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sainteté - Page 6

  • Méditation : le silence de Saint Joseph

    « Il sera bon de relever et de méditer la leçon de silence que nous donne saint Joseph.
    Aucun mot n'est rapporté de lui dans l’Évangile ! Ce n'est pas à dire qu'il ne parlât point. Il aurait été un triste compagnon pour la Sainte Vierge s'il n'avait jamais rien dit ! Mais "juste" en toute chose, il n'était pas bavard, il disait "juste" ce qu'il fallait dire, ni plus, ni moins, quand il le fallait et comme il le fallait. Bref, il parlait peu, mais il parlait bien.
    Là encore, quel exemple pour notre siècle où l'on parle tant !
    [...]
    Si l'on ne disait que ce que l'on sait, si l'on ne prophétisait pas à tort et à travers, si l'on ne jugeait que ce qu'on est capable de juger et quand on a autorité pour le faire, le règne de l'erreur et du mensonge, qui relève du prince des ténèbres, serait moins étendu sur terre !
    Le silence de saint Joseph n'était pas seulement un silence de réserve et de prudence ; c'était aussi un silence de recueillement et d'union à Dieu. Ayant constamment sous les yeux l'exemple de la sainteté la plus éminente, des vertus les plus sublimes, saint Joseph, comme Marie, conservait dans son cœur le souvenir de toutes ces merveilles : "Conservabat omnia verba haec in corde suo" (Lc II, 51). En les admirant et en les méditant, il concevait un amour toujours plus grand pour Jésus et Marie. "C'est le silence qui commence les saints, a écrit un pieux auteur ; c'est lui qui les continue ; c'est lui qui les achève."
    Je souhaite à mes diocésains de mettre du silence dans leur vie, un silence qui ressemble à celui de saint Joseph, le silence de la prière, celui des lectures saintes, de la méditation, de la Messe et de l'Eucharistie - ces bienfaisants silences pendant lesquels l'âme découvre Dieu, parce que Dieu, qui n'aime pas le bruit, révèle ses splendeurs aux âmes qui le cherchent, loin des affaires du monde, dans le recueillement de l'esprit.
    Je vous livre cette pensée d'un auteur contemporain : "Bienheureux ceux dont le silence est la patrie, et la parole un voyage de charité qu'ils font au pays de ceux qui les entourent." »

    Mgr Joseph-Marie Martin (1891-1976), archevêque de Rouen (1948-1968), Lettre pastorale de Carême 1954 à saint Joseph.

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  • Mois de mars : mois de Saint Joseph

    « Saint Joseph m’a toujours exaucée au-delà de mes prières et de mes espérances. »
    Ste Thérèse d’Avila (1515-1582)
     
    « Saint Joseph,

    Gardien du Rédempteur
    et très chaste Époux de la bienheureuse Vierge Marie,
    accueille avec bienveillance l'acte de dévotion
    et de consécration
    que nous t'adressons aujourd'hui.

    Protège cette terre et donne-lui la paix :
    elle a été baignée par le sang de saint Pierre
    et des premiers martyrs romains ;
    protège-nous et ravive la grâce du baptême
    de ceux qui y vivent et y travaillent ;
    protège et augmente la foi des pèlerins
    qui viennent ici de toutes les régions du monde.

    Nous te consacrons les fatigues et les joies de chaque jour ;
    nous te consacrons les attentes et les espérances de l’Église ;
    nous te consacrons les pensées, les désirs et les œuvres :
    que tout s'accomplisse dans le Nom du Seigneur Jésus.

    Ta protection douce, ferme et silencieuse
    a soutenu, guidé et consolé la vie cachée
    de la sainte Famille de Nazareth :
    protège nos familles,
    renouvelle aussi pour nous ta paternité
    et garde-nous fidèles jusqu'à la fin.

    Nous plaçons aujourd'hui, avec une confiance renouvelée,
    sous ton regard bienveillant et sage,
    les évêques et les prêtres,
    les personnes consacrées et les fidèles laïcs,
    qui travaillent et vivent au Vatican :
    protège leur vocation,
    et enrichis-la de toutes les vertus nécessaires
    pour grandir dans la sainteté.

    Amen. »

    Pape François, prière de consécration du Vatican à saint Joseph, 5 juillet 2013.

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  • Méditation : de la patience en la sanctification

    « Nous devons non seulement vérifier que les choses que nous voulons soient bonnes en elles-mêmes, mais aussi que notre manière de les vouloir, la disposition du cœur dans laquelle nous la désirons soient bonnes. C'est-à-dire que notre vouloir doit toujours rester doux, paisible, patient, détaché, abandonné à Dieu. Et ne doit pas être un vouloir impatient, trop empressé, inquiet, irrité, etc. Dans la vie spirituelle, c'est souvent là que notre attitude est défectueuse : nous ne sommes plus certes de ceux qui voulaient des choses mauvaises, contraires à Dieu ; nous voulons désormais des choses qui sont bonnes, en conformité avec la volonté de Dieu. Mais nous les voulons d'une manière qui n'est pas encore la "manière de Dieu", c'est-à-dire celle de l'Esprit-Saint, esprit qui est doux, paisible, patient, mais à la manière humaine, tendue, empressée, découragée si elle n'arrive pas tout de suite à ce vers quoi elle tend.
    Tous les saints insistent pour nous dire que nous devons modérer nos désirs, même les meilleurs. Car si nous désirons à la manière humaine que nous avons décrite, cela trouble l'âme, l'inquiète, lui enlève sa paix et donc gêne les opérations de Dieu en elle et dans le prochain.
    Cela s'applique à tout, même à notre propre sanctification. Combien de fois nous perdons la paix parce que nous trouvons que notre sanctification ne progresse pas assez vite, que nous avons encore trop de défauts. Mais cela ne fait que retarder les choses ! Saint François de Sales va jusqu'à dire que "rien ne retarde tant le progrès dans une vertu que de vouloir l'acquérir avec trop d'empressement !"
    [...]
    Un désir qui fait perdre la paix, même si la chose désirée est excellente en soi, n'est pas de Dieu. Il faut vouloir et désirer, mais de manière libre et détachée, en abandonnant à Dieu la réalisation de ces désirs comme il le voudra et quand il le voudra. Éduquer son propre cœur dans ce sens est d'une très grande importance pour le progrès spirituel. C'est Dieu qui fait grandir (cf. 1Co 3,7), qui convertit, et non pas notre agitation, notre précipitation et notre inquiétude. »

    P. Jacques Philippe, Recherche la Paix et poursuis-la (2ème partie, 11), Éditions des Béatitudes, 1991.

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  • Angélus de ce dimanche 23 février 2014

    « Dans la deuxième lecture de ce dimanche, Saint Paul dit : "Personne ne doit mettre son orgueil dans les hommes, car toutes choses sont à vous : que ce soit Paul, Apollos, Céphas, le monde, la vie, la mort, le présent et l'avenir, tout est à vous ! Mais vous, vous êtes est au Christ et le Christ est à Dieu." (1 Cor 3,23). Pourquoi dit-il cela l'Apôtre ? Parce que le problème c'est qu'il est confronté à des divisions dans la communauté de Corinthe, où s'étaient formés des groupes qui faisaient référence à divers prédicateurs, en les considérant comme leur chef ; ils disaient : "Moi j'appartiens à Paul, moi je suis d'Apollos, moi je suis à Céphas ..."(1,12). Saint Paul explique que cette façon de penser est erronée, puisque la communauté n'appartient pas aux apôtres, mais ce sont eux - les apôtres - qui appartiennent à la communauté ; cependant la communauté, tout entière, appartient au Christ !

    De cette appartenance à la communauté chrétienne - diocèses, paroisses, associations et mouvements - les différences ne peuvent pas contredire le fait que tous, par le Baptême, nous avons la même dignité : tous, en Jésus-Christ, nous sommes enfants de Dieu. Et c'est notre dignité : en Jésus Christ, nous sommes enfants de Dieu ! Ceux qui ont reçu un ministère de guide, de prédication, ou d'administrer les Sacrements, ne doivent pas s'estimer comme les propriétaires de pouvoirs spéciaux, des patrons, mais se mettre au service de la communauté, en l'aidant à parcourir avec joie le chemin de la sainteté.

    L'Église aujourd'hui confie le témoignage de ce mode de vie pastoral aux nouveaux Cardinaux, avec lesquels j'ai célébré ce matin la Sainte Messe. Nous pouvons tous saluer les nouveaux Cardinaux, en les applaudissant. Salutations à tous ! Le consistoire d'hier et la célébration eucharistique de ce matin nous ont offert une occasion précieuse d’expérimenter la catholicité de l’Église, son universalité, bien représentée par les horizons variés des membres du Collège Cardinalice, réunis en étroite communion autour du Successeur de Pierre. Que le Seigneur nous donne la grâce de travailler pour l'unité de l'Église, pour construire cette unité, parce que l'unité est plus importante que les conflits ! L'unité de l'Église est du Christ, les conflits sont des problèmes qui ne sont pas toujours du Christ.

    Les moments liturgiques et de fête, que nous avons eu l'opportunité de vivre au cours de ces deux derniers jours, nous renforcent dans la foi et l'amour pour le Christ et pour son Église ! Je vous invite également à soutenir ces pasteurs et à les aider par la prière, afin qu'ils guident toujours avec zèle le peuple qui leur a été confié, en montrant à tous la tendresse et l'amour du Seigneur. Mais on a besoin de prière, ce besoin est si grand pour un Évêque, un Cardinal, un Pape, pour qu’il puisse aller de l’avant et guider le peuple de Dieu ! Je dis "aider", c'est-à-dire être au service du peuple de Dieu, puisque la vocation de l'Évêque, du Cardinal et du Pape c'est précisément cela : être un serviteur, servir au nom du Christ. Priez pour nous, pour que nous soyons de bons serviteurs : de bons serviteurs, pas de bons patrons ! Tous ensemble, les Évêques, les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs doivent offrir le témoignage d'une Église fidèle au Christ, animée par le désir de servir nos frères et prête à aller à la rencontre, avec un courage prophétique, des attentes et des exigences spirituelles des hommes et des femmes de notre temps. Que la Vierge Marie nous accompagne et nous protège dans ce chemin. »

  • Méditation avec St François de Sales : de la vertu d'humilité

    « Nous ne connaîtrons jamais notre propre perfection, car il nous arrive comme à ceux qui naviguent sur mer ; ils ne savent pas s'ils avancent, mais le maître pilote, qui sait l'art de naviguer, le connaît. Ainsi nous ne pouvons pas juger de notre avancement, mais bien de celui d'autrui ; car nous ne sommes pas assurés quand nous faisons une bonne action, que nous l'ayons faite avec perfection, d'autant que l'humilité nous le défend. Or, encore que nous puissions juger de la vertu d'autrui, si ne faut-il pourtant jamais déterminer qu'une personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses ; et tel qui paraît fort vertueux à l'extérieur aux yeux des créatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paraissait beaucoup plus imparfait.
    L'humilité est non seulement charitable, mais douce et maniable ; car la charité est une humilité montante, l'humilité est une charité descendante. L'humilité sera au dernier degré de sa perfection quand nous n'aurons plus de propre volonté ; par l'humilité "toute justice" est accomplie (Mt III, 15). »

    St François de Sales, Entretiens spirituels (Cinquième entretien), in "Œuvres", nrf Gallimard, Paris, 1969.

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  • Méditation : tristesse et découragement

    « S'il est un écueil dans la vie chrétienne et plus encore dans la vie pieuse, - écueil d'autant plus perfide qu'il se voile sous de louables apparences, - c'est bien celui de la mauvaise tristesse et du sot découragement. Quand on va au fond de ces mélancolies abattues ou rêveuses, on ne trouve guère que de l'égoïsme. L'âme se replie sur soi et se regarde, au lieu de regarder Jésus ; elle s'occupe et s'inquiète de ses intérêts personnels plus que des intérêts de Dieu ; elle s'appuie sur les créatures et non sur la grâce, et comme elle ne rencontre guère dans les créatures et dans elle-même que misère et pauvreté, elle devient mécontente, morose, troublée, chagrine. Bientôt, elle trouve la piété trop difficile et commence à en abandonner les pratiques ; c'est que, déjà, elle en a abandonné l'esprit.
    Il faut combattre vigoureusement cette sotte et stérile tristesse ; elle est une tentation qui met l'âme en péril, et qui l'épuise sans profit.
    [...]
    Pour s'en délivrer, qu'on ait recours d'abord à la prière, selon le conseil de saint Jacques : "Quelqu'un est-il triste ? qu'il prie ! (Jc V, 3)" Mais qu'on réagisse aussi par un dégagement plus complet de soi-même, par une fidélité plus vigilante à tous les devoirs, au besoin par quelque pénitence ou quelque immolation spéciale, en tout cas par un don et un abandon plus absolu au divin Maître. Alors tout redeviendra radieux, tout, jusqu'à la souffrance ; et l'âme ne tardera pas à se revêtir de cette "robe d'allégresse" dont le Seigneur récompense les martyrs. Aussi bien, "il y a une inévitable tendance à la joie dans tout ce qui appartient à Dieu (P. Faber, Bethléem, VIII). On n'est triste que lorsque qu'on veut jouir de soi ; dès qu'on se renonce, la tristesse s'en va et fait place à la joie. La joie est le signe infaillible d'une âme saine, et toute âme saine est bien près d'être une âme sainte. »

    Abbé J.M. Buathier, Le Sacrifice dans le dogme catholique et dans la vie chrétienne (ch. XXI, 3), Paris, Gabriel Beauchesne, 1920 (dixième édition).

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    Albrecht Dürer (1471-1528), gravure sur cuivre, "Melancholia I"

  • Méditation : il est difficile d'aimer...

    « A voir les choses à la surface, rien ne paraît plus facile que d'aimer ; en réalité, rien n'est plus difficile, car depuis le péché, tout ce qu'il y a de mauvais soit en nous soit dans le monde est en révolte contre l'amour.
    Le facile, c'est de s'aimer soi-même, ou - ce qui diffère peu - d'aimer pour soi, à l'exclusion des autres, telles créatures dont les charmes empruntés nous captivent. Seulement, loin d'être de l'amour, ce n'est que de l'égoïsme sous sa double forme : égoïsme solitaire, ou égoïsme à deux. Le sacrifice n'a que faire en un tel désordre ; il en est absolument exclu.
    Mais aimer tous les hommes, les aimer comme les a aimés le Christ du Calvaire, malgré leurs défauts et leurs fautes, aimer les faibles et les petits, les pauvres, les malheureux, les délaissés, les pécheurs, jusqu'à ceux qui nous font du mal et qui nous haïssent, les aimer pratiquement et leur faire du bien, les aimer surnaturellement, pour Dieu et en Jésus, aimer ce qu'il y a en eux d'immortel et de divin, leurs âmes et l'immatérielle beauté de ces âmes, voilà le difficile !
    Et ce qui ne l'est pas moins, en un sens contraire, c'est de résister aux fascinations des choses extérieures et aux innommables entraînements de la chair ; c'est d'éviter ce double écueil placé de chaque côté de la route du cœur : la vanité où il se pulvérise et la volupté où il s'avilit ; c'est de lui imprimer enfin un coup d'aile vigoureux qui le dégage à la fois des apparences et des sens, du faux et de l'abject, et qui l'emporte jusqu'à l'Incréé à travers les mille réseaux du périssable.
    Le difficile, en un mot, c'est d'aimer dans l'ordre, comme l’Épouse des Cantiques (*), c'est d'aimer purement et saintement, c'est d'aimer Dieu dans l'homme et l'homme à cause de Dieu. »

    (*) : Ordinavit in me caritatem. Cant., II, 4.

    Abbé J.M. Buathier, Le Sacrifice dans le dogme catholique et dans la vie chrétienne (ch. XV, 2), Paris, Gabriel Beauchesne, 1920 (dixième édition).

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  • Méditation : Sainte Marie, Mère de Dieu (1)

    « Cette maternité de la Très Sainte Vierge prend son origine, son lustre et son autorité de la paternité divine de celui "a quo omnis paternitas in coelo et in terra nominatur" (Ep II, 15). Car il est le Père de celui dont la Vierge est Mère... Comme toutes les merveilles de la naissance divine du Fils de Dieu sont encloses en la paternité divine comme en leur centre et en leur origine ; ainsi, les merveilles de la naissance humaine de ce même Fils de Dieu sont comprises en la maternité divine, comme au point et en l'origine d'où elles naissent et où elles se rapportent.
    Disons en somme que cette maternité est une qualité si haute et si éminente qu'elle ne regarde que Dieu au-dessus de soi et tout le reste bien inférieur à soi ; que c'est une qualité si sainte qu'elle suppose une grâce toute singulière, un comble de grâce et une grâce toute pleine de privilèges ; que c'est une qualité si rare qu'elle est unique en la terre et au ciel ; car la terre porte plusieurs enfants adoptifs de Dieu, et le ciel est rempli de saints et d'anges qui sont enfants de Dieu. Mais le ciel et la terre ne portent qu'une Mère de Dieu, elle est unique et singulière en cette qualité ; comme il n'y a entre les personnes divines qu'une personne incréée qui porte la qualité de Père ; aussi entre toutes les personnes créées établies en l'ordre de la nature, de grâce et de gloire en la terre et au ciel, il n'y a qu'une personne créée, il n'y a que Marie qui ait la qualité de Mère au regard de Dieu et qui soit Mère de celui dont Dieu est Père ; qualité si haute, si rare et si sainte que nous ne la pouvons assez admirer ; qualité si divine qu'elle approche Dieu de si près et l'approche tellement en qualité de Mère qu'elle le conçoit, le contient et l'engendre en soi-même et hors de soi-même, le donnant au monde... »

    Cardinal de Bérulle (1575-1629), Discours sur l’État et les Grandeurs de Jésus..., Discours XI, in Molien, "Les grandeurs de Marie d'après l’École française", Desclée de Brouwer, 1930.

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  • Méditation : Amour et charité

    « L'amour appelle l'amour, le cœur ne se paie qu'avec le cœur : Aimons donc Dieu parce qu'Il nous a aimés le premier. (1 Jn IV, 19). - Jésus nous aime d'un amour infini : nous devons L'aimer d'un amour souverain. Dans notre estime et dans nos affections, rien qui puisse être mis en comparaison avec le Fils de Dieu !... Qui est grand comme Jésus ? Qui nous a comblés comme Lui ? - Sa charité, d'ailleurs, n'est pas exclusive ; comment Jésus voudrait-Il être aimé seul, quand tous les hommes sont ses enfants et nos frères ?... Non, "Dieu seul" n'est ni raisonnable ni chrétien... Rien contre Dieu, c'est-à-dire, pas la plus petite fibre de notre cœur qui soit en opposition avec sa loi ; tout pour Dieu, et Dieu par-dessus tout : voilà la doctrine des saints. - Avons-nous toujours gardé ces points de vue et ces sentiments dans nos dispositions d'âme ?

    Jésus nous a témoigné son amitié par le don de Lui-même ; nous devons L'aimer d'un amour actif et dévoué. La charité ne consiste pas en paroles ou en émotions ; c'est l'inspiration nécessaire des œuvres : Ce ne sont pas ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. (Mt VII, 21). - Aimons donc, non avec la langue et en paroles, mais par des actes et en vérité. (1 Jn III, 18). - Aimons, en nous oubliant nous-mêmes, pour la gloire de Jésus. Ne soyons pas sans cesse et uniquement préoccupés de notre mince personne dans le service divin ; c'est un reste d'idolâtrie, et Jésus ne veut pas d'idoles. Visons à l'amour désintéressé : c'est le seul véritable, ou du moins le seul parfait. Notre-Seigneur ne nous demande pas de Lui vendre notre cœur : Mon fils, donne-moi ton cœur. (Pr XXIII, 26), mais de le Lui offrir par un don spontané, généreux et sans retour.

    Ô Marie ! faites que les quelques amis que Jésus possède, dans la foule des indifférents, soient des amis parfaits !" »

    Méditations cartusiennes pour tous les jours de l'année, par un Chartreux, Tome premier (Jeudi de la quatrième semaine de l'Avent), Imprimerie de Parkminster, Sussex, 1920.

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  • Méditation : la volonté et le progrès spirituel

    « La raison pour laquelle nous ne sommes pas meilleurs que nous ne sommes, c'est que nous n'avons pas la volonté d'être meilleurs : le pécheur et le saint ne sont séparés, au fond de notre cœur, que par une série de minuscules décisions. Les extrêmes ne sont jamais aussi proches que dans le royaume de l'esprit.
    [...]
    Saint Thomas nous dit : "Nous ne sommes pas des saints parce que nous n'avons pas la volonté d'être des saints.". Il ne dit pas, remarquez-le bien, "parce que nous ne voulons pas être des saints" : beaucoup d'entre nous le désirent. Mais se contenter tout simplement de désirer, c'est souhaiter qu'il arrive quelque chose sans que nous ayons à intervenir. Avoir la volonté signifie que nous sommes résolus à payer le prix nécessaire en efforts et en sacrifices.
    Nous nous abusons souvent nous-mêmes en imaginant que nous avons eu la volonté de nous améliorer, alors qu'en fait nous avons accumulé de nombreuses restrictions mentales et admis que nous ne changerions rien à notre manière d'agir dans de nombreux domaines ; dans ce cas, cette opération de la "volonté" se réduit à un vœu gratuit. [...]
    Pour la plupart, nous vivons notre vie avec une fausse image de nous-mêmes à laquelle nous ne voulons pas renoncer ; nous redoutons de souffrir en nous découvrant moins nobles que nous n'aimons à le penser. Nous faisons passer la réalité à travers un filtre d'orgueil qui élimine toutes les vérités qui pourraient nous blesser.
    Ces restrictions auxquelles nous nous cramponnons, ces attitudes que nous ne voulons ni modifier ni abandonner, tout cela affecte nos jugements conscients et les rend inexacts. Avant de pouvoir jamais émerger dans la joie de la réalité divine, il nous faut descendre dans cet enfer où sont enfouies nos fautes inavouées...
    [...]
    Rien ne paralyse plus sûrement la vie spirituelle que ces parasites cachés dans le moteur de notre âme. Cela peut être de l'égoïsme, de l'amertume à l'égard d'autrui, de la jalousie, de la haine. Ceux qui essaient de se rapprocher de Dieu sans s'être eux-mêmes préalablement analysés se demandent pourquoi ils subissent de si fréquentes défaites ; invariablement, c'est à cause du cheval de Troie qui est en eux, à cause du défaut majeur qu'ils n'ont pas identifié. Tant qu'on n'a pas amené ce défaut en pleine lumière, tant qu'on ne l'a pas reconnu comme tel devant Dieu avec le ferme propos de le détruire, il ne peut y avoir de véritable progrès spirituel. »

    Vénérable Fulton Sheen (1895-1979), Le chemin du bonheur (10, IX), Trad. André Cubzac (Way to Happiness, 1953, Maco Magazine), Le Livre Contemporain, Paris, s.d.
    (Les Vertus héroïques de Mgr Fulton Sheen ont été reconnues le 28 juin 2012)

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  • Méditation : commencement du Temps de l'Avent

    « Nous devons attendre la venue de Jésus et le salut qu'Il nous apporte, mais avant tout l'espérer de la bonté infinie, de la toute-puissance de Dieu, sans lequel nous ne pouvons rien : ni être délivrés de nos péchés, ni être sauvés. - Il faut que la pluie tombe du ciel pour que la terre puisse se couvrir de fruits ; il faut que le Soleil divin se lève sur Jérusalem, pour que son éclat resplendisse aux yeux des nations. Qui veut vaincre ses ennemis spirituels en s'appuyant surtout sur sa valeur personnelle, court à une défaite certaine. - N'est-ce pas pour avoir trop peu compté sur le Seigneur que nous sommes encore si faibles dans le bien ? Les appuis que nous nous étions donnés se sont évanouis à l'heure du péril : Filii Ephrem conversi sunt in die belli (1).

    Cette confiance en l'assistance d'en haut n'exclue pas le travail : elle le réclame. Sans lui, elle deviendrait de la présomption. Dieu, qui nous a créés sans nous, ne nous sanctifiera pas sans nous ; il faut coopérer à son action, et en y coopérant L'incliner à la rendre plus forte. En attendant le fruit bienheureux de notre espérance, dit S. Paul, c'est-à-dire, la vue de Dieu et l'union à Dieu, ayons soin de vivre dans la sobriété, la justice et la piété.

    Dieu nous l'affirme, si nous sommes exacts à prêter nous-mêmes notre concours à sa grâce, Il infusera en nous cette sainteté que Lui seul peut donner. Quand bien même nos fautes nous auraient rendus, aux yeux de la divine justice, rouges comme la pourpre, la bonté de Dieu nous blanchira comme de la neige. - Le tout pour nous est donc de vouloir sérieusement notre progrès, de nous mettre généreusement à l’œuvre, et les grâces de vie intérieure nous seront données : Si volucritis et audicritis me, bona terrae comedetis. (2) »

    (1) : "Les fils d'Ephraïm se sont retirés au jour du combat." (Ps LXXVII, 9)
    (2) : "Si vous voulez m'obéir, vous jouirez des biens de la terre" (VIIe Leç. du Brév.)

    Méditations cartusiennes pour tous les jours de l'année, par un Chartreux, Tome premier (Premier dimanche de l'Avent), Imprimerie de Parkminster, Sussex, 1920.

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  • Méditation : notre misère et la miséricorde divine (2)

    « Dieu est notre Père
    Nous sommes ses enfants. Un père ne s'étonne pas des sottises de ses enfants. Dieu, le meilleur des pères, ne s'étonne pas de notre misère. Il nous sait petits et fragiles. "Il sait de quoi nous sommes formés : il se souvient que nous sommes poussière." (1)
    Un père veut que ses enfants lui ressemblent. Dieu nous veut à sa ressemblance divine, "parfaits" (2) comme Lui. Sublime exigence ! Sublime destinée !
    Hélas !... quelle distance il y a entre ce que nous sommes et ce que nous devons devenir ! D'autre part, est-ce notre faute si nous sommes enclins au mal, éloignés de Dieu, et entourés de tant de dangers ? Que deviendrait l'humanité, qui est pécheresse, si on ne faisait du ciel qu'avec de la sainteté !
    Heureusement, il se fait de la sainteté avec du péché, du péché qui se répare, comme le potier fait une œuvre d'art avec de l'argile, comme il se fait de l'eau pure avec de l'eau vaseuse qui est filtrée.
    Dieu comprend notre extrême misère, et c'est pourquoi Il nous offre sa miséricorde infinie. La multitude de nos fautes ne parviendra pas à égaler l'immensité de son amour pour nous, pauvres pécheurs. Dieu n'a pas eu de miséricorde pour les anges rebelles, parce qu'ils n'avaient pas de misères. Mais pour nous qui sommes pleins de misères, Dieu est miséricordieux. Sa miséricorde est la bonté en face de notre misère.
    Ce n'est pas notre perfection qui attire Dieu. C'est notre misère avouée qui attire sa miséricorde. »

    (1) : Ps. CII, 14.
    (2) : Matt. V, 48.

    Charles-Marie Massot, La Réconciliation Divine (ch. III), Maison Aubanel Père - Chez l'auteur, Paris, 1960.

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  • Méditation : la sainteté, oeuvre de Dieu, travail de l'homme

    « "Pour être saint, il faut laisser Dieu agir en nous ; que nous ne soyons plus rien pour qu'il soit tout." (1) "Que chacun de vous se regarde comme un instrument qui doit se mouvoir par Jésus-Christ." (2) L'instrument est là qui gît et attend l'heure, la main, la volonté, les exigences de l'ouvrier : il l'emploie s'il le veut, comme il le veut, quand il le veut, à quoi il le veut. Nous sommes encore comme une toile d'attente : le divin peintre n'a rien tant à cœur que de venir chaque jour, à chaque instant dessiner sur notre âme ses traits divins ; laissons-lui choisir, assortir les ors, varier les nuances ; il y mettra des rayons assez puissants pour montrer au monde ce qu'il sait faire, assez d'ombres "pour que l'orgueil ne nous enfle pas et ne nous fasse pas tomber dans les filets du démon" (3) Travail parfois lent au gré de mes désirs. L'artiste céleste sait ce qui convient à mon âme ; il a imprimé en un seul coup son image sur le voile de Véronique : qu'il ira donc vite si je lui donne toute liberté ! "La pensée qui me console, c'est que le Sacré-Cœur fera tout pour moi, si je le laisse faire : il voudra, il aimera, il désirera, il travaillera pour suppléer à tous mes défauts." (4)

    Ensuite, nous devons coopérer avec le Sauveur, fournir notre travail personnel. Sa grâce nous prévient, mais il n'agit pas sans nous. "Le mystère de la grâce est un mariage. Jésus est le prétendant de nos âmes. Un fiancé n'épouse pas celle qu'il a choisie, si elle ne veut point de lui ; de même le Fils de Dieu, fiancé divin, ne s'impose jamais à l'âme qu'il choisit librement dans son amour ; malheur à la vierge folle qui ne répond pas à ses avances." (5) ...

    Rien ne facilite cette coopération comme de substituer Notre-Seigneur à nous. Quand le prêtre porte l'hostie à l'autel, c'est du pain ; quand il a dit sur elle les paroles de la consécration, elle garde, il est vrai, les mêmes apparences ; pourtant, ce n'est plus du pain, c'est Jésus. Ainsi, sous l'influence de la grâce et surtout de la sainte communion, "il n'y aura plus en nous de l'humanité que les apparences extérieures ; la réalité, le dedans, le fond, ce sera Jésus." (6) »

    (1) : Vén. Mère Marie de Sales Chappuis
    (2) : St Jean-Baptiste de la Salle
    (3) : I Tim. III, 6
    (4) : Ste Marguerite-Marie
    (5) : Mgr de Ségur
    (6) : Card. Cusa

    Abbé F. Maucourant, La vie d'intimité avec le bon Sauveur (Onzième méditation), Nevers, 1898.

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    "Main au pinceau" par Jihelgé

  • Méditation : l'infini Mystère de Dieu

    « "Beaucoup de croyants sont convaincus qu'ils ont la Foi. En fait, le Dieu qu'ils honorent est souvent un Dieu fabriqué ou modifié par eux-mêmes. Ils n'acceptent pas ; ils choisissent ; ils ne reçoivent pas la Révélation, ils élaborent une divinité rationnelle, dangereuse ou coupable contrefaçon. Car Dieu est mystère. Son être infini échappe à nos prises. Ce n'est donc pas au terme d'un syllogisme et comme une idée claire et distincte que l'Absolu sera connu ; nous l'atteindrons par la Foi. Connaissance certaine illuminée par l'amour, mais toujours obscure. L'infini est au-delà de l'expérience humaine. La réalité trinitaire est ineffable et déborde toute intuition."

    Cardinal Suhard, Le sens de Dieu, Lettre pastorale, 1948, p.41.

    L'infinité de Dieu déconcerte et enthousiasme, tout ensemble. Il est à la foi le Maître absolu qui a tous les droits, dont on ne se moque pas, et le Père empressé à nous combler, qui nous veut attentifs à ses appels.

    La vie contemplative, c'est le Christ qui continue en nous de rechercher son Père, de l'appréhender, de le désirer. A la suite du Christ nous devons nous en approcher, le considérant non tel que nous l'imaginons, mais tel qu'il est, non pas à la mesure de notre esprit, mais à la taille de sa sainteté.

    L'âme de l'homme est un vide qui attend Dieu, dit Thomas Merton. »

    Fr. Joseph Vic, L'âme de toute vie contemplative (ch. VII), Abbaye N.D. de Sept-Fons - Dompierre s/Besbre, troisième édition (1972).

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  • Méditation : l'union à Jésus

    « Nous unir à Jésus, Lui demander de travailler en nous, de souffrir en nous, de prier en nous, nous considérer comme un membre du Christ, comme un instrument qu'Il doit Lui-même mettre en œuvre, comme un organe qu'Il doit animer, quelle pratique consolante et fortifiante ! Quand nous agissons, quand nous accomplissons nos devoirs d'état, nous sentons vivement notre impuissance ; quand nous souffrons, nous constatons avec peine que nous ne savons guère bien souffrir ; quand nous prions, nous nous trouvons fort indignes et nous avons conscience que nos prières ne peuvent guère glorifier notre Dieu. Donc unissons-nous à Jésus, demandons-Lui de remplir Lui-même en nous toutes ces saintes fonctions ; puis consolons-nous : Jésus, que nous avons appelé, est venu ; Il veut bien travailler, souffrir, prier en nous et donner à toutes nos œuvres une dignité, un mérite, une efficacité qu'elles n'auraient pas sans Lui. "Il nous faut toutes consommer, écrivait à une visitandine de Moulins sainte Marguerite-Marie, dans cette ardente fournaise du Sacré-Cœur de notre adorable Maître... et après avoir perdu notre cœur de corruption dans ces divines flammes du pur amour, il nous y en faut prendre un tout nouveau, qui nous fasse désormais vivre d'une vie toute renouvelée... il faut que ce divin Cœur de Jésus soit tellement substitué à la place du nôtre que lui seul vive et agisse en nous et pour nous, que sa volonté tienne tellement la nôtre anéantie qu'elle puisse agir absolument sans résistance de notre part ; enfin que ses affections, ses pensées et ses désirs soient en la place des nôtres, mais surtout son amour, qui s'aimera lui-même en nous et pour nous." (Œuvres, t.II, p.468.)

    On connaît bien la belle prière de M. Olier : "Ô Jésus vivant en Marie, venez et vivez en nous dans votre esprit de sainteté, dans la plénitude de votre puissance, dans la perfection de vos voies, dans la vérité de vos vertus, dans la communion de vos divins mystères ; dominez en nous sur toutes les puissances ennemies, dans la vertu de votre Esprit et pour la gloire de votre Père."

    Ainsi, que Jésus reproduise en nous ses vertus, nous communiquant les dispositions qu'Il avait dans les mystères de sa vie mortelle, l'humilité de son incarnation, la pauvreté de sa naissance, le recueillement de sa vie cachée, le zèle de sa vie publique, la ferveur de ses oraisons, la générosité de son immolation, si bien que Dieu voie en chacun de nous, non plus la créature avec ses misères, mais l'image fidèle, la photographie de son divin Fils, en qui Il a mis toutes ses complaisances ; on peut même dire : qu'Il voie en nous Jésus lui-même nous couvrant, nous enveloppant, nous cachant en Lui, Jésus nous animant, nous mouvant, agissant en nous et par nous. »

    Abbé Auguste Saudreau (1859-1946), L'idéal de l'âme fervente (ch.V : Jésus vivant en nous), Paris - Arras - Angers, Charles Amat - Brunet - G. Grassin, 1923.

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  • Benoît XVI : « Que veut dire être saint ? »

    « Que veut dire être saint ? Qui est appelé à être saint ? On est souvent porté encore à penser que la sainteté est une destination réservée à de rares élus. Saint Paul, en revanche, parle du grand dessein de Dieu et affirme : « C'est ainsi qu'Il (Dieu) nous a élus en lui (le Christ), dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour » (Ep 1, 4). Et il parle de nous tous. Au centre du dessein divin, il y a le Christ, dans lequel Dieu montre son Visage : le Mystère caché dans les siècles s'est révélé en plénitude dans le Verbe qui s'est fait chair. Et Paul dit ensuite : « Car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la plénitude » (Col 1, 19). En Christ, le Dieu vivant s'est fait proche, visible, touchable, il s’est fait entendre afin que chacun puisse puiser de sa plénitude de grâce et de vérité (cf. Jn 1, 14-16). C'est pourquoi toute l'existence chrétienne connaît une unique loi suprême, celle que saint Paul exprime dans une formule qui revient dans tous ses écrits : en Jésus Christ. La sainteté, la plénitude de la vie chrétienne ne consiste pas à accomplir des entreprises extraordinaires, mais à s'unir au Christ, à vivre ses mystères, à faire nôtres ses attitudes, ses pensées, ses comportements. La mesure de la sainteté est donnée par la stature que le Christ atteint en nous, par la mesure dans laquelle, avec la force de l'Esprit Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne. C'est être conformes à Jésus, comme affirme saint Paul : « Car ceux que d'avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l'image de son Fils » (Rm 8, 29). Et saint Augustin s'exclame : « Ma vie sera vivante toute pleine de Toi » (Confessions, 10, 28). Le Concile Vatican II, dans la Constitution sur l’Église, parle avec clarté de l'appel universel à la sainteté, en affirmant que personne n'en est exclu : « A travers les formes diverses de vie et les charges différentes, il n’y a qu’une seule sainteté cultivée par tous ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui... marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire » (Lumen gentium, n. 41).

    Mais la question demeure : comment pouvons-nous parcourir la voie de la sainteté, répondre à cet appel ? Puis-je le faire avec mes propres forces ? La réponse est claire : une vie sainte n’est pas principalement le fruit de notre effort, de nos actions, car c’est Dieu, le trois fois Saint (cf. Is 6, 3), qui nous rend saints, c’est l’action de l’Esprit Saint qui nous anime de l’intérieur, c’est la vie même du Christ ressuscité qui nous est communiquée et qui nous transforme. Pour le dire encore une fois avec le Concile Vatican II : « Appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son dessein gracieux, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par là même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie » (ibid., n. 40). La sainteté a donc sa racine ultime dans la grâce baptismale, dans le fait d’être greffés dans le Mystère pascal du Christ, avec lequel nous est communiqué son Esprit, sa vie de Ressuscité. Saint Paul souligne de manière très puissante la transformation que la grâce baptismale accomplit dans l’homme et il arrive à créer une terminologie nouvelle, forgée avec le préfixe "co" : co-morts, co-ensevelis, co-ressuscités, co-vivifiés avec le Christ: notre destin est indissolublement lié au sien. « Si par le baptême — écrit-il — dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts » (Rm 6, 4). Mais Dieu respecte toujours notre liberté et demande que nous acceptions ce don et vivions les exigences qu’il comporte, il demande que nous nous laissions transformer par l’action de l’Esprit Saint, en conformant notre volonté à la volonté de Dieu.

    Comment notre façon de penser et nos actions peuvent-elles devenir la manière de penser et d’agir du Christ et avec le Christ ? Quelle est l’âme de la sainteté ? Le Concile Vatican II précise à nouveau : « Dieu est charité et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui (cf. 1 Jn 4, 16). Sa charité, Dieu l’a répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné (cf. Rm 5, 5). La charité qui nous fait aimer Dieu par-dessus tout et le prochain à cause de lui est par conséquent le don premier et le plus nécessaire. Mais pour que la charité, comme un bon grain, croisse dans l’âme et fructifie, chaque fidèle doit s’ouvrir à la Parole de Dieu et, avec l’aide de sa grâce, mettre en œuvre sa volonté, participer fréquemment aux sacrements, surtout à l’Eucharistie, et aux actions sacrées, s’appliquer avec persévérance à la prière, à l’abnégation de soi-même, au service actif de ses frères et à l’exercice de toutes les vertus. La charité en effet, étant le lien de la perfection et la plénitude de la loi (cf. Col 3, 14 ; Rm 13, 10), oriente tous les moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur fin » (Lumen gentium, n. 42). Peut-être ce langage du Concile Vatican II est-il encore un peu trop solennel pour nous, peut-être devons-nous dire les choses de manière encore plus simple. Qu’est-ce qui est essentiel ? Il est essentiel de ne jamais laisser passer un dimanche sans une rencontre avec le Christ Ressuscité dans l’Eucharistie; cela n’est pas un poids en plus, mais une lumière pour toute la semaine. Il ne faut pas commencer ni finir une journée sans avoir au moins un bref contact avec Dieu. Et, sur la route de notre vie, suivre les "panneaux routiers" que Dieu nous a communiqués dans le Décalogue lu avec le Christ, qui est tout simplement l’explicitation de ce qu’est la charité dans des situations déterminées. Il me semble que cela est la véritable simplicité et la grandeur de la vie de sainteté : la rencontre avec le Ressuscité le dimanche ; le contact avec Dieu au début et à la fin de la journée ; suivre, dans les décisions, les "panneaux routiers" que Dieu nous a communiqués, qui sont seulement des formes de charité. « C’est donc la charité envers Dieu et envers le prochain qui marque le véritable disciple du Christ » (Lumen gentium, n. 42). Telle est la véritable simplicité, grandeur et profondeur de la vie chrétienne, du fait d’être saints.

    Voilà pourquoi saint Augustin, en commentant le quatrième chapitre de la Première Lettre de saint Jean, peut affirmer une chose courageuse : « Dilige et fac quod vis », « Aime et fais ce que tu veux ». Et il poursuit : « Si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle par amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par amour ; qu’en toi se trouve la racine de l’amour, car de cette racine ne peut rien procéder d’autre que le bien » (7, 8 : PL 35). Celui qui est guidé par l’amour, qui vit la charité pleinement est guidé par Dieu, car Dieu est amour. C’est ce qui donne sa valeur à cette grande parole : « Dilige et fac quod vis », « Aime et fais ce que tu veux ».

    Sans doute pourrions-nous nous demander : pouvons-nous, avec nos limites, avec notre faiblesse, tendre à des sommets si élevés ? Au cours de l’Année liturgique, l’Église nous invite à faire mémoire d’une foule de saints, c’est-à-dire de ceux qui ont vécu pleinement la charité, qui ont su aimer et suivre le Christ dans leur vie quotidienne. Ils nous disent qu’il est possible pour tous de parcourir cette voie. A toute époque de l’histoire de l’Église, à toute latitude de la géographie du monde, les saints appartiennent à tous les âges et à tous les états de vie, ils ont le visage concret de chaque peuple, langue et nation. Et ils sont de types très divers. En réalité, je dois dire qu’en ce qui concerne ma foi personnelle également, de nombreux saints, pas tous, sont de véritables étoiles dans le firmament de l’histoire. Et je voudrais ajouter que pour moi, ce sont non seulement certains grands saints que j’aime et que je connais bien qui "indiquent la voie", mais précisément les saints simples également, c’est-à-dire les personnes bonnes que je vois dans ma vie, qui ne seront jamais canonisées. Ce sont des personnes normales, pour ainsi dire, sans héroïsme visible, mais dans leur bonté quotidienne, je vois la vérité de la foi. Cette bonté, qu’elles ont mûrie dans la foi de l’Église, est pour moi la plus sûre apologie du christianisme et le signe qui indique où se trouve la vérité.

    Dans la communion des saints, canonisés et non canonisés, que l’Église vit grâce au Christ dans tous ses membres, nous jouissons de leur présence et de leur compagnie et nous cultivons la ferme espérance de pouvoir imiter leur chemin et partager un jour la même vie bienheureuse, la vie éternelle.

    Chers amis, comme la vocation chrétienne est grande et belle, et également simple, vue sous cette lumière ! Nous sommes tous appelés à la sainteté : elle est la mesure même de la vie chrétienne. Encore une fois, saint Paul l’exprime avec une grande intensité, lorsqu’il écrit : « Chacun de nous a reçu sa part de la faveur divine selon que le Christ a mesuré ses dons... C'est lui encore qui “a donné” aux uns d'être apôtres, à d'autres d'être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4, 7. 11-13). Je voudrais inviter chacun à s’ouvrir à l’action de l’Esprit Saint, qui transforme notre vie, pour être nous aussi comme des pièces de la grande mosaïque de sainteté que Dieu crée dans l’histoire, afin que le visage du Christ resplendisse dans tout son éclat. N’ayons pas peur de tendre vers le haut, vers les sommets de Dieu; n’ayons pas peur que Dieu nous demande trop, mais laissons-nous guider dans chacune de nos actions quotidiennes par sa Parole, même si nous nous sentons pauvres, inadéquats, pêcheurs : c’est Lui qui nous transformera selon son amour. Merci. »

    Benoît XVI, Audience générale du 13 avril 2011.
    (Source et texte intégral - © Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana)

  • Méditation : la Toussaint

    « L'intention de l’Église est d'honorer aujourd'hui tous les saints ensemble. Je les aime, je les invoque, je m'unis à eux, je joins ma voix aux leurs pour louer Celui qui les a faits saints. Que volontiers je m'écrie avec cette Église céleste : Saint, Saint, Saint ! à Dieu seul la gloire ! que tout s'anéantisse devant lui !

    Je vois les saints de tous les âges, de tous les tempéraments, de toutes les conditions : il n'y a donc ni âge, ni tempérament, ni condition qui exclue de la sainteté. Ils ont eu au dehors les mêmes obstacles, les mêmes combats que nous ; ils ont eu au dedans, les mêmes répugnances, les mêmes sensibilités, les mêmes tentations, les mêmes révoltes de la nature corrompue ; ils ont eu des habitudes tyranniques à détruire, des rechutes à réparer, des illusions à craindre, des relâchements flatteurs à rejeter, des prétextes plausibles à surmonter, des amis à craindre, des ennemis à aimer, un orgueil à saper par le fondement, une humeur à réprimer, un amour-propre à poursuivre sans relâche jusque dans les derniers replis du cœur.

    Ah ! que j'aime à voir les saints, faibles comme moi, toujours aux prises avec eux-mêmes, n'ayant jamais un seul moment d'assuré ! J'en vois dans la retraite livrés aux plus cruelles tentations ; j'en vois dans les prospérités les plus redoutables et dans le commerce du siècle le plus empesté. Ô grâce du Sauveur, vous éclatez partout, pour mieux montrer votre puissance, et pour ôter toute excuse à ceux qui vous résistent ! Il n'y a ni habitude enracinée, ni tempérament ou violent ou fragile, ni croix accablantes, ni prospérités empoisonnées, qui puissent nous excuser, si nous ne pratiquons pas l’Évangile. [...]

    Dirai-je avec le monde insensé : Je veux bien me sauver, mais je ne prétends pas être un saint ? Ah ! qui peut espérer son salut sans la sainteté ? Rien d'impur n'entrera au royaume des cieux ; aucune tache n'y peut entrer ; si légère qu'elle puisse être, il faut qu'elle soit effacée, et que tout soit purifié jusque dans le fond par le feu vengeur de la justice divine, ou en ce monde ou en l'autre : tout ce qui n'est pas dans l'entier renoncement à soi et dans le pur amour qui rapporte tout à Dieu sans retour, est encore souillé. Ô sainteté de mon Dieu, aux yeux duquel les astres mêmes ne sont pas assez purs ! Ô Dieu juste, qui jugerez toutes nos imparfaites justices ! mettez la vôtre au dedans de mes entrailles pour me renouveler ; ne laissez rien en moi de moi-même. » (VI, 70)

    Fénelon, Pour la fête de tous les saints, in "Œuvres spirituelles", Manuel de piété, Coll. Les maîtres de la spiritualité chrétienne, Aubier, Paris, 1954.

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    Tableau du Tintoret (Jacopo Robusti Tintoretto, 1518-1594)

  • Méditation : le Rosaire avec le Bx Jean-Paul II (fêté ce jour en France)

    « La méditation des mystères du Christ est proposée dans le Rosaire avec une méthode caractéristique, capable par nature de favoriser leur assimilation. C'est une méthode fondée sur la répétition. Cela vaut avant tout pour l'Ave Maria, répété dix fois à chaque mystère. Si l'on s'en tient à cette répétition d'une manière superficielle, on pourrait être tenté de ne voir dans le Rosaire qu'une pratique aride et ennuyeuse. Au contraire, on peut considérer le chapelet tout autrement, si on le regarde comme l'expression de cet amour qui ne se lasse pas de se tourner vers la personne aimée par des effusions qui, même si elles sont toujours semblables dans leur manifestation, sont toujours neuves par le sentiment qui les anime.
    Dans le Christ, Dieu a vraiment assumé un "cœur de chair". Il n'a pas seulement un Cœur divin, riche en miséricorde et en pardon, mais il a aussi un cœur humain, capable de toutes les vibrations de l'affection. Si nous avions besoin d'un témoignage évangélique à ce propos, il ne serait pas difficile de le trouver dans le dialogue émouvant du Christ avec Pierre, après la Résurrection : "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?" Par trois fois la question est posée, par trois fois la réponse est donnée : "Seigneur, tu sais bien que je t'aime" (cf. Jn 21, 15-17). Au-delà de la signification spécifique de ce passage si important pour la mission de Pierre, la beauté de cette triple répétition n'échappe à personne : par elle, la demande insistante et la réponse correspondante s'expriment en des termes bien connus de l'expérience universelle de l'amour humain. Pour comprendre le Rosaire, il faut entrer dans la dynamique psychologique propre à l'amour.
    Une chose est claire : si la répétition de l'Ave Maria s'adresse directement à Marie, en définitive, avec elle et par elle, c'est à Jésus que s'adresse l'acte d'amour. La répétition se nourrit du désir d'être toujours plus pleinement conformé au Christ, c'est là le vrai "programme" de la vie chrétienne. Saint Paul a énoncé ce programme avec des paroles pleines de feu : "Pour moi, vivre c'est le Christ, et mourir est un avantage" (Ph 1, 21). Et encore : "Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 20). Le Rosaire nous aide à grandir dans cette conformation jusqu'à parvenir à la sainteté.

    Prière pour la paix, le Rosaire est aussi, depuis toujours, la prière de la famille et pour la famille. Il fut un temps où cette prière était particulièrement chère aux familles chrétiennes et en favorisait certainement la communion. Il ne faut pas perdre ce précieux héritage. Il faut se remettre à prier en famille et à prier pour les familles, en utilisant encore cette forme de prière.
    Si, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai encouragé même les laïcs à célébrer la Liturgie des Heures dans la vie ordinaire des communautés paroissiales et des divers groupes chrétiens (Cf. n.34), je désire faire la même chose pour le Rosaire. Il s'agit de deux voies de la contemplation chrétienne qui ne s'opposent pas, mais se complètent. Je demande donc à ceux qui se consacrent à la pastorale des familles de suggérer avec conviction la récitation du Rosaire.
    La famille qui est unie dans la prière demeure unie. Par tradition ancienne, le saint Rosaire se prête tout spécialement à être une prière dans laquelle la famille se retrouve. Les membres de celle-ci, en jetant véritablement un regard sur Jésus, acquièrent aussi une nouvelle capacité de se regarder en face, pour communiquer, pour vivre la solidarité, pour se pardonner mutuellement, pour repartir avec un pacte d'amour renouvelé par l'Esprit de Dieu.
    De nombreux problèmes des familles contemporaines, particulièrement dans les sociétés économiquement évoluées, dépendent du fait qu'il devient toujours plus difficile de communiquer. On ne parvient pas à rester ensemble, et les rares moments passés en commun sont absorbés par les images de la télévision. Recommencer à réciter le Rosaire en famille signifie introduire dans la vie quotidienne des images bien différentes, celles du mystère qui sauve : l'image du Rédempteur, l'image de sa Mère très sainte. La famille qui récite le Rosaire reproduit un peu le climat de la maison de Nazareth : on place Jésus au centre, on partage avec lui les joies et les souffrances, on remet entre ses mains les besoins et les projets, on reçoit de lui espérance et force pour le chemin. »

    Bx Jean-Paul II (fêté ce jour), Encyclique Rosarium Virginis Mariae (26 & 41), 16 octobre 2002.

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    La Vierge de la fête du Rosaire (Das Rosenkranzfest) par Dürer (1506)
    Galerie nationale de Prague

  • Un mois avec Marie - Vingt et unième jour

    UN MOIS AVEC MARIE

    VINGT ET UNIÈME JOUR
    La Mortification

    Stabat MaterBeaucoup accompagnent volontiers le Sauveur au Thabor, mais combien peu au Calvaire !
    Seul, saint Jean représentait le Collège apostolique au pied de la Croix. Il est vrai que tous les Apôtres moururent martyrs par la suite, lorsqu'ils se furent ressaisis.
    Ils formaient une élite.
    Le véritable amour de Dieu ne consiste pas à éprouver une ferveur sensible, une jouissance égoïste, il est un don, une immolation de soi par la pratique du devoir. Il ne peut donc naître, vivre et grandir que dans l'atmosphère de l'abnégation, de la mortification.
    Parmi la foule des humains, clairsemés sont ceux qui le comprennent. Peu d'âmes marchent rapidement dans la voie de cet amour, parce qu'il y en a bien peu qui entrent généreusement dans la voie du sacrifice.
    Cependant, notre céleste Mère nous le dit : « La mortification et le sacrifice plaisent beaucoup à Jésus. »
    Une seule chose importe vraiment ici-bas : aimer Dieu en vérité, c'est-à-dire devenir un Elu : un Saint. Cela requiert une sincère et persévérante bonne volonté, car la nature déchue est fertile en fruits sauvages ; mais pour en produire de bons, elle demande à être greffée.
    Qui veut se sauver doit donc tout d'abord réprimer énergiquement ses inclinations défectueuses, c'est-à-dire, les mortifier.
    Mortifier, c'est donner la mort à quelque chose qui vit : à un désir, un sentiment répréhensibles, à un jugement faux, à une pensée, un dessein mauvais. Depuis la chute originelle, mourir à soi-même demeure la loi - austère assurément, mais nécessaire - loi vitale sans laquelle la meilleure semence spirituelle demeurerait infructueuse.
    La pierre de touche de la sainteté se nomme : mortification.
    Pourquoi tant la redouter puisqu'elle est le creuset dans lequel se forme la vertu ?
    L'or se purifie dans le feu. De même, l'âme se purifie et se fortifie dans la tribulation. Il y a peu de Saints parce qu'il y a peu d'âmes mortifiées. « Si l'on avait plus de foi, on vivrait de mortification comme de pain, tandis qu'on la fuit comme la peste. »
    Comme notre adorable Sauveur, aimons le monde des âmes. Il l'a aimé, Lui, jusqu'à la Passion : « Je suis venu pour le sauver (1) ».
    Aimons-le avec le Père qui ne cesse point de l'aimer : « Dieu a tellement aimé le monde (2).... »
    Mais gardons-nous de l' « esprit mondain » : esprit terrestre, esprit charnel de jouissance, d'orgueil, de cupidité : infusé par le prince des ténèbres, prince de ce monde.
    Travaillons à soumettre notre nature à la raison. Qu'importe si elle gémit pourvu que l'esprit triomphe. Plus nous avançons dans le chemin de la mortification, plus nous nous rapprochons de Dieu. Jésus prend place en nous selon l'espace libre qu'il y trouve.
    « Fais-toi capacité, je me ferai torrent », disait-il à une sainte âme (3).
    Oh ! le merveilleux stimulant ! Mourir à ses passions, se vider de soi-même pour se remplir de Dieu !
    Mais hâtons-nous car le temps a des ailes : il s'enfuit sans retour. Que voudrions-nous avoir fait à l'heure de la mort ?
    Écoutons les avis du bon Maître : « La mortification est comme le canal par où passent mes grâces de choix. Si ce canal est petit, il en passe peu, mais s'il est grand, il en passe beaucoup. Si tu veux demeurer dans l'embrassement de l'Amour, reste dans l'embrassement du sacrifice. »
    Nul aussi bien que Marie n'a pratiqué ces divins conseils ; livrons-nous à son Cœur maternel, afin qu'elle nous aide à mourir au « moi » et à ses convoitises malsaines. Là, sont notre perfection et notre bonheur, même sur cette terre, où ne sont intimement, réellement heureux que les Saints.

    PRIÈRE

    Ô Cœur très pur de ma divine Mère, daignez m'obtenir du Cœur de Jésus cet esprit chrétien qui conduit à la pureté du cœur, qui n'entretient que de bonnes pensées, qui ne forme que de généreux desseins, qui réserve ses empressements pour les choses de l’Éternité. Que toutes les autres préoccupations soient déjà pour moi ce qu'elles seront à ma dernière heure, ce qu'elles sont aux yeux de Dieu : vanité, néant, misère.

    Reine de tous les Saints, priez pour nous.

    (1) Jo. III, 17.
    (2) Jo. III, 16.
    (3) Sainte Catherine de Sienne.

    Œuvre de Propagande du Sacré-Cœur, Lyon, 1945.
    Nihil obstat : Montepessulano, 12.03.1945 – A. Bonjean, c.d.
    Imprimatur : Montepessulano, 13.03.1945 – Jean Rouquette, v.g.

  • Un mois avec Marie - Seizième jour

    UN MOIS AVEC MARIE

    SEIZIÈME JOUR
    L’Esprit surnaturel

    lumière dans la nuitL'esprit surnaturel, l'esprit de Foi : voilà l'étoile qui éclaire ici-bas nos ténèbres.
    Laissons-la briller cette étoile bienfaisante, en notre Ciel si souvent orageux. Elle nous guidera en dissipant nos illusions, nos erreurs ; elle nous apaisera et nous consolera. Par elle nos peines, nos épreuves seront irradiées d'une clarté sereine venue de l'Au-Delà. Avec la force pour les supporter se répandra en nos âmes une certaine joie si profonde, si intime que nous la goûterons sans savoir l'exprimer.
    Que voyons-nous autour de nous ? Des créatures animées, inanimées - des personnes, des choses. Chacune a sa valeur propre, mais il y a deux façons de la regarder.
    Selon nos expériences et appréciations purement humaines, prenons tout à tour les plaisirs ! Ils ne durent qu'un moment !... La richesse ! La fortune inconstante n'empêche point de souffrir, de pleurer !... L'humanité ! Combien oublieuse, trompeuse et souvent méchante !...
    Attristés et déçus, l'on est tenté de se dire :
    « Aucune de ces choses ne vaut la peine qu'on se donne pour elle ! »
    Mais ouvrons maintenant sur chacune d'elles notre œil surnaturel. Les plaisirs honnêtes et permis seront une détente, un repos permettant au corps et à l'âme une activité renouvelée dans le travail ; un élan, une ascension plus soutenue vers le bien. — La fortune nous paraîtra un bien précieux quand on sait s'en servir. Le riche qui pleure adoucit ou tarit ses larmes en séchant celles des autres. — A côté des cœurs secs nous en verrons d'autres pleins de bonté. Les natures égoïstes feront ressortir les natures généreuses. Auprès des âmes viles, rampantes, dégradées nous découvrirons des âmes nobles et montantes ; des âmes divinisées par la grâce.
    Et nous constaterons que même sur la terre, il y a des joies très douces, très pures, très belles. Pour en parsemer notre existence il suffit de vivre de l'esprit de foi, de l'esprit surnaturel, à l'exemple de Marie, notre Mère.
    Mais, objecterez-vous, et les épreuves que notre pauvre nature redoute et fuit de tout son pouvoir ? — Oui, la souffrance nous effraie sans que nous puissions l'éviter bien souvent... Et nous la subissons en maugréant alors qu'il faudrait l'accepter pour la rendre plus légère et la sanctifier. Quel dommage !
    Dardons sur nos peines le grand projecteur surnaturel. En chacune d'elles, il nous montrera une pépite d'or à recueillir.
    La pauvreté chrétiennement supportée, c'est la richesse pour le Ciel. Elle nous assimile au Christ ouvrier, qui « n'avait pas où reposer sa tête ».
    Les privations (ou restrictions) nous permettent d'expier dès ici-bas, nos fautes de sensualité, de gourmandise, d'intempérance peut-être...
    La maladie ! un temps de solitude propre à nous rapprocher de Dieu.
    La Foi nous consolera même de la perte d'êtres chers, en nous les montrant qui nous attendent dans la gloire : « Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur, ils vont aussitôt se reposer dans le Seigneur, car leurs œuvres les suivent » (1).
    Quant aux fruits de la malice humaine : injustices, trahisons, calomnies, persécutions, etc..., ce sont des maux qui, certes, ne viennent pas du Ciel... Mais le secours en vient. Fiez-vous à la Providence, elle est plus forte que les forts. Un jour ou l'autre, elle remettra tout en place.
    Ce n'est pas celui qui supporte le mal qui doit trembler, c'est celui qui le fait.
    Gardons-nous de perdre le mérite de nos souffrances par notre manque de Foi, de soumission : nous aurions la douleur sans sa compensation.
    Les épreuves de la Vierge ont coopéré à la réalisation du plan divin de la Rédemption : le rachat du genre humain. Et elles ont procuré à Marie elle-même une gloire, une félicité qui surpassent celles de tous les Saints.
    Que résultera-t-il de nos peines chrétiennement supportées ? Très sûrement, pour nous, des grâces précieuses de sanctification. Peut-être la conversion d'êtres chers. Et... des grâces de régénération et de paix pour notre France tant aimée.
    Imprégnons-nous d'esprit surnaturel jusqu'à le rayonner autour de nous. Au lieu des phrases banales en usage, à ceux qui souffrent disons, avec le mot du cœur qui touche, la parole réconfortante qui élève au-dessus de ce qui passe et qui fait déjà goûter l'Infini.

    PRIÈRE

    Marie, conçue sans péché, regardez la France, sauvez la France, priez pour la France.
    Plus elle est coupable, plus elle a besoin de votre intercession. Ô Marie, un mot à Jésus reposant dans vos bras, et la France est sauvée !
    Ô Jésus, obéissant à Marie, sauvez la France !
    Ô Marie, Reine de France, convertissez-nous, sauvez-nous !


    (1) Apocalypse, Joan. XIV, 13.

    Œuvre de Propagande du Sacré-Cœur, Lyon, 1945.
    Nihil obstat : Montepessulano, 12.03.1945 – A. Bonjean, c.d.
    Imprimatur : Montepessulano, 13.03.1945 – Jean Rouquette, v.g.