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  • 29 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Les miracles opérés par Notre-Seigneur Jésus-Christ sont des oeuvres divines destinées à donner à l’âme humaine la connaissance de Dieu par le spectacle d’événements qui frappent les sens. Dieu est, en effet, de telle nature, que nos yeux ne peuvent le contempler ; d’ailleurs, les prodiges qu’il ne cesse de faire en gouvernant le monde entier, et en prenant soin de toutes les créatures, frappent moins en raison de leur continuité ; de là, il arrive qu’on daigne à peine remarquer l’étonnante et admirable puissance que le Très-Haut manifeste dans toutes ses divines opérations, et jusque dans la multiplication des plus petites graines ; aussi, n’écoutant que son infinie miséricorde, s’est-il réservé d’opérer en temps opportun certaines merveilles qui sortiraient du cours ordinaire et de l’ordre de la nature ; accoutumés à contempler les miracles quotidiens de la Providence, et à n’en tenir, pour ainsi dire, aucun compte, les hommes s’étonneront de voir des prodiges, non pas plus grands, mais moins ordinaires. En effet, gouverner l’univers est chose bien autrement merveilleuse que rassasier cinq mille hommes avec cinq pains. Et pourtant, personne ne prête attention à l’un, tandis que tous admirent l’autre ; cette différence d’appréciation vient de ce que le second fait est, sinon plus admirable, du moins plus rare. Car celui qui nourrit maintenant tout le monde, n’est-il pas le même qui donne à quelques grains la vertu de produire nos récoltes ? Dieu a donc agi de la même manière : c’est la même puissance qui transforme, tous les jours, en riches moissons, quelques grains de blé, et qui a multiplié cinq pains entre ses mains. Cette puissance se trouvait à la disposition du Christ : pour les pains, ils étaient comme une semence, et cette semence, au lieu d’être jetée en terre, a été directement multipliée par Celui qui a créé la terre. Le Seigneur a frappé nos sens par ce prodige, afin d’élever vers lui nos pensées ; il a étalé sous nos yeux le spectacle de sa puissance, afin d’exciter nos âmes à la réflexion ; il voulait que ses oeuvres visibles nous fissent admirer leur invisible Auteur ; ainsi élevés jusqu’à la hauteur de la foi, et purifiés par elle, nous désirerons le voir encore des yeux de notre âme, après avoir appris à le connaître, quoiqu’il soit invisible, par le spectacle présenté aux yeux de notre corps. »

    Saint Augustin (354-430), Traités sur Saint Jean, XXIV, 1, in "Oeuvres complètes de Saint Augustin" (Tome X : Traités sur Saint Jean), traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l'abbé Raulx, Bar-Le-Duc, 1864.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 20 août : Méditation

    « ... Après avoir changé enfin votre volonté et réduit votre corps en servitude, après avoir tari la source du mal et soigneusement bouché toutes les ouvertures par lesquelles il pénétrait, il vous reste une troisième chose à faire, et ce n'est pas la moins difficile, il s'agit de purifier votre mémoire, de nettoyer ce cloaque infect. Comment, direz-vous, effacer de ma mémoire, l'impression qu'elle conserve de toute ma vie passée ? Le frêle et mince tissu sur lequel elle est écrite a bu l'encre et s'en est imprégné, comment l'effacer à présent ? Elle ne s'est pas arrêtée à la superficie seulement, mais elle a pénétré le tissu tout entier ; c'est en vain que je voudrais l'effacer maintenant, je détruirais le papier plutôt que d'en faire disparaître les caractères qui y sont gravés. Il en est de même de ma mémoire, il faudrait que l'oubli allât jusqu'à la détruire, comme cela arriverait, par exemple, si je venais à perdre l'esprit ; alors je ne conserverais plus aucun souvenir de mes actions. Autrement quel grattoir employer pour effacer les souillures de ma mémoire et la conserver intacte elle-même. Pas d'autre que cette parole pleine de vie et d'efficacité et plus pénétrante qu'un glaive à deux tranchants : "Vos péchés vous sont remis (Mc II, 5)." Laisser le Pharisien murmurer et dire : "Qui peut remettre les péchés si ce n'est Dieu ? (Ibid., 7)" Car c'est précisément Dieu même qui vous adresse ces paroles : "Or nul ne saurait se comparer à lui, il connaît le secret de toute science et il l'a révélé à Jacob son fils et à Israël son bien-aimé ; plus tard, il s'est fait voir lui-même sur la terre et il a conversé avec les hommes (Baruch III, 36,37,38)." C'est sa miséricorde qui efface le péché, non en en faisant perdre le souvenir à la mémoire, mais en faisant que ce dont le souvenir était en elle et la souillait, y soit encore et ne la souille plus. Et en effet, nous nous rappelons en ce moment une foule de péchés qui ont été commis ou par nous ou par d'autres ; or il n'y a que les nôtres qui nous souillent, ceux d'autrui ne sont pas une tache pour nous. D'où vient cela ? C'est qu'il n'y a que les nôtres qui nous fassent rougir et que nous craignions de nous voir reprocher. Otez la pensée du reproche, ôtez la crainte, ôtez la honte, c'est ce que fait la rémission du péché, et non seulement nos péchés ne font plus d'obstacle à notre salut, mais même ils peuvent y coopérer en nous excitant à rendre de vives actions de grâces à celui qui nous les a remis. »

    Saint Bernard (1091-1153), Sermon ou Livre de Saint Bernard, Abbé aux prêtres, sur la conversion (ch.XV,28), in Oeuvres Complètes de Saint Bernard (Tome II), Traduction nouvelle par M. l'Abbé Charpentier, Paris, Librairie Louis Vivès, 1866.

    (Source : Abbaye Saint-Benoît)
     

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  • 6 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits." (Lc 10, 17-24)

    « Quoi donc ! est-ce qu’il se réjouit de la perte de ceux qui n’ont pas voulu croire ? Nullement, mais Dieu garde cette conduite très sage pour notre salut. Lorsque les hommes s’opposent à la vérité, et refusent de la recevoir, il ne les force point, mais il les rejette, afin qu’ayant méprisé celui qui les appelait, et ne s’étant point corrigés de leurs désordres, ils rentrent en eux-mêmes, en se voyant rejetés, et qu’ils commencent à désirer ce qu’ils avaient négligé. Cette conduite servait aussi à rendre plus ardents ceux qui avaient embrassé la foi.

    Ces mystères donc, si grands et si divins, ne pouvaient être révélés aux uns sans que Jésus-Christ en ressentît de la joie, ni cachés aux autres, sans lui causer une profonde tristesse, comme il le témoigna en effet en pleurant sur cette Ville malheureuse. Ce n’est donc point parce que ces mystères sont cachés aux sages que Jésus-Christ se réjouit, mais parce que ce qui était caché aux sages était révélé aux petits. C’est ainsi que saint Paul dit : "Je rends grâces à Dieu de ce qu’ayant été auparavant esclaves du péché, vous avez obéi du fond du coeur à la doctrine de l’Evangile, à laquelle vous vous êtes conformés comme à votre modèle." (Rm VI, 7). Il ne se réjouit pas de ce qu’ils avaient été esclaves du péché, mais de ce qu’ayant été tels, ils se sont convertis à Dieu.

    Jésus-Christ, par ce mot de "sages", entend les scribes et les pharisiens. Et il parle de la sorte pour relever le courage de ses disciples, en leur représentant que tout pécheurs et grossiers qu’ils sont, ils ne laissent pas d’avoir reçu des lumières et des connaissances que les sages et les prudents avaient laissé perdre. Jésus-Christ marque donc par ce mot de "sage" non ceux qui le sont véritablement, mais ceux qui le croient être, parce qu’ils ont cette sagesse que le monde estime. Aussi il ne dit pas : "Et vous les avez révélées" aux fous et aux insensés, mais "aux petits", c’est-à-dire à ceux qui sont simples et sans déguisement. Ce qui fait voir que si ces faux sages n’ont pas reçu cette grâce, ç'a été par une grande justice de Dieu.

    Il nous avertit aussi par ces paroles de fuir la vaine gloire, et de rechercher avec ardeur la simplicité et l’humilité. C’est ce que saint Paul marque clairement et avec force, lorsqu’il dit : "Que nul ne se trompe soi-même : Si quelqu’un d’entre vous pense être sage selon le monde, qu’il devienne fou à l’égard du monde pour devenir vraiment sage." (Cor. III, 17). C’est dans cette sainte folie que paraît la grâce de Dieu. »

    Saint Jean Chrysostome (v.345-407), Commentaires sur l'Evangile selon Saint Matthieu, Sermon XXXVIII (1), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 3 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Pour nous amener à la foi et nous guérir de nos maux, le Christ a dû faire pendant sa vie des miracles corporels. [...]

    Nous devons savoir que tous les miracles qu'il a faits sur les corps ont pour but de nous instruire et de nous faire parvenir à ce qui ne passe pas, à ce qui n'aura jamais de fin. Il a rendu les yeux aux aveugles, et la mort devait encore les leur fermer ; il a ressuscité Lazare, et Lazare devait encore mourir. Tout ce qu'il a fait pour la guérison des corps ne tendait pas à les rendre immortels, quoique néanmoins il doive finir par assurer aux corps mêmes une éternelle santé : mais comme on ne croyait pas aux invisibles réalités, il a voulu, par le moyen d'actions visibles et passagères, élever la foi vers les choses invisibles.

    Que nul donc, mes frères, ne s'avise de dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne fait maintenant rien de semblable, et que pour ce motif les premiers temps de l'Eglise étaient préférables à ceux-ci. Notre-Seigneur lui-même ne préfère-t-il pas quelque part ceux qui croient sans avoir vu à ceux qui croient parce qu'ils voient ? Telle était durant sa vie la faiblesse chancelante de ses disciples que non contents de l'avoir vu ressuscité, ils voulaient encore, pour croire à sa résurrection, le toucher de leurs mains. Le témoignage de leurs yeux ne leur suffisait pas, ils voulaient de plus palper son corps sacré et toucher les cicatrices encore fraîches de ses blessures : et ce n'est qu'après s'être assuré par lui-même de la réalité de ces cicatrices, que l'apôtre incrédule s'écria : "Mon Seigneur et mon Dieu !"

    Ainsi les traces de ses plaies le révélaient et il avait guéri toutes les blessures d'autrui. Ne pouvait-il ressusciter sans ces marques sanglantes ? Ah ! c'est qu'il voyait, dans le coeur de ses disciples, des plaies qu'il voulait fermer en conservant les cicatrices de son corps. Et quand Thomas eut enfin confessé sa foi en s'écriant : "Mon Seigneur et mon Dieu ! C'est pour m'avoir vu, dit le Seigneur, que tu as cru : heureux ceux qui croient sans voir." N'est-ce pas nous, mes frères, que regardent ces dernières paroles ? N'est-ce pas nous et ceux qui nous suivront ? Peu de temps en effet après qu'il se fut dérobé aux regards mortels pour affermir la foi dans les coeurs, ceux qui croient en lui le firent sans avoir vu, et le mérite de leur foi fut considérable, et afin d'acquérir cette foi ils approchèrent de lui leur coeur pour l'aimer et non la main pour le toucher. »

    Saint Augustin (354-430), Sermon LXXXVIII (L'aveuglement spirituel, 1-2).

    Source : Clerus.org

  • 4 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « La lecture du saint Evangile nous a mis sous les yeux un spectacle sanglant ; nous avons vu, en haine de la vérité et servi par la cruauté, un mets funèbre, la tête même de Jean-Baptiste présentée dans un bassin, Une jeune fille danse, sa mère a la rage dans le coeur, au milieu des délices et des dissolutions d'un banquet, on prête, puis on accomplit un serment téméraire et impie.

    Ainsi se réalisa dans la personne de saint Jean ce que saint Jean avait prédit. Il avait dit, en parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ : "Il faut qu'il croisse et que je diminue" (Jn III, 20). Jean fut donc diminué de la tête, et Jésus élevé sur la croix. La haine contre Jean naquit de la vérité même. On ne pouvait souffrir avec calme les avertissements que donnait ce saint homme de Dieu, et qu'il ne donnait qu'en vue du salut de ceux à qui il les adressait ; et on lui rendit le mal pour le bien. Pouvait-il faire entendre autre chose que ce qui remplissait son coeur ; et eux pouvaient-ils répondre autre chose aussi que ce qu'ils avaient dans l'âme ? Jean sema le bon grain, mais il recueillit des épines. "Il ne vous est pas permis, disait-il au roi, de garder l'épouse de votre frère" (Mc VI, 17-28). Esclave de sa passion, le roi en effet retenait chez lui, malgré la loi, la femme de son frère ; mais la passion ne l'enflammait pas jusqu'à lui faire répandre le sang. Il honorait même le prophète qui lui disait la vérité. Quant à la femme détestable qu'il gardait, elle nourrissait une haine secrète qui devait finir par éclater dans l'occasion. Comme elle nourrissait cette haine, elle fit paraître sa fille, elle la fit danser ; et le roi qui regardait Jean comme un saint, qui le craignait même par respect pour Dieu, sans toutefois lui obéir, s'affligea lorsqu'il vit qu'on lui demandait de livrer dans un bassin la tête de Jean-Baptiste ; mais, par égard pour son serment et pour les convives, il envoya un archer et accomplit ce qu'il avait promis.

    Ce passage nous invite, mes frères, à vous dire quelques mots du serment, afin de mieux régler votre conduite et vos moeurs.

    Le faux serment n'est pas un péché léger ; c'est même un péché si grave que pour le prévenir le Seigneur a interdit tout serment. Voici ses paroles : "Il a été dit : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras au Seigneur tes serments. Et moi je vous dis de ne jurer en aucune façon ; ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds ; ni par tout autre objet ; ni par ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre langage soit : Oui, oui ; non, non ; car, ce qui est en plus vient du mal" (Mt V, 33-37). »

    Saint Augustin, Sermon CCCVII (1-2) sur la décollation de Saint Jean-Baptiste (Sermons détachés sur divers passages de l'Écriture sainte — Deuxième série : Solennités et Panégyriques), in Oeuvres complètes (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 13 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Sur le Psaume 148 : "Louez le Seigneur du haut des cieux, louez-le dans les hauteurs célestes ; louez-le, vous tous ses anges..."

    « La méditation, dans notre vie présente, doit consister à louer Dieu, car l'allégresse éternelle de notre vie future sera une louange de Dieu ; et personne ne peut être adapté à la vie future s'il ne s'y exerce pas dès maintenant. Maintenant donc nous louons Dieu, mais nous le supplions aussi. Notre louange comporte la joie ; notre supplication, le gémissement. Car on nous a promis quelque chose que nous ne possédons pas encore ; et parce que l'auteur de la promesse est véridique, nous trouvons notre joie dans l'espérance ; mais parce que nous ne possédons pas encore, notre désir nous fait gémir. Il nous est bon de persévérer dans le désir jusqu'à ce que vienne le bonheur promis, jusqu’à ce que le gémissement disparaisse et que la louange demeure seule.

    Il y a donc deux époques : l'époque actuelle qui se passe dans les tentations et les épreuves de cette vie ; et une seconde époque, qui sera celle de la sécurité et de l'allégresse sans fin. Aussi deux époques ont-elles été instituées pour nous : avant Pâques et après Pâques. L'époque antérieure à Pâques symbolise l'épreuve où nous sommes maintenant ; et ce que nous célébrons en ces jours qui suivent Pâques symbolise la béatitude qui sera plus tard la nôtre. Avant Pâques nous célébrons donc ce que nous sommes en train de vivre ; après Pâques, ce que nous célébrons symbolise ce que nous ne possédons pas encore. C'est pourquoi, dans la première époque, nous nous entraînons par le jeûne et la prière ; mais dans l'époque présente, nous abandonnons le jeûne et nous vivons dans la louange. Tel est le sens de l'Alléluia que nous chantons. [...]

    L'une et l'autre époque nous ont été figurées, l’une et l'autre nous ont été manifestées dans notre chef. La passion du Seigneur nous montre la vie présente qui nous oblige à peiner, à subir les épreuves et finalement à mourir ; la résurrection et la glorification du Seigneur nous montrent la vie que nous recevrons. [...]

    Nous vous exhortons, mes frères, à louer Dieu en ce moment, et c'est ce que nous faisons tous lorsque nous disons : "Alléluia. Louez le Seigneur". Tu le dis à un autre, lui-même te dit la même chose. Lorsque tous font la même exhortation, tous y répondent. Mais louez-le par tout vous-mêmes : c’est-à-dire que votre langue et votre voix ne doivent pas être seules à louer Dieu ; louez-le aussi par votre conscience, par votre vie, par vos actions. Évidemment, nous le louons maintenant, quand nous sommes rassemblés dans l'église ; lorsque chacun s'en va chez soi, il semble cesser de louer Dieu. s'il ne cesse pas de bien vivre, il loue Dieu continuellement. Ta louange ne cesse que lorsque tu te détournes de la justice et de ce qui plaît à Dieu. Car si tu ne te détournes jamais de la vie vertueuse, ta bouche est muette, mais ta vie est une acclamation et Dieu prête l'oreille au chant de ton cœur. Comme nos oreilles entendent nos voix, c'est ainsi que Dieu entend nos pensées. »

    Saint Augustin (354-430), Homélie sur le Psaume 148 (Trad. source)

  • 8 août : Méditation

    « Ah ! M.F., si nous avions le bonheur, une fois dans notre vie, de bien comprendre la beauté et la valeur de notre âme, ne serions-nous pas prêts, comme Jésus-Christ, à faire tous les sacrifices pour la conserver ? Oh ! qu'une âme est belle, qu'elle est précieuse aux yeux de Dieu même ! Comment se peut-il faire que nous en fassions si peu de cas, et que nous la traitions plus durement que le plus vil des animaux ? Quelle doit être la pensée de cette âme qui connaît sa beauté et toutes ses belles qualités, de se voir traînée dans les ordures du péché ? Ah ! sentons, M.F., lorsque nous la roulons dans les eaux de ces sales voluptés, quelle horreur ne doit pas avoir d'elle-même une âme qui n'a que Dieu seul qui la surpasse !... Mon Dieu, est-il bien possible que nous fassions si peu de cas d'une telle beauté ?

    Voyez, M.F., ce que devient une âme qui a le malheur de tomber dans le péché. Dans la grâce de Dieu, on la prendrait pour une divinité ; mais, dans le péché !... Le Seigneur fit un jour voir à un prophète une âme en état de péché, il nous dit qu'elle était semblable à une charogne, traînée pendant huit jours dans une rue à la rigueur du soleil. Ah ! c'est bien là, M.F., que nous pouvons dire avec le prophète Jérémie : "Elle est tombée, la grande Babylone, elle est devenue le repaire des démons (Apoc. XVIII,2 ; Jer. LI,8)." Oh ! qu'une âme est belle, quand elle a le bonheur de posséder la grâce de son Dieu ! Non, non, il n'y a que Dieu qui peut en connaître tout le prix et toute la valeur !
    [...]

    Que faisons-nous, M.F., de cette âme qui a tant coûté à Jésus-Christ ? Hélas ! M.F., si nous disions que nous ne l'avons que pour la rendre malheureuse et la faire souffrir !... Nous la tenons pour moins estimable que nos plus vils animaux ; quand ils sont dans l'écurie, nous leur donnons à manger ; nous avons soin d'ouvrir et de fermer les portes, crainte que les voleurs ne nous les prennent ; s'ils sont malades, nous allons chercher le médecin pour les soulager ; nous sommes touchés, souvent jusqu'au cœur, en les voyant souffrir. Le faisons-nous pour notre âme, M.F. ? Avons-nous soin de la nourrir par la grâce, par la fréquentation des sacrements ? Avons-nous soin de bien fermer les portes, crainte que les voleurs ne l'emportent ? Hélas ! M.F., disons-le à notre honte, nous la laissons périr de misère ; nous la laissons déchirer par nos ennemis, qui sont nos passions ; nous laissons toutes les portes ouvertes ; le démon de l'orgueil vient, nous le laissons entrer, meurtrir et déchirer notre pauvre âme ; celui de l'impureté vient, il entre, salit et pourrit cette pauvre âme. "Ah ! pauvre âme, nous dit saint Augustin, que l'on t'estime peu de chose : Un orgueilleux te vend pour une pensée d'orgueil ; un avare, pour une pièce de terre, un ivrogne, pour un verre de vin, et un vindicatif, pour une pensée de vengeance !" »

    Saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, extraits du Sermon pour le Neuvième dimanche après la Pentecôte (II-III), in Sermons du Saint Curé d'Ars (Tome II), Nouvelle édition, Gabriel Beauchesne, Paris, 1925.

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  • 24 juin : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Or Jean avait un habillement de poils de chameau, une ceinture de cuir autour de ses reins, et pour son manger des sauterelles et du miel sauvage." Vous voyez comme les prophètes ont dit certaines choses et qu’ils ont laissé aux évangélistes à dire les autres. Saint Matthieu commence donc par les paroles du Prophète et parle ensuite lui-même, et il n’a pas cru inutile de décrire le vêtement du saint Précurseur. C’était en effet une chose admirable, étonnante, de voir que le corps d’un homme fût capable de supporter une vie si dure. Aussi était-ce ce qui attirait le plus les Juifs ; ils voyaient revivre en saint Jean le grand prophète Elie, et dans le spectacle qu’ils avaient sous les yeux la mémoire vénérée de ce bienheureux des anciens âges.

    La vie même de Jean leur paraissait encore plus admirable. Car Elie allait dans les villes et dans les maisons, et il y trouvait de quoi se nourrir, au lieu que celui-ci avait vécu dans le désert depuis le berceau. Il fallait que le précurseur de Celui qui devait détruire tout l’ancien état de l’homme, la peine, la malédiction, les travaux et la douleur, portât par avance sur lui-même quelques marques de cette grâce nouvelle, et qu’il parût déjà élevé au-dessus des choses auxquelles les hommes avaient été premièrement condamnés. C’est pourquoi il ne travaille point à la terre ; il ne l’ouvre point avec la charrue, il ne mange point son pain à la sueur de son visage, mais il trouve une nourriture sans préparation, un habillement moins recherché que la nourriture et une demeure encore plus aisée que l’un et l’autre. Il n’avait besoin ni de maison, ni de lit, ni de table, ni d’aucune chose semblable. Il faisait éclater dans un corps mortel une vie tout angélique.

    Il avait un habit de poil de chameau, pour apprendre aux hommes par son vêtement même à mépriser tout ce qui est humain, à n’avoir rien de commun avec la terre, mais à retourner à cette première noblesse dont le premier homme a joui durant son état d’innocence, avant qu’il fût obligé d’avoir le soin de la nourriture et du vêtement. Ainsi son vêtement était un symbole et de royauté et de pénitence tout ensemble.
    [...]

    Si donc, mes frères, un homme dont toute la vie a été si sainte, qui était plus pur que le ciel même, le plus excellent des prophètes, le plus grand de tous les hommes, et qui s’approchait de Dieu avec tant de liberté et de confiance, ne laisse pas néanmoins de souffrir tant de travaux, de mépriser si hautement les délices et de passer toute sa vie dans les rigueurs et dans les austérités, comment pourrons-nous, nous autres, excuser notre délicatesse, puisqu’après tant de grâces que nous avons reçues, après tant de péchés qui nous accablent, nous n’imitons pas la moindre partie de sa pénitence ? Nous nous plongeons dans les festins et dans les excès de table ; nous recherchons les plus excellents parfums ; nous nous habillons comme ces femmes perdues qui montent sur le théâtre ; et, dans cette mollesse générale à laquelle nous nous abandonnons, nous ouvrons cent portes au démon afin qu’il entre dans notre âme et s’en rende maître. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie X sur Saint Mathieu (4), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît

  • 16 juin : Méditation

    « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. Venez à moi vous tous, qui êtes chargés, fatigués, et altérés, dans la voie de ce monde, pleine de travaux, et de misères ; et venez à moi ici, c'est-à-dire à la fontaine, non pas de Jacob, mais du Cœur de ma très digne Mère, là où vous me trouverez, car j'y ai établi ma demeure pour jamais...
    Je l'ai faite pour vous : je l'ai remplie d'une infinité de biens pour vous ; j'y suis pour vous ; j'y suis pour vous découvrir et pour vous distribuer les trésors immenses que j'y ai cachés. J'y suis pour vous rafraîchir, vous fortifier, et vous donner une nouvelle vie, par les eaux vives dont elle regorge. J'y suis pour vous repaître du lait et du miel, et pour vous enivrer du vin qui en découlent : venez donc à moi.

    Vous tous qui avez soif, venez boire des belles et bonnes eaux de notre miraculeuse fontaine : et encore que vous n'ayez pas d'argent, hâtez-vous pourtant, venez et achetez sans argent, du vin et du lait de cette fontaine... Venez au très honorable Cœur de la Reine du Ciel, et vous apprendrez à l'exemple de ce même Cœur, qui a toujours brûlé d'une soif très ardente de la gloire de son Dieu, et qui n'en a jamais eu d'autre, qu'il n'y a point de vrai honneur qu'à suivre la divine Majesté...

    Hâtez-vous, qu'est-ce que vous attendez ? Pourquoi différez-vous un seul moment ? N'est-ce point que vous craignez de faire tort à la Bonté non pareille du très adorable Cœur de Jésus, votre Dieu, et votre Rédempteur, si vous vous adressez à la charité du Cœur de sa Mère ? Mais ne savez-vous pas que Marie n'est rien, n'a rien et ne peut rien, que de Jésus, par Jésus et en Jésus, et que c'est Jésus qui est tout, qui peut tout, et qui fait tout en elle ? Ne savez-vous pas que c'est Jésus qui a fait le Cœur de Marie tel qu'il est ; et qui a voulu en faire une fontaine de lumière, de consolation, et de toutes sortes de grâces, pour tous ceux qui y auront recours dans leurs nécessités ? Ne savez-vous pas que non seulement Jésus est résident et demeurant continuellement dans le Cœur de Marie, mais qu'il est lui-même le Cœur de Marie, le Cœur de son Cœur, et l'Âme de son Âme : et qu'ainsi venir au Cœur de Marie, c'est venir à Jésus ; honorer le Cœur de Marie, c'est honorer Jésus ; invoquer le Cœur de Marie, c'est invoquer Jésus ? »

    Saint Jean Eudes (1601-1680), Le Cœur admirable de la Très-Sacrée Mère de Dieu ou la Dévotion au Très-Saint Coeur de la Bienheureuse Vierge Marie (extraits du ch.V), Caen, Jean Poisson, 1681.

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  • Mardi 3 septembre 2013

    St Grégoire le Grand, Pape et Docteur de l’Église

    Au calendrier traditionnel : St Pie X, Pape et confesseur

    « C'est vraiment pour Nous, Vénérables Frères, un heureux anniversaire que celui de cet homme illustre et incomparable (Martyrol. Rom. 3 sept.), le Pontife Grégoire premier du nom...

    Il est merveilleux de constater ce qu'il réalisa durant un gouvernement d'un peu plus de treize ans. Il fut le restaurateur de toute la vie chrétienne, ranimant la piété parmi les fidèles, la règle dans les monastères, la discipline dans le clergé, la sollicitude pastorale des Pontifes sacrés. C'était bien le chef plein de sagesse de la famille du Christ (Joann. Diac., Vita. Greg., II, 51). Il défendit et augmenta le patrimoine de l’Église et, selon les besoins de chacun, pourvut libéralement et sans compter aux nécessités du peuple appauvri, de la société chrétienne et des églises particulières. Vrai consul de Dieu (Inscr. sepulcr.), il étendit bien au delà des murs de Rome la féconde activité de sa volonté, et la consacra tout entière au bien de la société civile. Il résista courageusement aux injustes prétentions des empereurs de Byzance, brisa l'audace des exarques et des officiers impériaux, et sut imposer un frein à leur sordide cupidité, car il s'était fait le champion public de la justice sociale. Il adoucit les instincts farouches des Lombards, et ne craignit pas d'aller jusqu'aux portes de Rome à la rencontre d'Agilulfe pour le dissuader d'assiéger la ville, comme avait fait le pape saint Léon le Grand avec Attila. Il ne cessa ni ses prières, ni ses douces persuasions, ni l'habileté de son action, jusqu'à ce qu'il vit cette terrible nation s'apaiser enfin et s'organiser sous une forme de gouvernement plus équitable, et même se soumettre à la foi catholique, grâce surtout à la pieuse reine Théodelinde, sa fille en Jésus-Christ.

    Voilà pourquoi Grégoire s'est acquis à bon droit le titre de sauveur et de libérateur de l'Italie, c'est-à-dire de cette terre qu'il appelle lui-même si suavement sienne (Registr. V, 36 (40) ad Mauricium Aug.). Grâce à son zèle pastoral jamais en relâche, l'Italie et l'Afrique se purgent des restes de l'erreur; les affaires de l'Eglise des Gaules se rétablissent; la conversion commencée des Wisigoths d'Espagne se développe, et l'illustre nation des Bretons, perdue dans un coin du monde et rivée jusque-là au culte perfide du bois et de la pierre (Ibid. VIII, 29 (30) ad Eulog. Episcop. Alexandr.), embrasse, elle aussi, la vraie foi du Christ. A la nouvelle d'une acquisition si précieuse, Grégoire se sent l'âme déborder de joie, tel un père qui étreint sur son cœur un fils bien-aimé ... Mais ces bienfaits reçus, il les rapporte tous au Sauveur Jésus. C'est pour l'amour de lui, dit-il lui-même, que nous sommes allés chercher en Bretagne des frères ignorés. C'est par sa grâce que nous avons trouvé ceux que nous cherchions sans les connaître (Ibid. XI, 36 (28) ad Augustin. Anglorum episcop.). Et ce peuple s'est montré reconnaissant envers le saint Pontife, jusqu'à l'appeler : notre Maître, notre Apôtre, notre Pape, notre Grégoire, et se considérer comme le sceau de son apostolat. Telle enfin fut son action si féconde et si salutaire que le souvenir de ses travaux s'est gravé profondément dans le cœur de la postérité, de ces générations du moyen âge surtout, tout imprégnées de son esprit, qui, pour ainsi dire, se nourrissaient de sa parole et conformaient leur vie et leurs mœurs à ses exemples. C'était l'époque heureuse où la civilisation chrétienne succédait dans l'univers à la civilisation romaine, épuisée par le cours des siècles et tombée sans retour.

    [...]

    Aussi le but unique de toute sa vie, tel que nous le révèlent ses paroles et ses actes, ce fut d'entretenir dans son propre cœur, et de susciter dans les autres, cette foi et cette confiance, et, jusqu'à son dernier jour, de faire tout le bien que les circonstances lui permettaient.

    De là, chez cet homme de Dieu, la volonté résolue de faire servir au salut commun les surabondantes ressources des dons divins dont le Seigneur avait enrichi son Église, tels sont : la vérité certaine entre toutes de la doctrine révélée ; sa prédication efficace à travers le monde entier ; les sacrements qui ont la vertu de produire ou d'accroître en nous la vie de l'âme ; enfin la grâce de la prière au nom du Christ, gage assuré de la protection céleste.

    [...]

    Fort de cette foi, inébranlablement établi sur cette pierre, Nous embrassons du regard de Notre âme, et les lourdes obligations de cette sainte primauté et tout à la fois les forces divinement répandues dans Nos cœurs, et paisiblement Nous attendons que se taisent les voix de ceux qui proclament à grand bruit que l’Église catholique a fait son temps, que ses doctrines se sont écroulées sans retour, qu'elle en sera réduite bientôt ou à se conformer aux données d'une science et d'une civilisation sans Dieu, ou bien à se retirer de la société des hommes. En attendant, est-il de Notre devoir de rappeler à tous, grands et petits, comme autrefois le fit le saint Pontife Grégoire, la nécessité absolue où nous sommes de recourir à cette Église pour faire notre salut éternel, pour obtenir la paix et même la prospérité dans cette vie terrestre.

    [...]

    Le salut, cependant, n'est pas ailleurs que dans le Christ : Car il n'est pas sous le ciel d'autre nom qui ait été donné aux hommes, dans lequel nous devions être sauvés (Act. IV, 12). Il est donc nécessaire de revenir à lui, de se prosterner à ses pieds, de recueillir de sa bouche divine les paroles de la vie éternelle : car seul il peut indiquer le chemin capable de nous ramener au salut, seul il peut enseigner le vrai, seul rappeler à la vie, lui qui a dit de lui-même : Je suis la Voie et la Vérité et la Vie (Joan. XIV, 6). On a tenté à nouveau de traiter les affaires du monde en dehors du Christ ; on a commencé à bâtir en rejetant la pierre angulaire. Pierre le reprochait à ceux qui crucifièrent Jésus. Et voici qu'une seconde fois la masse de l'édifice s'écroule en brisant la tête des constructeurs. Jésus reste malgré tout la pierre angulaire de la société humaine, et de nouveau se justifie la maxime : Il n'est de salut qu'en lui.

    Celui-ci est la pierre que vous avez rejetée, ô constructeurs ; elle est devenue la tête de l'angle, et en ancien autre il n'est de salut (Act. IV, 11-12).

    Vous comprenez facilement par là, Vénérables Frères, quelle nécessité presse chacun de nous d'employer la plus grande force d'âme possible, et toutes les ressources dont nous disposons, à ranimer cette vie surnaturelle dans tous les rangs de la société humaine, depuis l'humble classe de l'artisan, qui gagne chaque jour son pain à la sueur de son front, jusqu'aux puissants arbitres de la terre. »

    St Pie X, Extraits de l'Encyclique Iucunda Sane, 12 mars 1904.

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    Calendrier liturgique

  • 23 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Les marchands du Temple (Lc 19, 45-48)

    « 2. Il y avait une figure, quand le Seigneur chassa du temple ces hommes qui cherchaient leurs intérêts, et n’y entraient que pour vendre et acheter (Jn II, 15). Or, si ce temple était une figure, il devient évident que le corps de Jésus-Christ, qui est le véritable temple, et dont cet autre n’était que la figure, renferme aussi des vendeurs et des acheteurs, ou des hommes qui recherchent leurs intérêts, et non pas ceux de Jésus-Christ (Ph II, 21). Mais un fouet de cordes va les en chasser. La corde en effet signifie les péchés, comme il est dit par un Prophète : "Malheur à ceux qui traînent leurs péchés, comme une longue chaîne (Is V, 18) ". Or, c’est traîner ses péchés comme une longue chaîne qu’ajouter péchés sur péchés ; que recouvrir un péché que l’on vient de commettre par un autre que l’on commet ensuite. De même en effet, que pour faire une corde on joint filasse à filasse, et qu’on la tord au lieu de la tirer en droite ligne, de même, ajouter l’une à l’autre des actions perverses et qui sont des péchés, aller de faute en faute et enrouler péché sur péché, c’est en composer une longue chaîne. "Leurs voies sont contournées, leurs démarches tortueuses (Jb, VI, 18)". Mais à quoi servira cette corde, sinon à leur lier les pieds et les mains pour les jeter dans les ténèbres extérieures ? Vous savez ce que dit l’Evangile à propos de certain pécheur : "Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c’est là qu’il y aura pleur et grincement de dents (Mt XXII, 13)". Il n’y aurait pas moyen de lui lier les pieds et les mains, si lui-même ne s’était fait une corde. De là ce mot si clair d’un autre endroit : "Chacun est garrotté par les liens de ses péchés (Pr V, 22)". C’est donc parce que les hommes sont frappés par les cordes de leurs péchés que le Seigneur se fit un fouet avec des cordes, et qu’il chassa du temple ceux qui cherchaient leurs intérêts, et non ceux du Christ (Jn II, 15 ; Ph II, 21).

    3. Tel est donc le temple qui parle dans notre Psaume. C’est dans ce temple, ai-je dit, que l’on prie le Seigneur ; c’est là, et non dans le temple matériel, qu’il nous exauce en esprit et en vérité. Car le temple de Jérusalem n’était qu’une figure qui annonçait l’avenir ; et voilà pourquoi il est tombé ; mais la maison de notre prière est-elle tombée ? Loin de là ; car ce n’est point ce temple qui est tombé que l’on pouvait appeler maison du Seigneur, et dont il est dit "Ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière". Vous entendez en effet cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : "Il est écrit", nous dit-il, "que ma maison sera appelée chez tous les peuples une maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs (Mt XXI, 12, 13)". Mais ceux qui ont pu faire de la maison de Dieu une caverne de voleurs, ont-ils bien pu détruire ce même temple (Jn II, 19) ? De même ceux qui dans l’Eglise catholique ont unie vie déréglée, font de la maison de Dieu une caverne de voleurs, autant qu’il est en eux ; mais ils n’en renversent point le temple. Un temps viendra qu’ils en seront chassés par le fouet de leurs iniquités. Or, ce temple de Dieu, ce corps du Christ, cette assemblée des fidèles n’a qu’une même voix, et chante notre Psaume comme un seul homme. Déjà nous avons entendu sa voix dans bien des psaumes, écoutons-la encore dans celui-ci. C’est notre voix, si nous le voulons ; si nous le voulons encore, écoutons de l’oreille et chantons du coeur, Si nous refusons, au contraire, nous serons dans ce temple comme des vendeurs et des acheteurs, c’est-à-dire, cherchant nos propres intérêts. Nous entrerons dans l’Eglise, non pour y chercher ce qui est agréable aux yeux de Dieu. Que chacun de vous, dès lors, examine sa manière d’écouter, s’il écoute pour tourner en dérision, s’il écoute pour négliger ce qu’il entend, s’il écoute pour correspondre, c’est-à-dire, s’il reconnaît sa propre voix et s’il joint la voix de son coeur à la voix qu’il entend. Notre Psaume néanmoins ne laisse point de chanter: que ceux-là s’en instruisent qui le peuvent, et même qui le veulent ; pour ceux qui ne le veulent point, qu’ils ne soient un obstacle pour personne. Que l’on nous prêche l’humilité; c’est ainsi qu’il commence.

    4. "Seigneur, mon coeur ne s’est point élevé". L’interlocuteur a offert un sacrifice. Comment prouver qu’il a offert un sacrifice ? C’est qu’il y a sacrifice dans l’humilité du coeur. Il est dit dans un autre Psaume : "Si vous eussiez voulu un sacrifice, je vous l’eusse offert (Ps L, 18)". Le Prophète voulait alors satisfaire à Dieu pour ses péchés, l’apaiser et en recevoir le pardon de ses fautes. Et comme s’il se fût demandé comment il l’apaiserait : "Si vous eussiez voulu un sacrifice", dit-il, "je vous l’eusse offert ; mais les holocaustes ne vous seront point agréables". C’est donc en vain qu’il cherchait, pour apaiser le Seigneur, des béliers, des taureaux, ou toute autre victime. Quoi donc ! parce que le Seigneur n’agrée pas les holocaustes, ne recevra-t-il point le sacrifice, et sans sacrifice pourra-t-on l’apaiser ? S’il n’y avait aucun sacrifice, il n’y aurait aucun prêtre. Et toutefois, nous avons un prêtre qui intercède pour nous auprès de son Père (Hb IX, 12). Car il est entré dans le Saint des Saints, dans l’intérieur du voile, où le grand prêtre entrait en figure une fois l’année seulement, comme Notre-Seigneur n’a été offert qu’une fois dans le cours des temps. C’est lui-même qui s’est offert, lui le prêtre, lui la victime, qui est entré une fois dans le Saint des Saints, qui ne meurt plus ; la mort n’aura plus d’empire sur lui (Rm VI, 9). Nous sommes donc en sûreté, puisque nous avons ce grand prêtre dans le ciel ; offrons aussi une victime. Et toutefois, voyons quel sacrifice nous devons offrir : car notre Dieu n’aime point les holocaustes, comme il est dit dans le Psaume, lequel néanmoins nous désigne aussitôt le sacrifice que nous devons offrir : "Le sacrifice agréable à Dieu est une âme brisée de douleur ; vous ne rejetterez pas, ô Dieu, un coeur contrit et humilié (Ps L, 19)". Si donc le coeur humilié est un sacrifice à Dieu, il a offert ce sacrifice celui qui a dit : "Seigneur, mon coeur ne s’est point élevé". Vois encore ailleurs qu’il offre un sacrifice, quand il dit à Dieu : "Voyez mon humiliation et mon labeur, et pardonnez-moi tous mes péchés (Id. XXIV, 18). »

    Saint Augustin, Discours sur le Psaume CXXX (2-4).

    Source : jesusmarie.com

    ou

    Traduits par M. l’abbé Morisot, 1875.

  • 9 novembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Le Temple de Dieu
    "Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic." (Jn 2, 13-22)

    « Nous faisons aujourd'hui une fête solennelle, mes frères... nous faisons la fête de la maison de Dieu, du temple de Dieu, de la cité du Roi éternel, de l'Épouse du Christ...

    Voyons quelle est la maison de Dieu, cherchons son temple et sa cité, voyons aussi quelle est son épouse. Je ne l'ai point oublié, et je le redis encore avec crainte, en même temps qu'avec respect, c'est nous, oui, c'est nous, vous dis-je qui sommes tout cela, mais dans le Coeur de Dieu, c'est nous, mais par la grâce de Dieu, non par nos propres mérites. Que l'homme ne revendique point comme de lui ce qui vient de Dieu, et qu'il ne cède point à la pensée de s'exalter lui-même, autrement Dieu, le mettant à sa place, fera ce qu'il aurait dû faire lui-même, et humiliera celui qui ne songe qu'à s'élever. Si dans une ardeur toute puérile nous voulons nous sauver gratis, nous ne nous sauverons point, et ce sera justice : quand on dissimule sa misère, on ferme la porte à la miséricorde, et la grâce n'a plus de place là où on présume de ses propres mérites, tandis que l'humble aveu de nos souffrances provoque la compassion. Il a pour résultat de nous faire nourrir dans notre faim, par Dieu même, comme par un riche père de famille, et trouver, sous lui, dans une grande abondance de pain. C'est donc nous qui sommes sa maison, cette maison à laquelle les provisions de vie ne manquent jamais. Mais rappelez-vous qu'il appelle sa maison une maison de prière ; or cela semble parfaitement répondre au témoignage du Prophète qui nous annonce que nous serons nourris de Dieu dans nos prières, avec un pain de larmes, et abreuvés de nos pleurs (Ps LXXIX, 6)... "Soyez saint, est-il dit, parce que moi qui suis le Seigneur votre Dieu, je suis saint" (Lev XI, 44). Et l'Apôtre continue : "Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples du Saint-Esprit, et que le Saint-Esprit réside en vous" (I Co VI, 19), or, si quelqu'un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra (I Co III, 17).

    Nous contenterons-nous de la sainteté ? La paix encore est requise, si nous en croyons l'Apôtre qui nous dit : "Tâchez d'avoir la paix avec tout le monde, et de conserver la sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu (Hb XII, 14). C'est elle, en effet, qui fait que les hommes vivent ensemble comme des frères, car c'est elle qui édifie pour notre Roi, le vrai Roi pacifique, la nouvelle citée qui a nom Jérusalem, c'est-à-dire la vision de Dieu... Enfin il dit lui-même : "Je vous ai rendu mon épouse dans la foi, dans la justice et le jugement", dans sa justice à lui, comprenez bien, non point dans la vôtre, et "je vous ai épousée dans ma miséricorde et dans ma compassion" (Os II, 19). S'il n'a pas fait ce que fait un époux, s'il n'a point aimé comme aime un époux, s'il n'a pas eu la jalousie qu'a un époux, ne vous flattez point d'être son épouse.

    Ainsi, mes frères, si nous pouvons nous reconnaître pour la maison du Père de famille, parce que nous avons des pains en abondance ; si nous sommes le temple de Dieu par la sanctification, la cité du souverain Roi par la communion de la vie en commun, si nous sommes l'épouse de l'Epoux immortel par l'amour, il me semble que je ne dois pas craindre d'appeler cette solennité notre fête. Ne soyez pas surpris non plus que cette fête se passe sur la terre, attendu qu'elle se célèbre aussi dans les cieux. En effet, s'il est vrai, or c'est la Vérité même qui l'affirme, et ce ne peut donc point ne pas être vrai, qu'il y a de la joie dans les cieux et même parmi les anges de Dieu, pour un seul pécheur qui fait pénitence, on ne saurait douter qu'aujourd'hui il y ait une joie immense pour tant de pécheurs qui font pénitence. Mais voulez-vous que je vous dise encore ? Eh bien ! "La joie du Seigneur est notre force" (II Esdr VIII, 10). Réjouissons-nous donc avec les anges de Dieu, réjouissons-nous avec Dieu, et que la fête d'aujourd'hui se passe en actions de grâces, attendu que plus elle nous est personnelle, plus aussi elle doit nous trouver remplis de dévotion. »

    Saint Bernard, Cinquième Sermon pour la Dédicace de l'Eglise (1,8-9-10), in Oeuvres complètes de Saint Bernard (Tome III), Traduction nouvelle par M. l'Abbé Charpentier, Paris, Louis Vivès, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 15 août : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « En montant aujourd'hui dans les cieux, la glorieuse Vierge a certainement porté à son comble la joie des citoyens du ciel. Car elle n'est rien moins que celle dont la voix fit tressaillir de joie, dans les entrailles d'une mère qu'elle a saluée, l'enfant qui y était encore enfermé. Si l'âme d'un enfant qui n'était pas encore né, s'est fondue de bonheur à sa voix, quelle ne dut pas être l’allégresse des esprits célestes quand ils eurent le bonheur d'entendre sa voix, de contempler son visage ? [...] Notre Reine nous a précédés, et le glorieux accueil qui lui est fait doit nous engager à suivre Notre Dame, nous ses humbles serviteurs, en nous écriant : "Attirez-nous à votre suite, nous courrons dans l'odeur de vos parfums." Notre exil a envoyé en avant une avocate qui, en sa qualité de mère de notre Juge, de mère de la miséricorde, doit traiter en suppliante, mais en suppliante écoutée, l'affaire de notre salut.

    Aujourd'hui notre terre a envoyé un précieux présent au ciel, pour rapprocher, par cet heureux échange de présents d'amitié, les hommes de Dieu, la terre des cieux, notre bassesse de l'élévation suprême. Un fruit sublime de la terre s'est élevé là d'où nous viennent tous dons excellents, tous dons parfaits, et une fois montée dans les cieux, la bienheureuse Vierge comblera à son tour les hommes de ses dons. Pourquoi n'en serait-il point ainsi ? Car le pouvoir ne lui manquera pas plus que la volonté. Elle est la Reine des cieux, et une Reine de miséricorde, et de plus elle est la Mère du Fils unique de Dieu ; est-il rien qui puisse nous faire concevoir une plus haute estime de son pouvoir et de sa bonté ? ...

    ... Sans parler des grâces que nous recevons pour sa glorification, pour peu que nous ressentions d'amour pour elle, nous nous réjouirons de la voir retourner à son Fils. [...] Car elle est aujourd'hui reçue dans la cité sainte par celui qu'elle a reçu elle-même la première, lorsqu'il fit son entrée dans monde, mais avec quel honneur, avec quelle allégresse et quelle gloire ! Sur la terre, il n'est point un seul endroit plus honorable que le temple du sein virginal où Marie reçut le Fils de Dieu, et, dans le ciel, n'est point de trône supérieur à celui sur lequel le Fils de Dieu a placé sa mère. Recevant ou reçue, elle est également bienheureuse, elle l’est dans les deux cas d'un bonheur ineffable parce qu'elle l'est d'un bonheur inimaginable. Mais pourquoi lit-on aujourd'hui dans l’Eglise du Christ, précisément le passage où il est donné à entendre, que femme bénie entre les femmes a reçu le Sauveur ? C'est, je pense pour nous faire estimer ou plutôt pour nous faire comprendre combien est inestimable la réception que Marie reçoit aujourd'hui de son Fils par celle qu'il lui a été donnée à elle-même de lui faire. En effet, qui pourrait dire, même en empruntant les secours de la langue des anges et de celle des hommes, comment expliquer de quelle manière le Saint-Esprit est survenu en Marie ; la vertu du Très-Haut l'a couverte de son ombre, la vertu de Dieu par qui tout a été fait, s'est lui-même fait chair, de quelle manière enfin le Seigneur de majesté, que l'univers entier ne peut contenir, devenu homme, s'est enfermé dans les entrailles d'une Vierge ? »

    Saint Bernard (1091-1153), Premier Sermon pour l'Asssomption de la Vierge Marie. De la Susception du Christ et de celle de Marie (1-3), in Oeuvres complètes de Saint Bernard (Tome III), Traduction nouvelle par M. L'Abbé Charpentier, Paris, Louis Vivès, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 22 octobre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses." (Lc 12, 13-21)

    « "Il y avait, dit-il, un homme riche dont le domaine avait prospéré." Qu'est-ce à dire avait prospéré ? Le domaine qu'il possédait avait produit des fruits en abondance, et en telle abondance qu'il ne savait où les mettre ; ainsi la richesse même mit tout-à-coup dans la gêne ce vieil avare. Combien d'années s'étaient déjà écoulées sans que ses greniers fussent trop étroits ? Il avait donc fait une récolte si riche que ce qui avait suffi ne lui suffisait plus. Dans sa détresse il cherche donc, nos pas comment il dépensera, mais comment il conserve là cette abondance extraordinaire. Or, à force d'y réfléchir, il trouva un moyen. Ce moyen découvert lui fit croire qu'il était sage. J'ai réfléchi avec prudence, j'ai découvert avec sagesse, disait-il. Qu'a-t-il découvert dans sa sagesse ? "Je renverserai mes greniers, dit-il, j'en ferai de plus grands, je les remplirai et je dirai à mon âme." Que lui diras-tu ? "Mon âme, tu as beaucoup de bien en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, fais grande chère." Voilà ce que dit à son âme ce sage bien avisé.

    "Dieu lui dit â son tour" ; car Dieu ne dédaigne pas d'adresser la parole aux insensés eux-mêmes. Mais, dira peut-être quelqu'un d'entre vous, comment Dieu s'est-il entretenu avec cet insensé ? O mes frères, à combien d'insensés ne parle-t-il pas quand on lit l'Evangile ? Car écouter l'Evangile, quand on le lit, sans le pratiquer, n'est-ce pas être insensé ? Que lui dit donc le Seigneur ? Comme cet avare s'applaudissait encore de la mesure qu'il venait de découvrir : "Insensé", lui dit le Sauveur ; "Insensé", qui te crois sage ; "Insensé", qui as dit à ton âme : "Tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; aujourd'hui même on te redemande ton âme." Tu lui as dit : "Tu possèdes beaucoup de bien" ; et on te la redemande, et elle ne possède plus rien. Ah ! qu'elle méprise cette sorte de biens et soit bonne en elle-même, afin qu'elle se présente avec sécurité lorsqu'on la redemandera. Et qu'y a-t-il de plus inique que de chercher à posséder beaucoup de biens sans vouloir être bon ? Tu es indigné de rien avoir, toi qui ne veux pas être ce que tu cherches à posséder. Voudrais-tu que ton champ fût mauvais ? Non sans doute, tu veux qu'il soit bon. Que ta femme fut mauvaise ? Non, mais qu'elle soit bonne. Voudrais-tu enfin d'une habitation mauvaise, d'une mauvaise chaussure ? Pourquoi n'y a-t-il que ton âme que tu veuilles mauvaise ?

    À cet insensé occupé de vains projets et construisant des greniers sans faire attention aux besoins des pauvres, le Sauveur ne dit point : Ton âme aujourd'hui sera entraînée dans l'enfer ; il ne dit pas cela, mais : "On te la redemande." Je ne te fais pas connaître où elle ira ; je te dis seulement que bon gré, malgré toi, elle quittera ces lieux où tu tiens pour elle tant de biens en réserve. Comment, ô insensé, as-tu songé à renouveler et à agrandir tes greniers ? Ne savais-tu que faire de tes récoltes ? »

    Saint Augustin, Sermons détachés première série : Sermons détachés sur l'Ancien Testament, les Evangiles et les Actes des Apôtres, Passages détachés de saint Luc, Sermon CVII (5-6), in Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, tome VI, Bar-Le-Duc, 1866.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 5 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « Lorsque, par son ordre, le paralytique s’est levé, Jésus le renvoie dans sa maison, montrant par là son humilité en même temps qu’il prouve que la guérison est réelle et non fantastique ; il prend pour témoin de cette guérison ceux qui l’avaient été de la maladie. J’aurais souhaité, semble-t-il dire, par, votre maladie que j’ai guérie, guérir aussi ceux qui sont malades ici, non dans le corps, mais dans l’âme ; mais puisqu’ils ne le veulent pas, allez-vous-en chez vous, afin que vous guérissiez au moins les âmes malades de vos proches. Il fait voir ainsi qu’il est également le Créateur du corps et de l’âme, en guérissant la paralysie de l’âme avant même celle du corps, et en prouvant l’une qui était invisible, par l’autre qui était manifeste aux yeux de tous.

    Cependant l’âme de ces hommes rampe encore à terre, car l’évangéliste ajoute : "Le peuple voyant cela, fut rempli d’admiration et rendit gloire à Dieu, de ce qu’il avait donné une telle puissance aux hommes." Après ce grand miracle, il regarde encore Jésus-Christ comme un "homme". La chair dont il s’était revêtu les empêchait de le regarder comme un Dieu. Cependant Jésus-Christ ne leur reproche point leur peu d’intelligence. Il tâche seulement de les exciter de plus en plus, et d’élever leurs pensées par la sublimité de ses oeuvres. C’était déjà beaucoup qu’ils le regardassent comme le plus grand de tous les hommes, et comme étant venu de Dieu. Cette opinion, une fois bien enracinée dans leurs esprits, pouvait peu à peu les conduire plus avant, et leur faire croire qu’il était véritablement le Fils de Dieu. Mais ils n’y demeurèrent pas fermes. Leur inconstance fut cause qu’ils ne purent s’élever plus haut, et qu’ayant changé de sentiment, ils dirent : "Cet homme n’est point de Dieu. Comment cet homme pourrait-il être de Dieu ?" (Jn, VII, 20.) Ils redisaient continuellement ces paroles pour se faire un prétexte à leur infidélité et à leurs passions secrètes.

    C’est l’état, mes frères, où tombent aujourd’hui ceux qui, sous prétexte de venger l’honneur de Dieu, se vengent eux-mêmes et satisfont leur animosité particulière, au lieu que des chrétiens devraient se conduire en tout avec douceur et modération. Dieu même, qui est si fort offensé par les blasphèmes de ses créatures, et qui pourrait les anéantir d’un coup de foudre, "fait néanmoins lever son soleil sur ces ingrats, et tomber sa pluie sur eux", et il les comblé de mille biens. Imitons, mes frères, ce grand modèle envers ceux qui nous offensent. Exhortons-les, avertissons-les, excitons-les, témoignons-leur une extrême douceur, sans nous laisser jamais emporter. Pourquoi les blasphèmes lancés contre Dieu vous jettent-ils dans l’impatience  ? il est hors d’atteinte à tous ces outrages. L’impiété ne nuit qu’à l’impie ; les traits qu’il lance ne blessent que lui. Pleurez-le donc, répandez des larmes sur son malheur, puisqu’il mérite qu’on le pleure, et qu’il n’y a point de remède plus souverain pour guérir ces sortes de plaies que la douceur et la patience, car la douceur est plus efficace que toute la violence dont on userait. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie sur Saint Matthieu (XXIX, 3), in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 2 juillet : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    « "Mais Jésus voyant autour de lui une grande foule de peuple, ordonna à ses disciples, de passer à l’autre bord." [...]
    Pendant que ces multitudes témoignaient tant d’affection, et un si grand zèle pour Jésus-Christ, un homme possédé de l’amour de l’argent et du désir de la gloire s’approcha de lui, et lui dit : "Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez." Remarquez l’orgueil de cet homme. Il dédaigne d’être du commun du peuple, et il s’approche de Jésus-Christ à part, comme un personnage d’importance et qui ne vent pas être confondu avec la foule...
    Jésus-Christ ne le reprit point, de cette liberté indiscrète, pour nous apprendre à souffrir nous-mêmes l’importunité de ces personnes.
    Nous voyons aussi qu’il ne reprend pas ouvertement ceux qui s’approchent de lui avec une mauvaise volonté. Il se contente de répondre à leurs pensées, d’une manière qui leur fait assez connaître qu’il voit et qu’il condamne le fond de leur coeur. Ainsi il leur procure un double avantage : premièrement il leur fait connaître qu’il pénètre le secret de leurs pensées ; ensuite il épargne leur pudeur, en ne découvrant point aux autres leur vanité qu’ils tiennent cachée, et leur donnant lieu néanmoins, s’ils le veulent, de s’en corriger eux-mêmes.
    On peut voir ici un bel exemple de cette sage conduite. Car cet homme voyant les grands miracles que faisait le Fils de Dieu, et que tout le monde venait à lui, crut que c’était là un excellent moyen pour s’enrichir. C’est ce qui lui inspira le désir de le suivre. La réponse du Sauveur est une preuve de ce que je dis. Car il répond moins aux paroles de cet homme, qu’à la pensée de son coeur. Vous vous imaginez, dit-il, que vous amasserez beaucoup d’argent en me suivant ; et vous ne voyez pas que je n’ai pas seulement comme les oiseaux un petit abri pour me retirer. "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête." Il ne rejetait pas ce disciple en lui parlant de la sorte. Il reprenait seulement son désir secret, et lui laissait la liberté de le suivre, s’il voulait vivre aussi pauvrement que lui. Voyez la mauvaise disposition de cet homme, jugez-en par sa conduite ; lorsqu’il a entendu ces paroles, et qu’il s’est senti pénétré et condamné, il se garde bien de dire : je suis tout prêt à vous suivre.
    [...]
    "Un autre de ses disciples lui dit : Seigneur, permettez-moi, avant que je vous suive, d’aller ensevelir mon père." Admirez quelle différence il y a entre ces deux hommes. L’un dit hardiment : "Je vous suivrai partout où vous irez." Et l’autre qui cependant demandait quelque chose de louable en soi, dit modestement : "Permettez-moi." Mais Jésus-Christ ne permit pas, et voici sa réponse : "Jésus lui dit : Suivez-moi, et laissez aux morts le soin d’ensevelir leurs morts." On voit partout que Jésus-Christ pénétrait le fond des coeurs. Mais, direz-vous, pourquoi refuser cette permission ? Parce qu’il y avait d’autres personnes pour ensevelir son père, et qu’il n’était pas raisonnable que cette occupation détournât ce disciple d’une autre bien meilleure. »

    Saint Jean Chrysostome (v.344-407), Homélie XXVII sur Saint Matthieu, in "Oeuvres complètes" (Tome VII) traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 3 janvier : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    Baptême de Jésus par Jean-Baptiste : "J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui." (Jn 1, 29-34)

    « Jésus-Christ n'avait pas besoin du baptême de Jean, et ce bain n'a été institué que pour acheminer tous les autres hommes à la foi en Jésus-Christ. Car Jean-Baptiste n'a point dit : je suis venu baptiser pour rendre purs ceux que j'aurai baptisés, ni pour les délivrer de leurs péchés ; mais, "afin qu'il soit connu dans Israël".

    Mais quoi ! est-ce que sans le baptême de Jean, on ne pouvait ni prêcher, ni attirer le peuple ? Je réponds que cela n'eût pas été si facile. Si le baptême n'eût pas accompagné la prédication, tous n'auraient pas accouru de même, et ils n'auraient point connu la prééminence d'un baptême sur l'autre, sans en faire la comparaison. Si le peuple sortait des villes, ce n'était point pour aller entendre la prédication de Jean-Baptiste. Pourquoi donc ? Afin que, confessant leurs péchés, ils se fassent baptiser. Mais, une fois arrivés, ils apprenaient à connaître Jésus-Christ, et aussi la différence des baptêmes : le baptême de Jean était plus excellent que celui des Juifs, et voilà pourquoi tous y accouraient, mais cependant ce baptême était lui-même imparfait.

    Comment donc l'avez-vous connu ? C'est, dit-il, par la descente du Saint-Esprit. Mais de peur que quelqu'un ne fût par là induit à croire qu'il avait eu besoin du Saint-Esprit, comme nous-mêmes nous en avons besoin, écoutez comment il ôte encore ce soupçon , faisant voir que le Saint-Esprit était seulement descendu pour lui révéler qu'il devait prêcher Jésus-Christ. Car ayant dit : "Pour moi, je ne le connaissais pas", il a ajouté : "mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit : Celui sur qui vous verrez descendre et demeurer le Saint-Esprit, est celui qui baptise dans le Saint-Esprit". Ces paroles ne vous font-elles pas voir, mes frères, que le Saint-Esprit est uniquement descendu pour faire connaître Jésus-Christ ? Le témoignage de Jean-Baptiste était sans doute par lui-même exempt de tout soupçon ; mais le saint précurseur, pour donner encore plus de poids et de créance à son témoignage, le rapporte à Dieu et au Saint-Esprit. Comme la vérité qu'il avait annoncée, que Jésus-Christ seul ôtait tous les péchés du monde, et qu'il était si grand et si puissant qu'il suffisait seul pour opérer une si grande rédemption, était si excellente et si admirable, qu'elle pouvait jeter tous les auditeurs dans l'étonnement, il la fortifie et la confirme ; il la confirme en faisant voir que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, qu'il n'avait nullement besoin du baptême, et que le Saint-Esprit n'est descendu que pour le faire connaître. Car il n'était pas au pouvoir de Jean de donner le Saint-Esprit, ce que déclarent ceux qui avaient reçu de lui le baptême ; puisqu'ils disent : "Nous n'avons pas seulement ouï dire qu'il y ait un Saint-Esprit" (Act XIX, 2). Jésus-Christ n'avait donc besoin, ni du baptême de Jean, ni d'aucun autre ; mais plutôt le baptême avait besoin de la puissance de Jésus-Christ car ce qui lui manquait encore était le bien suprême, je veux parler du don de l'Esprit fait au baptisé. C'est Jésus-Christ qui, par son avènement, a apporté au monde le don du Saint-Esprit. »

    Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Homélie XVII (2), in Oeuvres complètes (Tome VIII), Traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie Éditeurs, 1865.

    Source : Abbaye Saint Benoît.

  • 8 septembre : Toute l'année avec les Pères de l'Eglise

    "Joseph, fils de David..." (Mt 1, 20 sq)

    « Mes frères, que votre charité écoute en quels termes le prophète Isaïe a annoncé Notre-Seigneur Jésus-Christ. "Voici", dit-il, "qu’une vierge concevra dans son sein et enfantera un Fils" (Is 7, 14) ; "et vous l’appellerez Jésus, car il sauvera lui-même son peuple de leurs péchés" (Mt 1, 21).

    "Joseph, fils de David" (Mt 1, 20). Vous voyez, mes frères, la race tout entière désignée dans une seule personne ; vous voyez dans un seul nom toute une généalogie. Vous voyez dans Joseph la famille de David. "Joseph, fils de David" ; Joseph était sorti de la vingt-huitième génération, et il est appelé fils de David, pour mieux nous découvrir le mystère de sa naissance, et nous prouver l’accomplissement de la promesse ; ne s’agit-il pas d’une conception surnaturelle et d’un enfantement céleste dans une chair restée parfaitement vierge ? "Joseph, fils de David" ; voici en quels termes David avait reçu la promesse de Dieu le Père : "Le Seigneur a juré la vérité à David, et il ne le trompera pas : je placerai sur mon trône le fruit de tes entrailles" (Ps 131, 11). David chante ainsi ce grand événement : "Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite" (Ps 110, 1). "Le fruit de vos entrailles" ; c’est bien le fruit de ses entrailles, le fruit de son sein ; car le divin Hôte, le Dieu du ciel, en venant faire séjour dans son sein, n’a pas connu les barrières du corps ; il est sorti du sein de Marie sans ouvrir la porte virginale. Et c’est ainsi que s’est accomplie cette parole du Cantique des Cantiques : "Mon Epouse, jardin fermé, source scellée" (Ct 4, 14).

    "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre". L’époux est prévenu de ne pas craindre au sujet de son épouse, car tout esprit vraiment pieux s’effraie d’autant plus qu’il compatit davantage. "Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre" ; vous qui êtes assuré de votre conscience, ne succombez pas sous le poids des pensées que provoque ce mystère. "Fils de David, gardez-vous de craindre". Ce que vous voyez est une vertu, et non pas un crime ; ce n’est point une chute humaine, mais un abaissement divin ; c’est une récompense, et non pas une culpabilité. C’est un accroissement du ciel, et non pas un détriment du corps. Ce n’est point la perte d’une personne, mais le secret du Juge. Ce n’est point le châtiment d’une faute, mais la palme de la victoire. Ce n’est point la honte de l’homme, mais le trésor de Jésus-Christ. Ce n’est point la cause de la mort, mais de la vie. Voilà pourquoi : "Gardez-vous de craindre", car celle qui porte un tel Fils ne mérite point la mort. "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse". La loi divine elle-même donne à la compagne de l’homme le titre d’épouse. De même donc que Marie est devenue mère sans éprouver aucune atteinte à sa virginité, de même elle porte le nom d’épouse en conservant sa pudeur virginale.

    "Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse ; car l’enfant qui naîtra d’elle est le fruit du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui demandent quel est cet enfant qui est né de Marie : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Qu’ils viennent et entendent, ceux qui, profitant de l’obscurité du grec pour troubler la pureté latine, ont multiplié les blasphèmes dans le but de faire disparaître ces expressions : Mère de l’homme, Mère du Christ, Mère de Dieu. "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Et ce qui est né du Saint-Esprit est esprit, parce que "Dieu est esprit". Pourquoi donc demander ce qui est né du Saint-Esprit ? Il est Dieu, et parce qu’il est Dieu il nous répond avec saint Jean : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire" (Jn 1, 1-14). Jean a vu sa gloire ; vous, infidèle, mesurez l’injure : "Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit. Et nous avons vu sa gloire". De qui ? "De Celui qui est né du Saint-Esprit" ; du "Verbe qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous. Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit". Une Vierge a conçu, mais par l’action du Saint-Esprit ; une Vierge a enfanté, mais enfanté Celui que prophétisait Isaie en ces termes : "Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous". Il sera homme avec eux, mais : "Maudit soit l’homme qui place son espérance dans l’homme" (Jr 17, 15). »

    Saint Augustin, Sermons inédits, Sermons sur le propre du Temps : VIe Sermon sur l'Incarnation (1-4), Suite du Tome XIe des Oeuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.

    Source : Abbaye Saint Benoît


    « Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.

    Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

    Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au Créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

    Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

    Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance... »

    Saint Jean Damascène (v.675-v.749), Première homélie pour la Nativité de la Vierge Marie (extrait).

  • 10 juin : Origine de la Fête-Dieu et Sermon de Saint Thomas d'Aquin

    Extrait de la Bulle d'Urbain IV pour l'institution de la Fête-Dieu dans l'Eglise universelle :


    « Qu'en ce jour, les foules empressées du peuple fidèle, accourent dans les temples avec une nouvelle ferveur ; que le clergé et le peuple se lèvent pour faire éclater leur joie dans des cantiques de louanges ; que les coeurs et les désirs, les voix et les lèvres chantent des hymnes joyeux ; que la foi chante, que l'espérance bondisse, que la charité tressaille, que la dévotion applaudisse, que le choeur des prêtres jubile, que l'assemblée des vierges soit remplie de consolation ; que chacun vienne avec un coeur fervent, une volonté empressée, qu'il rende ses devoirs avec zèle, pour célébrer dignement la solennité d'un si grand jour, et puissent tous les enfants du Christ être enflammés d'une telle ardeur pour son service, qu'augmentant de jour en jour le trésor de leurs mérites, ils soient jugés dignes de recevoir comme leur récompense, au terme de leur course, Celui qui sur la croix se livra pour leur rédemption, et dans le Sacrement se donne à eux en nourriture »
    (Extrait de la Bulle d'Urbain IV pour l'institution de la Fête-Dieu dans l'Eglise universelle, 1264)

    Jean XXII, en 1318 ordonna de compléter la fête par une procession solennelle où le très Saint Sacrement serait porté en triomphe.  On fait une procession solennelle le jour de la Fête-Dieu pour sanctifier et bénir, par la présence de Jésus-Christ, les rues et les maisons de nos villes et de nos villages. Saint Thomas d'Aquin prépara la liturgie de cette fête, notamment par la création du  Lauda Sion Salvatorem et Pange Lingua Gloriosi permettant aux fidèles une catéchèse simple et belle sur la Présence Réelle

    Source et texte complet : Per Ipsum.


    Sermon pour la Fête-Dieu par Saint Thomas d'Aquin,
    Docteur des Docteurs de l'Eglise
    (prononcé au Consistoire, devant le Pape et les Cardinaux)


    Révérendissimes Pères, les souvenirs pleins d'allégresse qu'évoque la solennité de ce jour nous invitent à entourer de joyeuses louanges le Corps très saint du Christ. Quoi de plus doux, quoi de plus suave au coeur des élus que de chanter les trésors de la divine charité et d'exalter l'ardeur d'un amour sans mesure ? C'est qu'à la table de la grâce nouvelle, tous les jours, par les mains du prêtre, Dieu donne à ses enfants et aux héritiers de son royaume sa chair en nourriture et son sang en breuvage. Ce sont là tes oeuvres admirables, ô Christ, toi dont la puissance est infinie et la bonté sans bornes ! Dans cet aliment sacré et ce pain super-substantiel qu'annonçaient les prodiges antiques, tu as trouvé le secret d'une union merveilleuse et auguste : la chair immaculée de Jésus-Christ, l'Agneau sans tache, devient le remède de ceux que le fruit défendu avait rendus malades et qui avaient perdu l'éternelle et immarcescible couronne. 

    O prodige qu'on ne peut trop exalter ! Effusion permanente de la bonté divine et d'une miséricorde sans mesure ! Dans ce sacrement, consommation de tous les sacrifices, Il demeure, ce Dieu, indéfectiblement avec nous ; Il y est pour jusqu'à la fin des siècles ; Il donne aux fils d'adoption le pain des anges et les enivre de l'amour qu'on doit aux enfants.

    O humilité singulière, délices de Dieu, et que le Christ pratique après l'avoir prêchée lui-même ! Il ne se refuse à personne ; Il ne craint pas de prendre pour habitacle même un coeur souillé. 

    O pureté, qui semblable à celle du soleil n'est ternie par aucune fange et ne craint nulle contagion, mais qui gagne les âmes et en fait disparaître toute tache !   O nourriture des esprits bienheureux, qui sans cesse nous renouvelle et jamais ne s'épuise ! Tu n'es ni brisée, ni divisée, ni transformée ; mais, gardant ton intégrité et ta nature, tu nous rappelles le buisson antique, la farine et l'huile miraculeuses qui ne diminuaient pas. 

    O Sacrement admirable, où Dieu se cache et où notre Moïse à nous se couvre le visage du manteau de ses oeuvres, objet de louanges dans toutes nos générations ! Par la vertu des paroles sacrées, instrument de la puissance divine, les substances symboliques sont changées en chair et en sang ; les espèces sacramentelles subsistent sans support, et pourtant nulle loi naturelle n'a souffert violence. Par la vertu de la consécration, un seul Christ, parfait et intègre, se trouve en divers endroits, comme une parole se communique, toujours identique à elle-même. Quand l'hostie se divise, Jésus s'y trouve comme un même visage dans les fragments d'un miroir brisé. Les fidèles l'offrent à Dieu sous les deux espèces, quoiqu'il soit tout entier sous chacune d'elles, et c'est à bon droit qu'on agit ainsi, car ce sacrement donne aux hommes le double salut du corps et de l'Ame, et il rappelle l'amertume d'une double Passion. 

    O Vertu ineffable du Sacrement, qui embrase notre coeur du feu de la charité et marque du sang de l'Agneau immaculé, au-dessus de leurs deux battants, les linteaux de nos portes !

    O véritable viatique de notre exil militant, soutien des voyageurs, force des faibles, antidote des infirmités, accroissement des vertus, abondance de la grâce et purification des vices, réfection des âmes, vie des débiles et union des membres dans l'organisme unique de la charité ! 

    Sacrement ineffable de la foi, Tu augmentes notre charité et nous communiques l'espérance ; soutien de l'Eglise, Tu éteins la concupiscence et parfais le corps mystique du Christ. Voici la substance de l'arbre de vie, ô Seigneur Jésus ! 

    O Pasteur et nourriture, prêtre et sacrifice, aliment et breuvage des élus, pain vivant des esprits, remède à nos faiblesses quotidiennes, festin suave, source de tout renouveau ! 

    O sacrifice de louange et de justice, holocauste de la nouvelle grâce, repas excellent, non de volailles ou de taureaux, mais de viandes plus succulentes et de ce vin délicieux qui renouvelle les amis de Dieu et enivre ses élus ! 

    O table de bénédiction, table de proposition garnie d'une nourriture substantielle ! Table immense où tout est prodige étonnant ! Table plus douce que toute douceur, plus délectable que toute saveur, plus suave que tout parfum, plus magnifique que toute parure, plus succulente que toute nourriture ! Table que le Christ a préparée à ses amis et commensaux, que le père de famille sert à son fils de retour, après le repas de l'agneau symbolique. Vous êtes le bain sacré que figuraient les antiques piscines, ô notre Pâque, immolation du Christ, et vous exigez la conversion du vice à la vertu, donnant ainsi la liberté aux Hébreux de l'esprit.

    O nourriture qui rassasie et ne dégoûte point, qui demande la mastication de la foi, le goût de la dévotion, l'union de la charité, et que divise non les dents du corps, mais le courage de la croyance !

    O viatique de notre pèlerinage, qui attire les voyageurs sur les sommets des vertus !

    O pain vivant, engendré au ciel, fermenté dans le sein de la Vierge, cuit sur le gibet de la croix, déposé sur l'autel, caché sous les espèces sacramentelles, confirme mon coeur dans le bien et assure ses pas dans le chemin de la vie ; réjouis mon âme, purifie mes pensées. Voici le pain, le vrai pain, consommé, mais non consumé, mangé, mais non transformé ; il assimile et il ne s'assimile pas ; il renouvelle sans s'épuiser; il perfectionne et conduit au salut ; il donne la vie, confère la grâce, remet les péchés, affaiblit la concupiscence ; il nourrit les âmes fidèles, éclaire l'intelligence, enflamme la volonté, fait disparaître les défauts, élève les désirs.

    O calice de toutes suavités, où s'enivrent les âmes généreuses ! O calice brûlant, calice qui tourne au sang du Christ ; sceau du Nouveau Testament, chasse le vieux levain, remplis notre intime esprit, pour que nous soyons une pâte nouvelle, et que nous mangions les azymes de la sincérité et de la vérité.

    O vrai repas de Salomon, cénacle de toute consolation, soutien dans la présente tribulation, aliment de joie et gage de la félicité éternelle, foyer de l'unité, source de vertu et de douceur, symbole de sainteté !  La petitesse de l'hostie ne signifie-t-elle pas l'humilité, sa rondeur l'obéissance parfaite, sa minceur l'économie vertueuse, sa blancheur la pureté, l'absence de levain la bienveillance, sa cuisson la patience et la charité, l'inscription qu'elle porte la discrétion spirituelle, les espèces qui demeurent sa permanence, sa circonférence la perfection consommée ?

    O pain vivifiant, ô azyme, siège caché de la toute-puissance! Sous de modestes espèces visibles se cachent d'étonnantes et sublimes réalités. 

    O Corps, ô Ame, et Toi de tous deux inséparable, ô Substance Divine ! De ce dont on chante les grandeurs dans ce sacrement auguste, ô bon Jésus, seules, pour la foi, après la consécration, les espèces sacramentelles demeurent ; ce qui est mangé sans être assimilé ne souffre ni augmentation ni diminution ; ce que tous reçoivent en entier, mille ne le possèdent pas plus qu'un seul, un seul le possède autant que mille. Ce que contiennent tous les autels, les parcelles intactes ou brisées le contiennent toutes ; ta chair est mangée véritablement, c'est véritablement ton sang que nous buvons. Et tu es ici le prêtre, et tu es aussi l'hostie, et les saints Anges sont là présents, qui exaltent ta magnificence et louent ta souveraine majesté. C'est là ta puissance, Seigneur, qui seule opère de grandes choses ; elle dépasse tout sentiment et toute compréhension, tout génie, toute raison et toute imagination. C'est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce sacrement où tout est miracle.

    N'approche donc pas de cette table redoutable sans une dévotion respectueuse et un fervent amour, homme ! Pleure tes péchés et souviens-toi de la Passion. Car l'Agneau immaculé veut une âme immaculée qui le reçoive comme un pur azyme.

    Recours au bain de la confession ; que le fondement de la foi te porte ; que l'incendie de la charité te consume ; que la douleur de la Passion te pénètre ; qu'un droit jugement t'éprouve.

    Approche de la table du Seigneur, de cette table magnifique et puissante, de telle sorte que tu parviennes un jour aux noces du véritable Agneau, là où nous serons enivrés de l'abondance de la maison de Dieu ; là où nous verrons le Roi de gloire, le Dieu des vertus dans toute sa beauté ; là où nous goûterons la Pain vivant dans le royaume du Père, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la puissance et l'empire demeurent jusqu'à la fin des siècles.  Amen.

    Traduction du P. Sertillanges (Les plus belles pages de saint Thomas d'Aquin)

    Source : Per Ipsum.

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  • Méditation : l'Apôtre Saint Paul

    « 1. Mes frères, essayons de parler un peu de l'apôtre saint Paul. Arrêtons-nous d'abord à son nom ; car il s'est appelé Saul avant de s'appeler Paul ; le premier nom symbolisait l'orgueil, comme le second symbolise l'humilité ; le premier était bien le nom d'un persécuteur. Saul vient du mot Saül. Saül fut ainsi désigné parce qu'il persécuta David, figure de Jésus-Christ qui devait sortir de la famille de David, par la Vierge Marie, selon la chair. Saul remplit le rôle de Saül, lorsqu'il persécuta les chrétiens ; il était animé d'une haine violente contre les disciples du Sauveur, comme il le prouva au moment du martyre de saint Étienne ; car il voulut garder les vêtements de ceux qui le lapidaient, comme pour faire entendre qu'ils n'étaient tous que ses propres instruments. Après le martyre de saint Étienne, les chrétiens de Jérusalem se dispersèrent portant partout la lumière et le feu dont le Saint Esprit les embrasait. Paul, voyant la diffusion de l’Évangile de Jésus-Christ, fut rempli d'un zèle amer. Muni de pleins pouvoirs de la part des princes des prêtres et des docteurs, il se mit en mesure de châtier sévèrement tous ceux qui lui paraitraient invoquer le nom de Jésus-Christ, et il allait respirant le meurtre et altéré de sang.

    2. Ainsi désireux de s'emparer des chrétiens et de verser leur sang, il parcourait le chemin de Jérusalem à Damas, à la tête d'un certain nombre de ses complices, lorsqu'il entendit une voix du ciel. Mes frères, quels mérites avait acquis ce persécuteur ? Et cependant cette voix qui le frappe comme persécuteur, le relève apôtre ; voici Paul après Saul ; le voici qui prêche l’Évangile et il décline lui-même ses titres : « Je suis », dit-il, « le plus petit d'entre les Apôtres (I Co XV, 9) ». Que ce nom de Paul est bien choisi ! Ce mot, en latin, ne signifie-t-il pas petit, modique, moindre ? et cette signification, l'Apôtre ne craint pas de se l'appliquer à lui-même. Il se nomme le plus petit, rappelant ainsi la frange du vêtement de Jésus-Christ, que toucha une femme malade. Cette femme, affligée d'une perte de sang, figurait l’Église des Gentils ; et c'est vers ces Gentils que Paul, le plus petit des Apôtres, a été envoyé, car il est la frange du vêtement, la partie la plus petite et la dernière. En effet, ce sont là les qualités que l'Apôtre se donne ; il s'appelle le plus petit et le dernier. « Je suis le dernier des Apôtres (I Co IV, 9) ; je suis le plus petit des Apôtres (Id. XV, 9) ». Ce sont là ses propres paroles, et s'il en a prononcé d'autres, qu'il veuille bien nous les rappeler ; car nous ne voulons pas lui faire injure, quoique ce ne soit pas faire injure à Paul que d'exalter la grâce de Dieu. Toutefois, écoutons-le : « Je suis », dit-il, « le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre », ; voilà ce qu'il était ; « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre » ; pourquoi ? « Parce que j'ai persécuté l’Église de Dieu ». Et d'où lui est venu l'apostolat ? « Mais c'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ; et la grâce de Dieu n'a pas été vaine en moi, car j'ai plus travaillé que tous les Apôtres ».

    3. Mais, ô grand Apôtre, voici que des hommes inintelligents se figurent que c'est encore Saul qui parle et qui dit : « J'ai plus travaillé qu'eux tous » ; il semble se louer, et cependant son langage est plein de vérité. Il a remarqué lui-même que ce qu'il venait de dire pouvait tourner à sa louange ; aussi, après avoir dit : « J'ai plus travaillé qu'eux tous », s'empresse-t-il d'ajouter : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi ». Son humilité a connu, sa faiblesse a tremblé, sa parfaite charité a confessé le don de Dieu. Ô vous qui êtes rempli de grâce, qui êtes un vase d'élection, et qui avez été élevé à un rang dont vous n'étiez pas digne, dites-nous les secrets de la grâce en votre personne ; écrivez à Timothée et annoncez le jour de la justice. « Je suis déjà immolé », dit-il. Nous venons de lire l'épître de saint Paul ; ce sont bien là ses propres paroles : « Je suis déjà immolé ». En d'autres termes : l'immolation m'attend, car la mort des saints est un véritable sacrifice offert à Dieu. « Je suis immolé, et le moment de ma dissolution approche ; j'ai combattu le bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi ; il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de la justice, que Dieu me rendra en ce jour, en sa qualité de souverain juge ». Celui par qui nous avons mérité nous rendra selon nos mérites ; Paul a été fait apôtre sans l'avoir mérité, et il ne sera pas couronné qu'il ne l'ait mérité. Parlant de la grâce qu'il avait reçue d'une manière absolument gratuite, il s'écrie : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, mais c'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ». Au contraire, quand il exige ce qui lui est dû, il s'exprime en ces termes : « J'ai combattu le bon combat ; j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi, il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de la justice ». Cette couronne m'est due ; et afin que vous sachiez qu'elle m'est due, je déclare « que Dieu me la rendra ». Il ne dit pas : Dieu me la donne, ou m'en gratifie, mais : « Dieu me la rendra en ce jour, en sa qualité de souverain juge ». Il m'a tout donné dans sa miséricorde, il me rendra dans sa justice.

    4. Je vois, ô bienheureux Paul, à quels mérites vous est due la couronne ; en regardant ce que vous avez été, reconnaissez que vos mérites eux-mêmes ne sont que des dons de Dieu. Vous avez dit : « Je rends grâces à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ. J'ai combattu le bon combat ; mais tout me vient de Dieu, qui fait miséricorde ». Vous avez dit : « J'ai conservé la foi » ; mais vous avez dit également : « J'ai obtenu miséricorde, afin que je sois fidèle ». Nous voyons donc que vos mérites ne sont que des dons de Dieu, et voilà pourquoi nous nous réjouissons de votre couronne. »

    Saint Augustin, Quatrième sermon sur la conversion de Saint Paul (52e sermon des sermons inédits) in "Œuvres complètes de Saint Augustin" (Tome XI), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868.

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    Gustave Doré : La conversion de St Paul