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  • Méditation : chemin de sainteté

    « Pour plusieurs saints, une seule chose a suffi pour les sanctifier. La sainteté de plusieurs a été consommée dans son commencement même ; conversion et persévérance ont été tout d'une pièce. [...] Nous n'avons que trop l'habitude d'avaler nos grâces sans mâcher ; nous n'extrayons pas la moitié de ce que Dieu y a mis de doux, de nourrissant et de médicinal ; nous sommes trop vifs avec elles, trop impétueux dans l'usage que nous en faisons ; nous ne les développons pas. Je crois que la claire connaissance de la grâce, de sa nature, de ses habitudes et de ses pouvoirs, détruirait la moitié de la tiédeur qui existe dans le monde ; car je soupçonne qu'une grande partie de cette tiédeur vient d'impétuosité, de précipitation, d'activité humaine, se mettant à la place d'une sage lenteur devant Dieu. [...]

    La seule chose importante dans les bonnes oeuvres, est la quantité d'amour que nous y faisons entrer. Le motif est l'âme d'une action. Le pouvoir n'est ni dans le volume de l'acte ni dans sa durée... Ainsi, vous voyez, nous n'avons pas tant besoin d'un grand nombre d'actions, que d'attentions et de vigueur dans le peu que nous faisons. [...]

    Nos plus humbles actions sont inépuisables dans leurs résultats, ou du moins elles sont telles que la grâce peut y puiser à volonté. Qui a jamais pu voir et étudier dans son âme le plein développement d'une grâce ? Nous ne lui donnons ni l'espace ni le temps, et cependant ses capacités sont immenses. C'est une des choses qui rendent la sainteté si difficile à acquérir, que nous soyons toujours si fort au-dessous de notre grâce... [...]

    Notre première impulsion est de voir une sainteté plus grande sous forme d'additions ; le seul embarras consiste dans le choix de ce que nous ajouterons. Pour les saints, ils vivent au large dans leur journée, au milieu d'un petit nombre d'actions, qu'ils diminuent encore à mesure que leur ferveur s'accroît, afin d'avancer plus rapidement, et ensuite de jeter plus d'énergie et de vie intérieure dans ce qu'ils font. Telle est, ce me semble, la marche des saints ; et en conséquence, pour commencer à les suivre, nous devons mettre de côté la théorie du progrès par addition. »

    R.P. Frederick William Faber (1814-1863), Conférences spirituelles, Paris, Bray et Retaux, 1872 (6e éd.).

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  • Méditation : St Benoît et la prière

    Au calendrier est inscrit aujourd'hui le Dies Natalis de St Benoît de Nursie, patriarche des moines d'Occident (Mémoire le 11 juillet).

    « Si, quand nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n’osons le faire qu’avec humilité et révérence, combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l’univers en toute humilité et très pure dévotion ! Et ce n’est pas par l’abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien. Aussi l’oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu’elle ne vienne à se prolonger sous l’effet d’un sentiment inspiré par la grâce. »

    Règle de Saint Benoît, ch. XX (De la révérence dans la prière), Trad. OSB.

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  • Méditation : péché et miséricorde divine

    En écho aux paroles du Saint Père ce dimanche, relatives à la miséricorde :

    « La conduite que Jésus Christ tenait pendant sa vie mortelle nous montre la grandeur de sa miséricorde pour les pécheurs. Nous voyons qu'ils viennent tous lui tenir compagnie ; et lui, bien loin de les rebuter ou du moins de s'éloigner d'eux, au contraire, il prend tous les moyens possibles pour se trouver parmi eux, afin de les attirer à son Père. Il va les chercher par les remords de conscience ; il les ramène par sa grâce et les gagne par ses manières amoureuses. Il les traite avec tant de bonté, qu'il prend même leur défense contre les scribes et les pharisiens qui veulent les blâmer, et qui semblent ne pas vouloir les souffrir auprès de Jésus Christ.

    Il va encore plus loin : il veut se justifier de la conduite qu'il tient à leur égard par une parabole qui leur dépeint, comme l'on ne peut pas mieux, la grandeur de son amour pour les pécheurs, en leur disant : « Un bon pasteur qui avait cent brebis, en ayant perdu une, laisse toutes les autres pour courir après celle qui s'est égarée, et, l'ayant retrouvée, il la met sur ses épaules pour lui éviter la peine du chemin. Puis, l'ayant rapportée à son bercail, il invite tous ses amis à se réjouir avec lui d'avoir retrouvé la brebis qu'il croyait perdue ». Il ajoute encore cette parabole d'une femme qui, ayant dix drachmes et en ayant perdu une, allume sa lampe pour la chercher dans tous les coins de sa maison, et l'ayant retrouvée, elle invite toutes ses amies pour s'en réjouir. « C'est ainsi, leur dit-il, que tout le ciel se réjouit du retour d'un pécheur qui se convertit et qui fait pénitence. Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs ; ceux qui sont en santé n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades » (Lc 5,31-32).

    Nous voyons que Jésus Christ s'applique à lui-même ces vives images de la grandeur de sa miséricorde envers les pécheurs. Quel bonheur pour nous de savoir que la miséricorde de Dieu est infinie ! Quel violent désir ne devons-nous pas sentir naître en nous d'aller nous jeter aux pieds d'un Dieu qui nous recevra avec tant de joie ! »

    Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859), Sermon pour le 3ème dimanche après Pentecôte, 1er sur la miséricorde, in "Sermons du Saint Curé d'Ars" (Tome II), Nouvelle édition, Gabriel Beauchesne, Paris, 1925.

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  • 9 mars : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Parabole du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14)

    « Si vous voulez être grand, n’en tirez pas orgueil comme le Pharisien de la parabole (Lc 18,9s), et alors vous serez vraiment grand. Croyez que vous êtes sans mérite, et alors vous en aurez. Le publicain, lui, s’est reconnu pécheur et ainsi il est devenu juste ; combien plus le juste qui se reconnaît pécheur verra-t-il sa justice et ses mérites s’agrandir ! Car l’humilité fait du pécheur un juste, puisqu’il reconnaît la vérité de sa vie ; et dans l’âme des justes l’humilité véritable agit encore plus puissamment.
    Ne perdez donc pas par la vaine gloire le fruit que vous aurez gagné par vos travaux, le salaire de vos peines, la récompense des labeurs de votre vie. Dieu connaît mieux que vous-même le bien que vous faites. Un simple verre d’eau fraîche sera récompensé. Dieu agrée la plus petite aumône, ou si vous ne pouvez rien donner, même un soupir de compassion. Il accueille tout, se souviendra de tout pour vous le rendre au centuple.

    Cessons donc de compter nos mérites et de les étaler au grand jour. Si nous chantons nos mérites, nous ne serons pas loués par Dieu. Gémissons plutôt sur notre misère, et Dieu nous élèvera aux yeux des autres. Il ne veut pas que le fruit de nos labeurs se perde. Dans son amour ardent il veut couronner nos plus petites actions ; il cherche toutes les occasions pour nous délivrer de la géhenne. »

    Saint Jean Chrysostome, Homélies sur Saint Matthieu, n° 3.

  • Méditation : de la prière...

    « Nous nous plaignons souvent de n'être pas exaucés par Dieu, lorsque nous lui demandons quelque grâce temporelle. N'oublions pas qu'il n'est nullement obligé de se plier à tous nos désirs, d'autant que nos requêtes sont parfois plus nuisibles qu'utiles à notre salut. Mais, s'il s'agit de notre âme, soyons certains que toutes nos supplications, toutes sans exception, sont entendues. Nous ne sommes peut-être pas exaucés de la manière et au moment que nous avions rêvés, mais chacune de ces prières est accueillie favorablement par notre Sauveur Jésus-Christ et nous obtient un secours réel, encore qu'il ne soit pas toujours perceptible.

    Les motifs de nous décourager ne manquent pas, si nous nous considérons nous-mêmes ; toutefois, si nous sommes sans vigueur, Dieu est fort ; si nous sommes mauvais, il est bon. Donc espérons malgré tout.

    Notons en passant que l'espérance ne consiste point seulement dans les paroles. Il serait peu utile de répéter : "Mon Dieu, j'espère en vous" et de rester dans une inaction toute passive. L'espérance est une tendance de la volonté vers le bien ; elle suppose donc un effort, un déploiement d'énergie vers le but désiré. L'espérance chrétienne surtout doit se compléter par une aspiration active, courageuse de notre âme vers les secours surnaturels que nous offre l'Esprit-Saint ; sinon elle n'est qu'une pure illusion. Notre Rédempteur nous promet en effet sa grâce et sa gloire [...] si nous sommes réellement décidés à agir avec lui. Dans cette coopération entre Dieu et l'homme, c'est Dieu qui garde pour lui le principal effort ; néanmoins, quelque minime qu'elle soit, notre part d'action doit exister, sinon nous n'agirons pas en êtres raisonnables, encore moins en chrétiens. Dieu ne voulant pas nous sauver sans nous, c'est nous qui devons gagner notre ciel ; notre faiblesse sera aidée assurément, mais il faut qu'elle agisse. »

    P. Joseph Tustes s.j., in Le Messager du Coeur de Jésus, Décembre 1907.

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  • 26 février : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé" (Mt 23, 1-12)

    « Quel est le vase où la grâce se déverse de préférence ? Si la confiance est faite pour recevoir en elle la miséricorde, et la patience pour recueillir la justice, quel récipient pourrons-nous proposer qui soit apte à recevoir la grâce ? Il s'agit d'un baume très pur et il lui faut un vase très solide. Or quoi de plus pur et quoi de plus solide que l'humilité du coeur ? C'est pourquoi Dieu "donne sa grâce aux humbles" (Jc 4,6) ; c'est à juste titre qu'il "a posé son regard sur l'humilité de sa servante" (Lc 1,48). À juste titre parce qu'un coeur humble ne se laisse pas occuper par le mérite humain et que la plénitude de la grâce peut s'y répandre d'autant plus librement...

    Avez-vous observé ce pharisien en prière ? Il n'était ni un voleur, ni injuste, ni adultère. Il ne négligeait pas non plus la pénitence. Il jeûnait deux fois par semaine, il donnait le dixième de tout ce qu'il possédait... Mais il n'était pas vide de lui-même, il ne s'était pas dépouillé lui-même (Ph 2,7), il n'était pas humble, mais au contraire élevé. En effet, il ne s'est pas soucié de savoir ce qui lui manquait encore, mais il s'est exagéré son mérite ; il n'était pas plein, mais enflé. Et il s'en est allé vide pour avoir simulé la plénitude. Le publicain, au contraire, parce qu'il s'est humilié lui-même et qu'il a pris soin de se présenter comme un vase vide, a pu emporter une grâce d'autant plus abondante. »

    Saint Bernard, 3e Sermon sur l'Annonciation, 9-10.

  • Méditation : le dépouillement

    « Le désir me fut donné de connaître la voie de la croix, afin de savoir me tenir debout à ses pieds, et trouver le refuge, l’universel refuge des pécheurs. La lumière vint, et voici comment me fut montrée la voie. Si tu veux aller à la croix, me dit l’Esprit, dépouille-toi de toutes choses, car il faut être légère et libre. Il fallut pardonner toute offense, me dépouiller de toute chose terrestre, hommes ou femmes, amis, parents et toute créature ; et de la possession de moi, et enfin de moi-même, et donner mon coeur à Jésus-Christ, de qui je tenais tout bien, et marcher par la voie épineuse, la voie de la tribulation. Je me défis pour la première fois de mes meilleurs vêtements et des aliments les plus délicats, et des coiffures les plus recherchées. Je sentis beaucoup de peine, beaucoup de honte, peu d’amour divin. J’étais encore avec mon mari, c’est pourquoi toute injure qui m’était dite ou faite avait un goût amer. Cependant je la portais comme je pouvais. Ce fut alors que Dieu voulut m’enlever ma mère, qui m’était, pour aller à lui, d’un grand empêchement. Mon mari et mes fils moururent aussi en peu de temps. Et parce que étant entrée dans la route, j’avais prié Dieu qu’il me débarrassât d’eux tous, leur mort me fui une grande consolation (Il est bien entendu que ces sentiments exceptionnels tiennent à la voie exceptionnelle par où était conduite Angèle de Foligno. Les dernières lignes, du reste, ne laissent aucun doute à cet égard). Ce n’était pas que je fusse exempte de compassion ; mais je pensais qu’après cette grâce, mon coeur et ma volonté seraient toujours dans le Coeur de Dieu, le Coeur et la volonté de Dieu toujours dans mon cœur. »

    Bse Angèle de Foligno, Le Livre des visions et instructions (Neuvième pas : "La voie de la croix"), Trad. Ernest Hello, Paris, A. Tralin, 1910.
    Texte intégral en ligne : Abbaye St Benoît.

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  • Méditation : grâce et miséricorde

    « Souvent, constatant nos chutes et nos misères, nous sommes si effrayés et si affreusement honteux de nous-mêmes, que nous savons à peine où nous mettre. Mais Jésus ne veut pas que nous prenions la fuite : pour lui, il n'y aurait rien de pire ! En revanche, il veut que nous fassions comme le petit enfant : quand il a du chagrin ou de la frayeur, il court en hâte vers sa mère pour qu'elle le secoure au plus vite. Ainsi veut-il que nous fassions comme ce tendre enfant, en disant : "Ma bonne mère ! Ma mère pleine de miséricorde ! Ma mère très chère ! Pitié pour moi ! Je suis tout sale et je ne vous ressemble plus ! Je ne puis être guéri sans votre aide et sans votre grâce !"
    Le torrent de miséricorde de son sang très aimé et de son eau précieuse suffit pour nous rendre purs et propres. Les saintes plaies de notre sauveur restent béantes, et il est heureux de nous guérir ; les douces mains pleines de grâces de notre mère sont prêtes à nous soigner. En tout cela, son office est celui d'une aimable nourrice, qui n'a rien d'autre à faire ni à penser que de sauver son enfant. »

    Ste Julienne de Norwich, Révélations de l'amour divin (ch.61).

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    Tableau de Giovanni Battista Salvi (1609-1685), dit il Sassoferrato
    Vierge à l'enfant, Pinacothèque de Cesena

  • Méditation : la maladie

    « C'est le Jansénisme qui prétend que la maladie est l'état naturel du chrétien. L'Eglise nous fait prier pour obtenir la santé de l'sprit et du corps, parce que la maladie est un désordre. Mais ce désordre temporaire est à peu près inévitable. Il annonce la mort et la corruption de notre corps.
    Puisque nous sommes tous malades, une ou plusieurs fois dans la vie, il importe de savoir que la maladie nous met dans un état de moindre résistance morale. L'égoïsme du malade se manifeste par la mauvaise humeur et par l'esprit tyrannique. Tous les défauts naturels, couverts dans la santé par la volonté qui s'exerce librement, rompent les digues déconsolidées et s'étalent. Il faut le savoir et se préparer d'avance à un effort supplémentaire de vigilance.
    Le chrétien sait, en outre, que la maladie est, en un certain sens, une grâce de Dieu qui tourne tout au bien de ses élus. C'est le commencement de la purification par laquelle nous devons passer pour pénétrer dans la lumière éternelle de Dieu. Pour le moment, l'effet de cette purification c'est de nous donner des possibilités d'ascension. Il faut sortir de la maladie meilleur qu'on n'y est entré. Pascal a écrit une prière pour demander à Dieu le bon usage de la maladie. »

    J. Calvet, La trame des jours, La Colombe, Coll. Le Rameau, Paris, 1955.

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    Le jeune malade, tableau de Ary Scheffer (1795-1858)
    Lieu de Conservation : Musée Magnin (Dijon) - © Photo RMN-Grand Palais - R. G. Ojeda

    « Seigneur,
    Vous m'aviez donné la santé pour vous servir, et j'en ai fait un usage tout profane. Vous m'envoyez maintenant la maladie pour me corriger ; ne permettez pas que j'en use pour vous irriter par mon impatience. J'ai mal usé de ma santé, et vous m'en avez justement puni : ne souffrez pas que j'use mal de votre punition. Et puisque la corruption de ma nature est telle qu'elle me rend vos faveurs pernicieuses, faites, ô mon Dieu ! que votre grâce toute-puissante me rende vos châtiments salutaires.
    Faites, ô mon Dieu, que j'adore en silence l'ordre de votre providence adorable sur la conduite de ma vie ; que votre fléau me console ; et qu'ayant vécu dans l'amertume de mes péchés pendant la paix, je goûte les douceurs célestes de votre grâce durant les maux salutaires dont vous m'affligez.
    Que je ne souhaite désormais de santé et de vie qu'afin de l'employer et de la finir pour vous, et avec vous et en vous. Je ne vous demande ni santé, ni maladie, ni vie, ni mort ; mais que vous disposiez de ma santé et de ma maladie, de ma vie et de ma mort, pour votre gloire, pour mon salut et l'utilité de l'Eglise et de vos saints, dont j'espère par votre grâce faire une portion. Vous seul savez ce qui m'est expédient : vous êtes le souverain maître, faites ce que vous voudrez.
    Faites donc, Seigneur, que tel que je sois je me conforme à votre volonté ; et qu'étant malade comme je suis, je vous glorifie dans mes souffrances... Faites que les miennes deviennent les vôtres. Unissez-moi à vous ; remplissez-moi de vous et de votre Esprit-Saint. Entrez dans mon coeur et dans mon âme, pour y porter mes souffrances, et pour continuer d'endurer en moi ce qui vous reste à souffrir de votre Passion, que vous achevez dans vos membres jusqu'à la consommation parfaite de votre Corps ; afin qu'étant plein de vous ce ne soit plus moi qui vive et qui souffre, mais que ce soit vous qui viviez et qui souffriez en moi, ô mon Sauveur : et qu'ainsi, ayant quelque petite part à vos souffrances, vous me remplissiez entièrement de la gloire qu'elles vous ont acquises, dans laquelle vous vivez avec le Père et le Saint-Esprit, par tous les siècles des siècles. Ainsi-soit-il. »

    Blaise Pascal, Pensées, XXXII, Prière : II-IV-XIII-XV.

  • Méditation : le signe de la Croix

    « En vue du Carême, pour nous préparer à d’autres luttes plus difficiles, nous nous exercerons au maniement de cette arme très efficace dans le combat : le signe de la Croix ! Inutile d’en faire connaître la dignité ! Le signe du chrétien nous rappelle les plus augustes mystères de notre sainte religion et les grandes étapes de l’amour d’un Dieu pour sa créature. Il met en fuite l’esprit du mal, nous aide à vaincre nos passions, appelle Dieu à notre secours et nous revêt de son sceau comme d’une armure invisible. Cependant peu de chrétiens comprennent l’importance et l’efficacité de ce signe et bien peu l’emploient avec piété et gravité. C’est à la hâte, le plus souvent comme on se débarrasserait d’un insecte importun que l’on fait le signe de la Croix, l’esprit intérieur absent. Il ne peut en être vrai des Gardes d’honneur. Pendant ce mois, ils s’exerceront à faire avec une révérence toute particulière leurs multiples signes de Croix. Au nom du Père, au nom et Fils et au nom du Saint Esprit dirons-nous chaque matin au réveil, pour commencer et finir chacune de nos prières, au moment du repas, de nous mettre au travail, etc. Ainsi, notre arme ne tombera jamais des mains ! Si notre cœur bouillonne sous un accès de colère, nous le comprimerons par un signe de la Croix, si une parole amère, une critique arrivent à notre bouche, nous les scellerons par le signe de la Croix, si une tentation ou un péril viennent nous assaillir, nous nous armerons du signe sacré… nous ne craindrons point, nous couvrirons notre front du signe salutaire, il sera en tout et partout notre arme défensive et offensive avec la grâce de Dieu ! »

    Bulletin mensuel de la Garde d'Honneur, mars 1883.

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  • Méditation : passer par le désert

    « Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c'est là qu'on se vide, qu'on chasse de soi tout ce qui n'est pas Dieu et qu'on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint Jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert... C'est un temps de grâce, c'est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer. Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l'esprit intérieur : la vie intime avec Dieu, la conversation de l'âme avec Dieu dans la foi, l'espérance et la charité. Plus tard l'âme produira des fruits exactement dans la mesure où l'homme intérieur se sera formé en elle (Ep 3,16)...

    On ne donne que ce qu'on a et c'est dans la solitude, dans cette vie seul avec Dieu seul, dans ce recueillement profond de l'âme qui oublie tout pour vivre seule en union avec Dieu, que Dieu se donne tout entier à celui qui se donne ainsi tout entier à lui. Donnez-vous tout entier à lui seul...et il se donnera tout entier à vous... Regardez saint Paul, saint Benoît, saint Patrice, saint Grégoire le Grand, tant d'autres : quel long temps de recueillement et de silence ! Montez plus haut : regardez saint Jean Baptiste, regardez notre Seigneur. Notre Seigneur n'en avait pas besoin, mais il a voulu nous donner l'exemple. »

    Bx Charles de Foucauld (1858-1916), Lettre au Père Jérôme du 19 mai 1898.

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  • 5 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Philippe et Nathanaël (Jn 1, 43-51)

    « "Philippe ayant trouvé Nathanaël, lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et que les prophètes ont prédit ; savoir Jésus de Nazareth, fils de Joseph." Philippe dit cela pour donner, par l'autorité de Moïse et des prophètes, plus de créance à sa prédication, et aussi pour rendre son auditeur docile et respectueux. Et comme Nathanaël était savant et très zélé pour la vérité, ainsi que Jésus-Christ même en rend témoignage, et que sa propre conduite le prouve, il le renvoie avec raison à Moïse et aux prophètes, afin que, Jésus-Christ le recevant ensuite, le trouvât instruit. Si l'évangéliste appelle Jésus fils de Joseph, ne vous en troublez point, alors on le croyait encore fils de Joseph. Mais, Philippe, par où est-il certain que ce Jésus est celui que vous dites ? Quelle preuve nous en donnez-vous ? Ce n'est pas assez que vous le disiez. Quel prodige, quel miracle avez-vous vu ? Il y a du risque et du péril à croire témérairement de si grandes choses. Quelle raison avez-vous donc ? La même qu'André, dit-il ; car André n'ayant ni assez de force, ni assez de capacité pour annoncer le trésor qu'il avait découvert, ni assez d'éloquence pour le faire connaître, amène son frère à celui qu'il a trouvé. De même Philippe n'explique pas comment ce Jésus est le Christ, ni en quoi, ni quand les prophètes l'ont prédit ; mais il amène Nathanaël à Jésus, bien sûr que désormais il ne le quittera point, s'il a une fois entendu sa parole et sa doctrine.
     
    "Nathanaël lui dit : Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? Philippe lui dit : Venez et voyez."

    [...]

    Est-ce que Jésus vit seulement Nathanaël, lorsque Philippe l'appela ? ou ne l'avait-il pas vu auparavant avec cet oeil qui ne dort jamais ? certainement il l'avait vu : que, personne n'en doute. Mais Jésus n'a dû dire alors que ce qui était nécessaire. Nathanaël confessa donc que Jésus était le Christ, en voyant un signe évident de sa prescience ; ses hésitations avaient prouvé sa sagesse ; son acquiescement démontra sa bonne foi. Car "il repartit à Jésus", dit le texte sacré : "Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël". Ne voyez-vous pas là une âme qui subitement tressaille de joie ? Ne voyez-vous pas un homme qui, par ses paroles, embrasse Jésus ? Vous êtes, dit-il, celui qui est attendu et désiré. Ne le voyez-vous pas s'étonner, admirer, tressaillir et bondir de joie ?

    Nous devons être aussi dans la joie, nous qui avons reçu la connaissance du Fils de Dieu ; nous devons, dis-je , non-seulement nous réjouir au fond du coeur, mais encore marquer et exprimer au dehors notre joie par nos oeuvres mêmes. Mais cette joie, en quoi consiste-t-elle ? A être obéissants à celui que vous avez connu. Or, cette obéissance consiste à faire ce que veut Jésus-Christ : si nous faisons ce qui irrite sa colère, comment manifesterons-nous notre allégresse ? Ne voyez-vous pas que celui qui a reçu son ami dans sa maison, fait tout avec joie, qu'il court de tous côtés, qu'il n'épargne rien ; fût-il besoin de répandre même tout son bien, il est prêt à le faire, et cela uniquement pour plaire, à son ami. S'il n'accourait pas quand il l'appelle, s'il ne faisait pas toutes choses selon son désir et sa volonté, assurât-il même mille fois qu'il se réjouit de son arrivée, son hôte ne le croirait point, et ce serait avec raison : il faut en effet marquer sa joie par ses oeuvres et par ses actions.

    C'est pourquoi Jésus-Christ étant venu chez nous, montrons que nous nous en réjouissons et ne faisons rien qui puisse lui déplaire et le fâcher ; parons, ornons cette maison où il est venu : voilà ce qu'on doit faire quand on est dans la joie. Présentons-lui à manger ce qui est le plus de son goût : c'est là ce que doit faire celui qui est dans l'allégresse. Mais quelle est la nourriture que nous lui devons présenter ? Il nous l'apprend lui-même : "Ma nourriture", dit-il, "est de faire la volonté de celui qui "m'a envoyé"(Jn IV, 34). Donnons-lui à manger lorsqu'il a faim ; donnons-lui à boire lorsqu'il a soif : quand vous ne lui donneriez qu'un verre d'eau froide, il le recevra, car il vous aime : les présents de l'ami, quelque petits qu'ils soient, paraissent grands à un ami. Seulement ne soyez point paresseux, ni lents à donner ; quand vous ne donneriez que deux oboles, il ne les rejettera point, mais il les recevra comme quelque chose de grand prix. En effet, n'ayant besoin de personne, et ces choses ne lui étant nullement nécessaires, c'est avec raison qu'il ne regarde point à la grandeur des dons, mais à l'intention et à la volonté de celui qui donne. Seulement faites voir que vous êtes content de l'avoir chez vous, qu'il n'est rien que vous ne soyez prêts à faire pour lui, et que sa présence vous réjouit.

    Considérez quel amour il a pour vous ; c'est pour vous qu'il est venu, pour vous il a donné sa vie. Et après de si grands bienfaits, il ne refuse même pas de vous prier. Car, dit saint Paul : "Nous faisons la charge d'ambassadeur pour Jésus-Christ, et c'est Dieu même qui vous exhorte par notre bouche". (II Co V, 20.) Et qui est assez insensé pour ne pas aimer son Seigneur ? Et ce que je dis là, je sais qu'aucun de vous ne le démentira de la bouche ni du coeur. Mais celui que l'on aime veut qu'on lui marque son amour, non seulement par des paroles, mais encore par des oeuvres. Dire que l'on aime, et ne point faire ce qu'ont coutume de faire ceux qui aiment, c'est sûrement une chose bien ridicule et devant Dieu et devant les hommes. Puis donc qu'il est non seulement inutile, mais encore très nuisible, de confesser Jésus-Christ seulement de bouche, et de le renoncer par ses oeuvres, je vous conjure, mes frères, de le confesser également par vos actes, afin que Jésus-Christ lui-même nous reconnaisse en ce jour, où il déclarera devant son Père ceux qui sont dignes "d'être reçus de lui". C'est la grâce que je vous souhaite en Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie XX (1,3), in Oeuvres complètes (Tome VIII), Traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie Éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • Prière : Ô Mère, voici vos enfants

    « Ô Marie, que n'ai-je en mes mains tous les coeurs des hommes pour vous les consacrer ! Que ne suis-je maître de tout l'univers pour l'enchaîner à vos pieds ! Je croirais ma mort la plus heureuse si je pouvais mourir à force de travailler à vous faire aimer... Ô Marie, si aimable en vous-même, si aimable dans tous vos rapports avec vos enfants, nous sommes tous à vous, soyez la reine de nos pensées, de nos paroles, de nos actions, régnez sur nous, vous et votre Fils : Dominare nostri, tu et Filius tuus... Ô Mère, ô Mère, voici vos enfants : Mulier, ecce filius tuus. Ce pécheur qui revient à Dieu après s'être égaré, c'est votre enfant : Ecce filius tuus ; inspirez-lui la douleur de ses péchés, la haine de son corps, l'amour de la pénitence. Cette âme tiède qui languit et se traîne au service de Dieu, que rien ne touche, que rien ne remue, c'est encore votre enfant : Ecce filius tuus ; ouvrez-lui les yeux, portez dans son coeur ce trouble salutaire, cette émotion profonde qui fait faire enfin un généreux effort. Ce serviteur inutile, sans énergie pour le bien, dont les jours sont vides et stériles, c'est votre enfant : Ecce filius tuus ; faites-lui honte de cette mollesse, arrachez-le à cette indolence, faites-en un homme, pour en faire un chrétien. Ce coeur partagé qui voudrait être à Dieu sans se quitter soi-même, qui n'a jamais offert un sacrifice sans faire quelque réserve, c'est aussi votre enfant : Ecce filius tuus ; soutenez sa faiblesse, donnez-lui le courage de s'immoler tout entier avec sa volonté et son amour-propre, avec ses mille désirs et sa vanité. Ce juste qui soupire après une justice plus parfaite, qui voudrait aimer toujours davantage ce qu'il aime déjà, ah ! celui-là surtout est votre enfant : Ecce filius tuus ; allumez dans son coeur les flammes jalouses du saint amour ; faites-le marcher sur vos traces de vertus en vertus, et rendez-le au milieu de nous la bonne odeur de Jésus-Christ. Ô Marie, mère de miséricorde, mère de la dilection et de la divine grâce, notre consolation, notre espoir, notre vie, nous sommes tous vos enfants, sanctifiez-nous, tenez-nous sous votre main pour fixer nos coeurs dans le saint amour, afin que nous vous aimions et votre Fils Jésus à la vie, à la mort, dans le temps et dans l'éternité. Amen. »

    Abbé André-Jean-Marie Hamon (1795-1874), curé de Saint-Sulpice, Les amabilités incomparables de Marie, extrait d'un Discours adressé à des séminaristes, in "Retraites pastorales et discours divers" (2 tomes), Librairie Victor Lecoffre, Paris.

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    Federico Barocci (dit Barocci ou Baroccio, 1535-1612) : L'Immaculée Conception (v.1575)
    Galerie des Marches, Urbino (Province de Pesaro, Italie)

  • Méditation : abandon en Dieu

    « Laissez-vous aux desseins de Dieu, et abandonnez-vous de nouveau à sa sainte conduite, pour être ce qu'il voudra. Le sage ignore les voies des oiseaux dans l'air : et vous ignorez encore plus les voies de Dieu sur vous et les desseins sacrés qu'il cache dans son sein. Adorez-les, je vous supplie, et donnez-vous à lui pour y entrer sans les connaître, jusqu'à ce qu'il vous fasse l'honneur de vous les découvrir. N'êtes-vous pas heureux d'ignorer la volonté de Dieu dans une chose pour vous sacrifier à tout, et pour embrasser avec amour tout ce qu'il peut demander en général de sa plus chère créature ?
    Soyez perdu en Dieu par amour et par grâce, comme votre chère moitié est déjà perdue et consommée dans sa gloire. Portez désormais en pénitence votre corps, qui vous retient encore au monde et qui empêche votre entière et parfaite consommation en Dieu. Je suis à vous, mon cher enfant, pour vous aider à finir et à achever le sacrifice que vous avez commencé. De bon coeur, je vous jetterais dans la fournaise qui doit vous consommer et qui vous doit réduire dans le rien de vous-même, pour vous faire être uniquement à ce souverain Maître. »

    Jean-Jacques Olier (1608-1657), in Abbé Cl. Peyroux, Les plus belles Lettres de consolation, G. de Gigord, Paris, 1917.

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  • Prière

    « O mon très doux Sauveur, vous venez à ma rencontre avec un amour infini, avec l'abondance de votre grâce ; vous voulez envahir mon âme avec des torrents de miséricorde et de charité afin de l'attirer à vous. Venez, ô Seigneur, venez ! Moi aussi je veux courir avec amour à votre rencontre mais, malheureusement, mon amour est si limité, si faible, si imparfait ; rendez-le fort et généreux, rendez-moi capable de me surmonter moi-même pour me donner totalement à vous. Oui, mon amour peut devenir fort parce qu'il "a pour fondement la certitude si intime d'être payé de retour par un autre amour dont on ne peut plus douter. Ce dernier, en effet, ne s'est-il pas manifesté dans un incomparable éclat... comme preuve qui ne laise subsister aucun doute...? Voici donc qu'appuyé sur le vôtre, mon faible amour devient fort de votre force. Ce sera pour nous un bienfait ineffable à l'heure de la mort, de considérer que nous allons être jugées par Celui que nous aurons aimé au-dessus de tout. Assurées que nos dettes sont payées, nous nous présenterons pleines de confiance à son tribunal (TJ. Ch. XLII).
    Accordez-moi, ô Seigneur, un tel amour ! Je le désire ardemment, non seulement pour échapper, un jour, à votre regard sévère de juge, mais aussi et surtout pour payer de retour, en quelque manière, votre charité infinie...
    Déployez, Seigneur, votre puissance et venez ! Venez, sans plus tarder ! »

    P. Gabriel de Ste Marie-Madeleine O.C.D., Intimité Divine - Méditations sur la vie intérieure pour tous les jours de l'année : 1er Dimanche de l'Avent, 5ème éd. T.I, 1963 (1ère éd. 1955).

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  • 30 novembre : Prière

    « O très doux Jésus, qui êtes venu dans le monde pour donner à toutes les âmes la vie de votre grâce, et qui, pour la conserver et la nourrir en elles, vous offrez vous-même, chaque jour, dans l'auguste sacrement de l'Eucharistie, comme le remède efficace de leurs infirmités et comme l'aliment divin destiné à soutenir leur faiblesse : nous vous en supplions humblement, daignez répandre sur elles votre Esprit-Saint ; qu'il les remplisse, afin que, si elles sont en état de péché mortel, elles se convertissent à vous et recouvrent la vie de la grâce, perdue par leurs fautes ; et pour celles qui, par votre secours, vous sont déjà unies dans la charité, qu'elles s'approchent dévotement chaque jour, quand il leur sera possible, de votre Table céleste, qu'elles y prennent l'antidote de leurs fautes vénielles journalières et alimentent en elles la vie de votre grâce, et qu'ainsi, purifiées toujours davantage, elles obtiennent enfin la béatitude éternelle dans le Ciel. Ainsi soit-il. »

    L. Maury, Heures Saintes et Prières Eucharistiques (Prière du Triduum Eucharistique), P. Lethielleux, Paris, 1941.

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  • 21 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Parabole des talents : "Faites-les fructifier pendant mon voyage." (Lc 19, 11-28)

    « Il est remarquable que dans cette parabole des talents il n’y a ni vignerons ni vigne, mais que tous sont ouvriers ; car il ne parle pas ici seulement aux princes des Juifs, ou au peuple, mais généralement à tous. Et considérez, mes frères, que lorsque ces serviteurs s’approchent de leur maître pour lui offrir ce qu’ils ont gagné dans leur trafic, ils reconnaissent tous avec une grande franchise, et ce qui vient d’eux, et ce qui vient de leur maître. L’un lui dit humblement qu’il a reçu cinq talents, et l’autre deux, et ils avouent tous deux par cette humble reconnaissance que c’est de lui qu’ils ont reçu le moyen d’agir. Ils lui témoignent tous qu’ils ne sont pas ingrats, et ils lui attribuent ce qu’ils ont comme venant uniquement de lui.

    Que leur répond donc leur maître : "Bien ! serviteur bon et fidèle". Car c’est être bon que d’être attentif et appliqué à faire du bien à ses frères : "Bien ! serviteur bon et fidèle, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup. Entrez dans la joie de votre Seigneur" : Ce seul mot renferme tout le bonheur de l’autre vie. Mais ce serviteur paresseux et lâche ne lui parle pas comme les deux autres.

    [...]

    Dieu exige moins de ses serviteurs : "Vous deviez", dit-il, "mettre mon argent entre les mains des banquiers", et me laisser à moi seul le soin de l’exiger avec usure, comme j’eusse fait à mon arrivée. Ce mot "d’usure" se doit prendre pour la pratique des bonnes oeuvres. Vous deviez donc faire ce qui était le plus aisé, et vous reposer sur moi du plus difficile. Mais puisque vous ne l’avez pas fait "Qu’on lui ôte le talent qu’il a, et qu’on le donne à celui qui a dix talents. Car on donnera à tous ceux qui ont déjà, et ils seront comblés de richesses, mais pour celui qui n’a point, on lui ôtera même ce qu’il a." C’est-à-dire, celui qui a reçu de Dieu le don de science pour l’utilité des autres, et qui ne s’en sert pas, le perdra entièrement. Au lieu que celui qui dispense sagement et avec soin ce qu’il sait, fera croître encore ce don que l’autre étouffe et détruit par sa paresse. Mais le malheur de ce serviteur paresseux et négligent ne se termine pas là et cette première parole est aussitôt suivie d’une sentence terrible.

    "Qu’on précipite donc dans les ténèbres extérieures ce serviteur inutile : C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents." Remarquez donc ici, mes frères, que ce ne sont pas seulement les voleurs et les usurpateurs du bien d’autrui, ni ceux qui commettent des violences, qui seront condamnés par Jésus-Christ aux flammes éternelles de l’enfer, mais encore ceux qui sont lâches pour faire le bien.

    Ecoutons, mes frères, ces paroles effrayantes, et pendant que nous en avons encore le temps, travaillons sérieusement à notre salut. Prenons de l’huile dans nos lampes, et faisons fructifier le talent que Dieu nous a donné en dépôt. Si nous vivons ici dans la paresse et dans la négligence , personne n’aura alors compassion de notre misère ni de nos larmes. Nous voyons que celui qui osa se présenter à ces noces saintes de l’Evangile avec un vêtement sale, se condamna lui-même par son silence, et que néanmoins cet arrêt qu’il porta contre lui-même ne lui servit de rien, et qu’il n’empêcha pas qu’on ne le jetât dans les ténèbres extérieures. Nous venons encore de le voir, le serviteur paresseux a beau rendre tout l’argent qu’il avait reçu, il n’évite pas néanmoins la juste colère de son maître...

    Il faut donc que la vue et que la méditation de ces vérités terribles nous porte à assister nos frères de nos biens, de nos soins, de notre autorité et de tout ce qui nous sera possible. Car il faut par ce mot de "talent" entendre tout ce par quoi chacun peut contribuer à l’avantage de son frère, soit en le soutenant de son autorité, soit en l’aidant de son argent, soit en l’assistant de ses conseils, soit en lui rendant tous les autres services qu’il est capable de lui rendre.

    Et que personne ne dise en lui-même : Que puis-je faire n’ayant reçu qu’un seul talent ? Un seul talent peut vous suffire pour témoigner votre fidélité envers votre maître, et pour vous rendre agréable aux yeux de Dieu. Vous n’êtes pas plus pauvre que cette veuve de l’Evangile qui n’avait que deux petites pièces de monnaie. Vous n’êtes pas plus grossier que ne l’était saint Pierre ou que saint Jean, qui étaient des hommes sans lettres et qui sont devenus néanmoins les princes du ciel, par cette charité catholique et universelle qu’ils ont eue pour toute la terre.

    Rien n’est si agréable à Dieu que de sacrifier sa vie à l’utilité publique de tous ses frères. C’est pour cela que Dieu nous a honorés de la raison, qu’il nous a donné la parole, qu’il nous a inspiré une âme, qu’il a formé nos pieds et nos mains, qu’il a répandu la force dans tout notre corps, afin que nous puissions user de toutes ces choses pour le bien de tous les hommes. Car la parole ne nous sert pas seulement pour chanter à Dieu des cantiques de louanges, et pour lui rendre grâces de ces dons : elle nous sert encore pour instruire nos frères, et pour leur donner de saints avis. Si nous sommes fidèles en ce point, nous imiterons Jésus-Christ notre maître, en ne disant aux hommes que ce que Dieu lui-même nous dit dans le coeur. Si au contraire nous y sommes infidèles, nous imiterons le démon. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Homélie LXXVIII (2-3), in Oeuvres complètes (Tome VIII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 20 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Zachée (Lc 19, 1-10)

    1. « Jésus étant entré à Jéricho parcourait cette ville, et voici qu'un homme appelé Zachée etc.(Lc XIX, 1 et suiv.) » Nous venons d'entendre dans l'Evangile l'histoire de Zachée, dans laquelle nous admirons l'excellence de ses dispositions et la libéralité sans borne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Zachée monte sur un arbre afin de suppléer à la petitesse de sa taille qui ne lui aurait pas permis d'apercevoir le Sauveur ; il désire contempler les traits de Celui qu'il aimait déjà dans son coeur ; il veut voir de ses yeux Celui qu'il n'avait vu que par la pensée. Il se tenait debout sur l'arbre, mais quelque chose lui disait déjà que Jésus-Christ s'offrirait comme victime sur l'arbre de la croix. Zachée vit le Seigneur qui passait, mais il fut encore mieux regardé par le Sauveur lui-même, qui ne craignit pas de lui offrir ce qu'il n'osait pas demander. La majesté divine l'aperçut et lui dit : « Zachée, descendez promptement, parce qu'il me faut demeurer aujourd'hui chez vous (Ibid. 5) ». Déjà en possession du coeur de Zachée, le Seigneur veut encore aller prendre possession de sa demeure. Il y vient, trouve Zachée préparant un festin spirituel, admire sa foi et se dispose à la proposer comme modèle à tous les assistants. Zachée reçut le Sauveur avec les démonstrations de la foi la plus vive ; le Sauveur, après être entré dans son coeur, entra dans sa maison.

    2. O bonheur du bienheureux Zachée ! Il possède maintenant, devenu son hôte, Celui dont la vue seule lui procurait naguère tant de joie. Mais admirons ce qu'il offre comme présent de bonne venue : « Voici », dit-il, « la moitié de mes biens, je la donne aux pauvres ; et si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rendrai quatre fois autant (Ibid. 8) ». Zachée offrit tout ce qu'il possédait. O dévouement admirable ! Il fit de son bien deux parts, l'une destinée aux oeuvres de miséricorde et l'autre aux réparations exigées par la justice. Il ne veut conserver aucune richesse injustement acquise, afin de s'assurer un jugement plus favorable au tribunal de Jésus-Christ, en obtenant le pardon de ses injustices et en méritant la gloire promise aux oeuvres de miséricorde. Ne nous étonnons donc pas que Jésus-Christ fasse son éloge, qu'il exalte sa foi et qu'il applaudisse à la libéralité. « En vérité, je vous le dis, aujourd'hui le salut est venu de Dieu dans cette maison, et celui-ci est véritablement le fils d'Abraham (Ibid. 9) ». Cette maison reçut par la foi le salut qu'autrefois elle avait perdu par la rapine.

    3. Zachée, louez et tressaillez, car c'est en montant sur le sycomore que vous avez mérité ce bienfait ; le sycomore est une espèce d'arbre très peu connu en Afrique ; le fruit qu'il produit ressemble assez à la figue sauvage. Pourquoi donc Zachée a-t-il vu Jésus-Christ ? Parce qu'il n'a pas eu peur des opprobres de la croix : un Dieu suspendu à la croix, un Dieu crucifié, c'est une folie aux yeux des hommes ; mais pour Zachée, c'est un objet d'admiration, car : « Ce qui nous paraît une folie en Dieu, est en réalité pour les hommes le comble de la sagesse (I Co I, 25) ». Zachée devint enfant d'Abraham par la foi, et non par la race ; par son mérite et non par la naissance ; par sa piété et non par le sang. Il éprouva d'abord un violent désir de voir le Seigneur, et il le vit comme il l'avait désiré. C'est ainsi qu'« Abraham votre père a désiré voir mon jour, il l'a vu et s'est senti comblé de joies (Jn VIII, 56) ». Zachée a reçu le Seigneur comme Abraham l'avait reçu ; mais Abraham le reçut avec les anges, tandis que Zachée le reçut avec les Apôtres ; alors le Seigneur se dirigeait vers Sodome ; aujourd'hui il parcourait la Judée. La bénédiction divine donna un fils à Abraham, tandis que par cette même bénédiction Zachée fut mis au nombre des enfants d'Abraham. Abraham offrit son fils au Seigneur, Zachée lui offrit ses biens ; celui-là donna son héritier, celui-ci donna son héritage ; celui-là immola le gage qu'il avait de la postérité qui lui avait été promise , celui-ci offrit la substance de son patrimoine. Zachée voulut d'abord partager son patrimoine avec Jésus-Christ, et c'est alors qu'il fut proclamé enfant d'Abraham. Si donc Zachée est digne d'éloge parce qu'il partagea son patrimoine avec Jésus-Christ avant d'avoir reçu sa récompense, que dut-il éprouver lorsqu'il se vit justifié et racheté par le sang de Jésus-Christ ?

    4. Après avoir entendu mes paroles, il ne vous reste plus qu'à imiter ce beau modèle, si vous voulez appartenir à votre Père ; faites ce qu'a fait Zachée, et vous mériterez ce qu'il a mérité lui-même. La ressemblance des devoirs produit la ressemblance des mérites ; la filiation véritable exclut la différence des actes ; on ne saurait porter le même nom quand les oeuvres sont directement contraires. Comment vous attribuer un nom que n'autorisent ni vos oeuvres ni votre nature ? Comment vous flatter du nom de fils, quand vous ne prouvez cette filiation ni par votre foi, ni par votre origine, ni par votre famille ? Dans sa libéralité, Dieu vous a donné le pouvoir de devenir son fils, parce que vous pouvez le vouloir ; Zachée a pu le devenir par la grâce de Dieu, parce que sa volonté s'est conformée à celle de Dieu. Donnons de nos biens à ceux qui ne possèdent rien, et que personne ne s'excuse en disant : « Je n'ai ni or ni argent » (Act. III, 6). Rejetez ces vains prétextes ; une légère aumône recevra une magnifique récompense ; en donnant un peu de pain à celui qui a faim, un peu d'eau à celui qui a soif, pourvu que vous le fassiez au nom du Seigneur, vous aurez droit à la même récompense que Zachée. »

    Saint Augustin, 46e Sermon - Sur Zachée (Sixième Série, Sermons Inédits : Premier Supplément, Troisième Section, Sermons sur les Saints), suite du Tome XI des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 31 octobre : Méditation

    « "Rendez constamment grâce à Dieu pour toute chose" (Eph 5,20).
    [...]
    Le plus difficile dans cette parole de saint Paul, c'est ce "pour toute chose". Cela signifie rendre grâce dans le malheur comme dans la joie. Cela implique de rendre grâce non seulement pour les dons et les délivrances positives que nous recevons de Dieu chaque jour, mais aussi pour tout ce que nous sommes enclins à considérer comme un mal. Pour toutes les misères et souffrances qui nous accablent, toutes les choses en apparence mauvaises qui nous arrivent, et que nous aurions souhaité n'avoir jamais à connaître.
    L'impératif "Rendez grâce" indique bien que la parole de saint Paul n'est pas seulement un conseil de perfection ou une recommandation pieuse, mais un véritable précepte pressant.
    [...]
    Rendons grâce dans les endroits de notre vie qui paraissent le plus dépourvus de grâces, les plus éloignés de l'amour de Dieu. Rendons grâce dans les moments où tout nous paraît sans remède et sans solution. Parce que le malheur est une grâce qu'il s'agit de retourner au Père. L'expression est merveilleuse en elle-même : rendre le don reçu de Dieu. Comment est-ce possible ? Comment pouvons-nous remercier pour quelque chose qui est en soi un mal ? Dieu ne veut de mal à personne. Dieu n'est pas un spectateur impassible de notre souffrance, assis sur un trône. Il est le Dieu souffrant, qui ne désire pas le mal semé dans le champ de l'Adversaire. Il connaît chacun de nous dans l'éternel présent. Il ne nous laissera pas aller à la dérive. Notre tort, c'est que nous sommes incapables de saisir que nos souffrances, nos détresses, font l'objet de l'attention de Dieu. Si nous comprenions cela, nous pourrions rendre grâce, car cette douleur s'identifierait à la grâce. Et la grâce est plus forte que la douleur.
    [...]
    "Seigneur, je Te rends grâce, car je sais que Tu es plus grand que ce qui m'arrive. Je crois en ta supériorité, ta souveraineté. Je place cette certitude avant la conscience que je prends de mon propre malheur. A cause de cela, j'espère en Toi et je Te remercie." »

    Un moine de l'Eglise d'Orient (P. Lev-Gillet, 1893-1980), Au coeur de la fournaise, Le Cerf, 1998.

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  • 30 octobre : Méditation

    « Très peu d'hommes comprennent ce que Dieu ferait d'eux s'ils s'abandonnaient entièrement à sa main et se laissaient travailler par sa grâce. Un tronc d'arbre grossier et informe ne croirait jamais qu'il pût devenir une statue, admirée comme un miracle de sculpture... et il ne consentirait pas à se soumettre au ciseau du sculpteur qui, comme le dit saint Augustin, voit dans son génie ce qu'il peut faire de lui. Bien des gens qui vivent à peine en chrétiens ne pensent pas qu'ils pourraient devenir des saints, s'ils se laissaient façonner par la grâce de Dieu et s'ils ne gâtaient pas son dessein en résistant à son travail. »

    Saint Ignace de Loyola (in Bartoli, Vita, IV, 36), in L'Honneur et Service de Dieu, Textes et témoignages recueillis par le Père Paul Doncoeur, A L'Orante, Paris, 1944.

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