est le principe d'une gloire éternelle pour celui qu'elle nomme son Fils. Jésus-Christ naît d'une vierge, car il n'était pas convenable que la vertu prît naissance dans la volupté, la chasteté dans la luxure, ou la pureté dans la corruption. Celui qui venait détruire l'ancien empire de la mort, ne pouvait naître sous les lois de cet empire, et le Seigneur de l'univers ne pouvait prendre la forme d'esclave dans laquelle il devait nous sauver, qu'en prenant un corps dans le sein d'une servante. Comment le Fils de Dieu aurait-il subi pour nous les crachats, les soufflets et la croix, s'il ne s'était pas constitué le Fils de l'homme ?

    Comment peut-on douter que ce soit là le secret du Tout-Puissant, quand on entend dire que le Roi des cieux est né d'une vierge, et que le Fils de la Vierge commande aux puissances du ciel ? Qui dira, mes frères, l'accroissement miraculeux des bienfaits de Dieu pour le salut des nations ? Autrefois, après le passage de la mer Rouge, voulant donner au peuple hébreu des préceptes relatifs au culte divin, le Seigneur appela Moïse au sommet du Sinaï, et confia à ce serviteur l'expression authentique de sa volonté à l'égard de cette petite nation. Mais quand les temps prédits furent arrivés, voulant prodiguer à toutes les nations les sacrements de la vie éternelle, Dieu lui-même, descendant du ciel et du sein de son Père, se renferma dans le sein d'une Vierge, et y revêtit notre humanité et se fit homme sans cesser d'être Dieu, acquérant ainsi une gloire incomparable. C'est ainsi que le Tout-Puissant est sorti du sein de Marie, a subi les infirmités de la chair sans perdre la majesté du Fils de Dieu, et, tempérant cette majesté suprême, il a réalisé ce prodige d'un Dieu fait homme s'entretenant avec les hommes, et d'un homme triomphant du démon par la puissance infinie qu'il tenait de son union hypostatique avec Dieu. »

    Saint Augustin, Deuxième Sermon sur la naissance de Jésus-Christ (1,3) - Sermons inédits, premier supplément, première section, huitième sermon sur l'Ecriture - Suite du Tome XIème des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

  • 23 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La Visitation (Lc 1, 39-45)

    « Il est normal que tous ceux qui veulent qu'on les croie donnent des raisons de croire. C'est pourquoi l'ange...a annoncé à Marie, la vierge, qu'une femme âgée et stérile devenait mère, montrant ainsi que Dieu peut faire tout ce qui lui plaît. Dès que Marie l'a appris, elle est partie vers les montagnes — non par manque de foi en la prophétie, ni par incertitude devant cette annonce, ni par doute..., mais dans l'allégresse de son désir, pour remplir un devoir religieux, dans l'empressement de la joie. Désormais remplie de Dieu, comment pouvait-elle ne pas s'élever en hâte vers les hauteurs ? Des raisonnements lents sont étrangers à la grâce de l'Esprit Saint.
    Jusque-là Marie vivait seule, retirée du monde extérieur : elle n'a pas été retenue par sa pudeur de partir en public, ni par les escarpements des montagnes de réaliser son dessein, ni par la longueur du chemin du service à rendre. Cette vierge se hâte vers les hauteurs, une vierge qui pense à servir et qui oublie sa peine ; la charité fait sa force...; elle quitte sa maison et elle part... Vous avez appris la délicatesse de Marie ; apprenez aussi son humilité. La cadette vient vers l'aînée..., ce qui est supérieur vient à ce qui est inférieure : Marie à Élisabeth, le Christ à Jean, comme plus tard le Seigneur viendra se faire baptiser par Jean pour consacrer le baptême. Et tout de suite se manifestent les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du Seigneur, car « dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et elle fut remplie de l'Esprit Saint »... Les deux femmes parlent de la grâce qui leur est faite ; les deux enfants réalisent cette grâce et entraînent leurs mères dans ce mystère de la miséricorde. »

    Saint Ambroise (v.340-397), Commentaire sur l'évangile de Luc, II,19s (Trad. SC 45).

  • 22 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Magnificat (Lc 1, 46-56)

    « On me demande comment l'âme magnifie (c'est-à-dire agrandit) le Seigneur. Car, si le Seigneur ne peut être ni augmenté ni diminué, s'il est ce qu'il est, comment Marie peut-elle dire maintenant : "Mon âme magnifie le Seigneur" ? Si je considère que le Seigneur notre Sauveur est "l'image du Dieu invisible" (Col I,15), si je vois mon âme faite "à l'image du créateur" (Gn I,27), afin d'être l'image de l'image (car mon âme n'est pas exactement l’image de Dieu, mais elle a éte créée à la ressemblance de la première image) alors voici ce que je comprendrai : à la manière de ceux dont le métier est de peindre des images et d'utiliser leur art à reproduire un seul modèle, le visage d'un roi par exemple, chacun de nous donne à son âme l'image du Christ ; il en trace une image plus ou moins grande, délavée ou ternie, ou, au contraire, claire et lumineuse, ressemblant au modèle. Donc, lorsque j'aurai agrandi l'image de l'image, c'est-à-dire mon âme, lorsque je l'aurai "magnifiée" par mes actions, mes pensées et mes paroles, alors l'image de Dieu grandira et le Seigneur lui-même sera "magnifié" dans mon âme qui en est l'image. De même que le Seigneur grandit dans cette image que nous sommes de lui, de méme, si nous tombons dans le peché, il diminue et décroît...

    Voilà pourquoi l'âme de Marie magnifie d'abord le Seigneur et ensuite "son esprit exulte en Dieu." En effet, si nous n'avons pas grandi auparavant, nous ne pouvons exulter. "Parce que, dit-elle, il a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante." (Lc I,48) Quelle est cette humilité de Marie que le Seigneur a regardée ? Qu’avait d'humble et de bas la mère du Sauveur qui portait en elle le Fils de Dieu ? "Il a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante", cela veut dire à peu près : il a jeté les yeux sur la justice de sa servante, sur sa tempérance, sur sa force et sur sa sagesse. D'ailleurs, il est naturel que Dieu regarde les vertus. On me dira peut-être : Je comprends que Dieu regarde la justice et la sagesse de sa servante ; mais il n'est pas évident qu'il fasse attention à son humilité. Celui qui cherche à comprendre doit remarquer que précisement l'humilité est designée dans les Ecritures comme l’une des vertus. Du reste, le Sauveur déclare : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez soulagement pour vos âmes." (Mt XI,29)

    "Désormais toutes les générations me diront bienheureuse." (Lc I,48) Si je comprends dans le sens le plus simple les mots "toutes les générations", je l'interprète des croyants. Mais si je réfléchis plus profondément, je remarque qu'il vaut bien mieux ajouter : "car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. (Lc I,49)" En effet, puisque "tout homme qui s'abaisse sera élevé" (Lc XIV,11), Dieu qui a regardé l'humilité de la bienheureuse Marie, a naturellement le Tout-Puissant fait pour elle de grandes choses.

    "Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge." (Lc I,50) La miséricorde de Dieu s'étend non pas sur une, deux, trois, ni même cinq genérations, mais éternellement, d'âge en âge. "Pour ceux qui le craignent, il a déployé la force de son bras." (Lc I,50-51) Si, malgré ta faiblesse, tu approches du Seigneur dans la crainte, tu pourras entendre sa promesse en réponse à ta crainte. Quelle est cette promesse ? Il se fait, dit Marie, la force de ceux qui le craignent. La force ou la puissance est une qualité royale... Si donc tu crains Dieu, il te donne sa force et sa puissance, il te donne son Royaume, afin que, soumis au Roi des rois, tu possèdes le Royaume des Cieux, dans le Christ Jésus.

    "Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle." (Lc I,56) S'il a suffi de la venue de Marie chez Elisabeth et de sa salutation pour que l'enfant tressaille de joie et qu'Elisabeth, remplie de l'Esprit-Saint, prophétise ce que rapporte l'Evangile, si une seule heure a apporté de si grandes transformations, il nous reste à imaginer quels progrès Jean a réalisés pendant les trois mois du séjour de Marie près d'Elisabeth. Si en un instant le petit enfant a tressailli et, pourrait-on dire, bondi de joie, et si Elisabeth a été remplie de l'Esprit Saint, il est anormal que, pendant trois mois, ni Jean, ni Elisabeth n'aient pas réalisé de progrès au voisinage de la mère du Seigneur et en la présence du Sauveur lui-même. »

    Origène, Homélie sur l'Evangile de Luc (suite du commentaire proposé hier).

    Source : missel.free.fr

  • 21 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La Visitation (Lc 1, 39-45)

    « Les meilleurs vont vers les moins bons, pour leur procurer quelque avantage par leur venue. Ainsi, le Sauveur vient près de Jean pour sanctifier son baptême ; et dès que Marie eut entendu l'ange lui annoncer qu'elle allait concevoir le Sauveur et que sa cousine Elisabeth était enceinte, elle partit, se rendit en hâte vers le haut pays et entra dans la maison d'Elisabeth. Car Jésus, dans le sein de Marie, se hâtait de sanctifier Jean, encore dans le sein de sa mère. Avant l'arrivée de Marie et son salut, l'enfant n'avait pas tressailli dans le sein de sa mère ; mais dès que Marie eut prononcé la parole que le Fils de Dieu, dans son sein maternel, lui avait suggérée, l'enfant tressaillit de joie et, dès lors, de son précurseur, Jésus fit un prophète.

    Marie, tout à fait digne d'être mère du Fils de Dieu, devait, après son entretien avec l'ange, gravir la montagne et demeurer sur les sommets. D'où ces mots : "En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers le haut pays." Il lui fallait aussi, parce qu'elle était active et pleine de sollicitude se hâter avec zèle et, remplie de l'Esprit-Saint, être conduite sur les sommets et protégée par la puissance divine, qui l'avait déjà couverte de son ombre. Elle vint donc "dans une ville de Juda ; elle entra chez Zacharie et salua Elisabeth. Or, dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit." (Lc I, 39-41)

    C'est pourquoi il n'est pas douteux que, si Elisabeth fut alors remplie du Saint-Esprit ce fut à cause de son fils. Car ce n'est pas la mère qui, la première, a mérité le Saint-Esprit ; mais lorsque Jean, encore enfermé dans son sein, eut reçu le Saint-Esprit, alors, Elisabeth, après la sanctification de son fils, fut remplie du Saint-Esprit. Tu pourras le croire, si tu as remarqué une chose semblable à propos du Sauveur... Car Marie fut remplie du Saint-Esprit, quand elle commença à avoir le Sauveur en son sein. En effet, dès qu'elle eut reçu l'Esprit Saint, créateur du corps du Seigneur, et que le Fils de Dieu eut commencé à être dans son sein, Marie aussi fut remplie de l’Esprit-Saint.

    "Alors Elisabeth poussa un grand cri et dit : Tu es bénie entre les femmes." (Lc I, 42)

    Si la naissance du Sauveur n'avait pas été céleste et bienheureuse, si elle n’avait pas eu quelque chose de divin et de supérieur à l'humanité, jamais sa doctrine ne se serait répandue sur toute la terre. S'il y avait eu dans le sein de Marie un homme au lieu du Fils de Dieu, comment pourrait-on expliquer, au temps du Christ comme maintenant, des guérisons de maladies de toutes sortes, non seulement physiques, mais encore morales ?...

    Avant Jean, Elisabeth prophétise ; avant la naissance du Seigneur notre Sauveur, Marie prophétise. Et de même que le péché a commencé par une femme pour atteindre ensuite l'homme, de même le salut a débuté par des femmes, pour que les autres, oubliant la faiblesse de leur sexe, imitent la vie et la conduite des saintes, surtout de celles que l'Evangile nous décrit maintenant. Voyons donc la prophétie de la Vierge. "Mon âme magnifie le Seigneur, dit-elle, et mon esprit exalte en Dieu mon Sauveur." (Lc I, 46-47) Deux principes, l'âme et l'esprit, s'acquittent d'une double louange. L'âme célèbre le Seigneur, l'esprit célèbre Dieu, non pas que la louange du Seigneur soit différente de celle de Dieu, mais parce que Dieu est aussi Seigneur et que le Seigneur est également Dieu. »

    Origène, Homélie sur l'Evangile de Luc.

    Source : missel.free.fr

  • 20 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    L'Annonciation (Lc 1, 26-38)

    « Le Verbe éternel se faisant homme, et daignant habiter parmi les hommes, tel est le grand mystère que célèbre aujourd'hui l'Eglise universelle, et dont elle salue chaque année le retour par des transports de joie. Après l'avoir une première fois reçu pour sa propre rédemption, le monde fidèle en a consacré le souvenir de génération en génération, afin de perpétuer l'heureuse substitution de la vie nouvelle à la vie ancienne. Maintenant donc, lorsque le miracle depuis longtemps accompli nous est remis annuellement sous les yeux dans le texte des divines Ecritures, notre dévotion s'enflamme et s'exhale en chants de triomphe et de joie. Le saint Evangile que nous lisions nous rappelait que l'archange Gabriel a été envoyé du ciel par le Seigneur pour annoncer à Marie qu'elle serait la Mère du Sauveur. L'humble Vierge priait, silencieuse et cachée aux regards des mortels; l'ange lui parla en ces termes : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » (Lc 1, 28). O annonciation miraculeuse ! ô salutation céleste, apportant la plénitude de la grâce et illuminant ce cœur virginal ! L'Ange était descendu porté sur ses ailes de feu et inondant de clartés divines la demeure et l'esprit de Marie. Député par le Juge suprême et chargé de préparer à son Maître une demeure digne de lui, l'ange, éblouissant d'une douce clarté, pénètre dans ce sanctuaire de la virginité, rigoureusement fermé aux regards de la terre : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » ; Celui qui vous a créée vous a prédestinée ; Celui que vous devez enfanter vous a remplie de ses dons. A l'aspect de l'ange, la Vierge se trouble et se demande quelle peut être cette bénédiction. Dans son silence humble et modeste, elle se rappelle le vœu qu'elle a formé, et, jusque-là, tout à fait étrangère au langage d'un homme, elle se trouble devant un tel salut, elle est saisie de stupeur devant un tel langage, et n'ose d'abord répondre au céleste envoyé. Plongée dans l'étonnement, elle se demandait à elle-même d'où pouvait lui venir une telle bénédiction. Longtemps elle roula ces pensées dans son esprit, oubliant presque la présence de l'ange que lui rappelaient à peine quelques regards fugitifs attirés par l'éclat de l'envoyé céleste. Elle hésitait donc et s'obstinait dans son silence ; mais l'ambassadeur de la Sainte Trinité, le messager des secrets célestes, le glorieux archange Gabriel, la contemplant de nouveau, lui dit : « Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu ; voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous le nommerez Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur-Dieu lui donnera le siège de David son père; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, a et son règne n'aura pas de fin » (Lc 1, 30-21). Alors Marie, pesant sérieusement ces paroles de l'ange et les rapprochant de son vœu de virginité perpétuelle, s'écria : « Comment ce que vous me dites pourra-t-il se réaliser, puisque je ne connais point d'homme ? ». Aurai-je un fils, moi qui ne connais point d'homme ? Porterai-je un fruit, moi qui repousse l'enfantement ? Comment pourrai-je engendrer ce que je n'ai point conçu ? De mon sein aride, comment pourrai-je allaiter un fils, puisque jamais l'amour humain n'est entré dans mon cœur et n'a pu me toucher. L'ange répliqua : Il n'en est point ainsi, Marie, il n'en est point ainsi ; ne craignez rien ; que l'intégrité de votre vertu ne vous cause aucune alarme ; vous resterez vierge et vous vous réjouirez d'être mère ; vous ne connaîtrez point le mariage, et un fils fera votre joie ; vous n'aurez aucun contact avec un homme mortel, et vous deviendrez l'épouse du Très-Haut, puisque vous mettrez au monde le Fils de Dieu. Joseph, cet homme chaste et juste, qui est pour vous, non point un mari mais un protecteur, ne vous portera aucune atteinte ; mais « l'Esprit-Saint surviendra en vous », et, sans qu'il s'agisse ici d'un époux et d'affections charnelles, « la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ».

    O séjour digne de Dieu ! Avant que l'ange ne lui eût fait connaître clairement le Fils qui lui était promis au nom du ciel, Marie ne laissa échapper de ses lèvres pudiques aucune parole d'assentiment. Mais dès qu'elle sut que sa virginité ne subirait aucune atteinte, dès qu'elle en reçut l'attestation solennelle, faisant de son cœur un sanctuaire digne de la Divinité, elle répondit : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ». Comme si elle eût dit : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt », puisque mon sein doit rester intact. « Qu'il me soit fait selon votre parole », ô glorieux archange Gabriel; qu'il vienne dans sa demeure, « Celui qui a placé sa tente dans le soleil » (Ps XVIII, 6). Puisque je dois demeurer vierge, « que le Soleil de justice se lève en moi » (Ml IV, 2) sous ses rayons je conserverai ma blancheur, et la fleur de mon intégrité s'épanouira dans une chasteté perpétuelle. « Que le juste sorte dans toute sa splendeur » (Is LVI, 1), et que le Sauveur brille « comme un flambeau » (Si XLVIII, 1). Le flambeau du soleil illumine l'univers ; il pénètre ce qui semble vouloir lui faire obstacle, et il n'en jette pas moins ses flots de lumière. Qu'il apparaisse donc aux yeux des hommes « le plus beau des enfants des hommes » ; « qu'il s'avance comme un époux sort du lit nuptial » (Ps XLIV, 3) ; car maintenant je suis assurée de persévérer dans mon dessein. Quelle parole humaine pourrait raconter cette génération ? Quelle éloquence serait suffisante pour l'expliquer ? Les droits de la virginité et de la nature sont conservés intacts, et un fils se forme dans les entrailles d'une vierge. Lorsque les temps furent accomplis, le ciel et la terre purent contempler cet enfantement sacré auquel toute paternité humaine était restée complètement étrangère. Telle est cette ineffable union nuptiale du Verbe et de la chair, de Dieu et de l'homme. C'est ainsi qu'entre Dieu et l'homme a été formé « le Médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Christ Jésus » (I Tm II, 5). Ce lit nuptial divinement choisi, c'est le sein d'une Vierge. Car le Créateur du monde venant dans le monde, sans aucune coopération du monde, et pour racheter le monde de toutes les iniquités qui le souillaient, devait sortir du sein le plus pur et entourer sa naissance d'un miracle plus grand que le miracle même de la création. Car, comme le dit lui-même le Fils de Dieu et de l'homme, le Fils de l'homme est venu « non point pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jn XII, 47).

    O vous, Mère du Saint des Saints, qui avez semé dans le sein de l'Eglise le parfum de la fleur maternelle et la blancheur du lis des vallées, en dehors de toutes les lois de la génération et de toute intervention purement humaine ; dites-moi, je vous prie, ô Mère unique, de quelle manière, par quel moyen la Divinité a formé dans votre sein ce Fils dont Dieu seul est le Père. Au nom de ce Dieu qui vous a faite digne de lui donner naissance à votre tour, dites-moi, qu'avez-vous fait de bien ? Quelle grande récompense avez-vous obtenue ? Sur quelles puissances vous êtes-vous appuyée ? Quels protecteurs sont intervenus ? A quels suffrages avez-vous eu recours ? Quel sentiment ou quelle pensée vous a mérité de parvenir à tant de grandeur ? La vertu et la sagesse du Père « qui atteint d'une extrémité à l'autre avec force et qui dispose toutes choses avec suavité » (Sg VIII, 1), le Verbe demeurant tout entier partout, et venant dans votre sein sans y subir aucun changement, a regardé votre chasteté dont il s'est fait un pavillon, dans lequel il est entré sans y porter atteinte et d'où il est sorti en y mettant le sceau de la perfection. Dites-moi donc comment vous êtes parvenue à cet heureux état ? Et Marie de répondre : Vous me demandez quel présent m'a mérité de devenir la mère de mon Créateur ? J'ai offert ma virginité, et cette offrande n'était pas de moi, mais de l'Auteur de tout bien ; car tout don « excellent et parfait nous vient du Père des lumières » (Jc I, 17). Toute mon ambition, c'est mon humilité ; voilà pourquoi « mon âme grandit le Seigneur, et mon esprit a tressailli en Dieu mon Sauveur » (Lc I, 47) ; car il a regardé, non pas ma tunique garnie de noeuds d'or, non pas ma chevelure pompeusement ornée et jetant l'éclat de l'or, non pas les pierres précieuses, les perles et les diamants suspendus à mes oreilles , non pas la beauté de mon visage trompeusement fardé ; mais « il a regardé l'humilité de sa servante ».

    Le Verbe est venu plein de douceur à son humble servante, selon l'oracle du Prophète : « Gardez-vous de craindre, fille de Sion. Voici venir à vous votre Roi plein de douceur et de bonté, assis sur un léger nuage » (Is LXII, 11). Quel est ce léger nuage ? C'est la Vierge Marie dont il s'est fait une Mère sans égale. Il est donc venu plein de douceur, reposant sur l'esprit maternel, humble, « calme et craignant ses paroles » (Is LXVI, 1). Il est venu plein de douceur, remplissant les cieux, s'abaissant parmi les humbles pour arriver aux superbes, ne quittant pas les cieux et présentant ses propres humiliations pour guérir avec une mansuétude toute divine ceux qu'oppressent les gonflements de l'orgueil. O profonde humilité ! O grandeur infinie des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ; que les « jugements de Dieu sont incompréhensibles et ses voies impénétrables » (Rm XI, 33). Le pain des Anges est allaité par les mamelles d'une mère ; la source d'eau vive jaillissant jusqu'à la vie éternelle demande à boire à la Samaritaine, figure de l'Eglise ; il ne refuse pas de manger avec les publicains et les pécheurs, lui que les Anges au ciel servent dans la crainte et la terreur. Le Roi des rois a rendu à la santé le fils de l'officier, sans employer aucun remède et par la seule efficacité de sa parole. Il guérit le serviteur du centurion et loue la foi de ce dernier, parce qu'il a cru que le Seigneur commande à la maladie et à la mort comme lui-même commandait à ses soldats. Quelque cruelles que fussent les souffrances de la paralysie, il en trouva la guérison infaillible dans la visite miséricordieuse de Jésus-Christ. Une femme affligée depuis de longues années d'une perte de sang qui faisait de ses membres une source de corruption, s'approche avec foi du Sauveur qui sent aussitôt une vertu s'échapper de lui et opérer une guérison parfaite. Mais comment rappeler tant de prodiges ? Le temps nous manque pour énumérer tous ces miracles inspirés à notre Dieu par sa puissance infinie et sa bonté sans limite. Abaissant sa grandeur devant notre petitesse et son humilité devant notre orgueil, il est descendu plein de piété, et, nouveau venu dans le monde, il a semé dans le monde des prodiges nouveaux. C'est lui que les évangélistes nous dépeignent sous différentes figures : l'homme, le lion, le boeuf et l'aigle. Homme, il est né d'une Vierge sans le concours de l'homme ; lion, il s'est précipité courageusement sur la mort et s'est élevé sur la croix par sa propre vertu ; boeuf, il a été volontairement immolé dans sa passion pour les péchés du peuple ; et comme un aigle hardi, il a repris son corps, est sorti du tombeau, a fait de l'air le marchepied de sa gloire, « est monté au-dessus des chérubins, prenant son vol sur les ailes des vents », et maintenant il siège au ciel, et c'est à lui qu'appartient l'honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ».

    Saint Augustin, Cinquième sermon pour la fête de l’Annonciation.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 19 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La naissance de Jean (Lc 1, 5-25)

    « La naissance de Jean est pleine de miracles. Un archange a annoncé l'avènement de notre Seigneur et Sauveur ; de même, un archange annonce la naissance de Jean. "Il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère." Le peuple ne reconnaissait pas notre Seigneur qui accomplissait "des miracles et des prodiges" et guérissait leurs maladies, mais Jean, encore dans le sein maternel, exulte de joie. A l'arrivée de la mère de Jésus, on ne peut pas le retenir et il essaie d'aller à sa rencontre. "Dès l'instant que ta salutation a frappé mes oreilles, dit Elisabeth, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein" (Lc I,44). Encore dans le sein de sa mère, Jean avait déjà reçu le Saint-Esprit... L'Ecriture dit ensuite "qu'il ramènera de nombreux fils d'Israël au Seigneur leur Dieu". Jean en ramena "un grand nombre" ; le Seigneur, non pas un grand nombre, mais tous. En effet, c'était son oeuvre de ramener le monde entier à Dieu le Père. "Et il marchera le premier en présence du Seigneur dans l'esprit et la puissance d'Elie"... Comme en tous les prophètes, il y avait en Elie puissance et esprit... L'Esprit, qui avait reposé sur Elie, est venu sur Jean et la puissance qui habitait Elie est apparue en lui. L'un a été transporté au ciel (2R 2,11) mais l'autre a été le précurseur du Seigneur, et il est mort avant lui pour descendre au séjour des morts annoncer son avènement. »

    Origène, Homélies sur saint Luc, n°4 (Trad. SC n°87).

  • 17 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Table des origines de Jésus Christ (Mt 1, 1-17)

    « Il ne sert à rien de dire que notre Seigneur, fils de la Vierge Marie, est vraiment homme, si on ne croit pas qu'il l'est de la manière que proclame l'Evangile. Lorsque Matthieu nous parle de la "généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham", il dessine, à partir de l'origine de l'humanité, la lignée des générations jusqu'à Joseph à qui Marie était fiancée. Luc, au contraire, remonte les degrés successifs pour aboutir au commencement du genre humain, et il montre ainsi que le premier et le dernier Adam sont de la même nature (3,23sq). Il était possible, certes, à la Toute-Puissance du Fils de Dieu de se manifester pour l'instruction et la justification des hommes de la même manière qu'il était apparu aux patriarches et aux prophètes sous une forme charnelle ; par exemple, lorsqu'il luttait avec Jacob (Gn 32,25) ou qu'il engageait une conversation avec Abraham, acceptant le service de son hospitalité au point de prendre la nourriture qu'il lui présentait (Gn 18). Mais ces apparitions n'étaient que des signes, des images de l'homme dont elles annonçaient la réalité puisée aux racines de ces ancêtres. Le mystère de notre rédemption, disposé dès avant le temps, depuis l'éternité, aucune image ne pouvait l'accomplir. »

    Saint Léon le Grand, Lettre 31 ; PL 54, 791 (Trad. Abbaye d'Orval).

  • 15 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Elie est déjà venu" (Mt 17, 10-13)

    « Il est visible, mes frères, que les apôtres n’avaient point appris de l’Ecriture ce qu’ils disent ici d’Elie ; mais seulement des docteurs de la loi, et que c’était un bruit commun parmi le peuple. C’est ainsi qu’il s’était répandu des traditions touchant Jésus-Christ. Ce qui fit dire à la Samaritaine : "Le Messie viendra, et lorsqu’il sera venu, il nous annoncera toutes ces choses" (Jn IV,25). C’est pourquoi les Juifs firent cette demande à saint Jean : "Etes-vous Elie ou le Prophète ?" (Jn I,21) Car, comme je viens de le dire, ce bruit s’était fort répandu parmi les Juifs touchant Jésus-Christ et touchant Elie, mais ils ne lui donnaient pas un bon sens.

    L’Ecriture nous marque deux avènements de Jésus-Christ. L’un est déjà passé, et l’autre est encore à venir. Saint Paul nous en parle, lorsqu’il dit : "La grâce salutaire de Dieu s’est manifestée à tous les hommes pour nous apprendre à renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, afin de vivre avec modestie, avec piété et avec justice." (Tit II,11) Cet apôtre décrit ainsi le premier de ces deux avènements, puis il passe ensuite au second, lorsqu’il ajoute : "Dans l’attente d’une bienheureuse espérance, et de l’avènement du grand Dieu Notre-Sauveur Jésus-Christ." (Tit II) Les prophètes même ont parlé de l’un et de l’autre de ces deux avènements, et ils ont dit qu’Elie serait le précurseur du second, comme saint Jean l’était du premier. C’est ce qui fait que Jésus-Christ lui donne le nom d’Elie ; non parce qu’il était en effet Elie, mais parce qu’il en accomplissait le ministère, puisque saint Jean a été le précurseur du premier avènement comme Elie le doit être du second. Mais les scribes confondaient ces deux choses, et pour mieux corrompre le peuple, ils ne lui parlaient que du second avènement. Si ce Jésus, disaient-ils, était le véritable Christ, Elie serait déjà venu. Et c’est dans cette pensée que les apôtres disent ici au Fils de Dieu, "qu’il fallait qu’Elie vînt auparavant" ; c’était aussi la pensée des pharisiens, lorsqu’ils envoyèrent demander à Jean s’il était Elie. Mais voyons ce que Jésus-Christ répond à cette difficulté.

    "Jésus leur répondit : Il est vrai qu’Elie doit venir auparavant, et qu’il rétablira toutes choses." (Mt XVII,11) Il dit qu’Elie viendrait en effet avant son second avènement ; mais il ajoute qu’il était déjà venu, désignant par là son précurseur Jean-Baptiste. C’est là cet Elie qui est déjà venu ; car pour le prophète Elie : "Il viendra et rétablira toutes choses", c’est-à-dire toutes les choses que le prophète Malachie a marquées. «Le Seigneur dit : je vous enverrai Elie le Thesbite, qui réunira les coeurs des pères avec leurs enfants, afin que lorsque je viendrai je ne frappe point la terre d’une plaie "qui soit incurable". (Mal IV,5) Remarquez, mes frères, l’exactitude des paroles de ce prophète. Comme la ressemblance du même ministère pouvait faire donner à saint Jean le nom d’Elie, il a soin, pour éviter cette confusion, de marquer le pays de l’un, et il l’appelle "Thesbite", pour le distinguer de saint Jean qui n’était pas de cette ville. Il les distingue encore l’un de l’autre par cette seconde marque, "afin", dit-il, "que lorsque je viendrai," je ne frappe point la terre d’une plaie qui soit "incurable" : paroles qui nous font voir quelle sera la terreur du second avènement. Car il n’est pas venu la première fois pour "frapper la terre". Il dit lui-même : "Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver". (Jn III,16) Le prophète Malachie marque donc cette circonstance, pour faire voir qu’Elie ne précéderait que le dernier avènement de Jésus-Christ, lorsqu’il viendrait juger le monde.

    Il exprime en même temps le sujet pour lequel Elie lui servirait de précurseur. Il dit que ce serait pour persuader aux Juifs de croire en Jésus-Christ, et de ne s’exposer pas au danger de périr tous lorsqu’il viendrait. C’est ce que Jésus-Christ leur rappelle lorsqu’il dit : "Quand Elie viendra, il rétablira toutes choses", c’est-à-dire qu’il rétablira la foi des Juifs qui seront alors, et qu’il les amènera de leur incrédulité passée à une foi humble et fervente. Et il faut encore remarquer l’exactitude de ce prophète. Il ne dit pas : "Il réunira les coeurs des enfants avec leurs pères", mais "le coeur des pères avec leurs enfants". Comme les Juifs étaient les pères des apôtres, l’Ecriture marque qu’Elie réunirait les coeurs des pères, c’est-à-dire les sentiments des Juifs avec leurs enfants, c’est-à-dire avec les apôtres, et qu’il leur ferait embrasser leur doctrine sainte.

    "Mais je vous déclare qu’Elie est déjà venu, et ils ne l’ont point connu, mais ils l’ont traité comme il leur a plu ; ils feront souffrir de même le Fils de l’homme (12). Alors ses disciples, reconnurent que c’était de Jean-Baptiste qu’il leur avait parlé (13)". Les apôtres comprennent cela d’eux-mêmes. Les docteurs de la loi, ni l’Ecriture ne leur en disaient rien. Mais comme ils devenaient plus éclairés, et plus attentifs à ce que Jésus-Christ leur disait, ils le comprennent sans difficulté, surtout après ce que Jésus-Christ leur avait déjà dit dans une autre rencontre : "Que Jean était Elie qui doit venir". (Mt XI,27) Et il ne faut pas s’étonner si, après avoir dit "qu’Elie est déjà venu", il dit néanmoins qu’il doit venir encore pour rétablir toutes choses. L’un et l’autre était véritable. Quand il dit "qu’Elie viendrait pour rétablir tout", il marque, comme j’ai dit, le véritable Elie et la conversion des Juifs ; et lorsqu’il dit "qu’il est déjà venu", il marque saint Jean qu’il appelle Elie, parce qu’il remplissait la mission que remplissait Elie. Les prophètes usent de cette manière de parler, lorsqu’ils donnent en beaucoup d’endroits le nom de "David" aux rois qui ont imité la piété et le zèle du véritable David ; et lorsqu’ils appellent les Juifs "princes de Sodome et enfants d’Ethiopie" (Is 1,13), à cause de la corruption et du dérèglement de leurs moeurs. Ainsi, parce que saint Jean avait été le précurseur du premier avènement comme Elie le devait être du second, Jésus-Christ lui donne le nom d’Elie. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie LVII sur Saint Matthieu (1), in Oeuvres complètes (tome VIII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.

  • 14 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Jean le Baptiste et Jésus : la voix et la Parole (Mt 11,16-19)

    « Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps ; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle.

    Enlève la parole, qu'est-ce que la voix ? Là où il n'y a rien à comprendre, c'est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l'oreille, elle n'édifie pas le coeur.

    Cependant, découvrons comment les choses s'enchaînent dans notre propre coeur qu'il s'agit d'édifier. Si je pense à ce que je dis, la parole est déjà dans mon coeur ; mais lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton coeur ce qui est déjà dans le mien.

    Si je cherche donc comment la parole qui est déjà dans mon coeur pourra te rejoindre et s'établir dans ton coeur, je me sers de la voix, et c'est avec cette voix que je te parle : le son de la voix conduit jusqu'à toi l'idée contenue dans la parole ; alors, il est vrai que le son s'évanouit ; mais la parole que le son a conduite jusqu'à toi est désormais dans ton coeur sans avoir quitté le mien.

    Lorsque la parole est passée jusqu'à toi, n'est-ce donc pas le son qui semble dire lui-même : Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ? Le son de la voix a retenti pour accomplir son service, et il a disparu, comme en disant : Moi, j'ai la joie en plénitude. Retenons la parole, ne laissons pas partir la parole conçue au fond de nous.

    Tu veux voir comment la voix s'éloigne, tandis que demeure la divinité de la Parole ? Où est maintenant le baptême de Jean ? Il a accompli son service, et il a disparu. Maintenant le baptême du Christ se multiplie. Tous nous croyons au Christ, nous espérons le salut dans le Christ : c'est cela que la voix faisait entendre.

    Il est difficile de distinguer la parole de la voix, et c'est pourquoi on a pris Jean pour le Christ. On a pris la voix pour la parole ; mais la voix s'est fait connaître afin de ne pas faire obstacle à la parole. Je ne suis pas le Messie, ni Elie, ni le Prophète. On lui réplique : Qui es-tu donc ? Il répond : Je suis la voix qui crie à travers le désert : Préparez la route pour le Seigneur. La voix qui crie à travers le désert, c'est la voix qui rompt le silence. Préparez la route pour le Seigneur, cela revient à dire : Moi, je retentis pour faire entrer le Seigneur dans le coeur ; mais il ne daignera pas y venir, si vous ne préparez pas la route.

    Que signifie : Préparez la route, sinon : Priez comme il faut ? Que signifie : Préparez la route, sinon : Ayez d'humbles pensées ? Jean vous donne un exemple d'humilité. On le prend pour le Messie, il affirme qu'il n'est pas ce qu'on pense, et il ne profite pas de l'erreur d'autrui pour se faire valoir.

    S'il avait dit : Je suis le Messie, on l'aurait cru très facilement, puisqu'on le croyait avant même qu'il ne parle. Il l'a nié : il s'est fait connnaître, il s'est défini, il s'est abaissé.

    Il a vu où se trouvait le salut. Il a compris qu'il n'était que la lampe, et il a craint qu'elle ne soit éteinte par le vent de l'orgueil. »

    Saint Augustin (354-430), Homélie 293 (3) pour la nativité de Jean Baptiste.

    Source : Les Pères de l'Eglise.

  • 13 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Tous les prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu'à Jean." (Mt 11, 11-15)

    « Jusqu'à saint Jean, la Loi et les Prophètes avaient leurs sacrements préfiguratifs des événements futurs ; aujourd'hui nous possédons dans toute leur réalité les sacrements qui n'étaient alors qu'à l'état de prophétie. Or, de tous les Prophètes, saint Jean fut celui qui toucha de plus près à Jésus-Christ. Avant lui tous les justes et tous les Prophètes avaient désiré devenir les témoins de l'accomplissement des oracles sacrés ; de là ces paroles du Sauveur : "Beaucoup de justes et de Prophètes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu ; ils ont désiré entendre ce que vous entendez et ne l'ont point entendu" (Mt XIII, 17). Quant au précurseur, s'il est dit de lui qu'il fut plus que prophète, et le plus grand des enfants des hommes (Mt XI,9-11), c'est parce que les justes qui l'ont précédé n'ont pu qu'annoncer la venue de Jésus-Christ, tandis qu'il lui fut donné, à lui, de l'annoncer absent, de le voir présent et de jouir ainsi du bonheur après lequel les autres Prophètes avaient longtemps soupiré. »

    Saint Augustin, Controverse avec les Donatistes, "Contre les lettres de Petilien" Livre 2 (87), in Oeuvres complètes de saint Augustin (Tome XVII) traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Traduction de M. l'abbé Burleraux, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie éditeurs, 1869.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 12 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "...devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur..." (Mt 11, 28-30)

    « Aujourd'hui encore, le Christ est pour nous un maître plein de douceur et d'amour.... Voyez comment il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. Ceux qui provoquent sa colère devrait être anéantis, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur : "Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur". Dieu est humble, l'homme orgueilleux. Le juge se montre clément, le criminel arrogant. L'artisan fait entendre des paroles d'humilité, l'argile discourt à la manière d'un roi (cf Is 29,16; 45,9). "Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,28-29)". Il n'apporte pas le fouet pour frapper, mais le remède pour guérir.

    Songez donc à son ineffable bonté. Allez-vous refuser votre amour au Maître qui jamais ne frappe et votre admiration au juge qui implore pour le coupable ? Ses paroles si simples ne peuvent vous laisser insensible : Je suis le Créateur et j'aime mon oeuvre. Je suis le statuaire et je prends soin de celui que j'ai formé (cf Gn 2,7). Si je ne voulais me soucier que de ma dignité, je ne relèverais pas l'homme déchu. Si je ne traitais pas sa maladie incurable avec des remèdes appropriés, jamais il ne pourrait recouvrer la santé. Si je ne le réconfortais pas, il mourrait. Si je ne faisais que le menacer, il périrait. Il gît sur le sol,mais je vais lui administrer les onguements de la bonté (cf Lc 10,34). Plein de compassion, je m'incline profondément pour le relever de sa chute. Celui qui se tient debout ne saurait relever un homme couché par terre sans se pencher pour lui tendre la main. "Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur". »

    Saint Jean Chrysostome, La mémoire de saint Bassus, 2, in "Commentaire sur les Proverbes" (Trad. Gustave Bady, rev. Delhougne, Les Pères commentent, Brepols, 1991).

  • 11 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La brebis perdue et retrouvée (Mt 18, 12-14)

    « "Voici que le nom du Seigneur vient de loin" dit le prophète (Is 30,27). Qui pourrait en douter ? Il fallait à l'origine quelque chose de grand pour que la majesté de Dieu daigne descendre de si loin en un séjour si indigne d'elle. Oui, effectivement, il y avait là quelque chose de grand : sa grande miséricorde, son immense compassion, sa charité abondante. En effet, dans quel but croyons-nous que le Christ est venu ? Nous le trouverons sans peine puisque ses propres paroles et ses propres oeuvres nous dévoilent clairement la raison de sa venue. Il est venu en toute hâte des montagnes pour chercher la centième brebis égarée. Il est venu à cause de nous pour que les miséricordes du Seigneur apparaissent avec plus d'évidence, ainsi que ses merveilles à l'égard des enfants des hommes (Ps 106,8). Admirable condescendance de Dieu qui nous cherche, et grande dignité de l'homme ainsi recherché ! Si celui-ci veut s'en glorifier, il peut le faire sans folie, non que de lui-même il puisse être quelque chose, mais parce que celui qui l'a créé l'a fait si grand. En effet, toutes les richesses, toute la gloire de ce monde et tout ce qu'on peut y désirer, tout cela est peu de chose et même n'est rien en comparaison de cette gloire-là. "Qu'est-ce donc que l'homme, Seigneur, pour en faire si grand cas, pour fixer sur lui ton attention ?" (Jb 7,17) »

    Saint Bernard, Sermon 1 pour l'Avent, 7-8 (Trad. Orval).

  • 10 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Guérison du paralytique : "Tes péchés te sont pardonnés... Lève-toi..." (Lc 5, 17-26)

    « Le Verbe de Dieu est venu habiter dans l'homme ; il s'est fait "Fils de l'Homme" pour habituer l'homme à recevoir Dieu et pour habituer Dieu à habiter dans l'homme, comme il a plu au Père. Voilà pourquoi le signe de notre salut, l'Emmanuel né de la Vierge, a été donné par le Seigneur lui-même (Is 7,14). C'est en effet le Seigneur lui-même qui sauve les hommes, puisque ceux-ci ne peuvent se sauver par eux-mêmes... Le prophète Isaïe a dit : "Affermissez-vous, mains affaiblies, genoux chancelants ! Ranimez votre courage, cœurs défaillants ; affermissez-vous, ne craignez plus ! Voici notre Dieu qui exerce lui-même le jugement ; il vient lui-même, il va nous sauver" (35,3-4). Car c'est seulement du secours de Dieu, et non de nous-mêmes, que nous pouvions tenir notre salut.
    Voici un autre texte où Isaïe a prédit que celui qui nous sauve n'est ni simplement un homme, ni un être incorporel : "Ce n'est pas un messager, ce n'est pas un ange, mais c'est le Seigneur lui-même qui sauvera son peuple. Parce qu'il l'aime, il lui pardonnera ; lui-même, il le délivrera" (63,9). Mais ce Sauveur est aussi vraiment un homme, visible : "Cité de Sion, voici : tes yeux verront notre Sauveur" (33,20)... Un autre prophète a dit : "Lui-même il se retournera, nous fera miséricorde, et jettera nos péchés au fond de la mer" (Mi 7,19)... Du pays de Juda, de Bethléem (Mi 5,1) devait venir le Fils de Dieu, qui est aussi Dieu, pour répandre sa louange sur toute la terre... Dieu donc s'est bien fait homme et le Seigneur lui-même nous a sauvés en nous donnant le signe de la Vierge. »

    Saint Irénée de Lyon (v.140-v.208), Contre les hérésies III, 2, 2 (Trad. SC 34).

  • 9 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    St Jean-Baptiste : "Préparez le chemin du Seigneur..." (Lc 3, 1-6)

    « "Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu" (Lc 3,4). Cette parole montre clairement que les événements prophétisés ne se produiront pas à Jérusalem, mais au désert ;  c'est là que la gloire de Dieu apparaîtra et que toute chair aura connaissance du salut de Dieu. Et c'est ce qui s'est accompli réellement et littéralement lorsque Jean Baptiste proclama dans le désert du Jourdain que le salut de Dieu se manifesterait, car c'est là que le salut de Dieu est apparu. En effet, le Christ avec sa gloire s'est fait connaître à tous ; lorsqu'il eut été baptisé, le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme d'une colombe et y demeura ; et la voix du Père lui rendit témoignage : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le" (Lc 9,35).
    Le prophète parlait ainsi parce que Dieu devait résider dans le désert, qui est inaccessible au monde. Toutes les nations païennes étaient désertées par la connaissance de Dieu, et toutes étaient inaccessibles aux justes et aux prophètes de Dieu. C'est pour cela que cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu et de rendre unie la route inaccessible et raboteuse afin que notre Dieu, en venant résider chez nous, puisse y avancer. "Préparez le chemin du Seigneur", c'est la prédication évangélique et la nouvelle consolation qui souhaite que le salut de Dieu vienne à la connaissance de tous les hommes. »

    Eusèbe de Césarée (v.265-339), Sur Isaïe, 40 (Trad. AELF, Lectionnaire pour chaque jour de l'année, I, Solesmes / Cerf, 2004).

  • 8 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    L'Immaculée Conception de la Vierge Marie

    « Il convenait que cette Vierge à qui le Père se disposait à donner son Fils unique, ce Fils engendré de son cœur, égal à lui et qu'il aime comme lui-même, qu'il voulait lui donner de sorte qu'il fût naturellement un seul et même Fils, commun à Dieu et à la Vierge, il convenait que cette Vierge fût ornée de la plus haute sainteté qui se puisse concevoir après celle de Dieu. »

    Saint Anselme de Cantorbery, De conceptu virginali et originali peccato.


    « Marie était le ciel où devait se lever le soleil de justice, la terre qui devait porter l'épi de vie, la mer qui devait produire la perle d'un prix infini.

    C'est une terre qui ne produira jamais l'épine du péché, qui produira, au contraire, un fruit de grâce. C'est une terre qui n'entendra jamais des paroles de malédiction, mais des paroles de bénédiction.

    Ainsi, si les Anges, au témoignage de la Sainte Ecriture, louaient Dieu en contemplant la création naissante, cette création qui n'était pas sans défauts, quelles louanges ils adressaient à Dieu en contemplant cette créature toute remplie de Dieu ! »

    Saint Jean Damascène, Deuxième homélie sur la Nativité de la Vierge.


    Evangile de l'Annonciation (Lc 1, 26-38)

    « S’il fallut jamais que l’homme se réjouît et dansât et chantât de joie, s’il y eut un instant que l’on doive célébrer avec grandeur et éclat, s’il faut pour cela demander la hauteur de l’esprit, la beauté du discours et l’élan des paroles, je n’en connais pas d’autre que ce jour où un ange vint du ciel annoncer tout bien à la terre. Maintenant le ciel est en fête, maintenant resplendit la terre, maintenant la création tout entière se réjouit et celui-là même qui tient les cieux en sa main n’est pas absent de la fête – car ce qui a lieu aujourd’hui est bien une panégyrie, une célébration universelle. Tous s’y rassemblent en une figure unique, en une même joie, dans ce même bonheur qui survient pour tous : et pour le Créateur, et pour toutes ses créatures et pour la mère elle-même du Créateur, celle qui a fait de lui un participant de notre nature, de nos assemblées et de nos fêtes. [...]

    La Vierge s’offrit d’elle-même et fut l’ouvrière de ce qui attira l’artisan vers la terre et mit en mouvement sa main créatrice. Qu’est-ce donc ? Ce furent sa vie toute-pure, le renoncement à tout péché, l’exercice de toute vertu, l’âme plus pure que la lumière, le corps en tout spirituel, plus lumineux que le soleil, plus pur que le ciel, plus saint que le trône des chérubins ; un envol de l’esprit ne craignant aucune hauteur, surpassant même les ailes des anges ; un désir de Dieu anéantissant tout emportement de l’âme ; une prise de possession par Dieu, une intimité avec Dieu excluant toute pensée créée. Ayant orné son âme et son corps de tant de beauté, elle attira le regard de Dieu et révéla la beauté de notre commune nature par sa propre beauté ; elle a ainsi attiré l’impassible, et celui que l’homme avait rebuté par le péché est devenu Homme par la Vierge. [...]

    Lorsque vint le moment où parut celui qui apportait l’annonce, elle crut, fit confiance et accepta le service. Car c’est cela qui était nécessaire, et il le fallait en tout cas pour notre salut. Si en effet elle n’en avait pas été capable, la Bienheureuse n’aurait pu voir la bienveillance de Dieu pour l’homme, car il n’aurait pas désiré descendre sans qu’il y eût quelqu’un pour le recevoir, quelqu’un qui fût capable de servir l’économie du salut – et la volonté de Dieu sur nous n’aurait pas pu passer en acte si la Vierge n’avait pas cru et acquiescé. Et la preuve en est que Gabriel s’est réjoui lorsque, s’adressant à elle et l’appelant pleine de grâce, il lui expliqua tout le mystère (Lc 1,26-33). Mais Dieu ne descendit pas sans que la Vierge eût demandé à savoir de quelle manière elle enfanterait. Dès qu’il l’eut persuadée, dès qu’elle eut accepté la requête, tout l’oeuvre se réalisa aussitôt : Dieu revêtit l’homme et la Vierge devint Mère de son Créateur.

    Si la Toute-Pure a observé devant Dieu tout ce qu’il faut observer, si elle s’est montrée aussi sainte comme homme sans rien omettre de ce qui se doit, comment n’eût-elle pas convenu à Dieu ? Et si rien n’a échappé à la Vierge de ce qui pouvait la désigner comme Mère de Dieu, si elle en a conçu un ardent amour pour lui, encore plus Dieu devait-il observer le juste retour et devenir son Fils. lui qui donne aux princes méchants selon leur cœur, comment n’aurait-il pas pris comme mère celle qui s’était montrée en tout selon son désir ? C’est ainsi que ce don fut approprié et convenable en tout pour la Bienheureuse. C’est pourquoi, pour lui annoncer clairement qu’elle allait enfanter Dieu, Gabriel lui dit : Il régnera pour les siècles sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin (Lc 1,33). Comme si ce qu’elle venait d’apprendre n’était ni étrange ni inhabituel, elle reçut cette annonce avec joie. Et d’une voix bienheureuse, l’âme exempte de trouble et dans le calme des pensées, elle répond : Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole ! (Lc 1,38).

    Tels furent ses mots, et la réalité suivit : Et le Verbe est devenu chair, et il a fait son habitation en nous (Jn 1,14). Ayant donné sa réponse à Dieu, elle en reçut l’Esprit, artisan de cette chair consubstantielle à Dieu. Sa voix fut une voix puissante, comme le dit David (cf. Ps 67,34), et le Verbe du Père fut formé par le verbe d’une mère, le Créateur par la voix d’une créature. Et de même que Dieu dit : Que la lumière soit !, et aussitôt la lumière fut (Gn 1,3), de même la vraie lumière se leva à la voix de la Vierge, et Il s’unit à la chair et fut enfanté, Celui qui illumine tout homme venant en ce monde (Jn 1, 9).

    Ô voix sainte ! Ô majesté de tes paroles puissantes ! Ô bouche bienheureuse rassemblant de l’exil l’univers entier ! Ô trésor de ce cœur qui déverse en quelques mots sur nous l’abondance de ses biens ! Ces mots ont transformé la terre en ciel et vidé l’enfer de ses prisonniers, ils ont fait du ciel l’habitation des hommes, des anges leurs compagnons, ils ont fondu en un seul chœur la race des cieux et celle de la terre.

    Quelle action de grâce t’adresserons-nous pour ces paroles ? Oh, que peut-on te dire, toi dont rien n’est digne parmi les hommes ? Nos paroles viennent de ce qui est, mais toi tu excèdes tout ce qui surpasse le monde. S’il faut te présenter des mots, ce doit être oeuvre des anges, oeuvre de l’intellect chérubique, oeuvre de langues de feu. Aussi pour parler dignement de ta puissance, ayant commémoré par la bénédiction ce qui est de toi, t’ayant chanté comme notre salut autant qu’il nous est possible, nous voudrions encore emprunter la voix des anges, et nous terminerons notre discours en t’honorant par ces mots de la salutation de Gabriel : Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ! »

    Nicolas Cabasilas (1322-1397), La Mère de Dieu : Homélies sur la Nativité, sur l'Annonciation et sur la Dormition de la Très-Sainte Mère de Dieu, Trad. Jean-Louis Palierne, Ed. L'Age d'homme, 1992.

    Source : Pages Orthodoxes.

  • 7 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    ... A l'occasion de la fête de Saint Ambroise :

    « Avançons hardiment vers notre Rédempteur Jésus, rejoignons hardiment l’assemblée des saints, le concile des justes. Car nous irons vers ceux qui sont nos frères, vers ceux qui nous ont instruits dans la foi. Ainsi, même si nos oeuvres sont insuffisantes, que la foi vienne à notre secours et préserve notre héritage. [...]

    Le Seigneur sera la lumière de tous, et cette vraie lumière qui éclaire tout homme (Jn 1,9) brillera pour tous. Nous irons là où le Seigneur Jésus a préparé des demeures pour ses serviteurs, afin que là où il est, nous soyons nous aussi car telle est sa volonté. Quelles sont ces demeures ? Ecoutons-le en parler : Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Et il nous dit ce qu’il veut : Je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi (Jn 14,2-3).

    Mais, me direz-vous, il ne parlait ainsi qu’à ses disciples, c’est à eux seuls qu’il promettait ces nombreuses demeures ; et où voyez-vous qu’on viendra de partout prendre part au banquet dans le royaume de Dieu ?

    Comment pouvez-vous mettre en doute l’efficacité de la parole divine ? Pour le Christ, vouloir, c’est réaliser. Enfin il a montré le lieu et le chemin, quand il a dit : Où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin (Jn 14,4). Le lieu, c’est chez le Père ; le chemin, c’est le Christ, comme il l’a dit lui-même : Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (Jn 14,7).

    Entrons dans ce chemin, attachons-nous à la vérité, suivons la vie. Le chemin est ce qui conduit, la vérité est ce qui affermit, la vie est ce qui se donne de soi-même. Et pour que nous comprenions bien ce qu’il veut, il ajoutera plus loin : Père, ceux que tu m‘as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu‘ils contemplent ma gloire, Père (cf. Jn 17,24). Il est beau de voir que ce qu’il avait promis auparavant, maintenant il le demande. En effet, parce qu’il avait promis d’abord et qu’il demande maintenant, et non pas le contraire, on voit qu’il a promis d’abord comme étant maître du don, conscient de sa puissance ; ensuite il a demandé au Père, comme étant l’interprète de la piété filiale. Il a promis d’abord, pour que vous reconnaissiez son pouvoir. Il a demandé ensuite, pour que vous compreniez sa piété envers le Père.

    Nous te suivons, Seigneur Jésus. Mais pour que nous te suivions, appelle-nous, parce que, sans toi, nul ne montera vers toi. Car tu es le chemin, la vérité, la vie. Tu es aussi notre secours, notre foi, notre récompense. Ceux qui sont à toi, accueille-les, toi qui es le chemin ; fortifie-les, toi qui es la vérité ; vivifie-les, toi qui es la vie. »

    Saint Ambroise (v.3340-397), Homélie "Du bien de la mort", 12, 52-55 : CSEL 32, 747-750.

    Source : clerus.org

  • 6 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    La maison bâtie sur le roc (Mt 7, 21-27)

    « Quand vous affrontez courageusement les tentations, ce n'est pas la tentation qui vous rend fidèles et constants ; elle révèle seulement les vertus de constance et de courage qui étaient déjà en vous, mais de façon cachée. "Penses-tu, dit le Seigneur, que j'avais un autre but, en parlant ainsi, que de faire apparaître ta justice ?" (Jb 40,3 LXX) Et il dit ailleurs : "Je t'ai affligé et je t'ai fait sentir la faim pour manifester ce que tu avais dans le coeur" (Dt 8,3-5).

    De la même manière, la tempête ne rend pas solide l'édifice bâti sur le sable. Si tu veux bâtir, que ce soit sur la pierre. Alors, quand la tempête se lèvera, elle ne renversera pas ce qui est fondé sur la pierre ; mais pour ce qui vacille sur le sable, elle montre aussitôt que ses fondations ne valent rien. C'est pourquoi, avant que s'élève la tempête, que se déchaînent les rafales de vent, que débordent les torrents, tandis que tout demeure encore en silence, tournons toute notre attention sur le fondement de l'édifice, construisons notre demeure avec les pierres variées et solides des commandements de Dieu. Et quand la persécution se déchaînera et qu'une tourmente cruelle s'élèvera contre les chrétiens, nous pourrons montrer que notre édifice est fondé sur la pierre, le Christ Jésus (1Co 3,11). »

    Origène (v.185-253), Homélies sur St Luc, n°26, 4-5 (Trad. SC 87 & Delhougne, Les Pères de l'Eglise commentent l'Evangile, Brepols, 1991).

  • 5 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Multiplication des pains (Mt 15, 29-37)

    « Au désert, notre Seigneur a multiplié le pain, et à Cana il a changé l'eau en vin. Il a habitué ainsi la bouche de ses disciples à son pain et à son vin, jusqu'au temps où il leur donnerait son corps et son sang. Il leur a fait goûter un pain et un vin transitoires pour exciter en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants. Il leur a donné ces petites choses généreusement, pour qu'ils sachent que son don suprême serait gratuit. Il les leur a données gratuitement, bien qu'ils auraient pu les lui acheter, afin qu'ils sachent qu'on ne leur demanderait pas de payer une chose inestimable : car, s'ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient pas payer son corps et son sang.
    Non seulement il nous a comblés gratuitement de ses dons, mais encore il nous a traités avec affection. Car il nous a donné ces petites choses gratuitement pour nous attirer, afin que nous venions à lui et recevions gratuitement ce bien si grand qu'est l'eucharistie. Ces petites portions de pain et de vin qu'il a données étaient douces à la bouche, mais le don de son corps et de son sang est utile à l'esprit. Il nous a attirés par ces aliments agréables au palais afin de nous entraîner vers ce qui donne la vie à nos âmes...
    L'œuvre du Seigneur atteint tout : en un clin d'œil, il a multiplié un peu de pain. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l'ont fait en un instant... D'une petite quantité de pain est née une multitude de pains ; il en a été comme lors de la première bénédiction : "Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre" (Gn 1,28). »

    Saint Ephrem (v.306-373), Commentaire de l'Évangile concordant, 12, 1-4 ; SC 121 (Trad SC rev.).

  • 4 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "... ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits." (Lc 10, 21-24)

    « "Leurs petits enfants, dit l'Ecriture, seront portés sur les épaules et consolés sur les genoux. Comme un enfant que sa mère console, moi aussi je vous consolerai" (Is 66,12-13). La mère attire à elle ses petits enfants et nous, nous cherchons notre mère, l'Eglise. Tout être faible et tendre, dont la faiblesse a besoin de secours, est gracieux, doux, charmant ; Dieu ne refuse pas son secours à un être si jeune. Les parents vouent une tendresse particulière à leurs petits... De même, le Père de toute la création accueille ceux qui se réfugient auprès de lui, les régénère par l'Esprit et les adopte pour ses fils ; il connaît leur douceur et c'est eux seuls qu'il aime, secourt, défend ; c'est pourquoi il les nomme ses petits enfants (cf Jn 13,33)...
    Le Saint Esprit, parlant par la bouche d'Isaïe, applique au Seigneur lui-même le terme de petit enfant : "Voici qu'un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné..." (Is 9,5). Quel est donc ce petit enfant, ce nouveau-né, à l'image de qui nous sommes de petits enfants ? Par le même prophète, l'Esprit nous décrit sa grandeur : "Conseiller admirable, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix" (v.6).
    O le grand Dieu ! O l'enfant parfait ! Le Fils est dans le Père et le Père est dans le Fils. Pourrait-elle n'être pas parfaite, l'éducation que donne ce petit enfant ? Elle nous englobe tous pour nous guider, nous, ses petits enfants. Il a étendu sur nous les mains, et nous avons mis en elles toute notre foi. A ce petit enfant, Jean Baptiste rend témoignage lui aussi : "Voici, dit-il, l'agneau de Dieu" (Jn 1,29). Puisque l'Écriture nomme agneaux les tout petits enfants, il a appelé "agneau de Dieu" le Verbe Dieu qui pour nous s'est fait homme et a voulu être en tout semblable à nous, lui, le Fils de Dieu, le petit enfant du Père. »

    St Clément d'Alexandrie (150-v.215), Le Pédagogue, I, 21-24, coll. "Les Pères dans la foi", Migne, Paris, 1991.

  • 3 décembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit..." (Mt 8, 5-11)

    « ... Je vous prie d’examiner avec soin les paroles de cet homme, et de ne pas oublier qu’il était centenier, c’est-à-dire qu’il commandait cent hommes de guerre, pour juger de là quelle était sa foi. Car l’orgueil est grand dans les charges publiques, et il ne cède pas même à l’affliction. Aussi l’officier dont il est question dans saint Jean (Jn IV, 35), entraîne plutôt Jésus-Christ chez lui, qu’il ne l’invite à y descendre : "Seigneur", dit-il, "descendez avant que mon fils ne meure". Ce n’est pas là l’humble prière de notre centenier, et sa foi est même beaucoup plus grande que celle de ceux qui découvraient le toit d’une maison pour descendre le paralytique, et le présenter devant le Sauveur. Car il ne croit point que la présence extérieure de Jésus-Christ fût nécessaire, et il ne se met point en peine de lui présenter le malade. Il rejette toutes ces pensées comme trop disproportionnées à ce Médecin céleste. Mais se formant une idée du Fils de Dieu digne véritablement de sa grandeur, il ne lui demande autre chose, sinon qu’il dise une seule parole, et qu’il commande à la maladie de s’en aller.

    Il ne commence pas même par là ; mais il représente d’abord son affliction. Car son extrême humilité l’empêchait de croire que Jésus-Christ se rendît si tôt à sa prière, et qu’il s’offrît même de venir chez lui. C’est pourquoi, surpris de cette parole : "J’irai et je le guérirai", il s’écrie aussitôt : "Je n’en suis pas digne, Seigneur ; dites seulement une parole". L’affliction où il était ne lui ôte point la liberté de son jugement, et il montre une haute sagesse dans sa douleur. Il n’était point tellement préoccupé de sauver son serviteur malade, qu’il n’appréhendât en même temps de rien faire d’irrespectueux pour le Sauveur. Et quoique Jésus-Christ s’offrît de lui-même à aller chez lui sans qu’il l’y eût engagé, il ne laissait pas de craindre cette visite comme une grâce dont il était trop indigne, et comme un honneur qui l’accablait.

    ... Si vous me demandez pourquoi Jésus-Christ n’alla point chez lui, et ne l’honora pas de sa visite, je vous réponds qu’il l’honora d’une manière bien plus excellente. Premièrement en faisant voir sa foi et son humilité, qui parurent surtout en ce qu’il ne souhaita point que Jésus-Christ vînt en sa maison. Secondement en protestant devant tout le monde qu’il aurait place dans le royaume de Dieu... Car c’est pour ne s’être pas cru digne de recevoir Jésus-Christ chez lui, qu’il mérita d’être appelé au royaume du ciel, et d’avoir part aux biens ineffables dont Dieu a récompensé la foi d’Abraham. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélie XXVI sur Saint Matthieu (3), in "Oeuvres complètes" Tome VII, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint-Benoît.