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  • Méditation : Qu'est-ce que la ferveur ?

    « Non, la ferveur ne consiste ni dans ces actions éclatantes ni dans ces entreprises sublimes, ni dans ces sacrifices héroïques qui signaleraient si bien votre amour pour Dieu : braver les tyrans, monter sur un échafaud, donner sa tête, passer les mers pour porter ou le flambeau de la foi chez les idolâtres, ou tout son bien pour tirer nos frères des fers sous lesquels les accablent des infidèles barbares. La ferveur ne consiste point dans ce qui paraît excéder votre pouvoir : multiplier vos aumônes, prolonger vos prières, augmenter vos jeûnes, vos austérités, vous exiler de toutes les compagnies, vous interdire tout délassement, vous ensevelir tout vivant dans un bois, dans une caverne. Beaucoup moins la ferveur consisterait-elle dans ces dons extraordinaires que la théologie nous enseigne former une classe particulière de grâces, et qu'elle appelle grâces gratuitement données, parce qu'elles sont moins pour celui qui les reçoit que pour ceux devant qui elles éclatent ; lire, par exemple, dans le sein de l'avenir, chasser les démons, arrêter ou faire reculer le soleil, commander aux vents, à la mer, à la mort, en un mot, tout ce qui caractérise le thaumaturge. Enfin, la ferveur ne consiste point dans ces consolations sensibles et surnaturelles, dans cette joie intérieure, dans ces douces larmes de dévotion que Dieu accorde à qui il lui plaît, quand il lui plaît, aussi abondamment et aussi longtemps qu'il lui plaît, mais qu'il n'a jamais prétendu être la mesure de son amitié pour une âme, supposé qu'elles en soient une marque ; être ravi en extase, trouver du plaisir dans les austérités, de la joie dans l'humiliation, du plaisir dans la douleur ; pleurer au pied de son crucifix ; ce n'est point en tout cela que vous devez faire consister votre ferveur dans le service de votre Dieu.
    [...]
    Si la ferveur ne consiste donc ni dans ces actions éclatantes qui signaleraient si bien votre amour pour le divin maître, ni dans ces consolations spirituelles qui feraient courir les âmes les plus paresseuses dans les voies immortelles de la perfection, quelle idée devez-vous vous en former ? Écoutez saint Basile vous instruire sur ce point. La ferveur, selon ce père de l’Église, est un désir ardent et soutenu de plaire à Dieu dans toutes choses. Pour l'ordinaire, l'âme fervente ne fait rien que de commun ; mais elle ne fait rien d'une manière commune. Voilà son distinctif ; elle ne perd point de vue son bien-aimé, et elle se borne à lui plaire. Il est seul le motif de sa conduite, de lui seul elle attend sa récompense. »

    Abbé Roissard, La Consolation du Chrétien, ou Motif de confiance en Dieu dans les diverses circonstances de la vie (Chap. XII), A Paris, Chez Méquignon-Junior, 1834.

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  • Méditation : Toujours tendre à la perfection

    « Qu'importe la longueur de la voie de la perfection ! La fin elle-même est si noble, si divine, que l'âme ne peut commencer à y aspirer trop tôt, ni prendre trop de peine pour l'atteindre. En vérité, le désir même et la poursuite sérieuse d'un but aussi céleste procure à l'âme d'immenses grâces et la met dans une voie de salut très assurée, bien qu'elle ne doive jamais l'atteindre parfaitement en cette vie. Personne n'est donc trop âgé, ou trop affligé de mauvaises habitudes invétérées, pour être dispensé du devoir de tendre à la perfection, et de la poursuivre avec persévérance, assuré qu'au moins après la mort il sera récompensé de ses bons désirs et de ses efforts [...]. Il suffit de s'engager dans la voie et de correspondre aux talents reçus. Quel que soit alors le degré spirituel au moment de la mort, on meurt selon la volonté et l'ordre de Dieu. Il faut s'y résigner et l'on sera, par conséquent, très heureux. Si, au contraire, désespéré d'atteindre la perfection, on se reposait et si l'on ne faisait, pour ainsi dire, rien, se contentant des observances solennelles extérieures, on aurait à rendre compte à Dieu de sa négligence [...]. L'âme est, on le sait, un pur esprit, toujours en activité ; il est impossible pour elle de cesser d'agir et de désirer. Si donc ses opérations et ses désirs ne sont pas orientés vers la fin véritable, ils s'égareront, et, si elle ne s'efforce pas constamment de sortir de la nature, elle s'enfoncera de plus en plus. »

    Dom Augustin Baker, La Sainte Sapience ou les voies de la prière contemplative, Tome I (Ferme résolution, 6), Éditions d'Histoire et d'Art, Librairie Plon, Paris, 1954.

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  • Méditation : Le silence intérieur

    « « Votre force sera dans le silence » (cf Is 30,15). Conserver sa force au Seigneur, c'est faire l'unité en tout son être par le silence intérieur, c'est ramasser toutes ses puissances pour les occuper au seul exercice de l'amour ; c'est avoir cet œil simple qui permet à la lumière de nous irradier (Mt 6,22). Une âme qui discute avec son moi, qui s'occupe de ses sensibilités, qui poursuit une pensée inutile, un désir quelconque, cette âme disperse ses forces, elle n'est pas tout ordonnée à Dieu. Il y a encore trop d'humain, c'est une dissonance.

    L'âme qui se garde encore quelque chose en son propre royaume intérieur, dont toutes les puissances ne sont pas « encloses » en Dieu, ne peut pas être une parfaite « louange de gloire » (Ep 1,14) ; elle n'est pas en état de chanter sans interruption le « canticum magnum », le grand cantique dont parle saint Paul, parce que l'unité ne règne pas en elle ; et, au lieu de poursuivre sa louange à travers toutes choses dans la simplicité, il faut qu'elle réunisse sans cesse les cordes de son instrument un peu perdues de tous côtés.

    Combien elle est indispensable, cette belle unité intérieure, à l'âme qui veut vivre ici-bas de la vie des bienheureux, c'est-à-dire des êtres simples, des esprits. Il me semble que le Maître regardait à cela lorsqu'il parlait à Marie de « l'unique nécessaire ». Comme la grande sainte l'avait compris ! L'œil de son âme, éclairé par la lumière de foi, avait reconnu son Dieu sous le voile de l'humanité, et, dans le silence, dans l'unité de ses puissances, « elle écoutait la parole qu'il lui disait ». Oui, elle ne savait plus rien sinon lui. »

    Bse Élisabeth de la Trinité (1880-1906), Dernière retraite, in "Œuvres Complètes", Le Cerf, 1991.

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    Tableau de Henryk Semiradsky (1886)

  • Méditation : "Voilà ce Coeur qui a tant aimé les hommes"

    « Songe, ô mon âme, à cet amour éternel, et combien Jésus a raison de dire : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes ». Cœur de chair, il est vrai, ce Cœur de Jésus fut mortel et frêle ; il fut transpercé d'un coup de lance ; mais il est le symbole d'un amour infini et éternel : en contemplant l'un, j'adore l'autre ; telle est la dévotion au Sacré-Cœur. Déjà dans sa réalité charnelle, ce Cœur est adorable parce qu'il est divin ; mais que vaut à nos yeux un cœur, sinon par l'amour qui l'anime ? S'il n'en est peut-être par l'organe, il en est et reste du moins l'emblème. Double objet, mais inséparable, de la même dévotion ; vouloir séparer l'un de l'autre, c'est ignorer le Sacré-Cœur.

    O Jésus ! puis-je dire avec sainte Chantal et saint Augustin, que vous avais-je donc fait, pour que vous m'aimiez de toute éternité et que de toute éternité j'eusse place dans votre Cœur ? Amour trop tard connu, trop tard aimé, enfermez mon cœur dans le vôtre pour qu'il vous soit désormais fidèle et rachète le temps perdu : il en a si peu à vous rendre pour votre éternité d'amour !

    "Père éternel, je vous offre l'amour embrasé et les désirs ardents du Cœur de Jésus, votre Fils bien-aimé, pour suppléer à l'aridité et à la froideur de mon chétif cœur." (Louis de Blois)

    "O Dieu tout-puissant et éternel, regardez le Cœur de votre Fils bien-aimé. Voyez l'hommage de réparation qu'il vous offre pour les pécheurs ; et quand ceux-ci se tournent vers vous pour demander miséricorde, laissez-vous toucher, faites-leur grâce, au nom de ce même Fils Jésus-Christ, qui vit et règne avec vous dans l'unité du Saint-Esprit, Dieu, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il." (Oraison des Litanies) »

    J.B., Messager du Cœur de Jésus, Janvier 1903.

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  • Méditation : « L'Esprit de vérité vous fera accéder à la vérité tout entière »

    « Si ta nature hésite devant les mystères trop profonds de la foi, dis sans crainte, non pour t'opposer, mais avec le désir d'obéir « Comment cela arrivera-t-il ? » (Lc 1,34). Que ta question soit une prière, qu'elle soit amour, piété, humble désir. Qu'elle ne scrute pas avec hauteur la majesté divine, mais qu'elle cherche le salut dans les moyens de salut du Dieu de notre délivrance. Alors l'Ange du grand Conseil te répondra : « Lorsque viendra le Consolateur que je vous enverrai du Père, il rendra témoignage de moi et vous enseignera toutes choses ; toute vérité vous viendra de l'Esprit de vérité » (cf. Jn 15,26 ; 14,26 ; 16,13). « Qui donc connaît les secrets de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même, nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu » (1 Co 2,11).

    Hâte-toi donc de communier à l'Esprit Saint. Il est là dès qu'on l'invoque ; on ne l'invoque que s'il est déjà présent. Appelé, il vient ; il arrive dans l'abondance des bénédictions divines. C'est lui le fleuve impétueux qui réjouit la cité de Dieu (Ps 46,5). Lors de sa venue, s'il te trouve humble et sans inquiétude, tremblant à la parole de Dieu, il reposera sur toi et te révélera ce que Dieu le Père cache aux sages et aux prudents de ce monde (Mt 11,25). Alors commenceront à briller pour toi toutes ces choses que la Sagesse pouvait, alors qu'elle était sur terre, dire aux disciples, mais qu'ils ne pouvaient porter avant la venue de l'Esprit de vérité qui leur enseignerait toute vérité.

    Pour recevoir et apprendre cette vérité, il est vain d'attendre de la bouche d'un homme ce qu'il n'a pu recevoir ni apprendre des lèvres de la Vérité elle-même. Car, selon l'affirmation de cette Vérité, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ; et, de même que ceux qui l'adorent doivent nécessairement l'adorer en esprit et en vérité, de même, ceux qui désirent le connaître ou le comprendre ne doivent chercher qu'en l'Esprit Saint l'intelligence de la foi, et le sens de cette vérité pure et sans mélange. Parmi les ténèbres et l'ignorance de cette vie, il est lui-même pour les pauvres en esprit, la lumière qui éclaire, la charité qui attire, la douceur qui charme, l'amour de celui qui aime, la tendresse de celui qui se livre sans réserve. C'est lui qui, de conviction en conviction, révèle aux croyants la justice de Dieu ; il donne grâce pour grâce et, pour la foi « qui vient de ce que l'on entend » (Rm 10,17), l'illumination. »

    Guillaume de Saint-Thierry, Le miroir de la foi, Sources Chrétiennes n° 301, Le Cerf, 1982, & Trad. M.-M. Davy, Paris, Vrin, 1959.

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  • Méditation : Les deux grands moyens de se sanctifier ; le désir et la résolution

    « Toute la sainteté consiste à aimer Dieu : "l'amour divin est ce trésor infini où nous puiserons l'amitié de Dieu" (Sag. 7, 14). Dieu est prêt à nous donner ce trésor de son saint amour, mais il veut que nous le désirions ardemment. Celui qui ne désire un bien que faiblement, fait peu d'efforts pour l'obtenir. Au contraire, saint Laurent Justinien dit que le vif désir adoucit nos peines et nous fournit des forces.

    Et ainsi celui qui désire peu de s'avancer dans l'amour divin, au lieu d'avancer de plus en plus dans la ferveur et la perfection, s'attiédit toujours en augmentant, et continuant ainsi à se refroidir, il se mettra dans un grand danger de tomber enfin dans quelque précipice. Au contraire, celui qui aspire ardemment à la perfection et s'efforce chaque jour de faire des progrès, peu à peu, et avec le temps, il y arrivera. Sainte Thérèse disait : Dieu n'accorde beaucoup de faveurs qu'à ceux qui désirent ardemment son amour. Et, dans un autre endroit : Dieu ne laisse aucun bon désir sans récompense. C'est pourquoi la sainte exhortait tous les chrétiens à ne point rabaisser leurs désirs ; parce qu'en nous confiant en Dieu, disait-elle, et faisant tous nos efforts, nous pourrons peu à peu arriver où les saints sont arrivés.

    C'est un piège du démon, selon la même sainte, que de penser qu'il y ait de l'orgueil à vouloir devenir saint. Il y aurait de l'orgueil et de la présomption, si nous nous confiions sur nos propres œuvres, et sur nos propres résolutions ; mais il n'y aura rien de cela si nous espérons tout de Dieu ; en espérant tout de lui, il nous donnera la force que nous n'avons pas de nous-mêmes. Désirons donc ardemment d'arriver à un très haut degré de l'amour divin, et disons avec confiance : "Omnia possum in eo qui me confortat" (Philip. 4, 13) "Je peux tout en celui qui me fortifie". Et si nous ne l'avons pas en nous cet ardent désir, demandons-le instamment à Jésus-Christ, il nous l'accordera. »

    ... suite demain : la résolution ...

    St Alphonse-Marie de Liguori, Le Chemin du Salut, ou Méditations pour acquérir le salut éternel (Deuxième partie, Ve Réflexion), Clermont-Ferrand, La S.C. des livres de piété, A Rodez, à l’évêché, 1833.

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  • Désirons-nous la sainteté ?

    « Quand nous sera-t-il donné de nous réunir aussi à nos pères ? De leur être présentés en personne ? Tel est le premier désir que le souvenir des saints fait naître en nous, que dis-je ? dont il nous embrase. Quand jouirons-nous de leur société si désirable, quand serons-nous dignes d'être les concitoyens, les conchambristes des esprits bienheureux, d'entrer dans l'assemblée des patriarches, de nous unir aux phalanges des prophètes, au sénat des apôtres, aux innombrables bataillons des martyrs, aux collèges des confesseurs, et aux chœurs des vierges, de nous perdre, en un mot, et de nous réjouir en commun dans la troupe entière des saints ?
    ...
    L'Église des premiers-nés nous attend, et nous négligeons de l'aller rejoindre ; les saints nous appellent, et nous n'en tenons aucun compte. Réveillons-nous enfin, mes frères, ressuscitons avec le Christ, cherchons, goûtons les choses d'en haut. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, que nos cœurs tendent par leurs vœux, vers ceux qui les appellent. »

    St Bernard, Vème Sermon pour la Toussaint (5,6), Trad. de l'Abbé Charpentier, in "Œuvres complètes" Tome III, Paris, Librairie Louis de Vivès, 1866.

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  • Méditation : des trois degrés d'humilité

    « Le premier degré d'humilité est nécessaire pour le salut éternel. Il consiste à m'abaisser et à m'humilier autant qu'il me sera possible et qu'il est nécessaire pour obéir en tout à la loi de Dieu, notre Seigneur : de sorte que, quand on m'offrirait le domaine de l'univers, quand on me menacerait de m'ôter la vie, je ne mette pas même en délibération la possibilité de transgresser un commandement de Dieu ou des hommes, qui m'oblige sous peine de péché mortel.

    Le second degré d'humilité est plus parfait que le premier. Il consiste à me trouver dans une entière indifférence de volonté et d'affection entre les richesses et la pauvreté, les honneurs et les mépris, le désir d'une longue vie ou d'une vie courte, pourvu qu'il en revienne à Dieu une gloire égale et un égal avantage au salut de mon âme. De plus, quand il s'agirait de gagner le monde entier, ou de sauver ma propre vie, je ne balancerais pas à rejeter toute pensée de commettre à cette fin un seul péché véniel.

    Le troisième degré d'humilité est très parfait. Il comprend les deux premiers, et veut de plus, supposé que la louange et la gloire de la Majesté divine soient égales, que, pour imiter plus parfaitement Jésus-Christ, notre Seigneur, et me rendre de fait plus semblable à lui, je préfère, j'embrasse la pauvreté avec Jésus-Christ pauvre, plutôt que les richesses ; les opprobres avec Jésus-Christ rassasié d'opprobres, plutôt que les honneurs ; le désir d'être regardé comme un homme inutile et insensé, par amour pour Jésus-Christ, qui le premier a été regardé comme tel, plutôt que de passer pour un homme sage et prudent aux yeux du monde. »

    St Ignace de Loyola, Exercices spirituels (Seconde semaine, sixième jour - 165, 166 & 167), Traduction du texte espagnol par le Père Pierre Jennesseaux de la Compagnie de Jésus, Numérisation de l'édition de 1913 par le Frère Jérôme novice de la même Compagnie, Namur, 2005 (Édition libre de tout droit).

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  • Méditation : chemin de perfection...

    « Je voudrais, par-dessus toutes choses, que vous ayez bien cette idée de la perfection ici-bas. Ce n'est pas une belle montée, d'où on voit le paysage s'élargir, le ciel s'étendre et la terre s'éloigner ; c'est plutôt un sentier perdu, où l'on ne voit pas la trace à suivre, où on tâtonne, où on s'accroche à toutes les broussailles, où on perd le sentiment de l'espace qu'on franchit, où on ne sait si on tourne sur place ou bien si l'on avance ; mais ce qu'on peut constater, c'est qu'on poursuit son désir d'aller toujours, tout en se traînant et se lassant. Voilà votre vie ; et, de cela, il faut se réjouir beaucoup, parce que c'est la vraie vie sérieuse, réelle, sur laquelle Dieu ouvre ses yeux et son cœur. »

    Abbé Henri de Tourville (1842-1903), Lettres de direction, Paris, Bloud et Gay, 1928.

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  • Méditation : désirons-nous recevoir l'Esprit-Saint ?

    « L'Esprit-Saint va venir en nous avec sa lumière, sa force et son feu divin. L'Esprit de vérité continuera et complètera les enseignements de Notre-Seigneur ; - l'Esprit de force ou de consolation nous encouragera et nous fortifiera dans les épreuves de la vie ; - l'Esprit d'amour nous unira fermement à Notre-Seigneur et à son Père. Mais il nous demande de nous préparer et de correspondre à ces grandes grâces...
    L'Esprit-Saint va venir en nos âmes pour y apporter et entretenir la vie, comme la sève va du corps de la vigne dans ses branches ; mais il faut que les branches soient attachées à la vigne et soigneusement émondées pour qu'elles donnent des fruits...

    Faisons un retour sur nous-mêmes. Connaissons-nous assez l'Esprit-Saint, ce qu'il est dans l'adorable Trinité, les dons qu'il apporte, le besoin que nous avons de lui ? Le désirons-nous avec une ardeur qui réponde au besoin que nous avons de lui et aux avantages que nous pouvons attendre de sa venue ? Sommes-nous préparés à le recevoir par un désir sincère d'accomplir toute la loi avec un amour filial ?

    Venez, Esprit d'amour, du Cœur de Jésus, j'ai soif de vous recevoir, je ne puis plus vivre sans vous. Venez, je veux être docile. J'écouterai ce que vous me suggérerez. Venez et pardonnez-moi mes résistances passées. Ma règle et l'union sont avec vous, voilà désormais ma vie. »

    P. Léon Dehon, L'année avec le Sacré-Cœur, Tome I (Veille de la Pentecôte), Établissements Casterman, Tournai - Paris, s.d. (1909).

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  • Méditation : brûler d'amour pour Celui qui nous a tant aimés

    « Pauvres de nous, nous sommes si loin de Dieu et nous prenons pour lui si peu de peine ! Et nous ne nous en apercevons même pas. Où sont donc les soupirs poignants des âmes que Dieu a quelque peu délaissées après qu'elles l'ont goûté une fois ? Où sont les mots que prononçait David : Je n'accorderai pas le sommeil à mes yeux, ni le repos à mes paupières, avant d'avoir trouvé une maison pour le Seigneur ? Car c'est nous qui sommes cette maison. C'est lorsque nous ne nous dispersons pas pour nous perdre dans des occupations multiples, mais que nous nous recueillons dans un seul désir et un unique amour, que nous sommes vraiment une maison de Dieu.

    Je crois que la cause de notre tiédeur c'est que celui qui n'a pas goûté Dieu ne sait ni ce qu'est la faim, ni même ce qu'est être rassasié. C'est ainsi que nous-mêmes, nous n'avons ni la faim de Dieu, ni nous ne sommes rassasiés des créatures. Au contraire, nous sommes froids, tantôt ici, tantôt là-bas, remplis de paresse, sans courage et sans goût pour les choses de Dieu, propres à donner la nausée à celui qui ne veut pas des tièdes à son service, mais des hommes embrasés au feu qu'il est venu apporter sur la terre et qu'il désire voir flamber. Pour l'allumer, il s'est consumé lui-même. Il a été brûlé sur la Croix, comme la vache rousse l'était en dehors du camp (cf. Nb 19,3.5). C'était pour que nous ramassions du bois de cette Croix, afin que nous y mettions le feu pour nous y réchauffer, et que, à le voir non seulement blessé mais aussi mort par amour, par un peu d'amour nous répondions à celui qui nous a tant aimés. »

    St Jean d'Avila (1500-1569, fêté ce jour), extrait de la Lettre 74, in Baldomero Jiménez Duque, "Jean d'Avila le saint Curé d'Espagne - Biographie et lettres spirituelles", Coll. Carmel Vivant, Éditions du Carmel, 2005.

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  • Méditation : "mon coeur a soif de Vous, Seigneur..."

    « C'est une grâce du ciel, une des plus grandes grâces, que de ressentir le désir de Dieu. Il y a tant d'âmes qui ne l'éprouvent jamais ou qui l'éprouvent peu. C'est une "grâce" au sens propre du mot, c'est-à-dire une gracieuseté que nous ne méritions pas, une faveur que nous n'avions même pas songé à demander.
    En matière de salut et de perfection comme en toutes choses, c'est toujours Dieu qui a l'initiative : "Personne ne vient à moi, a dit Jésus, si mon Père n'a commencé par l'attirer." Et comment l'attire-t-il au Christ ? Par le désir. En lui communiquant un besoin intense de vérité, de beauté, d'amour, de pureté, et en lui montrant que le Christ est tout cela.

    Ô Jésus, je crois que c'est une grande faveur et un grand bonheur que d'avoir soif de vous, soif de votre vie, soif de votre amour. Cette soif, c'est votre grâce, c'est votre appel au fond de mon cœur... Quand il n'y a pas de désir, on ne cherche pas ; quand il n'y a pas d'appel, on ne s'approche pas... Complétez donc, Seigneur, l’œuvre que vous avez commencée en mon âme, afin que je me désaltère pleinement auprès de vous et que "de mon sein coulent les fleuves d'eau vive" promis par vous... »

    Bx Charles de Foucauld, in "Écrits spirituels", de Gigord, 1933.

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  • Méditation : "Ecoute la voix de ma prière quand je crie vers Toi"

    « Lorsque Dieu découvre un véritable homme de désir, un être qui est tendu vers lui de toutes ses forces, il vient le saisir et l'enlève jusqu'à lui. Comme dit Simone Weil : "Il ne vient qu'à ceux qui lui demandent de venir ; il ne peut pas s'empêcher de descendre vers eux." (Attente de Dieu, p.76)

    La vie habituelle en présence de Dieu ne résulte donc pas de nos efforts ; en toute rigueur de termes, nous ne pouvons même pas faire un pas vers Dieu, mais si nous regardons assez longtemps vers lui, il descendra et nous enlèvera facilement : Vers Toi, Yahvé, j'appelle (Ps 27, 1), Daigne, Yahvé, me secourir ! Yahvé, vite à mon aide ! (Ps 69, 2). Il faut donc accepter d'être pauvre en renonçant à vouloir mettre la main sur Dieu pour le capter ou l'obliger à descendre. La première attitude qui nous met en présence de Dieu est le geste d'abaisser et d'ouvrir les mains en l'appelant avec des cris véhéments : Écoute la voix de ma prière quand je crie vers toi, quand j'élève les mains, Yahvé, vers ton saint des saints (Ps 27, 2).

    L'acte par lequel Dieu se rend présent à nous correspond à une disposition de notre part. C'est l'attitude de Moïse au buisson ardent. Il doit renoncer à faire "le tour de la question de Dieu" pour se déchausser devant lui, le regarder à distance, l'adorer et le désirer de toutes les forces de son cœur. Lorsqu'on demeure indéfiniment à regarder Dieu, à contempler sa face, en lui exprimant faim et soif de lui, sans vouloir l'annexer ou l'accaparer, il descend vers nous et imprègne notre cœur de Son Visage. Le moment décisif où commence la vie en présence de Dieu n'est pas dans le mouvement que je fais vers lui, mais dans le mouvement de recul où je m'efface devant lui. »

    Jean Lafrance (1931-1991), Préférer Dieu (ch. 15), Médiaspaul, Paris, 1996.

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  • Méditation : qu'est-ce que le péché ?

    « Mais, dira-t-on, qu'est-ce donc enfin que le péché ? est-ce un animal ? est-ce un ange ? est-ce un démon ? quel en est le moteur ? Ce n'est pas, ô homme, un ennemi qui s'attaque de l'extérieur, mais une production mauvaise qui grandit à partir de toi. Regarde avec des yeux francs (cf. Pr 4, 25) et il n'y a pas de concupiscence. Garde ce qui t'appartient et ne prends pas ce qui est aux autres, et voici l'avarice par terre. Pense au jugement, alors ni la fornication ni l'adultère ni le meurtre ni aucune sorte de désobéissance ne prévaudra chez toi. Mais quand tu oublies Dieu, alors tu te mets à penser au mal et à commettre l'iniquité.

    Tu n'es pourtant pas le seul instigateur de la mauvaise action ; il en est un autre dont la perversité te la souffle : c'est le diable. Cet être souffle (le mal), mais il ne triomphe pas de ceux qui refusent de l'écouter. D'où la parole de l'Ecclésiaste : "Si l'esprit de celui qui possède la puissance s'élève contre toi, ne quitte pas ta place" (Qo 10, 4), verrouille ta porte, tiens-le loin de toi, et il ne te nuira pas. Que si tu accueilles à la légère la suggestion d'un désir, grâce à tes considérations, elle enfoncera en toi des racines, elle enchaînera ton intelligence et t'attirera dans la fosse de misère. Mais peut-être dis-tu : "Je suis un 'fidèle', et le désir ne me domine pas, même si je m'arrête à y réfléchir." Ignores-tu qu'une racine, à force de s'y accrocher, brise même une pierre ? N'accueille pas la graine, car elle brisera ta foi. Avant qu'elle ne fleurisse, arrache le mal jusqu'aux racines, de peur que ta nonchalance première ne te vaille plus tard d'avoir à beaucoup penser haches et feu. Commence par guérir tes mauvais yeux en temps opportun, pour n'avoir pas à chercher le médecin une fois devenu aveugle.

    Dieu aime l'homme, et son amour de l'homme n'est pas petit. De fait, ne dis pas : du fornicateur, de l'adultère, du grand pécheur que j'ai été non pas une fois mais bien des fois, Dieu se rapprochera-t-il ? consentira-t-il à oublier ? Écoute ce que dit le Psalmiste : "Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta bonté !" (Ps 30, 20) L'accumulation de tes fautes ne l'emporte pas sur l'abondance des compassions divines. Tes blessures ne l'emportent pas sur le savoir-faire du prince des médecins. Donne-toi seulement toi-même avec foi, dis ton mal au médecin. Toi aussi, dis avec David : "J'ai dit : contre moi-même je confesserai au Seigneur ma transgression" (Ps 37, 19), la suite de sa parole te sera aussi applicable : "et toi, tu as enlevé l'impiété de mon cœur." (Ps 31,5) »

    St Cyrille de Jérusalem (v.315-387), Deuxième catéchèse baptismale improvisée à Jérusalem (2,3,6), au sujet de la pénitence et de la rémission des péchés, à partir d'une lecture d'Ezéchiel : "La justice du juste sera sur lui et l'impiété de l'impie sera sur lui. Et si l'impie se convertit de toutes ses impiétés..." (Ez 18, 20). Traduction française du Chanoine Bouvet. (Source)

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    St Cyrille de Jérusalem, par Francesco Bartolozzi (XVIIIe siècle)

  • Méditation : le Carême

    « Dès les origines, donc, le Carême est vécu comme le temps de la préparation immédiate au Baptême, qu'il faut administrer solennellement au cours de la Veillée pascale. Tout le Carême était un chemin vers cette grande rencontre avec le Christ, cette immersion dans le Christ et ce renouveau de la vie. Nous sommes déjà baptisés, mais le Baptême n'est souvent pas très efficace dans notre vie quotidienne. C'est pourquoi, pour nous aussi, le Carême est un "catéchuménat" renouvelé, dans lequel nous allons à nouveau à la rencontre de notre Baptême pour le redécouvrir et le revivre en profondeur, pour devenir à nouveau réellement chrétiens. Le Carême est donc une occasion de "redevenir" chrétiens, à travers un processus constant de transformation intérieure, et de progrès dans la connaissance et dans l'amour du Christ. La conversion n'est jamais faite une fois pour toutes, mais c'est un processus, un chemin intérieur de toute notre vie. Cet itinéraire de conversion évangélique ne peut certes pas se limiter à une période particulière de l'année: c'est un chemin quotidien, qui doit embrasser tout le cours de l'existence, chaque jour de notre vie. Dans cette optique, pour chaque chrétien et pour toutes les communautés ecclésiales, le Carême est le temps spirituel favorable pour s'entraîner avec une plus grande ténacité à rechercher Dieu, en ouvrant son cœur au Christ...

    Cette conversion du cœur est tout d'abord un don gratuit de Dieu, qui nous a créés pour lui et qui nous a rachetés en Jésus Christ: notre véritable bonheur consiste à demeurer en Lui (cf. Jn 15, 3). C'est pour cette raison qu'il prévient lui-même, par sa grâce, notre désir et qu'il accompagne nos efforts de conversion. Que signifie, en réalité, se convertir ? Se convertir signifie chercher Dieu, aller avec Dieu, suivre docilement les enseignements de son Fils, de Jésus Christ... Se convertir signifie alors ne pas rechercher son propre succès personnel - qui est quelque chose qui passe - mais, en abandonnant toute certitude humaine, se placer avec simplicité et confiance à la suite du Seigneur pour que Jésus devienne pour chacun, comme aimait à le répéter la bienheureuse Teresa de Calcutta, "mon tout en tout". Celui qui se laisse conquérir par Lui ne craint pas de perdre sa propre vie, car sur la Croix Il nous a aimée et s'est donné lui-même pour nous. Et précisément en perdant notre vie par amour nous la retrouvons.

    [...]

    Chers frères et sœurs, que la période quadragésimale, que nous entreprenons aujourd'hui avec le rite austère et significatif de l'imposition des Cendres, soit pour tous une expérience renouvelée de l'amour miséricordieux du Christ, qui sur la Croix a versé son sang pour nous. Mettons-nous docilement à son école, pour apprendre à "redonner", à notre tour, son amour au prochain, en particulier à ceux qui souffrent et qui sont en difficulté. Telle est la mission de chaque disciple du Christ, mais pour l'accomplir il est nécessaire de rester à l'écoute de sa Parole et de se nourrir avec assiduité de son Corps et de son Sang. Que l'itinéraire quadragésimal, qui dans l’Église antique est l'itinéraire vers l'initiation chrétienne, vers le Baptême et l'Eucharistie, soit pour nous baptisés un temps "eucharistique" au cours duquel nous participons avec une plus grande ferveur au sacrifice de l'Eucharistie. Que la Vierge Marie qui, après avoir partagé la passion douloureuse de son divin Fils, a fait l'expérience de la joie de sa résurrection, nous accompagne au cours de ce Carême vers le mystère de la Pâque, révélation suprême de l'amour de Dieu.
    Bon Carême à tous ! »

    Benoît XVI, extrait de l'Audience générale du 21 février 2007.
    (Texte intégral)

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  • Méditation : de la patience en la sanctification

    « Nous devons non seulement vérifier que les choses que nous voulons soient bonnes en elles-mêmes, mais aussi que notre manière de les vouloir, la disposition du cœur dans laquelle nous la désirons soient bonnes. C'est-à-dire que notre vouloir doit toujours rester doux, paisible, patient, détaché, abandonné à Dieu. Et ne doit pas être un vouloir impatient, trop empressé, inquiet, irrité, etc. Dans la vie spirituelle, c'est souvent là que notre attitude est défectueuse : nous ne sommes plus certes de ceux qui voulaient des choses mauvaises, contraires à Dieu ; nous voulons désormais des choses qui sont bonnes, en conformité avec la volonté de Dieu. Mais nous les voulons d'une manière qui n'est pas encore la "manière de Dieu", c'est-à-dire celle de l'Esprit-Saint, esprit qui est doux, paisible, patient, mais à la manière humaine, tendue, empressée, découragée si elle n'arrive pas tout de suite à ce vers quoi elle tend.
    Tous les saints insistent pour nous dire que nous devons modérer nos désirs, même les meilleurs. Car si nous désirons à la manière humaine que nous avons décrite, cela trouble l'âme, l'inquiète, lui enlève sa paix et donc gêne les opérations de Dieu en elle et dans le prochain.
    Cela s'applique à tout, même à notre propre sanctification. Combien de fois nous perdons la paix parce que nous trouvons que notre sanctification ne progresse pas assez vite, que nous avons encore trop de défauts. Mais cela ne fait que retarder les choses ! Saint François de Sales va jusqu'à dire que "rien ne retarde tant le progrès dans une vertu que de vouloir l'acquérir avec trop d'empressement !"
    [...]
    Un désir qui fait perdre la paix, même si la chose désirée est excellente en soi, n'est pas de Dieu. Il faut vouloir et désirer, mais de manière libre et détachée, en abandonnant à Dieu la réalisation de ces désirs comme il le voudra et quand il le voudra. Éduquer son propre cœur dans ce sens est d'une très grande importance pour le progrès spirituel. C'est Dieu qui fait grandir (cf. 1Co 3,7), qui convertit, et non pas notre agitation, notre précipitation et notre inquiétude. »

    P. Jacques Philippe, Recherche la Paix et poursuis-la (2ème partie, 11), Éditions des Béatitudes, 1991.

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  • Méditation : le Sacrement du mariage

    « Le mariage, mes chers enfants, on l’oublie trop à l’heure actuelle (et jamais le moment n’est mieux choisi de le rappeler que celui où il va se contracter irrévocablement), le mariage est un engagement définitif, que rien ni personne ne peut rompre, un contrat bilatéral, obligeant également et de la même manière, les deux parties contractantes, qui promettent solennellement devant Dieu, devant les parents, leurs amis, témoins de leurs serments, d’y rester fidèles jusqu’à la mort.

    Contrat bien facile à observer, pensent les jeunes époux, au jour radieux des noces. Le mariage n’est-il pas l’évènement ardemment désiré, capable à lui seul de combler tout désir, d’apporter la joie parfaite, sans mélange, le bonheur inaltérable que rien ne viendra plus troubler ?…

    Oui! Il pourrait, il devrait en être ainsi. Et cependant, comment se fait-il que l’expérience nous révèle quotidiennement le contraire? Pourquoi tant de foyers brisés, de ménages désunis, de cœurs désenchantés ? Je vais vous le dire : c’est parce que l’on perd de plus en plus de vue la nature de l’amour au foyer conjugal. Celui qui se marie uniquement pour le plaisir, les commodités de la vie, un bien-être que l’on recherchera à tout prix, au prix même de la suppression de la race qu’on devait propager, celui-là n’a rien compris aux lois du mariage chrétien, tel que l’a enseigné le Christ, il n’a rien compris à la loi même de l’amour.

    L’amour, a dit Leibnitz, cité par Lacordaire, c’est le bonheur de l’objet aimé. On n’aime donc pas pour soi: on aime pour rendre heureux. Et voilà comment l’amour conjugal, c’est le dévouement à la personne élue, dévouement de tous les jours, de tous les instants, c’est l’assistance inlassable dans les difficultés, le soutien jamais rebuté dans l’épreuve. Aimer, c’est se dévouer, et donc, nous voilà loin de la conception jouisseuse de notre époque légère, où l’on s’engage sans réflexion, sans souci des obligations contractées. L’amour dans le dévouement, voilà la conception chrétienne: elle exige des qualités naturelles, elle appelle aussi la grâce de Dieu, et c’est pourquoi le Christ en a fait un sacrement. Il y a mis quelques gouttes de son sang. C’est cela que vous venez chercher ce matin, en vous agenouillant au pied des autels, devant le Maître de toute existence et de toute félicité, qui dispose pour nous toutes choses avec son infinie sagesse et sa providence paternelle, et qui reste l’unique et véritable fondement de la famille.

    Vous avez accordé vos pensées, vos sentiments dans la plus parfaite harmonie. C’est bien ! Mais, si vous voulez que cela dure, que vos deux âmes continuent à ne faire qu’une âme, vos deux cœurs un seul cœur, il faut les placer sous le regard de Dieu, les y tenir toujours et continuer à vous aimer ainsi, dans le cadre de son amour et de ses commandements. Si Dieu ne reste la base de votre amour, considérez-le comme atteint dans son principe vital.

    Saint-Paul disait aux premiers chrétiens : « Aimez vos épouses comme le Christ a aimé l’Église », c’est-à-dire aimez-vous indissolublement, à la vie, à la mort ! ». Si vous voulez réaliser cet idéal, faites toujours à votre foyer la part de Celui qui tient en ses mains divines nos destinées passagères et notre avenir immortel. Aimez-Le, servez-Le !

    Joies et tristesses, peines et consolations, désirs et espérances, vous recevrez tout de la main de Dieu, dispensateur de tout bien, Maître de la douleur. Ensemble vous supporterez les épreuves de la vie, car, j’exagérerais si, malgré l’allégresse d’un tel jour, je ne vous prédisais qu’un soleil sans nuage…
    Et c’est à la clarté de ces enseignements que vous vous dirigerez pour la tâche délicate entre toutes, et à laquelle vous ne vous déroberez pas, de l’éducation des enfants, tâche qui exigera du sacrifice et du dévouement.

    Évidemment, le mariage ainsi entendu n’est plus la partie de plaisir, comme on le voudrait dans un certain monde; ce n’est plus l’engagement à la légère que le caprice ou la fantaisie peuvent faire cesser à la guise de l’un ou l’autre des époux, au premier nuage qui surgit à l’horizon. C’est le pèlerinage à deux sur la route du devoir, illuminée par la grâce de Dieu.
    Cette route, mes chers enfants, je vous la souhaite la plus longue possible, ensoleillée et couverte de fleurs. Si, néanmoins, la tempête survient et que le soleil se voile, vous continuerez à marcher la main dans la main, cœur contre cœur, jusqu’à ce que le chemin redevienne agréable et fleuri.
    Vous, mon cher Jean, vous chérirez la compagne que Dieu vous a donnée. Votre bon cœur saura lui rendre heureuse une existence qu’elle va vous consacrer. Ainsi, vous comblerez les vœux des chers parents qui la remettent aujourd’hui entre vos mains, de cette mère qui ne s’est pas séparée 24 heures durant, de celle qui vous appartient désormais.

    Et vous, ma chère Madeleine, vous vous acquitterez envers votre époux, en réalisant pour son bonheur et sa satisfaction, tout ce que les qualités de grâces et de délicatesse que le Ciel vous a départies.
    Maintenant, il ne me reste plus qu’un doux devoir à remplir : celui de recevoir vos serments de fidélité, de demander au Ciel ses bénédictions, et de vous dire avec l’accent d’un cœur que vous connaissez bien : « Jeunes époux, soyez heureux, vivez heureux ! »

    Ce sera ma prière au cours du Saint Sacrifice qui va être célébré pour vous, c’est mon souhait le plus sincère et le plus affectueux. »

    Bx Daniel Brottier († 28 février 1936), extrait de l'Homélie du P. Brottier pour le mariage de sa nièce Madeleine Brottier avec Mr Jean Chuteau, le 19 Octobre 1925.
    Source : Documents historiques des OAA, Cahier 5, réf. 513.

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  • Méditation : de l'inquiétude...

    « L’inquiétude provient d’un désir déréglé d’être délivré du mal que l’on sent, ou d’acquérir le bien que l’on espère ; et néanmoins il n’y a rien qui empire plus le mal et qui éloigne plus le bien, que l’inquiétude et empressement. Les oiseaux demeurent pris dedans les filets et lacs, parce que s’y trouvant engagés ils se débattent et remuent déréglément pour en sortir, ce que faisant ils s’enveloppent toujours tant plus. Quand donc vous serez pressée du désir d’être délivrée de quelque mal ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettez votre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir votre jugement et votre volonté ; et puis, tout bellement et doucement, pourchassez l’issue de votre désir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables ; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire négligemment, mais sans empressement, trouble et inquiétude ; autrement en lieu d’avoir l’effet de votre désir, vous gâterez tout et vous embarrasserez plus fort.

    Mon âme est toujours en mes mains, ô Seigneur, et je n’ai point oublié votre loi, disait David. Examinez plus d’une fois le jour, mais au moins le soir et le matin, si vous avez votre âme en vos mains, ou si quelque passion et inquiétude vous l’a point ravie ; considérez si vous avez votre cœur à votre commandement, ou bien s’il est point échappé de vos mains, pour s’engager à quelque affection déréglée d’amour, de haine, d’envie, de convoitise, de crainte, d’ennui, de joie. Que s’il est égaré, avant toutes choses, cherchez-le et le ramenez tout bellement en la présence de Dieu, remettant vos affections et désirs sous l’obéissance et conduite de sa divine volonté. Car, comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est précieuse, la tiennent bien serrée en leur main, ainsi, à l’imitation de ce grand roi, nous devons toujours dire : Ô mon Dieu, mon âme est au hasard, c’est pourquoi je la porte toujours en mes mains, et en cette sorte, je n’ai point oublié votre sainte loi.

    Ne permettez pas à vos désirs, pour petits qu’ils soient et de petite importance, qu’ils vous inquiètent ; car après les petits, les grands et plus importants trouveront votre cœur plus disposé au trouble et dérèglement. Quand vous sentirez arriver l’inquiétude, recommandez-vous à Dieu et résolvez-vous de ne rien faire du tout de ce que votre désir requiert de vous, que l’inquiétude ne soit totalement passée, sinon que ce fût chose qui ne se pût différer ; et alors il faut, avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de votre désir, l’attrempant et modérant tant qu’il vous sera possible, et sur cela, faire la chose non selon votre désir, mais selon la raison. »

    Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote (Quatrième Partie, ch. XI), in Œuvres, nrf Gallimard, Paris, 1969.

    Texte intégral disponible à l'Abbaye Saint-Benoît.

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     Vitrail de l'église Saint Pierre & Saint Paul, Ivry-sur-Seine (Source)

  • Méditation : vigilance et persévérance dans nos luttes quotidiennes

    « Vous devez travailler par des efforts continuels, à détruire tout ce que vous apercevrez en vous d'affections terrestres, d'inclinations charnelles, et en un mot, que vous ne pardonniez à rien de tout ce qui n'y aura pas été mis de la main de Dieu. Les moindres réserves vous causeraient d'extrêmes dommages, et ce que vous auriez conservé ou par une volonté déterminée, ou par une négligence grossière, vous produirait par des conséquences certaines, des pertes que vous ne pourriez réparer. Le Gouverneur d'une place qui y reçoit au dedans de ses murs son ennemi, qui se croit en sûreté, parce qu'il ne le met ni dans le Donjon, ni dans la Citadelle, et qui ne lui donne pour habiter que la maison d'un bourgeois, se trompe : car cet homme qui est tout rempli de la volonté de lui nuire, et qui n'en attend que les occasions, ne manquera point de se servir des avantages qu'il a dans les mains, de former des cabales et des partis, de ménager des intelligences, et trouvera à quelque prix que ce soit, un moment et une conjoncture favorable dans laquelle il le pourra surprendre.

    C'est ce qui vous arrivera si vous ne faites main-basse sur les ennemis de Dieu, qui sont les vôtres ; j'entends vos vices et vos passions. Le démon sans doute s'appliquera à celle que vous aurez négligée ; il la fortifiera, il augmentera sa malignité, il essayera d'y en joindre d'autres ; ainsi le mal et la corruption venant à s'étendre et à se communiquer, ce qui vous aura paru un rien dans les commencements, vous sera dans la suite des blessures auxquelles vous ne pourrez plus apporter de remèdes ; il suffit pour vous obliger de garder dans une affaire de cette importance toute l'exactitude nécessaire, de savoir comme Jésus-Christ nous l'a appris, qu'un peu de levain gâte et aigrit toute la pâte (1Co 5,6) ; et l'expérience nous fait connaître que la même barque qui a résisté aux coups de la mer les plus furieux, et aux tempêtes les plus violentes, fait naufrage dans le port, par une fente et par une ouverture, quelque petite qu'elle soit, lorsqu'on néglige d'y mettre la main et de la réparer. Réjouissez-vous donc, mes frères, réjouissez-vous, Gaudete in Domino, iterum dico gaudete (*), puisque bien loin de trouver quelque chose de terrible dans l'avènement de Jésus-Christ, vous n'y voyez rien qui ne vous console, puisque les voies dans lesquelles la Providence vous a engagés, vous conduisent à la fin de toutes vos espérances... comme un torrent de grâces qui vous porte de lui-même, par une heureuse rapidité, à cette terre de bénédiction, qui est la fin et le comble de tous vos désirs. »

    (*) : Introït de la Messe de ce dimanche : "Soyez toujours joyeux dans le Seigneur ! Je vous le répète : soyez joyeux." (Phil. 4, 4-6) »

    Dom Armand Jean [de Rancé] (1626-1700), Ancien Abbé de la Trappe, extrait de la Conférence pour le IIIe Dimanche de l'Avent, in "Conférences ou Instructions sur les Épitres et Évangiles des Dimanches et principales fêtes de l'année", Tome Premier, A Paris, Chez Florentin & Pierre Delaulne, 1698.

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  • Méditation : désir, prière et charité

    « "Le gémissement de mon cœur me faisait rugir" dit le psalmiste. Et qui connaissait la cause de son rugissement ? Il ajoute :" Tout mon désir est devant toi". Non pas devant les hommes, qui ne peuvent pas voir le cœur, tandis que si tout ton désir est devant le Père, lui qui voit l'invisible te le revaudra.
    Car ton désir c'est ta prière ; si le désir est continuel, la prière est continuelle. Ce n'est pas pour rien que l'Apôtre a dit : "Priez sans relâche". Peut-il le dire parce que, sans relâche, nous fléchissons le genou, nous prosternons notre corps, ou nous élevons les mains ? Si nous disons que c'est là notre prière, je ne crois pas que nous puissions le faire sans relâche.
    Il y a une autre prière, intérieure, qui est sans relâche : c'est le désir. Que tu te livres à n'importe quelle autre occupation, si tu désires ce loisir du sabbat de Dieu, tu ne cesses de prier. Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer.
    Ton désir est-il continuel ? Alors ton cri est continuel. Tu ne te tairas que si tu cesses d'aimer. [...]
    La charité qui se refroidit, c'est le cœur qui se tait ; la charité qui brûle, c'est le cœur qui crie. Si la charité dure toujours, tu cries toujours ; si tu cries toujours, tu désires toujours ; si tu désires, c'est au repos que tu penses.
    "Tout mon désir est devant toi". Que se passe-t-il si ton désir est devant lui, mais non pas le gémissement ? D'où cela peut-il venir, quand le désir lui-même s'exprime par le gémissement ?
    C'est pourquoi le psaume continue. "Et mon gémissement ne t'échappe pas". Il ne t'échappe pas, alors qu'il échappe à la plupart des hommes. [...] S'il y a désir, il y a gémissement ; il ne parvient pas toujours aux oreilles des hommes, mais il ne cesse jamais de frapper les oreilles de Dieu. »

    Saint Augustin, Enarationes in Ps. 37, in "Œuvres complètes de Saint Augustin" (17 vol.), Traduites pour la première fois, sous la direction de M. Raulx, Guérin, Bar-le-Duc, 1869 / "Discours sur les Psaumes", Le Cerf, Coll. Sagesses chrétiennes, Paris, 2007.
    (Commentaires des Psaumes par St Augustin : voir ICI et ICI.)

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